27 juin 2006

Lola est partie.

Elle a déménagé aujourd'hui. Changée de ville, pour des raisons professionnelles. Une autre amie qui s'éloigne de moi. Oh, elle n'est pas partie à l'autre bout du monde. Mais il ne sera plus possible de s'inviter impulsivement à souper ou à passer la soirée ensemble comme nous avions recommencer à le faire sur une base quasi régulière depuis un an.

Je sais que je n'ai pas souvent parler d'elle ici. Une sorte de pudeur sans doute, parce qu'elle connait ce journal, même si elle ne le lit plus depuis des années. Pourquoi le ferait-elle ? Après tout, elle sait tout de moi. Elle peut en apprendre davantage de ma bouche qu'elle ne le ferait en lisant ces lignes, car elle sait que je ne lui cache rien, que je ne lui cacherai jamais rien.

Lola est précieuse pour moi. Terriblement précieuse.

Le départ de Lola, et l'approche de mes vacances aussi sans doute, m'ont beaucoup fait penser à la solitude dernièrement. Cette solitude qui ne me lâche jamais. J'ai fait quelques randonnées en fin de semaine, et encore une fois je ne pouvais m'empêcher de penser que toutes les merveilles dont j'étais témoin prendraient tout leur sens si je pouvais les partager avec quelqu'un. J'ai même ressenti un peu d'angoisse à la pensée de mes projets d'avenir, à l'idée de me retrouver complètement seul, jour après jour, semaine après semaine, année après année, dans cet environnement idéal dont je serai le seul à jouir.

Il y a donc des jours où je rêve de ce moment, où je meurs d'impatience et où je voudrais déjà sauter quatre ans dans l'avenir et m'y retrouver tout de suite. Puis, il y a ces autres moments, où je m'y vois comme si j'y étais déjà, et où je sens l'angoisse s'emparer de moi.

Je n'ai jamais dit que ce projet était la solution parfaite. Mais dans les circonstances, c'est le meilleur choix possible. C'est triste me direz-vous, quand un homme en est réduit non pas à chercher à se créer un avenir dans lequel il se sentira le mieux, mais plutôt un avenir dans lequel il se sentira le moins mal. Mais que ça me plaise ou non, c'est la situation dans laquelle je me trouve, après plus de quarante années à naviguer tant bien que mal dans ce monde auquel je ne comprend rien, qui est contraire à tout ce que la plus profonde fibre de mon être considère comme bon et juste, et dans lequel j'ai appris à fonctionner malgré tout, mais seulement au prix d'un effort et d'une vigilance constante qui m'épuisent, me minent, me grugent petit à petit comme un cancer, et finiront inévitablement par avoir raison de moi.

Certain naissent aveugles, d'autres sourds, d'autres encore sans bras ou sans jambes. Moi, je suis né comme je suis: un mutant, un "anormal" qui ne se reconnait dans aucun de ceux et celles qu'il devrait pourtant pouvoir appeler ses "semblables".


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