22 octobre 2006

Vous connaissez la série télévisée "Les Soprano" ? À un certain moment dans cette série, le bonhomme Soprano consulte une psy et prend des Prosac pour combattre une dépression. Et le pire, c'est qu'il a l'air tout surpris de ça et se demande d'où cela peut-il bien venir.

Qu'en pensez-vous ? Serait-il possible que ses problèmes puissent provenir du fait qu'il soit une saleté de crapule et un salopard d'assassin ? Non ?

Ce qui me fait le plus suer dans ce genre de série, c'est qu'elles présentent, de façon quelque peu romancée mais néanmoins relativement réaliste, des gens qui existent vraiment. Des membres de la pègre, des groupes de motards criminels ou de gang de rue qui, durant une journée typique vont terroriser, battre, violer et tuer des gens innocents, puis rentrer à la maison le soir, faire la bise à leur femme, jouer avec leurs enfants, écouter la télé ou aller prendre une bière ou voir un spectacle avec leurs copains. Des gens que rien ne distingue de vos voisins ou amis, du moins en surface.

Et vous voulez savoir le plus drôle dans tout ça ? Il n'y a absolument rien qui va de travers avec ces gens. Ils sont tout à fait normaux, tout à fait équilibrés. Ils ne sont pas le résultat d'un quelconque traumatisme subit durant l'enfance, d'une père abusif, d'une mère absente, ou de rien de ce genre.

En fait, leur seul problème, si problème il y a, c'est qu'ils se comportent exactement comme nos ancêtres préhistoriques se comportaient il y a des dizaines de milliers d'années de ça. Pour nos ancêtres, tout tournait autour du concept de la tribu. Seuls les membres de la tribu étaient reconnus comme des humains à part entière, dignes de recevoir leur juste part des ressources durement recueillis, dignes de recevoir amitié, amour et compassion. Tout, absolument tout ce qui ne faisait pas parti de la tribu, minéral, végétal, animal, et même humain, était invariablement classé dans l'une des deux catégories suivantes: Une ressource, ou un compétiteur. Les premières devaient être exploitées, les seconds, éliminés. Tout simplement.

La seule et unique chose qui différencie les sociopathes de gens comme vous et moi, c'est l'étendue, dans leur cerveau, de ce qu'ils englobent dans leur conception de la "tribu". Tout le spectre est représenté dans l'humanité d'aujourd'hui. À un extrême de ce spectre, il y a le sociopathe. Pour lui, la tribu est constituée d'une seule et unique personne: Lui-même. Il ne ressent aucune sympathie, aucune empathie, aucune compassion pour quoi que ce soit ou qui que ce soit d'autre. Toute chose ou être, sans exception, est perçu comme une ressource à exploiter. Ils peuvent tuer n'importe qui, n'importe quand, sans la moindre hésitation, et ne ressentiront de regret qui s'ils croient qu'ils auraient pu encore tirer quelque chose de leur victime.

Au milieu de ce spectre, il y a la vaste majorité des gens sur la terre. Ce qu'ils considèrent comme leur tribu est une zone diffuse au centre de laquelle se trouve leur famille immédiate: conjoint et enfants, pour lesquelles ils n'auront aucune hésitation à se priver et même à risquer leur vie. Puis, au fur et à mesure que l'on s'éloigne de ce centre, on retrouve d'autres gens: famille éloignée, voisins, amis, collègues, concitoyens, personnalités publiques auxquels ils sont exposés sur une base régulière par les médias, brefs, des gens pour qui leur niveaux d'empathie et de compassion diminue de façon proportionnelle à l'accroissement de la "distance sociale" entre eux.

Près de l'autre extrême, il y a les altruistes et les grands philanthropes, ceux qui perçoivent sincèrement et réellement tous les humains de la planète comme des membres de leur famille immédiate, ceux qui sont réellement autant affectés par la souffrance ou la mort d'un parfait inconnu quelque part à l'autre bout du monde que par celles d'une connaissance proche. Ceux pour qui la vie est un véritable enfer et qui ne peuvent faire autrement que de se sacrifier continuellement pour venir en aide à ceux et celles qui travaillent à éliminer le malheur et la souffrance de la surface de la terre, et à consacrer leur vie entière à cette tâche.

Je suis profondément convaincu que l'endroit où une personne se situe le long de ce spectre est profondément inscrit dans ses gènes. On peut réformer un quelconque criminel, mais on ne peut pas réformer un sociopathe. Parce qu'il n'y a tout simplement rien à réformer; il est tout à fait normal, il se trouve simplement à l'extrémité très primitive de l'échelle de l'évolution humaine. Tout ce qu'on peut faire avec, c'est l'empêcher de nuire. À l'autre extrême, nous vouons souvent beaucoup d'admiration aux altruistes et philanthropes qui, au fond, sont tout aussi incapable que le sociopathe d'être autre chose que ce qu'ils sont.


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