24 octobre 2006

Vous serez heureux d'apprendre qu'il n'y a pas que l'espèce humaine qui m'horripile. Je suis allé sur le bord du lac en fin de semaine pour constater que ces sales bêtes de castors étaient encore venus manger mes arbustes. Et dire qu'ils commençaient tout juste à récupérer de la dernière fois que ces gros rongeurs à queue plate s'étaient fait les dents dessus.

Enfin, c'est ma faute en fin de compte. C'est moi l'espèce suprême de la planète. Si je voulais vraiment qu'ils laissent mes arbustes tranquilles, je n'aurais qu'à mettre de la cage à poule autour des troncs. C'est ce que plusieurs de mes voisins font d'ailleurs et ça marche très bien. Il est déraisonnable de ma part de demander à ces boules de poil à palettes d'être autre chose que ce qu'ils sont.

Il en va de même des humains d'ailleurs.

Et puis il y a aussi ce pic qui s'est mis en tête, depuis quelques jours, de systématiquement extraire tous les noeuds des planches de bois qui forment mon revêtement de maison. Pas très pratique pour l'imperméabilisation ça. Je ne sais pas quelle mouche l'a piqué celui-là. S'attend-il vraiment à trouver quelque chose à manger sous un revêtement de maison ? Au moins, il déguerpit lorsqu'il me voit mettre le nez dehors et ne revient habituellement pas la journée même.

Et puis dans un autre ordre d'idée, j'ai pris congé aujourd'hui parce que j'ai passé une nuit horrible. Je me suis fait réveiller vers quatre heures du matin par une terrible douleur dans le bas du dos. Une douleur que j'ai immédiatement reconnue, mais sans vouloir me l'avouer à moi-même. Et oui: J'ai fait une autre colite néphrétique, une autre pierre au rein. Mon rein gauche, le même rein que ma toute première colite il y a dix ans. À cette époque, ce fut un véritable enfer. Je suis rentré deux fois à l'urgence de l'hôpital en une semaine. Sur la radiographie, on voyait très bien une putain de pierre de un millimètre et demi qui a prit une semaine à faire son chemin. Une ou deux fois par jour je faisais une crise atroce qui me durait entre une et trois heures, puis mes spasmes se calmaient. À cause de ce blocage, le rein ne fonctionnait plus, donc c'était l'autre qui devait se taper tout le travail. J'étais blême, vert même, je n'avais pas d'énergie ni d'appétit. Et puis elle a finit par passer. J'étais chez mes parents à ce moment là, car une grosse tempête de neige avait commencé et, ne voulant pas rester prisonnier chez moi si je faisais une autre crise, mes parents m'avaient offert de m'héberger pour la nuit. La pierre est passé tôt après mon lever le lendemain matin, je l'ai senti comme une grosse brûlure à l'aine. Ma mère m'a dit qu'en l'espace de quinze minutes seulement j'avais retrouvé ma pêche, après plus d'une semaine de lividité. Il parait que c'était très spectaculaire.

Tout ça pour dire que cette nuit, j'ai passé plus de deux heures trente soit couché sur le ventre dans mon lit à souffrir le martyre en donnant des coups de pieds dans le vide, soit la tête dans le bol de toilette à me vider du presque rien que j'avais dans l'estomac à cause des nausées que me causait la douleur. Mais cette fois, ce fut différent d'il y a dix ans. Les pierres (car il y en avait plusieurs) sont toutes descendues une après l'autre. Je pouvais très bien les sentir faire leur chemin dans mon uretère, je savais exactement où elles se trouvaient, et je sentais même chaque fois que l'une d'elle tombait dans ma vessie. Alors la douleur se calmait un peu, me donnant un petit répit, puis recommençait de plus belle au passage de la pierre suivante. Et moi, je priais à chaque fois pour que ce soit la dernière. Puis finalement, la douleur s'est concentrée en un point bien précis de l'aine, intense, aigüe, quasi-intolérable. J'en avais presque envie de hurler. Et puis tout d'un coup, la pierre est passée, et je vous jure que j'ai pu sentir du liquide couler dans ma vessie. C'est alors que j'ai compris qu'enfin, l'urine qui était restée bloquée dans mon rein depuis deux heures et demi pouvait circuler librement dans mon uretère, donc la dernière pierre était finalement passée. Et effectivement, la douleur s'est mise à se résorber très rapidement pour complètement disparaître en quelques minutes. Vous ne pouvez pas commencer à imaginer la délivrance que j'ai ressentie à ce moment là.

Je me suis complètement détendu sur mon lit, et j'ai essayé de dormir un peu. Il était plus de six heures trente, alors ça n'a pas marché beaucoup. Mais je jouissais quand même pleinement du bien-être que je ressentais finalement.

Sachant que je ne dormirais plus, je me suis levé pour aller à la salle de bain. Mon médecin m'avait dit à l'époque d'uriner dans un pot de verre pour voir si je ne verrais pas la ou les pierres. C'est ce que j'ai fait. Mon urine était orange, de toute évidence tachée de sang. Mais j'ai eu beau regarder attentivement, je ne peux pas affirmer avec certitude que j'ai vu les pierres tant elles étaient petites, ce qui explique sans doute pourquoi elles sont passées d'un seul coup cette fois. De toute évidence, il y avait une ou plusieurs pierres plus grosses que mes spasmes musculaires ont broyées et réduites en particules plus fines qui sont passées plus facilement. Je crois que c'est aussi ce qui était arrivé la dernière fois que j'ai fait une pierre au rein, dans mon rein droit cette fois, il y a cinq ans. Quoi que cette fois là, ça avait pris une journée entière avant que la ou les pierres soient évacuées. Rien à voir avec les huit ou neuf jours de ma première fois, quand même.

Et ne vous inquiétez pas, tout au cours de la journée mon urine est redevenue belle et claire. Mon corps a déjà commencé à récupérer du traumatisme qu'il a subit.

Bien sûr il y a toujours une faible possibilité qu'il reste encore quelques particules dans le bassinet de mon rein qui vont choisir de descendre dans les prochains jours, mais de la manière dont j'ai senti chaque pierre faire son chemin cette nuit, franchement, ça m'étonnerait. Peut-être que je dis ça pour me rassurer, car honnêtement, je ne suis pas d'humeur à revivre ce genre de torture dans un avenir immédiat. Mais bon, advienne que pourra. Je passerai au travers encore une fois. Je me considère quand même excessivement chanceux de souffrir beaucoup moins de cette tare génétique que mon père, qui me l'a refilée, et qui pendant plusieurs années dans sa jeunesse a souffert à répétition de colites néphrétiques presque à tous les six mois, jusqu'à ce qu'ils soient finalement obligés de lui enlever un rein, dans lequel ils ont trouvé des pierres de presque un centimètre de grosseur !


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