2 mai 2007

J'aime cette période de l'année. Même s'il fait encore trop froid pour que je prenne vraiment plaisir à passer du temps dehors, même si le soleil n'est pas toujours au rendez-vous, même si le temps est plus souvent qu'autrement pluvieux et froid. Je l'aime parce que c'est la période de l'année où je sais que les choses vont aller en s'améliorant, la période où, de semaine en semaine, les journées seront toujours de plus en plus longue, de plus en plus chaude.

Et puis il y a toute cette vie qui renait partout, et dont je ne me lasse jamais. Un jour, ma cour était couverte de neige, c'était l'hiver. Quelques jours plus tard à peine, pratiquement plus une trace de blanc nulle part. Jeudi dernier, on pouvait deviner plusieurs fractures dans la couverture de glace sur le lac de même que des zones d'eau libre près des berges. Après le souper, il y avait déjà quelqu'un sur l'eau en kayak. J'ai pensé le rejoindre, mais la fraîcheur du fond de l'air m'a découragé. Vendredi soir, plus de glace. Enfin, le lac était libre, pour une nouvelle saison. Même si je n'en ai vu aucun, quelques poissons trahissaient leur présence par des ronds à la surface. Ils n'avaient pas mangé d'insectes volants depuis six mois. Une chose étrange cependant: D'habitude, à chaque printemps, quand la neige se retire de mon terrain, elle révèle tous les petits chemins que les rongeurs se sont creusés durant l'hiver. Mais cette année, rien. Aucun chemin. Il n'y a eu aucun rongeur sous la neige cet hiver. Étrange. Très étrange.

Les oiseaux me semblent un peu moins nombreux que l'an dernier à la même date. Mais néanmoins, ils sont partout. Et ils bâtissent des nids. Je vois des merles, des geais bleus, des étourneaux se promener le bec plein de brindilles. Je crois même qu'un couple d'étourneaux est en train de bâtir son nid dans mon entretoit. J'ai dû enlever mes soffites l'an dernier pour refaire ma façade et ils passent par là. Je les vois et entend entrer et sortir de temps en temps. J'ai été témoin d'un rare spectacle l'autre matin. En déjeunant, j'ai vu par ma fenêtre un étourneau quitter l'entretoit et se poser sur une branche d'arbre. Au même instant, une sorte de petit rapace a fondu sur lui. Ça s'est passé si vite que je n'ai pas pu voir de quelle espèce de rapace il s'agissait. Il était environ de la taille d'une corneille, ou un peu plus petit. Peut-être un petit épervier, ou une sorte de chouette. Ils se sont poursuivi entre les arbres à une vitesse folle et en zigzaguant dans tous les sens jusqu'à ce que la pauvre victime plonge dans une épinette et que le prédateur soit forcé de bifurquer et d'abandonner la poursuite. Tout cela n'a duré que trois secondes à peine.

Et puis ce matin, en quittant pour le travail, j'ai effrayé la marmotte qui avait élu domicile sous la galerie de mes voisins l'an dernier. Je ne l'avais pas encore vue depuis la fonte des neiges et je m'inquiétais un peu. Elle semblait en bonne santé. Amaigrie et toute ébouriffée, mais c'est normal pour une marmotte qui sort de son hibernation.

Le téléphone sonne samedi dernier. Une voix que je ne reconnais pas au début, probablement parce que je ne l'ai presque jamais entendue au téléphone. C'était la collègue de mon ami d'enfance. Toute joyeuse et de bonne humeur. "Pis Laqk, ton lac est-il calé ?", me demande-t-elle. "Depuis hier", lui répondis-je. "Vais-je pouvoir laisser mon kayak sur le bord de ton lac cet été ?". "Bien sûr". Elle me remercie profusément.

Nous avons parlé quelques minutes, question de nous mettre au courant des dernières nouvelles. Je réalise seulement maintenant que je ne lui ai pas parlé de la mort de ma mère. C'était peut-être mieux ainsi. Pour l'instant en tout cas. Nous n'avons pas non plus parlé de mon ami d'enfance. Elle était morte d'envie en m'entendant parler de mes projets de retraite. S'il y a une chose que nous avons en commun, c'est bien notre amour mutuel de la nature et d'un mode de vie plus simple.

Nos horaires sont toujours aussi incompatibles. Je travaille aux heures normales de bureau, elle travaille les soirs et les fins de semaines. Mais nous pourrons sûrement nous voir quelques fois cet été durant mes vacances. En rentrant hier soir du travail, son kayak était sur le bord du lac, près du mien. Ça a quelque chose de familier, de réconfortant.


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