14 mai 2007

Un souvenir m'est revenu en mémoire cette semaine.

Il y a huit ans de cela, Copine et moi sommes allés passer quelques jours en autonomie complète dans les monts Groulx. La deuxième nuit, nous avons monté la tente dans le lean-to du lac Quintin, au pied du mont de l'ours. Comme nous étions à l'abris, nous n'avons pas installé le double toit sur la tente.

Durant la nuit, de violents orages ont éclaté. Le toit du lean-to coulait et l'eau entrait dans la tente par la moustiquaire. Nous nous sommes donc levés brièvement et avons déplacé la tente pour la placer entièrement sous une section du toit qui ne prenait pas l'eau, puis nous nous sommes rendormis très vite car nous étions très fatigués de notre journée de randonnée.

Mais quelques heures plus tard, toujours au coeur de la nuit, je me suis réveillé à nouveau, et j'ai regardé vers le sud, à travers la moustiquaire de la tente. Le temps s'était calmé, le ciel était maintenant complètement dégagé et la pleine lune brillait de tous ses feux, sa lumière se reflétant dans l'eau du lac. Les flancs des montagnes qui nous entouraient baignaient dans cette lumière douce et froide. Il régnait un silence doux, apaisant, un silence que les mots n'arrivent pas à décrire. L'air frais était d'une pureté qu'on ne croirait plus possible.

Je me suis assis dans la tente, toujours emmitouflé dans mon sac de couchage, en faisant le moins de bruit possible pour ne pas réveiller Copine, et je me suis laissé imprégner de cette atmosphère magique. Je ne saurais dire combien de temps je suis resté comme ça, quelques minutes, une heure peut-être, le temps n'avait plus d'importance. Mon regard se perdait sur ce territoire grandiose que je contemplais encore et encore sans m'en lasser. Des sons à peine perceptibles parvenaient à l'occasion à mes oreilles: le clapotis d'un poisson sur le lac, le grattement d'une souris autour du refuge, les pas d'une quelconque animal dans la mousse humide.

Et je me rappelle clairement m'être dit que je vivrais bien comme ça, que ce petit lean-to en piteux état pourrait très bien être un petit refuge duquel je pourrais être témoin d'un tel spectacle, nuit après nuit, année après année. Que je me verrais très bien passer le reste de mes jours dans ce petit refuge au milieu de cette forêt ouverte peuplée d'arbres rabougris, entouré de cette mer de montagnes aux sommets dénudés et parsemés de lacs, d'étangs, de ruisseaux, qu'une vie entière ne suffirait pas à découvrir dans leur entièreté.

J'ai toujours aimé la nature, mais cette expérience a été pour moi la première fois où j'ai commencé à soupçonner que peut-être, ma place était ailleurs que là où je l'avais vécu jusqu'à ce jour; que peut-être, ce genre d'endroit pouvait être plus qu'une simple escapade occasionnelle, que je pourrais m'y installé et y vivre, jour après jour, saison après saison.


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