18 mars 2007

Je dois avouer que l'une des raisons pour lesquelles je n'écris plus aussi souvent qu'avant est que je sais que ce dont je voudrais parler n'intéresserait plus personne. Ce journal n'a plus du tout pour moi le même rôle qu'il avait quand je l'ai commencé il y a presque sept ans. Les choses que je veux y exprimer ne sont plus les mêmes.

C'est le piège du journal en ligne. Lorsqu'on écrit un journal intime à la plume dans un cahier, on n'a pas à se préoccuper de plaire, déplaire, ou intéresser un quelconque lectorat. Mais comme une partie de la raison pour laquelle on publie un journal en ligne est d'être lu, l'intérêt que nous porte notre lectorat ne peut tout simplement pas être ignoré.

Ces temps-ci, ce que j'ai à dire, ce que j'ai le goût d'exprimer, n'intéresse personne. Ce sont des réalités dont les gens n'ont tout simplement pas envie d'entendre parler, que ce soit en ligne ou dans la vrai vie. Cette semaine, sur l'heure du diner, j'écoutais les gens en pleine conversation autour de moi. Nous étions huit autour de notre table, et sur ce nombre, nous n'étions que deux à être silencieux. Qu'avions-nous en commun ? Nous étions les deux seuls à ne pas avoir d'enfants.

Car les six autres parlaient d'enfants. Uniquement d'enfants. Pendant toute l'heure du diner, ils ont parlé d'enfants. Et c'est alors que j'ai réalisé que c'était toujours ainsi. Tous les jours, depuis des semaines, des mois, des années pour certains. Je connais plusieurs de ces personnes depuis très longtemps, et à ma connaissance, en dehors du travail, je ne les ai jamais entendu parler d'autre chose que leurs enfants, ou des garderies, ou de l'école, ou des différents types de véhicule les plus appropriés pour une famille. Il n'y a rien, absolument rien d'autre dans leur vie. Il est impossible de les faire parler de quoi que ce soit d'autre. Tout, absolument tout, tourne autour de leur petit univers immédiat. Enfants, conjoint, famille, emploi, école, garderie, maison, cuisine. Ces temps-ci, ajoutez à cela un peu de politique (campagne électorale oblige), mais toujours en rapport aux impacts que les programmes électoraux des différents partis pourraient avoir sur leur petite vie personnelle.

La démocratie n'a rien à voir avec ce qui est bon pour la communauté dans son ensemble, elle n'a rien à voir avec une quelconque conscience collective. Les agriculteurs votent pour le parti dont le programme électoral les favorisent le plus. Les entrepreneurs se rangent du côté de ceux dont les politiques favorisent leur entreprise. Les personnes âgées se rangent avec ceux qui font de la santé leur priorité.

Les gens sont étroits d'esprits. Ils ont des œillères, ils ne sont préoccupés que par eux-mêmes, ici et maintenant. La démocratie n'est rien d'autre que la moyenne des égoïsmes individuels de chacun.

C'est normal, me direz-vous. C'est la nature humaine. Ben oui. Comme si c'était une excuse.

Je ne demande pas aux gens de faire du jour au lendemain complètement fi de plusieurs milliards d'années d'évolution, de cesser subitement de se comporter comme virtuellement tous les êtres vivants dans leur arbre généalogique se sont comportés depuis l'origine des temps. Je leur demande seulement de faire appel, de temps à autre, à cette conscience de l'existence que l'intelligence confère, à cette capacité d'anticiper l'avenir dans une certaine mesure, de penser de temps en temps à cette collectivité, à cette espèce, à cet écosystème, à cette planète à laquelle ils appartiennent et dont ils sont indissociables, aux conséquences des gestes qu'ils posent et des choix qu'ils font, et pas seulement à celles qu'ils auront personnellement à subir de leur vivant, mais aussi à celles qu'auront à subir leurs enfants, leurs petits enfants, et tous les autres habitants de cette planète, humains, animaux ou végétaux, pour les siècles à venir.

Je sais, je sais, il y en a déjà qui pensent à cela, de plus en plus il semble si on se fie aux médias. Il semblerait même que l'environnement commence à avoir suffisamment de poids pour influencer les programmes de nos politiciens. Mais ce n'est qu'une illusion. Comme par le passé, les politiciens ne s'intéressent à l'environnement que dans la mesure où cela peut leur gagner des votes. Et une poignée de politiciens dans quelques pays, aussi industrialisés soient-ils, n'est absolument pas représentative de l'ensemble de la planète, où l'utilisation de pesticides comme le DDT, le brûlage de milliers d'hectares de forêts annuellement à des fins d'agriculture, la surpêche, le rejet de déchets industriels et domestiques non traités directement dans les cours d'eau, les centrales électriques au charbon, l'épandage de pesticides, et moult autres abominations sont monnaie courante.

Tout cela pour dire que je ne me reconnais plus dans les gens qui m'entourent, même ceux que je connais depuis des années. Que dis-je; je ne me suis jamais reconnu en eux. Seulement aujourd'hui, j'en suis conscient plus que jamais, parce que je suis conscient plus que jamais de qui je suis réellement.

Je m'en étais bien tiré jusqu'à tout récemment. L'hiver ne m'avait pas trop affecté. Mais depuis quelques jours, le mois de mars m'est rentré dedans comme un dix-huit roues. Ça me fait ça à chaque année, je devrais le savoir depuis le temps. Et la neige d'hier n'a rien fait pour aider.

Mais ça va aller. Je ne m'en fais plus maintenant. Je vais passer au travers. Le printemps frappe à notre porte, mes vacances approchent. Et ma Lola adorée m'a demandé de passer une autre fin de semaine en sa compagnie, perdus dans le bois. Je vais m'occuper de ça à la première heure demain.

Moi aussi, je vais me permettre d'être égoïste. :)


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