16 septembre 2007

On dit de notre société qu'elle est une société "libre". Et nous y sommes sans aucun doute beaucoup plus libres que dans bien d'autres sociétés hyper réglementées ou totalitaires dans le monde.

Mais il manque néanmoins une liberté fondamentale, essentielle, absolument indispensable à cette société pour qu'on puisse réellement, authentiquement la qualifier de "libre": Avoir la possibilité de choisir si on désire ou non appartenir à cette société.

Cette option ne nous est pas offerte. Dès notre naissance, on est enregistré, consigné, catalogué. Nous n'avons pas le choix d'informer les autorités de notre existence, pas le droit de choisir de ne pas exister au sens de la loi, de n'informer personne de notre arrivée dans ce monde. Cette option n'est pas offerte à nos parents. Ils sont des criminels s'ils choisissent de n'informer personne de notre existence, de nous donner un nom sans consigner ce nom sur les registres de l'état civil.

Et une fois adulte, nous sommes aussi des criminels si nous refusons de nous rapporter régulièrement à l'état, si nous refusons, par exemple, de répondre au questionnaire de recensement du gouvernement, de lui divulguer des informations personnelles qui ne regardent que nous et personne d'autre.

Nous n'avons pas le droit de ne pas avoir d'existence légale. Aucun endroit, aucun territoire n'est offert à ceux qui désireraient se soustraire à la société pour que ceux-ci puissent s'y retirer, y vivre leur propre vie, à leur propre manière, en n'ayant plus aucun impact sur la société qu'ils viennent de quitter, en échange de quoi ils seraient libérés des contraintes, règles et obligations de cette société.

Comprenons-nous bien: Je ne revendique pas ici le droit de ne plus payer ni impôt ni taxes, de ne plus acquitter aucun frais d'aucune sorte, tout en continuant à profiter des bénéfices (et soyons réaliste, il y en a) de la société moderne. Je parle ici de l'option de quitter réellement cette société; de ne plus ni dépendre ni profiter d'elle d'aucune façon; d'en être non pas un parasite, mais bien totalement exclu. Un collègue me disait cette semaine que mes demandes sont déraisonnables, que je ne peux profiter d'une société sans accepter d'en payer le prix, que je ne peux avoir le beurre et l'argent du beurre. J'ai essayé de lui expliquer que ce n'est pas ce que je désire. Ce que je revendique, c'est le droit de profiter quand je le désire de ce que la société a à m'offrir, tout en la rémunérant adéquatement pour ce service, sans obligatoirement me faire imposer toute la merde qui vient avec. Lorsque vous avez besoin d'un service, un plombier par exemple, vous appelez un plombier. Il vient chez vous, fait sa job de plombier, se fait payer pour ses services, et s'en va. Point. C'est tout ce que vous lui devez, vous n'avez aucun autre responsabilité envers lui. Vous sentez-vous obligé d'écouter ses jérémiades si jamais il se plaint de sa femme ou de sa famille pendant qu'il travaille chez vous ? Vous sentez-vous obligé d'accepter son invitation s'il vous invitait à souper chez lui ? Vous sentez-vous obligé de socialiser avec lui de quelques façon que ce soit ? Bien sûr que non. Vous êtes bien sûr tout à fait libre de le faire si vous le désirez, mais vous n'en avez absolument pas l'obligation. C'est tout simplement ce que je revendique: une vie où j'aurais le choix d'appartenir ou non à la société, et dans le second cas, de me procurer les services qu'elle a à m'offrir, si je le désire, moyennant une juste rétribution. Autrement dit d'être un client, et non un membre forcé, de cette société.

La seule façon de se soustraire à la tyrannie d'une société, c'est de quitter le territoire à l'intérieur duquel elle définit ses lois. Autrement dit: quitter un pays. Mais ce faisant, on entre automatiquement dans un autre pays, qui peut ou non nous y accepter, et dans lequel on devra de toute façon se plier aux lois et règlement qu'il fait appliquer.

Dès notre naissance, on doit s'enregistrer auprès de l'état civil. Une fois atteint un certain âge, on doit aller à l'école. Après cela, si on ne veut pas vivre comme un parasite ou un criminel, on doit se trouver un logement, on doit se trouver un emploi au moins pour satisfaire aux obligations financières que la société demande de nous. On doit contribuer à la société, qu'elle nous convienne ou non, qu'on en retire des bénéfices ou, qu'on contraire, elle nous détruise à petit feu, nous forçant à nous soumettre à un système de valeurs qui ne nous ressemble pas, qui est contraire à notre propre système de valeurs.

Et si malgré tout on fait le choix de se soustraire à cette société, de "cesser d'exister", de "disparaître" loin de tout et de tous, dans un endroit où l'on choisirait de s'autosuffire, sans nuire à personne et sans retirer quelque bénéfice que ce soit de la société sans y avoir contribué, et bien cette société ne tolèrera pas cette "affront". Elle consacrera des ressources à nous prendre en chasse, à nous retrouver, à nous ramener de force à elle, pour ensuite nous juger et nous condamner à séjourner dans un endroit où elle aura choisi de nous exclure à nouveau, mais selon ses termes, ses conditions, le même endroit où elle enferme (légitimement cette fois) les criminels, les parasites et les prédateurs qui ont fait le choix de l'agresser, de l'attaquer, de lui faire du mal, à elle et à ses citoyens. Et elle nous gardera prisonnier de cet endroit tant qu'elle ne nous aura pas "brisé", tant qu'elle ne nous aura pas forcé à se plier à sa volonté.

Les plus érudits d'entre vous trouverons sûrement que mes idées s'apparentent beaucoup à celles des libertariens. Pourtant, je ne me reconnais pas en eux. J'ai lu plusieurs de leurs ouvrages, mais je ne partage pas leur révolte, leur résistance à l'autorité, leur incitation à la désobéissance civile. Je ne veux pas dénoncer une société malade et injuste. Je ne veux pas changer le monde.

Je veux juste que le monde me crisse la paix. Une bonne fois pour toute. Je veux que la société se pousse, s'écarte de mon chemin et me laisse vivre ma vie comme je l'entend.

Pour l'instant, la seule façon qui nous est offerte dans ce monde pour obtenir un semblant de liberté, c'est de l'acheter. Faire ce que je vais faire: Payer pour avoir un endroit à moi, loin de tout, en toute légalité, ce qui minimisera les chances que des indésirables viennent m'emmerder. Payer annuellement mon loyer au ministère, mes taxes municipales et scolaires, mon permis de conduire, mes droits d'immatriculation, mes assurances. Payer tout ça avec de l'argent que j'aurai accumulé en étant un bon petit citoyen, en travaillant de neuf à cinq pendant des années pour "contribuer" à cette société malsaine qui m'a rendu à ce point malade à un certain moment qu'elle m'a presque poussé à mettre fin à mes jours. Satisfaire financièrement tous ces collecteurs pour qu'ils me fichent la paix et me permettent de vivre la plus grande partie de mon temps dans un facsimilé raisonnable de liberté. Pouvoir enfin vivre la deuxième moitié de ma vie, selon mes valeurs, sans traîner derrière moi comme un boulet cette société qui, le jour où elle basculera finalement dans le vide, ne m'entraînera pas avec elle dans la mort.


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