10 août 2008

Vous savez où j'aurais dû passer mon été cette année ? Kuujjuak. Voilà des mois que la météo locale nous indique un temps ensoleillé et exceptionnellement chaud pour cette région du globe, alors qu'ici on se fait inonder depuis des semaines.

Balade sur le lac ce soir. Ça faisait longtemps, presque deux semaines. Je ne sais pas si je vous l'ai déjà dit, mais j'ai la confirmation depuis plusieurs semaines maintenant que la grosse hutte de castor de mon côté du lac est abandonnée. Je crois qu'elle a été abandonné très tôt au début de l'été. Je n'y ai jamais perçu la moindre trace d'activité, et elle est maintenant complètement envahi par les herbes folles, ce qui n'arrive jamais sur une hutte encore habitée. L'explication la plus probable est que les castors ont été trappés par la municipalité, probablement à la demande d'un ou plusieurs résidents. Je me suis laissé dire que c'était déjà arrivé par le passé.

La hutte dans le marais, elle, est très occupée, et ces habitants sont très actifs. Ce soir, je n'entendais aucune activité à l'intérieur cependant. Je suis donc aller explorer le marais jusqu'à ce que je vois devant moi l'un des parents qui nageait à la surface de l'eau. Je me suis immobilisé pour mieux l'observer avant qu'il ne plonge sous l'eau avec fracas comme ils en ont l'habitude. Pour une raison inconnu, je me suis tourné vers la droite pour regarder et quelle ne fut pas ma surprise de voir là, à deux longueur de bras, un jeune castor, d'environ la moitié de la taille d'un adulte, qui me regardait, immobile. Je ne l'avais absolument pas vu en m'approchant, probablement parce qu'il était demeuré totalement immobile le long d'un bosquet de broussailles de marais.

Son immobilisme n'a pas duré cependant. Dès qu'il s'est aperçu que je l'avais repéré, il a plongé en donnant un grand coup dans l'eau de sa petite queue qui faisait beaucoup moins de bruit que celle de ses parents. J'ai continué à pagayer lentement en direction de l'adulte que j'avais vu en premier, mais celui-ci a très vite glissé silencieusement sous l'eau pour s'écarter de mon chemin. Plus loin dans le marais, j'ai croisé le deuxième parent, mais je n'ai pas vu d'autres petits. Peut-être n'en ont-ils eu qu'un seul cette année. Peut-être le ou les autres étaient-ils en train de se promener dans un autre secteur du marais. Quoi qu'il en soit, il sont maintenant assez vieux pour s'aventurer hors de la hutte, ce qui explique pourquoi je n'y ai entendu aucune activité ce soir.

La soirée était magnifique, la température était douce, le soleil disparaissait lentement derrière les montagnes. Je suis lentement revenu chez moi en longeant la rive qu'il éclairait encore, pour sentir sa chaleur sur mon visage le plus longtemps possible. Un grand héron volait dans ma direction. Ces oiseaux sont vraiment magnifiques. En me voyant, il s'est posé dans les hautes herbes, espérant sans doute se soustraire à mon regard. Mais j'ai dû passer quand même trop près à son goût. Car il a pris son envol pour traverser le lac en passant presque juste au dessus de moi.

Plus loin, j'ai croisé un cormoran, perché sur un rocher sur le bord de la rive. Lui non plus n'a pas semblé apprécier ma proximité, car après s'être dandiné en tout sens en me voyant approcher, n'ayant pas l'air de savoir ce qu'il allait faire, il s'est finalement lancé en courant sur l'eau, se propulsant à l'aide de ses pattes palmées tout en battant frénétiquement de ses ailes dont les pointes touchaient l'eau à chaque battement, jusqu'à ce qu'il réussisse finalement à prendre son envol pour traverser le lac à un mètre à peine de sa surface.

Ce sont toutes ces merveilles dont je veux jouir pleinement, jour après jour, pour le reste de ma vie. Et je veux en jouir sans tous ces bruits qui gâchaient mon plaisir ce soir, comme le "tac tac tac" incessant de cette cloueuse pneumatique, accompagnée du grondement intermittent de son compresseur. Ou alors ces tondeuses, ces nombreuses tondeuses dont les bruits venaient d'un peu partout dans la montagne ou sur la rive du lac. J'ai un voisin en particulier qui tond toujours sa pelouse le dimanche soir. Chaque semaine. Putain de merde que ça m'énerve. On est dans le bois, merde. Pourquoi les gens sont-ils si obsédés par leur putain de belle pelouse de golf ? C'est des putains d'habitudes de citadins ça. Si vous n'êtes pas capable de laisser vos habitudes de citadins en ville, restez donc en ville, et arrêtez d'exporter partout où vous allez vos comportements destructeurs.


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