14 avril 2008

Plus jeune, j'avais des opinions bien arrêtées sur la chasse. Elles se résumaient en peu de mots: La chasse, c'est mal, les chasseurs sont des monstres assoiffés de sang qui prennent plaisir à tuer, la chasse devrait être interdite, on ne devrait s'approvisionner en viande et en fourrure que par l'entremise d'élevages où les animaux ne sont élevés qu'à ces seules fins, et on devrait laisser tranquilles toutes les petites bêtes de la nature. Et si les hommes tenaient absolument à chasser, ils devaient le faire de façon plus noble, à l'arc ou à l'arbalète, afin de donner une véritable chance à leur proie.

Oh, et j'oubliais: les petits bébés phoques étaient vraiment, mais alors là vraiment "cutes", et il fallait vraiment être des monstres au coeur de pierre pour oser les tabasser à coup de bâtons.

Mais mes opinions d'il y a un quart de siècles étaient, n'ayons pas peur des mots, des opinions de citadins. Des opinions de gens qui ont vécu toute leur vie dans un milieu artificiel, totalement déconnectés de la nature, de la vrai nature, et pour qui la viande c'est quelques choses qu'ils achètent en paquets sur les tablettes des supermarchés, même s'ils ont malgré tout une vague idée que cette viande a été produite ailleurs, dans des endroits qu'on appelle des fermes, loin, quelque part en région.

Aujourd'hui, mes opinions sont beaucoup plus nuancées, et reposent aussi beaucoup plus sur cet étrange concept philosophique qu'on appelle la réalité.

Mettons les choses au point: Il y a une catégorie de chasseurs que je déteste toujours profondément: Ceux qui n'ont aucun respect pour la nature et l'environnement, ceux qui jettent leurs déchets n'importe où, souillent et détruisent le milieu, ceux qui tuent par plaisir des animaux qu'ils laisseront pourrir sur place, comme ces chasseurs de corneilles qui ont pris l'habitude morbide d'écrire dans la neige, avec le fruit de leur chasse, le nombre d'oiseaux abattus, pour la traditionnelle photo de groupe. Ce type de chasseur là, je le déteste au plus haut point. Et, malheureusement, ils constituent encore une proportion trop grande de la communauté des chasseurs. En fait, ma haine pour eux a grandi proportionnellement à ma haine plus globale de l'humanité en général au fil des années.

Mais la chasse à l'arc et à l'arbalète sont pour moi maintenant des aberrations. Ces armes faisaient l'affaire quand c'était tout ce que nous avions. Mais maintenant que nous avons des armes à feu, ce sont elles que nous devrions utiliser. Parce que le but de la chasse n'est pas un concept ésotérique de "noblesse" et de donner une "chance" à sa proie. Le but de la chasse est de tuer, et de le faire de la façon la plus efficace, la plus rapide, la plus foudroyante et la plus humaine possible. Croyez-vous que le couguar à l'affut dans son arbre ou la meute de loups cherchant à isoler une victime du troupeau de caribous qu'ils traquent depuis des jours se préoccupent de donner une quelconque "chance" à leur proie ? Non, ils ne pensent qu'à une seule chose: mettre à mort cette proie de la façon la plus rapide et la plus efficace possible, en dépensant le minimum d'énergie. Comme nous, eux non plus ne prennent aucun plaisir à entendre les cris d'agonie de leur victime, et ils veulent y mettre fin le plus rapidement possible. Les armes à feu sont les armes les plus humaines qui existent, dans tous les sens du terme. Bien utilisées, elles foudroient leur cible quasi instantanément, avant même que celle-ci ne réalise ce qui lui arrive.

Pour ce qui est des élevages d'animaux, des fermes, elles me paraissent maintenant beaucoup moins nobles qu'autrefois. Un chasseur s'approprie la vie de sa proie. Un éleveur s'approprie son existence même. Il réduit la bête en une simple marchandise, une commodité dont la seule raison d'être est de le nourrir. De plus, les conditions dans lesquelles les animaux vivent (si on peut appeler ça vivre) dans les élevages industrialisés tels qu'on les connait aujourd'hui sont d'une cruauté incroyable, qui dépasse largement celle du simple chasseur de subsistance. Le prédateur, lui, se doit de considérer sa proie comme son égale, s'il veut avoir le dessus sur elle. Le prédateur respecte sa proie par nécessité; Agir autrement l'amènerait invariablement à en payer le prix fort, peut-être même à le payer de sa vie.

Et pour ce qui est de la chasse aux phoques, comme le sang bouille dans mes veines avec tout ce qu'on entend ces temps-ci à ce sujet dans les médias, je ne dirai que ceci: Je sympathise infiniment plus avec les chasseurs de phoque du golf du Saint-Laurent, qui sont essentiellement des chasseurs de subsistance, et qui ne font en fait rien de pire que tous les autres chasseurs ailleurs dans le monde, je sympathise, dis-je, infiniment plus avec eux qu'avec des connasses comme Brigitte Bardot qui a vomi plus de désinformation au fil des années que le plus crapuleux des politiciens, ou des connards comme Paul McCartney qui se vend comme une putain à des pseudo organisations de défense des animaux en venant se faire filmer sur la banquise avec des beaux petits blanchons (qui, je vous le signale, ne sont plus chassés depuis plus de vingt-cinq ans), lui et sa salope d'ex-femme qui l'a pressé comme un citron; ou alors ce salaud d'enfant de chienne de terroriste pseudo écologiste Paul Watson et ses sbires de la Sea Fucking Shepherd Conservation Society. Tout ceux qui osent tuer des pauvres phoques sans défenses sont inhumains et sont des monstres sans coeur, disent-ils tous ? Et bien ces crétins devraient arrêter de s'associer aussi avec les groupes environnementaux qui prônent la réduction des gaz à effet de serre. Après tout, ils devraient être en faveur du réchauffement planétaire, puisque cela tuera aussi ces monstres sans coeur que sont les ours polaires, qui ne se gênent pas, eux, pour tuer ces pauvres phoques sans défense (incluant ces adorablement "cutes" petits blanchons, quand ils peuvent s'en mettre un sous la dent). Avez-vous déjà vu un ours polaire mettre à mort un phoque ? C'est pas jojo à voir, laissez-moi vous le dire !

Lorsque je vivrai dans mon chalet en forêt l'an prochain, mon but est de devenir de plus en plus autonome sur le plan alimentaire au fil des années. Je ne suis pas végétarien, et donc un jardin, les fruits et les champignons sauvages ne seront pas suffisants pour assurer ma subsistance à long terme. De plus, les viandes industrielles modernes sont si malsaines, si grasses et si remplies de produits toxiques que je tiens à les éliminer complètement de mon régime à très court terme.

Comme il y a peu de chance que je trouve une ferme bio à une distance raisonnable de ma demeure, il devient inévitable que je devrai éventuellement apprendre à tuer. Tuer et manger les poissons que je pêcherai au lieu de les remettre à l'eau comme j'ai toujours fait; tuer ces porc-épics qui ne manqueront pas de vouloir grignoter ma cabane jusqu'aux fondations et les préparer en ragoût. Et, éventuellement, apprendre à tuer des proies plus grosses, plus variées, apprendre à conserver leur viande de différentes façon: fumée, salée, déshydratée, mise en conserve.

Oui, je tuerai des animaux pour vivre. En fait, je tue déjà des animaux pour vivre. Que ce soit moi qui presse la détente ou qu'un autre le fasse pour moi dans les abattoirs n'a aucune importance. Mais les animaux que je tuerai seront nés dans la nature, ils y auront grandi et vécu jusqu'à leurs derniers instants. Ils n'auront pas été clonés ou génétiquement modifiés pour en faire des produits brevetés, de vulgaires biens de consommation. Ils n'auront pas été shootés aux antibiotiques et aux hormones de croissance toute leur existence. Ils n'auront pas vécu toute leur vie sous un éclairage artificiel, dans un enclos tout juste assez grand pour eux, à ne sentir sous leurs pieds qu'un grillage métallique. On ne leur aura pas cassé les os du nez à coup de bâton et coupé les canines à froid avec un sécateur pour ne pas qu'ils se battent et se blessent dans le camion dans lequel ils rouleront pendant une cinquantaine d'heures, par des chaleurs suffocantes ou des froids polaires, sans nourriture ni eau, jusqu'à l'abattoir où, enfin, on mettra fin au calvaire qu'aura été leur brève et misérable existence.

Non, les animaux que je tuerai pour me nourrir seront nés et auront vécus libres, toute leur vie, jusqu'à la toute fin. Ils auront vécus une véritable existence, heureux et à leur place dans leur milieu où eux et leurs ancêtres ont évolué depuis des millions d'années. Lorsqu'ils seront terrassés par les balles de mon armes à feu, ce ne sera pas pire que s'ils avaient succombés aux crocs du loup, ou aux griffes de l'ours, ou aux serres du rapace.

Et moi, moi qui suit déjà un tueur de toute façon, je serai devenu autre chose qu'un simple tueur; je serai devenu un prédateur. Et contrairement à maintenant, j'en assumerai l'entière responsabilité.


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