19 avril 2008
Je n'avais pas prévu écrire ce soir. Comme la plupart des soirs.
Je sais, la phrase précédente n'a pas de verbe. Sue me.
Mais j'ai regardé par la fenêtre, et j'ai vu la pleine lune qui brillait dans le ciel, comme c'était le cas il y a huit ans à un jour près quand j'ai commencé ce journal.
Huit ans déjà.
Bien des choses ont changé depuis ce temps. J'en ai déjà parlé par le passé et ne reviendrai pas sur le sujet.
Cependant, beaucoup de choses sont restés les mêmes. Entre autres, cette grosse boule brillante suspendue au firmament, elle me fait toujours le même effet aujourd'hui. Les grenouilles ne chantent pas ce soir, et vu l'hiver que nous avons eu, elles ne risquent pas de s'y mettre avant un certain temps. Elles sont probablement encore enterrées sous une bonne épaisseur de neige.
Je suis allé faire un tour sur le bord du lac cet après-midi. Il y a encore beaucoup de neige dans la cour, mais malgré tout je n'avais plus besoin de raquette. Le fond de l'air était doux et pur. Aucune brise ne soufflait. À en juger par l'épaisseur de la neige et de la glace sur le lac, il risque de ne pas caler avant le mois de mai cette année. Quoi qu'on ne sait jamais. La chaleur des derniers jours a fait fondre la neige à une vitesse remarquable, et même s'il y en avait beaucoup, peut-être disparaîtra-t-elle complètement à peu près à la même date que par les années passées.
Donc, c'est la pleine lune ce soir. Comme il y a huit ans à la même date. Serait-ce un cycle ? Serait-ce un signe ?
Signe que la boucle est bouclée, signe que ce journal a rempli son rôle et qu'il est maintenant temps d'y mettre fin ?
Malgré ce que vous avez pu lire ces derniers mois, malgré le fait que je semble toujours condamner quelque chose ou dénoncer autre chose, le fait est que je ne me suis jamais senti aussi bien de toute ma vie, parce que je suis enfin libre. Libre dans ma tête, libre dans mon coeur, libre de tous les conditionnements, les préjugés et les sophismes qui nous sont imposés à tous depuis notre plus tendre enfance. Je vois enfin la réalité telle qu'elle est, même si je n'aime pas toujours ce que je vois. Je me vois aussi tel que je suis, enfin, après toutes ces années à me dénigrer et à me dévaloriser. Je disais à une collègue l'autre jour que j'avais finalement abdiqué, que j'avais arrêté d'essayer de "fitter" dans la société, et aussi de jouer le jeu de la séduction, et que je ne m'en était jamais porté aussi bien. Elle m'a regardé, droit dans les yeux, d'une regard que je n'ai jamais vu de sa part par le passé (et pourtant nous nous connaissons depuis très longtemps), puis elle m'a lancé, comme ça:
- Tu sais, Laqk, en fin de compte, tu es beaucoup plus séduisant depuis que tu n'essais plus de l'être.
Je ne sais pas si je vais mettre fin à ce journal ce soir. Il n'y a plus aucun doute maintenant qu'il a rempli son rôle. Mais dans un an, probablement autour de la même date, je tournerai définitivement le dos à cette vie qui a été la mienne depuis quarante-six ans. Je vais vendre cette maison, afin que quelqu'un d'autre puisse maintenant profiter de ce petit coin de paradis qui aura été le mien pendant dix-sept ans. Et je m'installerai dans un nouveau coin de paradis. Loin, dans la nature, entouré de kilomètres carrés de solitude et de tranquillité. Je serai enfin à ma place.
Le tunnel de mon existence est derrière moi maintenant. J'en suis finalement sorti. Je suis enfin libre. Mille chemins s'offrent à moi maintenant. Mais ironiquement, un seul m'intéresse vraiment: Celui que j'ai choisi, celui qui m'entraînera loin, très loin de cette civilisation que je déteste, mais si près de cette nature que je chéri par dessus tout.
Merci à vous tous et toutes qui m'avez tenu par la main pendant toutes ces années. Vous avez été ma bouée de sauvetage, et je vous en serai toujours infiniment reconnaissant.
Aujourd'hui, je suis bien dans ma peau. Je suis fier de ce que je suis. Je suis heureux, je suis libre. Voilà des mots que plusieurs d'entre vous ne vous attendiez probablement jamais à lire de ma part.