17 janvier 2008

La nouvelle de mon départ prochain est en train de se répandre comme une traîné de poudre au bureau. Je me fais intercepter dans les corridors par des collègues à qui je ne parle habituellement que deux ou trois fois par année et qui veulent se faire confirmer la rumeur.

Je crois que ce qui fait tant d'effet au gens lorsqu'ils apprennent cette nouvelle, ce n'est pas le simple fait que je m'en aille. Après tout, je travaille là depuis bientôt vingt-trois ans, on pourrait dire que je fais parti des meubles, et la nature même de mon travail fait que tout le monde me connait. Mais on s'attend toujours à voir partir à la retraite ceux avec qui on travaille depuis longtemps. Il n'y a rien d'inhabituel là dedans.

Non, je crois que ce qui surprend les gens, c'est que je parte à la retraite si jeune. Au début, ils pensent tous que je change d'emploi, que je vais aller travailler ailleurs. Puis, quand je leur confirme que non, que je vais bel et bien cesser complètement de travailler, on dirait qu'ils sont pris au dépourvu. Ils me posent toutes les questions classiques: "Tu vas travailler à ton compte ?", "Tu n'as pas peur de t'ennuyer ?", "Tu n'as pas peur de manquer d'argent ?".

Quand je répond "non" à toutes ces questions, ils restent un peu pris au dépourvu. Ça les dépasse complètement, c'est en totale contradiction avec tout ce qu'ils ont toujours considéré comme logique et rationnel toute leur vie.

La collègue avec qui je m'entend si bien et moi en discutions l'autre jour sur l'heure du dîner. Je lui mentionnais que j'allais profiter de cette nouvelle étape de ma vie qui commence bientôt pour retrouver la forme physique que j'ai eu jadis. Mon rythme cardiaque au repos est beaucoup trop rapide, conséquence de ma sédentarité excessive des dernières années. Je me rappelle du temps où j'allais travailler en vélo durant l'été. Mon rythme cardiaque au repos à cette époque dépassait rarement les soixante battements par minute. Maintenant cela tourne plus autour de soixante-dix. Par curiosité, la collègue avec qui je m'entend si bien a décidé de mesurer ses propres pulsations cardiaques. Elle était assise en ma compagnie depuis un certain temps, et relativement détendue. Étant très sportive, nous nous attendions à ce que son rythme cardiaque gravite autour de la soixantaine de pulsations par minutes.

Mais non; le décompte donna quatre-vingt-quatre... Nous nous sommes regardés, un peu surpris de ce résultat, et je lui ai lancé à la blague: "À moins que ce soit ma compagnie qui génère une certaine excitation chez toi."

Elle m'a regardé en riant, puis m'a répondu, avec le sourire: "Je vais penser à ça et je t'en reparle."


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