28 juillet 2008

Une partie du mystère de mes fourmis est résolu: Croyez-le ou non, leur fourmilière n'est pas quelque part à l'extérieur, elle est dans ma maison. Plus précisément, quelque part entre le parement et le revêtement de la maison, dans le coin sud-ouest. En fait, je soupçonne qu'elles aient élu domicile dans l'entretoit. J'en aurai le coeur net lorsque je commencerai à remplacer la partie sud de mon revêtement de toit, ce que je vais peut-être finir par pouvoir commencer un jour si cette putain de pluie peut s'abstenir de tomber pour deux journées consécutives, ce qui n'est pas encore arrivé ici depuis que j'ai quitté mon emploi.

Les fourmis avaient commencé à apparaître dans ma maison peu après que j'aie enlevé le petit arbre qui commençait à pousser le long de la maison. J'avais remarqué alors un vas et vient de fourmis le long de ce petit arbre. Je croyais à tort qu'une fourmilière utilisait cet autoroute pour venir grimper sur ma maison. Je comprend maintenant que c'était le contraire: elles utilisaient ce chemin pour descendre de la maison et rejoindre le sol où elles trouvaient leur nourriture. En enlevant le petit arbre, je leur ai coupé la route, et elles se sont mises à chercher un nouveau chemin. Durant leurs explorations, certaines d'entre elles sont arrivés dans mon salon, et c'est pour ça que je me suis mis à les voir dans la maison. C'était de ma faute finalement.

J'ai récemment profité d'une rare journée sans pluie pour monter mon échafaudage du côté du petit bout de toit qui me reste à remplacer. Peu de temps après, j'ai eu la surprise de remarquer un vas et vient incessant de petites fourmis qui empruntent maintenant les montants de cet échafaudage pour partir de la maison et rejoindre le sol. Depuis ce jour, je n'ai plus vu une seule fourmi dans la maison. Maintenant qu'elles se sont trouvées un nouveau chemin vers leur source de nourriture, elles n'ont plus besoin de rentrer chez moi.

C'est peut-être bien divertissant tout ça, mais quoi qu'il en soit, elles devront partir. Je ne peux les tolérer sur la maison ou dans l'entretoit. Normalement, elles devraient déménager d'elles mêmes si je met leur fourmilière à découvert. C'est ce que je vais essayer de faire dans les prochains jours.

Je sais que pour la plupart des gens, les us et coutumes des fourmis sont totalement inintéressantes. Mais pour moi, tout cela est absolument fascinant. Les êtres vivants, comme toute autre chose dans l'univers, possèdent une logique qui leur est propre et obéissent à des règles qui peuvent sembler incompréhensibles pour le citadin moyen, complètement déconnecté de la nature et vivant dans un milieu totalement artificiel depuis des générations. Je ne me lasse pas de découvrir et comprendre petit à petit cette logique et ces règles qui sous-tendent tant de beauté et de merveilles. Je me plais à croire que mes connaissances des mécanismes naturels dépassent largement celles du quidam moyen, mais elles ne sont rien comparées à celles que nos ancêtres maitrisaient déjà alors qu'ils n'étaient que des enfants. Pour eux, et en particulier pour les tribus amérindiennes qui peuplaient déjà tous les recoins de l'Amérique du nord à l'arrivée des premiers européens, la nature n'était pas l'ennemi, c'était leur foyer, c'était là où ils vivaient, tout simplement. La nature les accablaient à l'occasion de diverses plaies tels les maladies ou les conditions météorologiques difficiles, mais essentiellement, la nature, leur "mère la terre", était pourvoyeuse de tout ce dont ils avaient besoin: matériaux de construction, vêtements, nourriture. C'était également la nature qui permettait l'épanouissement de leur vie spirituelle et artistique. En fait, pour eux comme pour nous-mêmes de nos jours, leur pire ennemi n'était rien qui venait de la nature, mais bien eux-mêmes: les humains, les autres tribus, leurs ennemis, et plus tard, les envahisseurs européens qui les dépossédèrent de toutes leurs terres et tentèrent d'éradiquer leur mode de vie, leur traditions, leur culture, leur identité.

J'ai toujours été fasciné par la manière dont la nature tente tant bien que mal d'intégrer dans sa logique les énormes perturbations que nous, les hommes, lui faisons subir. Comme cet après-midi, où je suis allé faire saucette dans le lac. Quelques mètres plus loin sur la rive, une cane accompagnée d'une dizaine de petits canetons étaient en train de se reposer sur une souche flottante. En me voyant, la mère s'est dressée sur ses pattes, cherchant à mesurer le danger que je représentais pour sa progéniture, pour s'accroupir de nouveau après quelques minutes de m'avoir vu nager de façon non menaçante. Ou cette petite marmotte, fille de celle dont j'ai déjà parlé ici à plusieurs reprises, et qui semble avoir décidé d'élire domicile dans l'ancien terrier de sa mère, au moins pour quelques jours. Tous ces animaux n'ont pas conscience qu'ils vivent dans ce qu'on appelle une "ville", qu'ils occupent un territoire réquisitionné par l'homme. Tous ce qu'ils désirent, c'est vivre leur vie, élever leur progéniture, exister, tout simplement, comme ils l'ont toujours fait depuis des milliards d'années.

En tant qu'êtres supposément doués d'intelligence, nous sommes les premiers à pouvoir comprendre, plutôt que simplement exister. Notre conscience de notre propre existence et notre capacité à comprendre tous les mécanismes de la vie et la nature auraient pu nous permettre de jouer un rôle fondamental dans cette nature, dans cet univers qui nous a engendré. Pour faire une analogie avec un être vivant, nous aurions pu choisir de jouer le rôle de cerveau de l'écosystème terrestre.

Au lieu de cela, nous avons choisi le rôle de cancer.


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