4 mai 2008

Le lac a calé en fin de semaine dernière. La disparition de la glace s'est fait lentement cette année. Ça a pris les deux jours au complet. Dimanche après-midi, je n'ai pas pu m'empêcher de sortir mon kayak et d'aller pagayer à travers les morceaux de mince couche de glace qui jonchaient encore la surface de l'eau et qui cédaient immédiatement sous le poids de mon embarcation.

La première chose que j'ai faite est d'aller inspecter la nouvelle résidence des castors. Impressionnante construction s'il en est une. Plus grosse que toutes celles que j'ai vu depuis que j'habite ici. Et directement sur le terrain de mon dernier voisin en plus. Ne voyant aucune trace des occupants (ce qui n'est guerre surprenant en plein jour), j'ai traversé le lac jusqu'au marais. Il ne faisait aucun doute cette fois que les huttes jumelles qui étaient encore habitées l'an passé étaient maintenant désertées, écrasées sous le poids de la neige de cette hiver. Elles seront probablement squattées cet été par quelques rats musqués, comme c'est souvent le cas.

Je suis allé souper chez mon père en soirée. À mon retour, qu'est-ce que je vois sur le bord du lac ? Vous avez deviné: un gros rat à queue plate. Il était sans doute en train de prendre l'inventaire de ce qui restait à couper. En me voyant arriver, il s'est enfuit dans l'eau. Je me suis posté sur la rive, les bras croisés, bien décidé à occuper le territoire et à lui faire comprendre à qui il appartenait. Quand à lui, il s'est mis à décrire des grands cercles dans l'eau, s'éloignant puis se rapprochant successivement de la rive, espérant sans doute que je parte. Mais je n'ai pas bougé. Après quelques minutes, blasé, il est parti vers la source du lac.

Aucun autre arbuste n'est disparu cette semaine. Il faut croire qu'ils n'ont pas laissé grand chose l'automne dernier.

Quelque chose m'intriguait un peu cette semaine cependant. Le lac était calé, la neige était disparue, et cependant je n'entendais aucun grenouille chanter. Puis, jeudi soir, deux petites rainettes sifflaient depuis la source du lac. Et oui, deux. Elles étaient si peu nombreuses que je pouvais aisément en discerner les chants individuels. Nous sommes dimanche maintenant, et j'en entend bien quelques unes ce soir, mais je trouve qu'elles prennent plutôt leur temps pour "décoller" cette année. Le temps froid des derniers jours sans doute. Avec la chaleur et le soleil prévus au début de cette semaine, j'ai hâte de voir si elles vont finalement se réveiller. Il n'y a rien que j'aime plus que de m'endormir le soir au son des grenouilles qui chantent.

Mes voisins ont commencé à aménager leur cour pour l'été et leurs deux filles ainsi que quelques unes de leurs amies s'y amusaient hier dans la journée. Une demi douzaine de petites filles de moins de six ans qui jouent ensemble, ça fait beaucoup de bruit. Curieusement, ça me dérange moins que je l'aurait cru, mais ça me rappelle que j'ai probablement bien choisi mon temps pour penser à partir d'ici. La maison de l'autre côté de chez moi est toujours inhabitée, mais j'ai vu cette semaine ce qui semble être une famille venir se promener sur le terrain, inspecter le quai, la terrasse, regarder à l'intérieur par les fenêtres. Ils sont venus sans voiture et sont repartis à pied vers le bas de la rue. Je crois que ce sont des anciens amis de mes voisins qui, par curiosité, sont venus voir ce qui en était rendu de la maison. Je ne crois pas que c'était des acheteurs potentiels. Cependant, cela m'a rappelé que cette maison ne restera pas inhabitée indéfiniment. Tôt ou tard, j'aurai des voisins des deux côtés, et les filles de mes autres voisins commencent déjà à vieillir et à recevoir beaucoup de visite. Je crois sincèrement que mes longues années de tranquillité et de tolérance mutuelle tirent à leur fin.

Qu'à cela ne tienne. Ce sera mon dernier été ici de toute façon. Là où j'irai vivre, je n'aurai plus de voisin à déranger, ni pour me déranger.


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