12 novembre 2008

Il y a une chose qui m'a vraiment irrité lors de ma dernière conversation avec Lola. Pour faire une histoire courte: Elle me parlait non pas comme on parle à un ami, comme on parle à quelqu'un qu'on connait depuis presque vingt ans, mais plutôt comme on parle à quelqu'un qui est en détresse psychologique. Remarquez que ce n'est pas un problème avec Lola en particulier. En fait, la plupart des gens sont comme ça, moi y compris. Lorsqu'on se retrouve en face d'une personne en dépression, ou qui traverse une épreuve difficile comme un deuil, on change notre façon de nous adresser à eux. On ne se sent plus libre de leur parler comme on leur a toujours parlé. Soudain, on devient conscient de notre propre attitude, on commence à analyser tout ce qu'on dit avant de le dire, on se met à penser à ce qui ne se dit pas dans de telles circonstances.

C'est très énervant. Surtout pour moi. Parce que dans mon cas, j'ai beau subir une épreuve et être dans un état émotionnel particulier, je suis toujours parfaitement lucide sur le plan intellectuel, et je ne suis pas dupe. Je suis parfaitement conscient que mon interlocuteur essais tant bien que mal "d'enrober" ses propos à mon endroit, et, franchement, je trouve ça insultant. Insultant parce que ça implique que la personne en question croit sincèrement que je n'y verrai que du feu.

Alors mettons les choses au clair tout de suite: Je ne suis pas en détresse psychologique. Je l'ai été durant une période de trois à quatre semaines au début du mois d'octobre. Maintenant, c'est fini, je suis de nouveau parfaitement moi-même. Comprenons-nous bien: ça ne veut pas dire que je me sens parfaitement bien, que je nage dans le bonheur. Je vis une vie que je n'aime pas. Je souffre quotidiennement de la solitude et souvent aussi de l'ennui. Mais quand je ne suis pas seul ou quand je m'occupe, je suis très bien. Je suis en train de travailler à changer ma vie, et aussi à comprendre la ou les sources de mes angoisses. Bref, je travaille sur moi et sur ma vie, mais ça ne fait pas de moi une personne en détresse psychologique. Je souris quand je suis bien, je ris si j'entend une bonne blague. Tout à l'heure, je me suis mis spontanément à danser en entendant à la télé la chanson thème particulièrement rythmée d'une émission que j'écoutais. C'est le signe d'une personne en détresse psychologique ça ?

Bon, maintenant que j'ai dissipé ce malentendu, passons aux choses sérieuses.

Lorsque je faisais de la route avec Copine l'autre jour, l'une des choses dont nous avons parlé est nos angoisses respectives. En particulier, je lui mentionnais qu'à quelques reprises lors de mes sorties pour aller visiter des terres à bois, j'avais brièvement ressenti cette même angoisse dont j'ai souffert le mois dernier. Cela m'arrivait toujours lorsque j'étais sur place, que je commençais à envisager la possibilité de m'installer vraiment à cet endroit et de vendre la maison. Bref, cela arrivait quand ce projet cessait d'être justement un projet, un concept hypothétique, et devenait, l'espace de quelques minutes, une réalité.

J'ai passé au travers de quelque chose de similaire quand j'ai emménagé dans ma maison actuelle il y a seize ans. À ce moment là, j'avais vécu dans la même maison toute ma vie. C'était là que j'étais à ma place, c'était mon chez moi. Je n'exagère pas en disant que ça m'a pris près d'un an avant de me sentir vraiment chez moi ici, avant de percevoir réellement cette maison comme mon sanctuaire, comme l'endroit où je me sens en sécurité et où je peux réellement oublier toutes mes peurs et toutes mes angoisses. Et je sais aussi que si demain matin, je devais vendre cette maison et la quitter pour aller m'installer ailleurs, dans une autre demeure, dans une autre ville, je passerais exactement par une même période d'angoisse intense. Lorsque je me retrouverais seul avec moi-même, je ferais des crises où, tout d'un coup, je remettrais en question ma décision, je voudrais à tout prix me retrouver dans ma vieille maison, sur mon terrain, sur le bord de mon lac, comme avant, et je serais submergé par le désespoir.

Je sais aussi que cela serait temporaire.

Dire que je connais des gens qui déménagent presqu'à chaque année sans que ça leur cause le moindre problème. À partir de l'instant où le camion de déménagement s'en va pour la dernière fois et qu'ils ferment à clé la porte de leur nouveau logement, ils s'y sentent parfaitement chez eux, comme s'ils y avaient vécu toute leur vie. C'est une question de tempérament je suppose. Comme je le disais à Copine l'autre jour, je les envie jusqu'à un certain point, car ils possèdent quelque chose dont j'aurais bien besoin ces temps-ci.

Quoi qu'il en soit, je ne peux peut-être pas changer mon tempérament de base, mais je peux certainement composer avec. C'est l'avantage d'apprendre à se connaître soi-même. Je sais déjà que lorsque j'aurai finalement trouvé la terre à bois où je voudrai m'installer, celle-ci sera soit dépourvue de résidence, ou alors elle possèdera quelque chose de très rustique où je ne pourrai pas envisager de vivre à temps plein et à l'année. Dans les deux cas, je devrai donc effectuer des travaux qui s'échelonneront sur une bonne période pour rendre cette terre habitable à l'année. Ceci constituera une période de transition durant laquelle je pourrai me familiariser à mon nouvel environnement, tout en sachant au fond de moi que ma maison actuelle est toujours disponible.

Et, vu la vitesse à laquelle je travaille, la durée de cette période d'adaptation risque d'être plus que suffisante.


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