19 novembre 2008

Il y a une pub qui me fait particulièrement chier depuis le premier jour où je l'ai vue. C'est cette pub de Nivea, où on voit une belle jeune fille avec une peau parfaite sortir du lit le matin pour se faire son super traitement facial en trois étapes.

On se dit en regardant ça: "Wow ! Cette crème Nivea doit vraiment être efficace ! Comment pourrait-elle avoir une peau aussi parfaite autrement ?"

Oh, je sais pas... Peut-être qu'elle a une peau aussi lisse et parfaite parce qu'elle n'a que TREIZE ANS !!!

Ça me fait chier qu'ils prennent une fille si jeune et la mette dans le rôle d'une jeune femme dans la vingtaine avec son logement, son conjoint, etc, juste pour rendre les femmes malades d'envie et vendre plus de leur saleté de crème chimique cancérigène. Le marketing est vraiment une discipline répugnante. Une discipline entièrement fondée sur la manipulation et le mensonge, sans la moindre parcelle d'étique et de morale.


Le froid semble avoir commencé à ralentir les ardeurs des castors. Déjà ces derniers jours, ils ne faisaient que récolter quelques branches sur des arbres qu'ils avaient précédemment abattus, sans en couper de nouveaux. Il faut dire que leur réserve de nourriture est déjà tellement énorme qu'il y en a assez pour nourrir une famille de dix pendant tout un hiver, et pourtant ils ne sont que deux. Ces deux dernières nuits, une bande de glace se formait sur le bord du lac, et celle-ci était intacte au matin, ce qui veut dire que les castors n'étaient pas venus du tout durant la nuit. Si le froid actuel continue, il est raisonnable d'assumer que le lac sera complètement gelé d'ici deux ou trois jours. La neige suivra bientôt, et alors l'hiver sera bel et bien commencé. Mon premier hiver sans travailler.

Avec tous les terrains et chalets que je suis allé visiter ces derniers temps, sans pourtant en trouver un seul qui m'intéresse vraiment, j'ai compris qu'au fond, ce qui me bloque plus que n'importe quoi d'autre, c'est le changement. Et pourtant, le plus ironique dans tout ça, c'est que je sais que je peux m'habituer à n'importe quoi. Par exemple, au plus fort de ma crise le mois dernier, la seule idée d'avoir à passer tout un hiver ici seul chez moi faisait monter en moi une vague d'angoisse qui frisait la panique totale. Et pourtant, aujourd'hui, cette même pensée, sans m'enchanter vraiment, me parait tout à fait réalisable. Je suis réellement en train de m'habituer à ma nouvelle vie.

Alors c'est quoi mon problème ? Bien sûr, si je vendais la maison ici et allait m'installer ailleurs, je ferais sûrement une petite crise d'angoisse qui me durerait une semaine ou deux, puis une fois celle-ci passée, je me sentirais sûrement très bien dans mon nouvel environnement, car je l'aurais quand même choisi en fonction d'un certain nombre de critères auxquels je tiens et qui, je le sais, amélioreraient grandement ma qualité de vie.

Il y a une terre à bois qui est apparue récemment sur les sites d'annonces classées. Elle n'est pas tout à fait aussi grande que je l'aurais souhaité, mais est néanmoins tout à fait acceptable. Le prix, lui aussi, est raisonnable, et de plus, je suis sûr que je pourrais le faire baisser un peu. Elle a un gros défaut cependant: elle ne comporte aucun plan d'eau. Ni lac, ni étang, ni rivière ou ruisseau.

Par contre elle a un gros avantage: Elle est à dix minutes d'ici. Elle se situe dans ces montagnes que j'ai vu des milliers fois en allant ou en revenant du travail. Ces montagnes, je les connais bien. Elles me sont familières. Je les vois depuis aussi longtemps que je peux me souvenir. Lorsque j'habitais en banlieue, dans la maison familiale où j'ai passé les trente premières années de ma vie, je les voyais, au loin, à l'horizon. Enfant, elles me faisaient rêver. Elles semblaient si loin, si inaccessibles, si irréelles. Mon imagination marchait à plein régime. Je me plaisais à m'imaginer ce que j'allais y découvrir le jour où je serais finalement assez "grand" pour y aller par moi-même. Aujourd'hui, de là où j'habite maintenant, je vois toujours ces mêmes montagnes, parce que je vis au milieu d'elles. Elles m'entourent de partout.

Si je choisissais de faire l'acquisition de cette terre, même en faisant exclusion du facteur "familiarité", cela représenterait de nombreux avantages. D'abord, aussi ironique que cela puisse paraître, je serais en fait plus près de la ville que je ne le suis actuellement. Cela faciliterait énormément mes travaux de construction et d'aménagement. De plus, cela me permettrait de rester près de ceux dont je ne veux pas m'éloigner ces temps-ci. Ensuite, je sais qu'au fil des années, de nombreux quartiers résidentiels vont se mettre à pousser aux alentours, ce qui veut dire que sa valeur risque d'augmenter considérablement quand sera venu pour moi le temps de la vendre pour m'éloigner du cancer urbain qui sera en train de me rattraper.

Mais dans les faits, je me demande dans quelle mesure ce fameux facteur "familiarité" affecte mon jugement. Car, si j'essais d'être plus objectif, je suis bien obligé d'admettre que cet emplacement comporte aussi de nombreux inconvénients, dont certains sont loin d'être négligeables à mes yeux. D'abord le plus important, que j'ai mentionné plus haut, c'est l'absence de plan d'eau. Voilà seize ans maintenant que je vis sur le bord d'un lac. Ceci est la réalisation d'un rêve d'enfance. Mes saucettes matinales d'été sont devenues un rituel dont je n'ai plus envie de me passer, de même que mes promenades en kayak. Ensuite, cette terre que je convoite est enclavée, ce qui veut dire que j'aurai non seulement à faire ouvrir un chemin de plusieurs kilomètres pour y avoir accès, avec les frais supplémentaires que cela représente (sans compter la difficulté de garder ce chemin ouvert en hiver), mais qu'en plus j'aurai à négocier un droit de passage avec non pas un, mais bien deux autres propriétaires terrien, si je me fis au cadastre. Ensuite, si je fais ouvrir un chemin, celui-ci devra partir d'un chemin privé déjà existant, que les autres utilisateurs gardent ouvert en hiver en se cotisant. Nulle doute qu'ils exigeront que je paye ma part si je l'utilise moi aussi. Bref, tous ces facteurs combinés semblent aller à l'encontre de l'esprit même de la direction dans laquelle j'essais d'orienter ma nouvelle vie: Une vie simple, loin des complications et des contraintes de notre civilisation.

D'un autre côté, j'ai aussi trouvé une terre, plus grande que la précédente, et pour moins cher, avec un petit lac entièrement contenu sur celle-ci. Cette terre est accessible directement à partir d'un chemin public, déneigé en hiver par la municipalité, et elle est parcourue sur presque toute sa longueur par un chemin de gravier tout à fait praticable même en voiture. Elle se situe à quelques kilomètres seulement d'un village où se trouve un centre de construction parfaitement apte à me fournir tous les matériaux nécessaires pour mes travaux, sans compter que les employés municipaux dans ces régions sont beaucoup moins enclins à mettre des bâtons dans les roues à des personnes comme moi qui désirent repousser les limites des codes avec des constructions hors normes. Et en plus, cette terre est située dans un secteur reculé, tranquille, relativement sauvage, avec très peu d'activités agricoles, et dont les eaux souterraines sont si pures que la municipalité voisine les pompe directement dans son système d'aqueduc, sans traitement.

Que demander de mieux ? me direz-vous.

Mais il y a un hic: elle est loin. Loin d'ici, loin de ma famille, loin du peu d'amis que j'ai. Loin de tout ce qui m'est familier.

Ouin. Finalement, avec du recul, le facteur "familiarité" affecte peut-être davantage mon jugement que je ne serais enclin à le croire.


[jour précédent] [retour] [jour suivant]