4 octobre 2008

Je vous préviens d'avance, vous risquez de voir beaucoup de billets de ma part dans les prochains jours, voire les prochaines semaines (bien que je ne me souhaite pas que ça dure aussi longtemps). Certains/certaines d'entre vous s'en réjouiront peut-être, mais je souhaiterais vraiment avoir autre chose à vous offrir que ma souffrance.

Il semblerait que ce soit bien vrai: La souffrance est la meilleure des motivations pour l'écriture, en ligne ou non.

Entrons immédiatement dans le vif du sujet: Aujourd'hui a été pire qu'hier, à mon grand désespoir. J'aurais espéré qu'il n'en soit pas ainsi mais, sur la base de mes expériences passées, cela ne m'a guerre surpris. Ce que j'ai oublié de mentionner hier, c'est que durant l'après-midi je me suis tapé un bon quatre heures de mon remède miracle: rouler. Je ne savais tout simplement pas quoi faire d'autre. La seule personne à qui je me permet de parler lorsque je suis dans cet état, c'est Lola, et elle n'était pas disponible hier (elle passe les fins de semaines chez son chum). Ça m'a fait plus de bien que ce à quoi je m'attendais, à un tel point qu'hier en fin de journée, l'angoisse était complètement disparue, comme je l'ai écrit hier.

Cet avant-midi, ça n'allait vraiment pas. Le désespoir me dominait, je n'arrivais plus à chasser les pensées noires, plus aucun truc ne marchait. Contrairement à hier, je n'arrivais plus à me raisonner, à me convaincre que tout ce que je ressentais était faux. J'y croyais malgré moi. Je croyais que j'avais fait la gaffe de ma vie, que j'avais quitter irrévocablement mon emploi, sans me laisser de porte de sortie, pour aller vivre une vie dont, soudainement, la seule idée me rendait malade. Soudainement, j'étais en sevrage de mon emploi; je voulais retourner au travail lundi matin, retrouver cet édifice dont j'ai arpenté les couloirs pendant vingt-trois ans, revoir tous ces visages familiers, toutes ces personnes avec qui je pouvais toujours, à tout moment, décider d'échanger quelques blagues ou partager quelque idée. C'était un véritable sevrage, comme d'une drogue. Ces gens étaient ma seule, mon unique vie sociale. Je n'ai ni conjointe, ni famille, ni cercle d'ami. Je n'avais qu'eux. Maintenant, je n'ai plus rien.

Aussi, soudainement, je ne voulais plus vivre le reste de ma vie seul. Il n'en était plus question, absolument plus question. Je n'ai jamais vraiment voulu cela, mais comme vous le savez, je m'étais fait à l'idée de cette possibilité, je ne voulais plus qu'elle m'oblige à mettre ma vie et mes projets en veilleuse. Mais cette fois, il n'en était plus question. Je voulais partager ma vie avec quelqu'un. Je voulais m'endormir toutes les nuits aux côtés d'une douce demoiselle. Je voulais, dans ma vie, une femme envers laquelle je me serais engagé entièrement, et qui aurait elle aussi pris l'engagement de partager le reste de sa vie avec moi. Et la seule femme que je pouvais imaginer tenir ce rôle dans ma vie était la collègue avec qui je m'entend si bien. Alors je ne voulais plus rien faire qui m'aurait éloigné d'elle, qui aurait rendu encore plus impossible que ce ne l'est déjà un rapprochement entre elle et moi. Alors soudainement, vendre la maison, quitter cette ville, cette région, et aller vivre ailleurs, en forêt ou non, devenait impossible. Mon projet, mon rêve, ce que je prépare depuis des années, s'effondrait. Le sol se dérobait sous moi, et je me retrouvais devant rien. Le vide. Le néant.

Maintenant que nous sommes plus tard en soirée et que l'angoisse se dissipe suffisamment pour me redonner un état d'esprit quasi normal, elle ne masque plus les autres émotions que je ressens face à ce que je vis en ce moment: humiliation. Humiliation et honte. J'ai si honte de mon attitude des derniers mois. Je me rappelle à quel point je rejetais nonchalamment les inquiétudes de mes collègues face à ma décision, à quel point j'ignorais, non sans un certain mépris, les avertissements qu'ils me prodiguaient en ce qui a trait aux problèmes qui guettent les nouveaux retraités, ou ceux qui effectuent un départ hâtif. Je me pensais tellement au dessus de tout ça. À mes yeux, leurs commentaires n'étaient qu'un autre exemple de leur étroitesse d'esprit, de leur ignorance de la nature humaine, de leur conditionnement aux valeurs déficientes de notre société malade.

Encore la semaine dernière, je pétais le feu, je leur confirmais, lors de mon passage au bureau, à quel point je ne regrettais pas ma décision, à quel point c'était la meilleure décision que j'avais jamais prise de toute ma vie. Et je le croyais, je le croyais sincèrement. Je le ressentais tout au fond de moi. Et je rayonnais, j'avais le regard lumineux, les gens eux-mêmes me passaient le commentaire.

Et regardez-moi maintenant.

Méchante leçon d'humilité. Je crois encore que j'ai une connaissance plus approfondie que la moyenne des gens de la nature humaine, mais j'avais oublié de réaliser que je fais moi aussi partie de cette humanité, que j'en partage aussi les caractéristiques et les tares.

Que penserait de moi la collègue avec qui je m'entend si bien maintenant, si elle me voyait dans cet état. Elle qui m'a toujours encouragé dans mes projets et mes choix, elle qui n'a jamais douté de moi, qui a toujours cru que je prenais la bonne décision, que ce choix de vie que je faisais était vraiment le bon. Elle qui m'a toujours voué une certaine admiration face à mes convictions, et qui a toujours cru que j'allais vraiment m'épanouir et enfin connaître le bonheur dans cette nouvelle vie.

Je n'oserai jamais lui parler de ce que je vis présentement. Je n'occupe tout simplement pas assez de place dans sa vie pour qu'elle daigne s'embarrasser d'un dépressif.

J'ai encore roulé plusieurs heures aujourd'hui. Au diable le prix de l'essence, même si je n'ai plus de salaire. Je ne savais tout simplement pas quoi faire d'autre pour essayer d'apaiser cette souffrance, ne serait-ce qu'un tout petit peu. Ça a marché encore. Pas aussi bien qu'hier, mais suffisamment pour la rendre presque tolérable. Naturellement, durant toutes ces heures, mes pensées ont été entièrement monopolisées par cette souffrance. J'ai parlé pendant presque trois heures à un thérapeute imaginaire. J'aurais dû penser tout haut et enregistrer tout ça. Peut-être est-ce ce que je devrais faire cette fois. Contrairement à mes deux précédentes dépressions, où j'avais autour de moi des gens dont la simple présence me procurait quand même un certain réconfort, je n'ai absolument personne cette fois. Quand on vit ce que je vis, on est comme quelqu'un qui se noie: on a besoin de s'accrocher à une bouée. Mais je ne veux pas entraîner quelqu'un sous l'eau avec moi. Un thérapeute serait cette bouée, une bouée sur laquelle je n'aurais aucun réticence à m'appuyer de tout mon poids. Même si je ne le voyais qu'une fois par semaine, ce simple délais, cet objectif à atteindre, serait suffisant pour me donner la force de passer au travers de la dite semaine. Ne travaillant pas, l'horaire ne serait pas vraiment un problème.


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