11 octobre 2008

C'est vraiment bizarre n'est-ce pas ? Ce matin était un matin comme les autres, comme plusieurs autres matins ces derniers jours. Même ciel, même soleil, même coloration des feuilles. L'air transportait les mêmes parfums automnaux et la température était semblable. Les mêmes oiseaux gazouillaient, la voiture de ma voisine était dans son entrée, comme elle l'a été toute la semaine à la même heure. Au loin, j'entendais les mêmes sons de rénovation et de travaux.

Pourtant, quelque chose était différent. C'était un samedi. Et même si, à cette heure matinale, ce samedi était absolument indifférenciable de n'importe quel autre jour de la semaine, je le sentais différent. En ce jour, j'étais comme les autres, j'étais normal, comme tout le monde. Je ne travaillais pas, et partout dans mon quartier, les gens ne travaillaient pas non plus.

Ce matin je me sentais tout à fait bien. Seul ombre au tableau: une certaine inquiétude que ce ne soit que temporaire, que ça ne dure pas. J'essayais de ne pas y penser. J'y réussissais assez bien.

J'ignore si le fait que nous soyons samedi a contribué à l'amélioration de mon état d'âme. Ça n'a pas vraiment marché samedi dernier en tout cas. Peut-être était-ce le fait que ma journée était déjà planifiée. Peut-être que la tourmente qui malmène mes neurones se résorbe réellement.

Quoi qu'il en soit, c'était un phénoménal soulagement. Je suis sorti sur le bord du lac peu après mon réveil. Je pouvais jouir pleinement du soleil, de l'air pur, des rides sur l'eau. J'ai aussi constaté que les gros rats à queue plate ont recommencé leur carnage encore cet automne. Tant pis, je m'en fous. C'est mon dernier automne ici de toute façon. Quoi qui se passe avec moi, peu importe où mes réflexions m'amèneront, peu importe si et comment mes projets changeront, je dois vendre cette maison. C'est une composante essentielle de mes plans financiers. L'alternative serait de me trouver une autre source de revenu pour un certain temps.

Enfin, je reprenais ma routine matinale. Enfin, je consultais mes sites préférés tout en mangeant mon déjeuner et en jetant de temps à autre au coup d'oeil à la télé. J'ai fait ça tranquillement, en pensant à plein de choses auxquelles j'avais l'habitude de penser avant que mon esprit ne soit complètement submergé par l'angoisse. En fin d'avant-midi, on m'a livré mes matériaux de construction. Je suis allé les inspecter avant de diner. Et j'ai continué à lire un site que j'avais commencé à lire précédemment. Puis, un sentiment de culpabilité m'a envahi parce que j'étais à l'intérieur et qu'il faisait beau dehors. Mais ce sentiment n'était pas désagréable, au contraire. Ça faisait du bien de ressentir une émotion familière, même négative. Je m'étais fait quelques points chauds sous les pieds lors de ma dernière randonnée et je ne voulais pas les réveiller car je vais marcher avec Lola demain. Elle est descendue voir ses parents pour la longue fin de semaine et elle voulait me voir aussi.

Donc, préférant ne pas marcher, j'ai pris ma voiture et je suis allé rouler un peu, les fenêtres baissées. Comme à chaque fois, je pensais beaucoup, mais pour la première fois depuis plusieurs jours, à peine 10% de ces pensées concernaient ce qui m'obsédait littéralement depuis plus d'une semaine. Le 90% qui reste étaient constitués de pensées "normales". Normales pour moi en tout cas.

Quel soulagement.

Mais il reste encore toutes ces choses sur la plage, comme je le disais hier. Vous savez, ces choses, comme par exemple la solitude, le sentiment d'isolement, ce sentiment de ne pas valoir grand chose, d'être un "looser", parce que tout ce que je trouve à faire par un bel après-midi ensoleillé c'est d'aller rouler en voiture, seul. J'ai eu un petit pincement au coeur alors que le soleil couchant projetait une lumière chaude qui illuminait l'horizon. Cet éclairage m'a rappelé un petit voyage de trois jours dans les mille-îles que j'avais fait avec Copine, à cette même période il y a quelques années. Sur le coup, je n'avais plus le goût d'être là, seul dans ce véhicule. Je voulais être à nouveau durant ce voyage, ou dans n'importe laquelle des quelques autres expériences passées où j'étais bien et où je partageais une belle aventure avec des amies.

Vous savez, toutes ces choses sur la plage, ces choses dont je ne souffrais plus depuis plus d'un an, ces choses avec lesquelles je ne vous cassais plus les oreilles depuis belle lurette, ces choses que j'avais presque commencé à oublier et dont j'avais commencé à croire que j'étais finalement libéré.

C'est fou comme un tsunami peut détruire en un clin d'oeil une belle plage propre que vous avez mis tant de temps et d'effort à nettoyer.

Peu après le souper Lola m'a appelé, pour confirmer notre rencontre de demain. Comme d'habitude elle m'a demandé comment ça allait, et spontanément je lui ai répondu le traditionnel "Bien, et toi ?". Même si cette phrase est une formule de politesse quasi automatique, je n'aurais pas été capable de la dire si ce n'avait été vrai. Oui, je me sentais bien. Où en tout cas, je me sentais quelque chose que je percevais comme du bien à la lumière de ce que je viens de vivre.

Je suis content que mon humeur se soit remplacée (touchons du bois) avant de revoir Lola en personne. Je n'aurais pas voulu jouer un rôle avec elle. Bien sûr, j'aurais pu être moi-même et elle m'aurait écouté et supporté, mais je ne voulais pas lui faire subir ça. Elle a déjà eu à me supporter dans cet état pendant plusieurs semaines deux fois depuis que nous nous connaissons, c'est bien assez selon moi. Demain, je vais pouvoir faire des blagues, rire, ne pas penser à moi. Je vais pouvoir l'écouter, l'écouter réellement, sans faire semblant.


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