6 avril 2009

Voilà une semaine que j'essais d'écrire ici. En fait j'essais d'écrire de jour, mais finalement je procrastine et quand le soir arrive je ne suis plus dans l'état d'esprit que j'essais de coucher sur ces pages, alors je laisse tomber en me disant que j'écrirai plutôt le lendemain, et ainsi de suite d'une journée à l'autre.

En fait, depuis lundi dernier, je refais une sorte de rechute de moindre intensité de l'état dans lequel j'étais en octobre dernier, et je veux écrire de jour car c'est justement durant la journée que mes symptômes sont les plus intenses. Écrire quand je me sens presque correct comme en ce moment, ou comme je l'ai fait au début du mois de mars, ou même durant le pire de ma crise l'automne dernier, n'est pas très utile pour la postérité.

N'empêche que ça me fait chier que ce mal de vivre semble vouloir revenir comme ça. En plus quand ça m'arrive, j'ai tendance à être très dur envers moi-même.

Écoutes-bien, Laqk. Malgré tout ce que tu peux dire ou penser, tu es une personne de nature très sociable qui donne un sens à ta vie à travers tes interactions avec les gens. Et voilà maintenant neuf mois que tu passes tes journées seul, jour après jour, semaine après semaine, avec à peine une occasionnelle conversation téléphonique. Et les cinq derniers de ces mois, tu les as carrément passé enfermé toujours entre les quatre mêmes murs, du matin au soir. De plus, tu n'as pas eu de sexe depuis des années, de blonde depuis encore plus longtemps. Toutes ces années presque totalement privé du plus élémentaire contact humain; aucun baiser, aucune caresse.

Et tu t'étonnes de démontrer des signes récurrents de fragilité psychologique ?

En fait, beaucoup de gens dans la même situation que toi seraient déjà devenus complètement cinglés. Alors ne te juges pas trop sévèrement.

Quand je suis dans l'état dans lequel je suis ces jours-ci, on dirait que je perd ma capacité à me projeter dans l'avenir. Ce que je veux dire par là c'est que je me sens mal dans l'instant présent, et pour échapper à cette souffrance j'essais d'imaginer une situation future où je me sentirais bien et heureux. Mais ce faisant, je me vois encore aussi mal dans ma peau même dans les situations que je m'imagine, même lorsque qu'il s'agit de pensées qui, quelques semaines plus tôt à peine, me procuraient beaucoup de plaisir. Alors j'angoisse en réalisant que même lorsque je pense à mon projet de chalet dans la forêt boréale, à une future rencontre avec mes ami(e)s ou avec la collègue avec qui je m'entend si bien, ou à un futur voyage dont je rêve depuis longtemps, ces pensées ne me procurent plus aucun plaisir. Alors je regrette d'avoir tout chambardé dans ma vie, d'avoir traversé la rivière et brûlé le pont derrière moi pour m'enlever toute possibilité de revenir en arrière, mais alors même quand j'essais de m'imaginer de retour dans ma situation précédant ma retraite je me sens mal aussi. Alors j'angoisse encore plus parce que je ne vois plus aucune porte de sortie, aucun moyen de me sentir bien, aucune fuite possible même pas dans mes pensées, même pas dans mon imagination.

Mais sur le coup, à cause de mon jugement altéré, je ne réalise pas que c'est mon cerveau lui-même qui est défectueux, que ces émotions que je ressens et que cette manière dont je perçois les choses n'est pas réelle; qu'en fait, mon cerveau ne fait que projeter mon malaise actuel sur toutes mes pensées passées, présentes et futures. C'est facile à dire comme ça quand on est dans une petite fenêtre de rémission, mais quand on est en plein dedans c'est vraiment difficile de se "raisonner". J'y arrive quand même partiellement, car c'est une angoisse qui s'auto entretient et s'amplifie elle-même, et malgré tout je réussi assez bien à casser ce cercle vicieux et à empêcher cette angoisse de s'emballer hors de contrôle. C'est pour ça d'ailleurs que cette phase à travers laquelle je passe est bien moins pire que celle du mois d'octobre. Avec un peu de chance, elle sera tout aussi brève.

Jusqu'à la prochaine fois.

N'empêche qu'on s'en pose des questions quand on est dans cet état. Ce que je me suis demandé très souvent c'est à quel moment de ma vie j'ai pris le mauvais tournant qui m'a amené où je suis aujourd'hui. En fouillant pour trouver autre chose je suis tombé sur deux brouillons de lettres que j'avais écrit à Carla. Ça fait vingt-sept ans de cela. La vie dont je lui parle dans ces lettres, et dont je me souviens, était bien différente de ma vie actuelle.

J'ai aussi trouvé beaucoup d'autre choses avec ces lettres. Mais je n'ai pas le goût de vous en parler ce soir. Alors ça ira à demain ou dans les prochains jours. Et ne vous en faites pas trop pour moi. Si il y a une chose que j'ai constaté lorsque je passe à travers ces crises, c'est à quel point elles me semblent majeures et insurmontables quand je les vis, et pourtant exagérées et sommes toute mineures une fois que je les ai traversées.


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