14 avril 2009

Tellement de choses à écrire. Je ne sais pas par quoi commencer. Peur d'en oublier.

Hier soir je me suis tenu sur le bord du lac pour la première fois de l'année. J'avais oublié à quel point les castors avaient ruiné ma rive. Quels dégâts. Mon kayak est en bon état, il a bien survécu à l'hiver. La neige a remarquablement fondu ces derniers jours et je devrais pouvoir commencer à ramasser les feuilles d'ici vendredi. Dans la relative tranquillité de la soirée, c'est le concert des carouges à épaulettes. Les mâles s'en donnent à coeur joie, l'un après l'autre. Ils sont distribués tout le long de la rive, à environ trente ou quarante mètres d'intervalle. J'essayais de compter combien il y en avait exactement, car pour chaque mâle il y aura un nid à photographier. Je ne les découvrirai sûrement pas tous, mais quelques-uns serait déjà pas mal. J'ai bon espoir que la lac va caler assez tôt cette année. Croisons les doigts.

Je me demande quand les grenouilles vont commencer à chanter cette année ?

Mon état d'esprit c'est progressivement amélioré ces derniers jours. Peut-être les trois journées consécutives de social que j'ai eu en fin de semaine y sont-elles pour quelque chose. J'y reviendrai.

Mais j'en doute. En fait, cette mini rechute semble suivre un cycle similaire à mon épisode de l'automne dernier. Je ne comprend pas parfaitement pourquoi ces crises reviennent à répétition, mais ce n'est pas tout à fait un mystère non plus. Comme la vie, rien n'est jamais tout à fait noir et blanc. En fait, ces crises se produisent quand une réalisation que j'avais enfoui tout au fond de ma mémoire refait surface. Une pensée angoissante à laquelle on ne pense jamais ne peut pas nous angoisser. Mais on dirait que dès qu'elle nous revient à l'esprit, elle apporte avec elle d'un seul coup toute l'angoisse qu'on aurait dû ressentir durant la période où elle est restée enfouie.

Quoi qu'il en soit, ça allait très bien aujourd'hui. Le beau temps aidait sûrement. Le retour du printemps va me faire du bien, c'est un incontournable, même s'il me rappelle continuellement ma solitude, cette solitude que je cherche tant à ignorer.

En cherchant quelque chose dans mes archives de courrier électronique j'ai retrouvé les courriels que j'avais échangés avec France après son départ pour San Francisco. Je les ai tous relu. Ce fut court, il y en avait peu. À qui la faute ? À moi, bien sûr.

France appréciait vraiment mes courriels, elle appréciait échanger avec moi, et le faisait dès que son emploi du temps le permettait. Je crois bien que dans chacun de ses courriels elle me suggérait de déménager en Californie car les emplois en informatique y abondaient. Ça ou alors elle me demandait quand est-ce que je venais lui rendre visite. Je crois même qu'elle me le demandait encore dans le tout dernier courriel qu'elle m'a fait parvenir.

Courriel auquel je n'ai jamais répondu.

Il est toujours là, bien en vue dans ma boîte de réception. Il remonte au 15 avril 2004. Cinq ans presque jour pour jour.

C'est bien sûr moi qui ai coupé les liens avec France. Elle répondait assidument et rapidement à chacun de mes messages. Mais mes réponses, elles, se faisaient de plus en plus tardives, de plus en plus espacées, jusqu'à la dernière qui n'est jamais venue.

C'était une femme que j'appréciais énormément pourtant, une femme avec qui j'aurais pu développer une belle complicité. Elle aurait pu être une bonne amie, malgré la distance. Distance qui, de toute façon, était temporaire, puisqu'elle est revenue au Québec et habite maintenant la région de Montréal depuis plusieurs années déjà.

Le cas de France n'est pas unique. Elle est loin d'être la seule personne que j'ai "flushé" de ma vie. En fait, si je regarde les quinze dernières années, toutes les personnes qui ont été sorties de ma vie l'ont été par moi, à quelques exceptions près.

Lorsque je relis mes billets d'il y a un an environ, je vois que j'étais prêt à partir vivre seul, complètement seul, à tout jamais, pour le reste de ma vie. Pire, j'étais prêt à faire disparaître de ma vie toutes les personnes qui s'y trouvent encore, à l'exception de ma famille et de Lola. Et encore, si je voulais être absolument honnête avec moi-même, je serais obligé d'admettre, à vous comme à moi-même, qu'il m'est arrivé quelques fois d'envisager de les faire disparaître eux aussi. Tout le monde. Absolument tout le monde. Faire table rase. Disparaître quelque part en forêt, sans laisser de trace, sans donner d'explication à personne.

Repartir à zéro ? Pas vraiment, puisqu'au fond de moi je n'avais pas vraiment l'intention de me refaire un nouveau cercle d'amis, ni même de me trouver une conjointe.

On dirait qu'à chaque fois dans ma vie que je passe par une période où je me sens relativement bien, j'ai tendance à faire disparaître les autres. À négliger mes amis, ma famille, ce journal, même ma précieuse Lola que je chéris plus que tout. Comme si je n'avais plus besoin d'eux, comme si je ne voulais plus avoir besoin de personne. C'est pas normal tout ça. En fait, je n'aime pas le mot "normal". Disons plutôt que ce n'est pas "sain". Après tout, quand on se sent bien, qu'on ne souffre pas, qu'on est heureux, qu'on a des projets plein la tête et qu'on se laisse porter par nos rêves, ne devrions-nous pas plutôt avoir envie d'avoir plein d'amis, d'être entouré de plein de gens qu'on aime avec qui partager tout ce bonheur et tous ces rêves qui bouillonnent dans notre tête ?

Il y a plusieurs raisons à cela, et pas besoin de psychologie de pacotille pour les découvrir. Il suffit d'avoir assez de courage pour se regarder en face et se les avouer à soi-même, quelque chose que, je dois bien l'admettre, j'ai encore beaucoup de difficulté à faire.

Ce courage, je l'ai maintenant. Mais je partagerai tout ça avec vous demain. Ainsi que quelques autres choses.


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