21 avril 2009

J'étais si préoccupé par mes réflexions samedi dernier que je n'ai même pas réalisé que c'était le neuvième anniversaire de mon journal. Jamais en cent ans n'aurais-je pu imaginer que cette démarche durerait si longtemps. Aucun de mes journaux précédents (sur papier il va sans dire) ne s'échelonne sur une si longue période.

Parlant de mes journaux précédents, je me suis tapé la lecture de l'un d'eux, en deux séances de quelques heures chaque fois, dimanche et hier, confortablement étendu sur ma couverture de laine au milieu de ma cour, nu au soleil pour la première fois cette année. Il ne faisait pas particulièrement chaud, mais en plein soleil et à l'abris du vent on était très bien.

Ce que j'ai lu couvrait la période s'étendant de quelques mois avant et après l'achat de ma maison. J'ai trouvé ça plutôt démoralisant d'y lire les mêmes angoisses, les mêmes interrogations, les mêmes plaintes quant à mes relations et mon isolement que celles que je vis aujourd'hui. Et encore plus démoralisant d'y lire la même déclaration que c'en était assez et qu'il fallait que les choses changent, et le même désir, la même volonté de concrètement poser les gestes nécessaires pour que les choses changent effectivement, tout en constatant que plus de seize ans plus tard, je suis à toute fin pratique exactement dans la même situation dans laquelle j'étais à l'époque.

Avec une grosse différence cependant: À l'époque, je n'étais pas préoccupé par le passage du temps. J'étais jeune, je n'avais que trente ans, et malgré ce que je vivais, quelque part au fond de moi, j'étais persuadé qu'il n'était pas trop tard, que les choses allaient débloquer bientôt, et qu'il me resterait encore un grand nombre d'années devant moi pour jouir pleinement de la nouvelle vie que je me préparais à m'offrir. Aujourd'hui, à quarante-sept ans, je suis bien obligé d'admettre que le temps qui passe est devenu une préoccupation constante, presque obsessionnelle. Je ne jouis plus de la réconfortante ignorance d'il y a seize ans. Aujourd'hui, je n'ai plus aucune difficulté à envisager la possibilité que je ne m'en sortirai jamais, qu'il est déjà trop tard, que mes plus belles années sont derrière moi. Et quand je suis dans une période d'angoisse, ce sont ces pensées qui me terrorisent le plus.

Mais ça ne veut absolument pas dire que j'ai lancé la serviette, loin de là. Cependant, la possibilité d'un échec est maintenant bien réelle, je ne peux tout simplement plus l'ignorer.

Parenthèse.

J'ai parlé à Copine dimanche. Elle avait eu la vieille une soirée avec des amies, et Lolita était également présente. Et oui, Lolita. Et apparemment, elle a demandé de mes nouvelles. Elle ignorait aussi que mon sauna était terminé. Normal, il ne l'était pas la dernière fois que nous nous sommes parlés. Quelque chose me dit que nous allons nous revoir cet été. Quand, je l'ignore. Quand les planètes seront bien alignées, sans doute.

Fin de la parenthèse.

Un courrier d'une lectrice m'a amené à une réflexion. Voilà des années, pour ne pas dire des décennies, que je cherche ma place dans cet univers, oscillant continuellement entre deux mondes, autant sur le plan matériel que sur les plans spirituels ou relationnels, chacun m'apportant quelque chose d'indispensable à mon bonheur, mais aussi beaucoup de souffrance. Et durant tout ce temps j'ai cherché à choisir où j'allais finalement décider de vivre, dans lequel de ces deux mondes je souffrirais le moins de l'absence de ce que seul l'autre pouvait m'apporter. Peut-être ne regardais-je pas le problème sous le bon angle. Peut-être suis-je comme une baleine qui ne peut décider si elle désire vivre à la surface des océans, le seul endroit où elle peut trouver l'air indispensable à sa survie, ou dans les profondeurs abyssales où elle est parfaitement adaptée à vivre et où elle trouve sa nourriture, mais où elle ne peut demeurer indéfiniment sous peine de mourir.

Peut-être en est-il de même pour moi aussi. Condamné d'une certaine façon à faire la navette entre deux mondes, à vivre à certains moments dans l'un d'eux pour y puiser ce qui est indispensable à ma vie, avant d'aller me ressourcer à d'autres moments dans cet autre monde, pour y refaire mes forces et faire le plein de ces autres choses tout aussi indispensables à mon bien-être et à mon bonheur.

Condamné est un bien grand mot. Après tout, mon statut de jeune retraité rend la logistique de ce genre d'arrangement beaucoup plus simple. Sur le plan physique s'entend.

Se pourrait-il que ce soit aussi simple, qu'une solution aussi élégante m'ait éludé pendant toutes ces années ?


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