14 janvier 2009

J'écoute la télé et ça me rend furieux. J'entend parler du pacte de suicide de ce couple de salauds qui ont lâchement assassiné leurs enfants, ou de ces sans coeur de fonctionnaires de merde qui ont rasé la maison d'un vieillard dont le seul péché est d'avoir voulu vivre d'une manière qui n'avait pas reçu l'assentiment d'une masse qui se doit d'écraser toute forme d'individualisme, ou de ce clown de la ligue des noirs qui, encore une fois, aurait intérêt à se sortir ce putain de manche à balais du trou de cul, ou de toutes les guerres qui font rage un peu partout dans le monde et qui font des milliers de victimes quotidiennement, ou de toutes ces autres choses qui, jour après jour, année après année, me rappellent à quelle point l'espèce humaine est une forme de vie dégoûtante, répugnante, méprisable.

Puis, les nouvelles se terminent, je me met à faire autre chose, le temps passe, et j'oublie. Jusqu'à la fois suivante.

C'est tout ça que je veux fuir en allant vivre loin, dans le bois. Enfin, ce n'est pas seulement une fuite. Si ce n'était que ça, je n'aurais qu'à ne plus écouter les infos, et comme je n'ai plus de vie sociale, je n'entendrais plus jamais parler de toutes ces choses qui m'enragent. Je veux fuir la civilisation, bien sûr, mais je veux surtout aller vers le bois, aller vers ce lieu où je me sens si bien.

Mais qu'est-ce qui va se passer si j'y vais seul ? Je ne le sais que trop bien. Je vais souffrir de la solitude, et je vais vouloir garder contact par la radio et la télé, qui vont encore me bombarder quotidiennement de toute cette merde humaine. Et je n'aurai pas gagné grand chose en qualité de vie.

Je déteste cet aspect de moi. Je déteste ce besoin de l'autre, cette dépendance aux rapports humains, cette incapacité à m'épanouir dans la solitude. C'est le seul obstacle qui se dresse encore en travers de mon chemin. C'est à cause de lui, et de lui seul, que je ne suis pas déjà en train de vivre mon rêve en ce moment même. C'est à cause de lui que, quand je regarde par ma fenêtre, je ne vois pas déjà la beauté tranquille et envoûtante de la forêt boréale endormie sous sa couverture de neige hivernale.

Il y en a qui naissent sans ce besoin viscéral de rapports humains. Ils ne sont pas antisociaux, ils ne détestent pas les gens. Ils s'accommodent simplement très bien de la solitude, et ne vivent pas avec l'indélogeable sentiment que, si personne n'est témoin de leur vie, celle-ci n'a pas de sens. Je les envie. Je suis né avec la malédiction d'avoir besoin de partager ma vie avec d'autre membre d'une espèce qui, globalement, me répugne et en qui je ne me reconnais pas, comme si je ne faisais pas partie de cette espèce.

Que voulez-vous, je suis défectueux. Pour parler en termes darwiniens, je suis venu au monde avec une mutation qui fait de moi un être mésadapté aux conditions de vie actuelle. Une mutation que la sélection naturelle aura tôt fait d'éliminer d'ailleurs, puisque je n'aurai jamais de descendance. Il y en a qui naissent sourds, ou aveugles, ou avec des bras ou des jambes en moins. Mon infirmité à moi, c'est ça: Mon incapacité à me passer d'une espèce que je sais être une impasse évolutive, que je sais être destinée à se faire rayer de la carte, mais pour laquelle je ne peux m'empêcher de ressentir de la compassion et de l'amour malgré la haine, le mépris et le dégoût qu'elle m'inspire.

C'est un problème insoluble. Comme un aveugle ne verra jamais, moi aussi, je devrai apprendre à "faire avec". Mais en attendant, je continue à faire la même gaffe, la même erreur que j'ai fait depuis toujours: Je met ma vie en veilleuse, je retarde mes projets, en attendant de trouver éventuellement une personne avec qui je pourrai éventuellement partager cette nouvelle vie que je désire tant et que plus aucun autre obstacle matériel, financier ou logistique ne m'empêche plus de réaliser.

Vivement que le printemps arrive. Il semble bien que, retraite ou pas, j'ai encore beaucoup de chemin à faire avant d'apprivoiser la saison hivernale. Et si je me fis aux années passées, le pire reste encore à venir car c'est le mois de mars que je trouve habituellement le plus difficile à supporter émotionnellement. D'un autre côté, je sens très nettement cette année une beaucoup plus grande tolérance au froid. Pas seulement parce que je m'habille plus chaudement, mais parce que cette année je passe plus de temps dehors que je n'en ai jamais passé les hivers précédents. Et mon corps s'adapte.

Et puis je m'ennuie de la collègue avec qui je m'entend si bien. On s'écrit beaucoup, mais ce n'est pas la même chose. On aurait dû se voir hier, alors que je suis passé à mon ancien bureau pour rapporter l'équipement que j'avais emprunté durant le temps des fêtes et aussi pour souhaiter la bonne année à mes anciens collègues. Mais elle était malade. Enrhumée et fiévreuse à cause de toutes les "bibittes" du temps des fêtes. Les gens ont des systèmes immunitaires de moumounes. C'est ce qui arrive quand on vit dans un milieu trop aseptisé. J'ai serré des dizaines de mains et fait des dizaines de bises hier, et pourtant je vous paris mon ancien salaire d'un mois que je ne développerai même pas l'ombre d'un petit rhume.

Au moins j'ai eu la chance de revoir Consoeur et de passer un bon moment en sa compagnie. Toujours aussi agréable, cette Consoeur.


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