23 mai 2009

Bordel de merde. La télé, ça n'a plus de maudit bon sens. Je syntonise par hasard un poste, je vois un homme passer au travers de la toiture d'une église et s'écraser au sol avec une pelle à bardeaux en travers de la tête, au beau milieu d'une foule hystérique. Je change de chaine, un gars est en train de changer un pneu crevé pendant que son ami se tient debout près de lui, devant leur voiture immobilisée sur le bord de la route. Au moment même où une autre voiture passe à toute allure à leur hauteur, celui qui était debout pousse d'un coup de pied l'autre au milieu de la route où il se fracasse sur la grille avant de la voiture puis dans le pare-brise. Dégoûté, je change à nouveau de chaîne, juste à temps pour voir un jeune couple à bord d'une voiture qui semblent regarder et sourire à un bébé assis sur la banquette arrière. Au même moment on voit, du point de vue du bébé, l'immense grille avant d'un dix-huit roues apparaître à travers le pare-brise juste avant que tout disparaisse dans un immense fracas de métal et de verre.

Non mais dans quelle genre d'ostie de crisse de société de malade vit-on ?! Sur quoi je serais tombé si j'avais changé de chaîne encore une fois ??

Et dire qu'il y en a qui rient de moi parce ma télé est syntonisée la très grande majorité du temps sur la chaîne Télétoon...

Heureusement qu'il existe de ces moments magiques, comme celui que j'ai vécu jeudi dernier. Une journée entière de pure extase. Une journée ensoleillée, chaude, merveilleuse, passée dans le plus extatique des environnements qui puisse exister. C'était ma première randonnée de l'année, le genre de moment que j'attendais depuis six longs mois.

Seize kilomètres au total, cinq cent mètres de dénivelé, montés puis redescendus. À la fin de la journée, trois ampoules sur un pied, deux sur l'autre, un coup de soleil presque au deuxième degré dans le cou, mal aux hanches, mal aux genoux, mal au pieds.

MAIS CRISSE QUE JE ME SENTAIS VIVRE !

Plus de six heures passées dehors, en plein bois, à marcher dans cette nature splendide et renaissante, sous ce soleil radieux, à humer cet air pur chargé d'odeurs subtiles et printanières. Au bas du sentier, une forêt de feuillus dont les bourgeons commençaient à peine à éclore. Mais le sous-bois, lui, était littéralement couvert de petites plantes à floraison printanière qui profitent de cette courte période de l'année pour engendrer la génération suivante, avant que la couverture arbustive ne se referme pour le reste de l'été, les privant de cet apport inespéré d'ensoleillement.

En haut, la forêt boréale. Les silhouettes des épinettes dont le vert profond contraste merveilleusement avec le riche bleu d'un ciel sans nuage. Ici, aucune feuille visible dans les rares arbres et arbustes feuillus. Plusieurs heures de marche contemplative le long d'un sentier encore couvert de neige dans les sections étroites et à l'abris du soleil.

Au bout du sentier, au belvédère, cette vue splendide sur l'immense vallée glaciaire, une vue dont, année après année, je ne me lasse jamais. Quelques autres randonneurs sont déjà sur place. Nous échangeons sur toutes sortes de sujets, mais surtout sur la magnificence de cette nature, alors que nous grignotons nos dîners respectifs. Un couple de randonneurs me parlent d'un ours qu'ils ont croisé dans le sentier. Je n'ai rien vu; je n'ai pas eu la même chance qu'eux.

Pendant que de nouveaux randonneurs arrivent, d'autres partent. Après un certain temps, c'est finalement mon tour de reprendre le chemin, sur mes pieds endoloris parce que trop paresseux après ce long hiver d'inactivité honteuse. En chemin, je croise un jeune couple fouillant dans les buissons qui longent cet immense barrage de castor, cherchant à entrevoir les bêtes qui émettent cet étrange son qui brise le silence. Je leur explique qu'il s'agit de grenouilles des bois, dont le croassement m'est très familier. Ils me confient qu'ils sont très surpris d'apprendre qu'il s'agit de grenouilles, croyant qu'ils avaient à faire à une quelconque espèce d'oiseau. À cette altitude, les grenouilles des bois chantent, avec un mois de retard par rapport à mon petit lac à moi.

Ma progression est lente. Pas seulement à cause de mes ampoules et de mes jambes endolories, mais parce que je veux prendre mon temps. Le soleil est encore haut dans le ciel, et j'ai tout le temps de savourer cette nature qui m'entoure et qui m'a tant manqué. Mes genoux me font souffrir à chaque pas dans la descente, mais je m'en fous. Je sais qu'après seulement une ou deux autres randonnées du genre, l'entièreté de ma forme physique sera revenue et je ferai montre de plus d'endurance que ces autres randonneurs vingt ans plus jeunes que moi.

De retour à ma voiture, je ne peux que rester là et m'extasier devant la magnificence de ce paysage, sous la lumière rasante du soleil qui descend lentement sur l'horizon. C'était ÇA qui m'avait manqué tous ces mois. Ma place, elle est là, dans cette forêt, au milieu de cette nature. Il n'y a plus aucun doute possible.

De retour chez moi, si ce n'avait été de ce vent à écorner les boeufs qui soulevait des vagues d'un pied même sur le petit plan d'eau qu'est mon lac, je serais allé me défaire les bras en kayak de la même façon que je m'étais défait les jambes tant j'étais plein d'énergie et de vitalité. Tous mes problèmes, toutes mes interrogations, toutes ces profondes et exaspérantes remises en questions existentielles avaient disparu.

À cause de mes ampoules et de ce désagréable coup de soleil, fruit de ma négligence et de ma stupidité, pas question de refaire une autre randonnée du genre avant une semaine. Qu'à cela ne tienne, je prendrai mon mal en patience. J'aurai sûrement quelques autres terres à aller visiter d'ici là. Mon désir de me trouver une terre à bois me démange ces temps-ci, plus que jamais. Il faut vraiment que je trouve, et cet été en plus. Je ne veux pas passer l'hiver prochain dans ma maison actuelle. C'est hors de question.


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