1 novembre 2009

Les prochaines semaines de ma vie vont être un enfer. Un véritable enfer.

Le sol s'est dérobé sous mes pieds. Je suis en chute libre. Je tombe. Je suis totalement paniqué, je ne sais plus quoi faire, vers où me tourner, à quoi me raccrocher, et je vois le sol qui s'approche, s'approche, sans que je ne vois aucune issue possible.

Ne vous en faites pas, mon père va bien. Sa condition n'a cessé de s'améliorer depuis la semaine dernière. Je retourne lui rendre visite demain. Il est possible qu'il quitte l'hôpital cette semaine. Il aurait apparemment souffert d'une labyrinthite virale, mais je ne suis pas au fait des dernières nouvelles. J'en saurai plus demain.

Bordel, tant de choses se bousculent dans ma tête, je ne sais pas par quoi commencer. Je ne sais pas comment vous communiquer ce que je ressens sans basculer dans le mélodrame de pacotille. Ce sera un miracle si le billet de ce soir montre ne serait-ce que l'ombre d'un début de cohérence.

Comme je vous le disais dans le billet précédent, les médecins ont questionné la pertinence de laisser mon père retourner vivre seul dans son logement, du moins au début. Ma soeur m'a demandé si j'étais prêt à aller vivre avec lui pour quelques jours, peut-être même une semaine, à sa sortie d'hôpital. J'ai accepté. Mais vous savez aussi bien que moi que l'éventualité d'une telle responsabilité sur mes épaules, même pour un si court laps de temps, me remplissait d'angoisse. Il y a une chose, une, qui me demande un effort surhumain. Et de toutes les façons dont j'aurais pu aider, de toutes les choses qu'elle aurait pu me demander, il a fallu que ce soit celle-là.

Mais bon, j'ai fait un homme de moi. Avec du recul, j'ai vu le ridicule de ma réaction, et après quelques jours j'ai même commencé à voir venir ce moment avec enthousiasme, comme une opportunité de partager et d'échanger de bons moments avec mon père, de lui montrer un tas de choses en informatique dont je lui parlais depuis longtemps, de faire du rattrapage sur mes lectures et sur le triage et le classement de mes photos, etc.

Ça a commencé à sentir mauvais quand ma soeur m'a rappelé pour me dire que non seulement elle avait informé mon père de ma disponibilité pour passer quelques jours avec lui, mais qu'en plus elle avait pris l'initiative de lui dire que l'idée venait de moi ! Bref, elle avait décidé de lui mentir, supposément dans son intérêt, et de m'impliquer dans son mensonge sans me demander mon avis. Inutile de préciser que j'étais furieux. Je n'ai jamais donné, dans ces pages, beaucoup de détails sur les autres membres de ma famille, pour la simple raison que ça n'aurait pas été pertinent. Mais vous devez savoir que ce n'est pas la première fois que ma soeur se permet ce genre de liberté. Cependant, ses initiatives précédentes ont toujours été pour des choses somme toute banales et sans conséquences, et j'ai toujours laissé passer, dans l'intérêt de l'excellente entente au sein de notre famille. Mais cette fois, elle dépassait les bornes, et j'avais bien l'intention de le lui faire clairement comprendre à la prochaine occasion que nous aurions eu d'être seuls face à face.

En voulant aller visiter mon père vendredi, ma voiture a fait des siennes, et j'ai dû rebrousser chemin et me contenter d'un appel téléphonique pour lui donner signe de vie et lui demander de ses nouvelles. C'est alors qu'il m'a appris quelque chose qui m'a littéralement coupé les deux jambes. Ça a pris tout ce que j'avais en moi pour garder mon flegme et terminer la conversation comme si rien de particulier ne s'était dit.

J'ai appris, par ses propos, qu'il s'attendait à ce que j'aille m'installer chez lui non pas pour quelques jours, au plus une semaine, mais bien jusqu'à ce que ma soeur et mon beau-frère aient terminés les aménagements pour l'accueillir chez eux, dans un peu moins de deux mois ! DEUX MOIS, BORDEL DE MERDE !

Tout d'un coup, sans avertissement, je venais d'apprendre que quelqu'un d'autre avait décidé, comme ça, sans même me consulter, que ma vie allait être complètement chamboulée pour le reste de l'année, et ce de la pire façon qu'on aurait pu me demander. Aidant naturel, pendant deux  mois, dans un rôle qui me terrorise plus que tout. Mais ce n'est pas seulement le fait de devoir être disponible vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, pour mon père. Je pourrais aisément imaginer pire personne avec qui partager cette expérience. Non, c'est le fait que pour les deux prochains mois, je devrai renoncer à tout: Ma maison, mon lac, ma forêt, le peu de vie sociale que j'ai, la collègue avec qui je m'entend si bien qui recommence à travailler à la fin du mois et avec qui nous avions planifier de nous voir et de faire quelques activités avant cette date. Mais bien pire encore, pour les deux prochains mois je devrai vivre prisonnier d'une tour d'habitation en pleine ville ! EN PLEINE VILLE, BORDEL DE MERDE ! Mes doigts en tremblent et j'ai la gorge nouée juste d'écrire ces lignes !

Ne connaissant pas la teneur exacte du petit mensonge "blanc" de ma soeur, j'ai feins l'innocence avec mon père au téléphone. Mais celui-ci n'est pas né de la dernière pluie, et je suis sûr qu'il n'aurait pas été dupe si nous nous étions trouvé l'un en face de l'autre. La panne inopinée de mon véhicule fut, avec du recul, une bénédiction qui nous a sauvé d'une situation qui aurait pu être très embarrassante. Ça fait deux nuits que je dors à peine. Vous devez me trouver pathétique et complètement ridicule de me mettre dans un état pareil pour quelque chose qui représenterait somme toute un mineur dérangement pour la vaste majorité des gens. Mais voilà, JE NE SUIS PAS LA MAJORITÉ DES GENS, MERDE DE MERDE, ET JE SUIS CRISSEMENT ÉCOEURÉ DE DEVOIR M'EXPLIQUER ET ME JUSTIFIER SUR CET ÉTAT DE FAIT, ENCORE ET ENCORE, DEPUIS DES LUNES, ET SURTOUT AUPRÈS DES MEMBRES DE MA PROPRE FAMILLE !

Vous voulez savoir comment je me sens ? Comme une personne pour qui tout irait comme sur des roulettes, qui vivrait une vie de rêve, et qui comme ça, sans avertissement, se ferait frapper par un train et verrait sa vie basculer en une seconde. Mais pire encore, il aurait été poussé sur les rails par sa propre soeur !

J'ai passé tout l'après-midi et la soirée d'hier avec Copine. Pour échapper à l'éventualité de voir des "Halloweeneux" frapper à ma porte, mais aussi parce qu'elle m'avait offert de me changer les idées en sa compagnie. Je pensais que j'exagérais en me mettant dans un état pareil, que je faisais une montagne d'une colline, une tempête dans un verre d'eau, mais sa réaction a été instantanée et sans équivoque lorsque je lui ai parlé de l'éventualité d'aller vivre à temps plein deux mois en ville: "Ça n'a aucun sens, tu vas devenir cinglé dans le temps de le dire, et tu ne seras plus d'aucune utilité à ton père dans cet état".

Je ne voulais pas appeler ma soeur immédiatement, alors que j'étais encore sous le coup de l'émotion. Je voulais laisser passer quelques jours. Nous nous sommes parlé ce soir, et j'ai fait preuve du plus de diplomatie dont je suis capable pour lui demander des explications. Comme je pouvais m'y attendre, elle a essayé de jouer la carte de la culpabilité, ce qui ne marche vraiment, mais alors là vraiment pas avec moi. Je vous fais grâce des détails de nos échanges. Mais je dirai néanmoins que j'ai mis une chose très au clair avec elle: Elle est entièrement libre de faire reposer sa relation avec notre père sur ce qu'elle veut, incluant le mensonge, mais de mon côté, j'ai toujours basé ma relation avec mes parents, tant mon père que ma mère quand elle était en vie, sur la vérité et la franchise absolue. Et JAMAIS je ne laisserai qui ou quoi que ce soit changer cela. Mes parents sont les seuls êtres sur cette planète avec qui je n'ai jamais senti le besoin d'être différent, d'être mieux, ou de me montrer sous un meilleur jour que ce que je suis, pour me sentir aimé et apprécié. Lorsque j'ai dit à ma soeur que j'allais éventuellement dire la vérité à notre père, tout ce qu'elle a trouvé à répondre c'est : "Même au risque de lui faire du mal ?" OUI, CRISSE, OUI ! Même au risque de lui faire du mal ! Ce n'est pas une pauvre loque, une moumoune qu'il faut infantiliser et "ménager", c'est un être humain, un adulte, un homme, parfaitement lucide, qui a sa dignité lui aussi ! Il ne sera pas parmi nous éternellement et si elle veut qu'il reste des mensonges entre elle et lui lorsqu'il nous quittera finalement, alors libre à elle. Qu'elle vive sa vie comme elle le veut et qu'elle en assume les conséquences. Mais qu'elle cesse de se mêler de ma vie à moi !

Mais vous savez ce qui me blesse le plus dans tout ça ? C'est le fait que ma soeur ait senti qu'il était nécessaire de mentir, de "m'embellir" auprès de mon père, pour qu'à ses yeux, ce dernier puisse être fier de moi. Cela en dit très long sur ma soeur, et surtout sur son opinion de moi. Mais je mentirais si je disais que ça me surprend.

Je ne sais pas comment les choses vont s'organiser avec moi sur le plan logistique dans les prochaines semaines. Celles-ci m'apparaissent pour le moment comme un gouffre d'inconnu et d'incertitude et d'angoisse. Il est certain que j'ai une maison dont je dois m'occuper, des messages téléphoniques à prendre, des courriels à lire, des clients à contacter et donc que j'essaierai de passer ici assez souvent (mon père n'a pas l'Internet et il ne serait pas simple de le faire installer pour une si courte période). Il va aussi falloir que je contacte la collègue avec qui je m'entend si bien pour la mettre au courant de la situation. Avec du recul, je réalise que je n'ai peut-être pas une vie sociale aussi inexistante que je croyais, après tout.

Pour ce qui est de ce journal, ne vous attendez pas non plus à beaucoup d'activité d'ici la fin de l'année.

Ma soeur et mon beau-frère ont dit qu'ils feraient tout leur possible pour que mon père soit déménagé et installé chez eux avant Noël, pour que la famille puisse passer un temps des fêtes calme et serein avec tout ce branle bas de combat derrière nous. Mais en toute honnêteté, je n'ai tout simplement plus le goût de voir ma soeur, et par extension le reste de la famille, quand tout cela sera terminé. En fait, je n'ai plus le goût ni de la revoir, ni d'avoir quelque contact que ce soit avec elle, à jamais. Elle a essayé de me manipuler, de se mêler de ma vie, et de me faire me sentir inadéquat et méprisable une fois de trop. Je ne lui laisserai plus d'occasion de recommencer. Je sais que c'est la dernière chose que mon père aurait souhaité: de se retrouver bien malgré lui la cause, directe ou indirecte, d'un conflit entre ses enfants. Mais fermer les yeux et faire semblant que tout va bien dans le meilleur des mondes serait une insulte à son intelligence. Et de toute façon on ne peut pas prévoir comment les choses se seront tassés, si jamais elles se tassent, d'ici les fêtes.

Une chose est absolument certaine cependant. JAMAIS je ne serai au crochet de qui que soit. JAMAIS je ne permettrai que des gens, quels qu'ils soient, se retrouvent dans une position qui les obligera à prendre des décisions de ce genre par rapport à moi. Encore mieux, je m'arrangerai, logistiquement et légalement s'il le faut, pour qu'il soit IMPOSSIBLE à qui que ce soit de prendre ce genre de décision à mon endroit. Lorsque j'aurai atteint le crépuscule de ma vie, que je serai au bout du rouleau, alors je crèverai, point final.


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