23 septembre 2009

Il y a un peu plus de deux semaines j'ai passé un après-midi complet avec mon père. J'avais fait une sélection des meilleures photos et petits films de mes nombreuses expéditions de courte durée de cet été. J'en ai fait bien plus que celles dont je vous ai parlé, mais je vous ai fait grâce des détails. Disons que j'ai trouvé de nombreux vestiges de l'occupation humaine: de vieux camps de chasse, en ruines, sur le bord de petits lacs de montagne magnifiques où, sans doute, aucun être humain n'avait mis le pied depuis des années, plus probablement des décennies. J'ai couru à travers un marais à la poursuite d'un mâle orignal dont j'avais aperçu la silhouette entre les épinettes et qui semblait porter un magnifique panache. Il m'a traîné à travers les pires conditions de sols et de végétation: marais, bosquets d'épinettes serrés, etc. Lui, naturellement, naviguait dans ce terrain sans difficulté, et ce malgré sans taille impressionnante. Il va de soi qu'il m'a semé en quelques minutes, me laissant détrempé, couvert de vase, et les jambes déchiquetées et ensanglantées, et sans même une seule photo pour tout le mal que je me suis donné. Je suis allé me laver et me rafraîchir dans l'eau d'un petit lac, avant de m'étendre au soleil sur un cran de roche.

Bref donc, je disais que j'avais passé l'après-midi avec mon père. Il n'y avait que nous deux, et je lui ai montré mes photos, lui commentant chacune d'elle et lui faisant un bref résumé de l'expédition durant laquelle je l'avais prise. Vous vous dites sans doute que les gens ne raffolent habituellement pas de ce genre de "party de diapo", mais dans ce cas c'était très différent. Je l'ai souvent dit: Je ne tiens pas mon affinité et mon amour indéfectible de la nature de n'importe qui. Il était littéralement fasciné par mes photos, mes films et mes récits. Et bien sûr, il y avait un certain temps que nous n'avions pas eu l'opportunité de passer du temps ensemble, juste lui et moi. Mon frère et ma soeur ne partagent pas notre passion pour la nature, pas avec la même intensité en tout cas, et lorsque toute la famille est ensemble nous évitons tout naturellement d'aborder trop en profondeur les sujets de conversation qui risquent d'exclure certains d'entre nous.

Donc, ce fut un bel après-midi. Un très bel après-midi même. Il me l'a répété à quelques reprises avant mon départ. Vu son âge et sa santé, il ne pourra plus jamais vivre ce genre de chose, et se réjouit de voir que, moi, je vis mes rêves, tout en me donnant la peine de lui en faire partager une toute petite partie.

Copine et moi nous sommes vu une fois durant le mois de septembre. Il y a des années que je ne la reconnais plus, ma Copine. C'est pourtant avec elle, il n'y a pas si longtemps que ça, que nous partions un peu à l'improviste et avec un minimum de préparation dans des expéditions de canot-camping ou de longue randonnée en autonomie complète dans des endroits aussi reculés que les monts Groulx. Cette fois, nous n'étions partis que pour une courte randonnée d'une journée, dans un parc bien connu et bien fréquenté, le long d'un sentier bien balisé dans lequel même un aveugle aurait pu aisément trouver son chemin à tâtons, et je sentais pourtant qu'elle ne prenait aucun plaisir à cette courte escapade. Durant la première moitié de la journée en tout cas, il était évident qu'elle faisait tout pour ne pas montrer les peurs et les angoisses qui la dominaient presque complètement: Peur de se blesser, peur de se perdre, peur de rencontrer un ours, etc. Elle a quand même commencé à se détendre vers la fin de la journée et à se laisser imprégner par la splendeur et la magnificence de la nature qui nous entourait.

Et la collègue avec qui je m'entend si bien dans tout ça ? Et bien nous nous sommes revus la semaine dernière, à son bureau. C'était la première fois qu'on se revoyait face à face depuis le mois de juillet. Notre club social faisait une activité automnale et ils ont eu la gentillesse de me transmettre l'invitation.

C'était sa dernière semaine de travail, son contrat se terminait. Alors inutile de dire qu'elle n'était pas très motivée au travail, ce qui explique sans doute pourquoi nous avons passé plus de deux heures ensemble, à placoter de toutes sortes de choses et à rattraper le temps perdu. C'est fou comme notre belle complicité réapparaît instantanément dès que nous sommes ensemble, et ce peu importe le temps qui s'est écoulé depuis notre dernier tête à tête.

Lundi, elle a célébré sa première semaine de liberté en ma compagnie. Nous sommes partis en forêt ensemble et je l'ai amené voir la merveilleuse petite chute de montagne que j'ai découverte le mois dernier et devant laquelle elle s'est extasiée autant que moi la première fois. Il avait beau faire exceptionnellement beau et chaud en cette dernière journée d'été, l'eau de la chute, elle, était glaciale. Mais vous me connaissez, je n'ai pas pu résister à l'envie de m'y plonger avant de me laisser sécher sous les rayons du soleil. La collègue avec qui je m'entend si bien, elle, s'est abstenue. Elle n'a pas la même affinité que moi avec l'eau, surtout l'eau glaciale. Mais aussi, elle n'avait rien apporté pour se changer, et bien qu'elle soit tout à fait d'accord en principe avec ma façon de jouir de la nature en toute nudité, je ne crois pas qu'elle se sente prête à partager ce genre d'expérience en ma compagnie, pas encore. Nous avons beau nous connaître depuis près de huit ans, ce n'est que cet été qu'elle m'a vu nu pour la première fois. D'ailleurs, lors de cette première fois, j'étais amusé de voir sa réaction, ce très léger malaise dont j'ai été témoin tant de fois, cette façon de chercher à ne pas avoir l'air de regarder, tout en n'ayant pas l'air de chercher à ne pas regarder. Bref cette façon tout à fait forcée et pas naturelle du tout de chercher à avoir l'air le plus naturel possible. Mais comme à chaque fois, j'ai aussi constaté à quel point ce malaise se dissipe complètement en quelques minutes à peine, et à quel point la situation devient vite tout à fait normale.

Ce fut une magnifique journée, comme c'est toujours le cas quand je la passe en sa compagnie. Ne travaillant plus, et sa saison de vélo de montagne étant terminée, elle a bien l'intention de se reprendre pour toutes les randonnées pédestres qu'elle n'a pas faites durant les dernières semaines. Elle s'est mise en tête de me réconcilier avec le ski de fond cet hiver, et moi de la réconcilier avec la raquette. Mais la neige n'est pas encore arrivée, et d'ici là nous devrions pouvoir profiter plus souvent ensemble de la saison automnale qui s'amorce.


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