4 mars 2010

L'an passé, à la même date, j'étais déjà monté deux fois sur ma toiture pour la déneiger. Cette année, je n'ai pas eu à m'astreindre à cette tâche une seule fois, et en plus, si la météo actuelle se prolonge encore quelques jours, il n'y aura plus la moindre trace de neige sur ma toiture. C'est quand même incroyable de voir comment les saisons peuvent se succéder d'une année à l'autre sans se ressembler.

Dans les rues, il n'y a plus de neige ni de glace. Nulle part. Juste de l'asphalte et du sable. Je commence même à voir certains cyclistes qui ont sorti leurs vélos. Encore une fois, l'an passé à la même date, marcher dans les rues du quartier sans se casser la gueule tenait de l'exploit. Les chemins étaient couverts d'une glace mouillée striées de rigoles par lesquelles l'eau de fonte s'écoulait.

On peut déjà voir de grandes "patch" de terre dénudée près du bord du lac. Je ne suis pas allé voir, mais je ne serais pas surpris si de jeunes pousses de tussilage commençaient déjà à émerger du sol nu.

Les gens du quartier font montre d'une certaine intelligence. Depuis près de deux semaines, plus personne n'ose s'aventurer sur le lac. Je me demande vers quelle date il va caler cette année. Sûrement plusieurs semaines en avance par rapport aux années précédentes, du moins si la tendance météorologique actuelle se maintient.

Et puis il y a ce soleil... ce soleil qui brille de tous ses feux, qui réchauffe mon visage et mon coeur. Déjà, les randonnées en raquette derrière chez moi deviennent de plus en plus difficiles. La couche de neige est toujours suffisamment épaisse pour couvrir les obstacles du sol et de la végétation, mais cette neige est de plus en plus mouillée, de plus en plus lourde, et elle perd toute cohésion, si bien que les raquettes s'enfoncent jusqu'au sol si on a le malheur de marcher un peu à côté du sentier tapé. Faire du hors piste devient donc très difficile. C'est excellent pour la dépense de calories et l'entraînement cardio-vasculaire, me direz-vous, et vous aurez raison. N'empêche que ça enlève un peu au plaisir de la randonnée. Qu'à cela ne tienne, il y a encore des endroits plus au nord dans les montagnes, où je ne suis pas encore allé cette année, et où les conditions sont sûrement encore excellentes, et le resteront encore pour quelques semaines de plus. Sauf que je vais devoir prendre ma voiture pour m'y rendre.

Selon la collègue avec qui je m'entend si bien, sa saison de ski de fond, elle, est à toute fin pratique terminée, surtout depuis la tempête de vent de la semaine dernière, à cause de laquelle les sentiers sont littéralement jonchés de bois mort, et ce en plus des mauvaises conditions de neige.

Parlant de la collègue avec qui je m'entend si bien, une pensée fait souvent surface dans ma tête à son sujet depuis quelques mois. Elle et son conjoint se sont récemment achetés une maison, dans laquelle ils vont emménager cet été. Tous les signaux que je reçois me portent à croire que leur relation est au beau fixe. Mais ce n'est pas ça qui m'inquiète. Ce qui m'inquiète, c'est que je ne peux m'empêcher de penser qu'éventuellement, dans les prochains mois, elle va finir par m'annoncer qu'elle est enceinte. Et alors, ce sera la fin de notre belle amitié. Je l'aurai perdue pour toujours. Parce que dans tous les cas, sans exception, j'ai toujours fini par perdre mes amies à partir du moment où elles ont eu des enfants. Il n'y a aucune exception à cela.

Quand je l'ai connue, il y a six ou sept ans, elle ne voulait absolument rien savoir d'avoir des enfants un jour. Elle n'en ressentait pas le moindre désir. Mais elle n'avait même pas trente ans, alors je me disais qu'elle avait encore le temps de changer d'idée, surtout lorsque son instinct maternel finirait par la rattraper en approchant de la quarantaine.

Maintenant, elle a trente-cinq ans. Et déjà, cet été, son discours avait changé. Elle n'exprimait toujours pas le désir de fonder une famille, mais je sentais bien, par la manière qu'elle parlait de sa propre enfance avec ses parents qui étaient de grands sportifs amateurs de plein air qui ne se privaient absolument pas pour trainer leur progéniture dans toutes leurs aventures, qu'elle ne percevait plus autant qu'avant le fait d'avoir des enfants comme un obstacle au mode de vie actif qu'elle a choisit et auquel elle ne voulait pas renoncer. Combinez cela au fait que son conjoint, lui, tient absolument à avoir des enfants, et vous avez là recette parfaite pour une éventuelle grossesse à court ou moyen terme. À moins que leur couple ne prenne fin d'ici là, ce qui, honnêtement, me surprendrait beaucoup.

Bref, je me sens un peu angoissé ces temps-ci. Pour ça, et pour d'autres raisons aussi. Copine m'a appris cette semaine que Cousine, qui se remettait pourtant bien de son épreuve, avait de nouveau été hospitalisée et réopérée en fin de semaine dernière, à cause de complications dues à sa précédente chirurgie. Et puis il y a le fait que je me fais du mauvais sang pour des personnes qui, elles, se foutent éperdument de moi. Cousine, Lolita, toutes ces femmes de qui j'ai osé me croire l'ami à une certaine époque et maintenant pour qui, voyons les choses en face, je n'ai à peu près plus aucune importance.

Je ne peux pas vraiment les blâmer. Mon discours actuel dérange. Je représente maintenant quelque chose que ni elles, ni la vaste majorité des gens, ne veulent voir. Même Copine m'a exprimé son irritation devant mon discours anti-humanité, alors qu'ironiquement elle venait de me casser les oreilles pendant une demi-heure avec ses problèmes actuels à son emploi. Alors moi je devrais lui offrir une oreille indéfectible quand elle a besoin de se vider le coeur, mais je ne devrais pas compter sur elle quand j'ai besoin qu'elle me rende la pareille ?

En plus, elle ne réalise pas qu'il y a une solution à son problème: changer de job. Je sais que ça n'est pas nécessairement ni simple, ni facile, mais c'est au moins une possibilité qui existe. Mais moi, qu'est-ce que je fais avec mon problème ? C'est toute ma condition humaine que je porte sur mes épaules, je fais quoi avec ça ? Je ne peux quand même pas changer d'espèce ! Non, j'ai ouvert la boîte de Pandore, j'ai choisi de regarder l'humanité telle qu'elle est. Je ne peux plus revenir en arrière. C'est un fardeau lourd à porter. Je n'ai aucun doute que je finirai par bien m'en accommoder. En fait, je m'en accommode fort bien la plupart du temps. Mais il y a juste certains jours où, pour toutes sortes de raisons, ce fardeau me semble un peu plus lourd que d'habitude. Dans ces temps là, j'aimerais bien aussi avoir une oreille attentive. Il me semble que je ne demande pas la lune.

Je ne me fais pas d'illusion. Ma vie sociale n'ira jamais en s'améliorant. Le message que je véhicule est insupportable pour la vaste majorité des gens, et ce sans même que j'aie à ouvrir la bouche.

Mais malgré tout ça, je ne reviendrais jamais en arrière. Car jamais ne me suis-je senti aussi bien dans ma peau, aussi en paix avec moi-même, que depuis que j'ai accepté ma véritable nature, accepté d'être qui je suis vraiment.


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