19 mars 2010

Il n'y a pour ainsi dire plus de neige sur mon terrain. Et ce, deux jours avant l'arrivé officielle du printemps. Tout à l'heure, un petit papillon de nuit voletait dans ma fenêtre, attiré par la lumière de ma lampe. Nous sommes effectivement cinq semaines en avance sur l'année dernière, et ce n'est certainement pas moi qui vais m'en plaindre.

Ce qui fait étrange, cependant, c'est qu'aucun oiseau migrateur ne s'est encore pointé le bec par ici. C'est tout à fait normal si on se fit au calendrier, mais en regardant dehors on se croirait beaucoup plus tard dans l'année, et chaque matin ensoleillé je m'attendrais à entendre chanter les carouges à épaulette sur le bord du lac. Mais non, rien. C'est difficile d'accepter l'idée que nous sommes encore en hiver.

Même pour une personne comme moi, il est de ces journées absolument parfaites. Mercredi dernier était un jour comme ça. Température superbe, ciel bleu immaculé, soleil radieux, légère brise à peine perceptible. Mais mieux encore, je me suis levé de superbe humeur, et n'ai pas ressenti le moindre petit inconfort physique de toute la journée. Que voulez-vous, je suppose que les planètes étaient bien alignées pour moi. D'ailleurs, mes problèmes physiques semblent repartis aussi vite qu'ils étaient réapparus. Allez comprendre. Je devrai éventuellement accepter le fait que je ne comprendrai probablement jamais.

Justement, mercredi dernier, j'ai passé l'après-midi en raquette dans les montagnes où j'ai fait la plupart de mes randonnées de découverte l'été dernier. Il y a encore amplement assez de neige par là, mais la journée y était tout aussi chaude et ensoleillée qu'ici. Non, les chemins forestiers ne sont pas encore ouverts, je n'ai donc pas pu m'éloigner énormément de la route, mais même près de celle-ci il y a des endroits magnifiques à visiter, d'autant plus que, cette fois, j'y étais pratiquement seul.

Arrivé sur le bord d'une rivière encore gelée, le vieux quai, lui, était libre de neige. Aucun vent ne soufflait. L'atmosphère était calme, sereine, paisible. La nature était aussi belle qu'une femme qui dort paisiblement à nos côtés.

Après avoir retiré mes raquettes, je me suis étendu au soleil. Les yeux fermés, je ne pensais plus à rien, laissant simplement les chauds rayons réchauffer mon visage. Sur un fond de silence absolu, assaisonné par le pétillement de la glace de la rivière qui fondait, je pouvais entendre tantôt le bruissement d'aile d'un passereau, tantôt les cris de protestation d'un petit rat à queue poilue, ou encore simplement le sifflement d'une brise dans les sommets des montagnes.

Puis, un son immédiatement reconnaissable. Celui d'une voix humaine. Puis de deux. Une conversation entre un homme et une femme. Entrouvrant légèrement un oeil pour voir qui arrivait sans en avoir l'air, j'ai aperçu deux silhouettes surgir de derrière les épinettes, un jeune couple en randonnée, profitant eux aussi de cette journée magnifique. Ils m'ont aperçu, mais n'ont pas osé s'approcher de moi. Ils ont gardé leur distance et ont continué leur conversation à voix basse, comme s'ils avaient peur de me réveiller. Puis après quelques minutes, ils ont poursuivi leur chemin.

La semaine dernière, au même endroit, j'avais rencontré un petit couple de Montréal. C'était leur première visite dans la région, ils avaient loué un chalet dans les environs. Je suis brièvement resté en leur compagnie, nous avons jasé peut-être quinze minutes au total.

Étrangement, je n'ai jamais de difficulté à aller vers les gens quand je les rencontre dans la nature. Mon côté misanthrope et mon anxiété sociale semblent toujours disparaître complètement. Peut-être est-ce parce que, dans la nature, je n'ai presque toujours fait que des rencontres agréables. Peut-être aussi est-ce que, dans cet environnement, je me sens si bien, si à ma place, si sûr de moi, que toutes mes angoisses disparaissent.

Qui sait.

Avec ce printemps hâtif, j'ai récemment replongé dans mon projet de chalet en forêt, un projet auquel je n'avais pas consacré beaucoup de temps cet hiver, ni l'été dernier à bien y penser. Ces derniers jours, j'ai passé une bonne partie de mon temps à parcourir des sites web sur le sujet que j'avais mis en favoris il y a un certain temps sans avoir pris la peine d'y revenir par la suite. L'Internet est une mine intarissable d'information pour qui sait chercher.

Dans la très vaste majorité des cas, pour les personnes qui se sont lancés dans des projets semblables au mien, les deux principaux obstacles sont toujours les mêmes: L'argent, et le temps. En ce qui me concerne, ces obstacles n'existent pas. La seule chose qui me retarde, c'est de trouver ma terre, cet endroit idéal où j'aimerais m'installer. Avec l'arrivée du printemps, il va maintenant falloir que je m'y mette sérieusement. De toute évidence, ma façon actuelle de faire des recherches ne connait pas un succès retentissant. Il va falloir que je fasse preuve de plus d'imagination et de débrouillardise dans les prochaines semaines.


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