6 octobre 2010

Je ne me lasse tout simplement jamais des merveilles de ce monde. Malheureusement, je ne m'habitue jamais non plus à ses horreurs.


Dans un sentier hier, j'ai dépassé dans une montée abrupte une demi douzaine de jeunes filles (entre seize et dix-huit ans comme je l'ai appris plus tard) qui avaient l'air d'en arracher. J'ai fait un détour dans un sentier secondaire qui mène à un belvédère où j'ai poiroté un peu avant de rejoindre le sentier principal. Entre temps, les filles avaient quant à elles continué sur le dit sentier sans faire le détour, si bien que je me retrouvai à nouveau derrière elles. Arrivé à leur hauteur, celle qui fermait la marche a averti ses copines et toutes se sont poliment écartées pour me céder le passage. Je ne les avais pas dépassées depuis plus de dix secondes quand j'ai entendu haut et fort le cri du coeur suivant:

- Crisse ! Nous autres on sue comme des cochonnes, pis lui il grimpe comme si... en fait il grimpe même pas, on dirait qu'il marche sur le plat !

Ça m'a fait bien rigoler.

Arrivé en haut, j'ai rencontré leurs accompagnateurs. Il s'agissait d'un groupe scolaire. N'empêche que c'est pas normal que des filles et des garçons de cet âge soient en beaucoup moins bonne condition physique qu'un vieux bonhomme sur le bord de la cinquantaine. Quelle belle société nous nous sommes créés qui incite ainsi les gens, jeunes ou vieux, à adopter spontanément un mode de vie sédentaire et malsain. Il ne sert à rien de payer à nos enfants toutes sortes d'activités de fin de semaine, piscine, patin, hockey, etc, si le fonctionnement même de notre société les décourage de bouger et de se dépenser au quotidien. Un autobus plein de ces jeunes était arrivé ce matin là. Sur le groupe, même pas la moitié ne s'est rendu au sommet de la montagne. Les autres avaient rebroussé chemin à différents points durant la montée. C'est pathétique. À son âge, après seulement deux semaines à faire cette randonnée pas plus de trois fois par semaine, la plus chétive de ces jeunes filles serait capable de me suivre sans difficulté. Et après un mois, je n'arriverais plus à la suivre même si elle montait à reculons. Quel gaspillage.

Youth is wasted on the young, comme dit le proverbe anglais.


Au fil des années j'ai lu beaucoup de livres et écouté beaucoup d'émissions documentaires sur la survie en milieu naturel. Dans presque tous les cas, les experts en survie essaient de créer un scénario réaliste en n'ayant sur eux, par exemple, que des objets qu'on pourrait raisonnablement s'attendre à trouver dans le sac à dos du randonneur moyen parti pour une promenade en forêt d'une journée. Parmi ces objets on trouve toujours un couteau sous une forme ou sous une autre, que ce soit le couteau haut de gamme du chasseur émérite, ou le simple canif de poche.

Puis, ces experts nous enseignent, entre autre, une multitude de techniques pour confectionner un abri sommaire et surtout pour allumer un feu dans des conditions extrêmes. Toutes les techniques, des plus primitives aux plus sophistiquées, y sont décrites, que ce soit de frotter deux bouts de bois ensemble, ou d'enflammer un tampon de laine d'acier à l'aide d'une batterie neuf volts.

Mais il y a quelque chose qui me chicote dans tout ça. Pas que je remette en question la pertinence d'enseigner ces techniques, au contraire. Mais si tous ces experts semblent croire qu'il est raisonnable de prendre pour acquis que toute personne qui s'aventure en forêt aura eu suffisamment d'auto discipline pour se prémunir au moins d'un couteau sous une forme ou sous une autre, n'est-il pas tout aussi raisonnable d'assumer que cette même personne pourrait tout aussi bien avoir en sa possession un briquet ?

Je comprend pourquoi les experts en survie insistent tous autant sur la capacité de faire un feu dans les circonstances les plus difficiles. L'art de faire un feu est la connaissance la plus importante à maitriser en situation de survie. Elle est prérequis à tous les autres besoins, mentaux et physiques. Mentalement, le feu est un remède au découragement et à la panique: Sa préparation et son entretient occupent l'esprit, sa réussite remonte le moral, sa chaleur réconforte et rassure en repoussant l'obscurité et en éloignant les insectes piqueurs. Physiquement, en plus de tenir au chaud et de sécher les vêtements, il permet de faire bouillir l'eau pour la rendre potable, de cuire les viandes qui autrement pourraient être source de parasites, ou de stériliser les aiguilles avant de recoudre une plaie. Mais plus que tout, le feu est l'ultime instrument de survie car, mieux que tout autre moyen, il permet de signaler sa présence pour aider ceux qui sont à notre recherche à nous retrouver rapidement.

Je possède trois moyens d'allumer un feu: Un petit récipient de métal imperméable contenant des allumettes en bois, un allume feu à friction, et un briquet. Et même s'il m'est déjà arrivé d'être négligent en m'aventurant en forêt sans mon GPS ou ma boussole, sans ma lampe frontale, sans ma trousse de premier soin et même, God forbid, sans mon précieux couteau suisse, jamais au grand jamais, ne serait-ce qu'une seule fois, n'ai-je mis le pied dans un sentier sans avoir sur moi au moins deux de ces trois outils de survie indispensables.


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