L'Arrestation
Antoine Paul Augustin et son frère
Jean François Augustin furent arrêtés sur l'ordre du Comité de Salut Public
en 1793 et s'ils ne montèrent pas sur l'échafaud, ils le durent à ce que
leur province demeurait réfractaire, en somme, à la contagion du délire
républicain et à ce que la sympathie de la généralité de la population leur
est toujours restée fidèle.
Quand aux motifs les voici
exposés ci-dessous:
" Falcon dit Longevialle
demeurant depuis dix huit mois à Hautheville, commune de Rimeize, agé de 28
ans environ, sans enfant Etant garçon. Falcon cadet, dit Chevalier de
Longevialle demeurant depuis environ trente mois à Autheville de Rimeize
agé de 26 ans environ, sans enfant étant garçon. Ils ont été reclus par le
comité de Surveillance d'Aumont où ils avaient , avant de se retirer par
Autheville fait connaître leurs opinions et où ils venaient de temps en
temps y ayant domicile. Ces deux individus, frères ont demeuré en
arrestation chez eux deux mois vingt jours, transférés ensuite à St Chély
et depuis Mende, reclus le 27 décembre 1793 par ordre du Comité de
Surveillance d'après les motifs suivants:
1) Soupconnés d'avoir été à
Coblenz pour Emigrer
2) Suspects comme fils d'un
cidevant et neveux d'un Emigré garde du corps du cidevant Capet
3) Comme ayant servi eux-même
dans la Maison du cidevant Roy
4) Pour avoir tenu des propos
inciviques
5) Suspects pour avoir fait de
leur Ecurie une Eglise où on a fait dire la messe longtemps
6) Soupçonnés pour avoir
recélé chez eux des prêtres réfractaires
7) Suspects pour avoir dit
publiquement dans des assemblées primaires qu'on pouvait nullement prêter
le serment ordonné par la loi
8) Suspects pour avoir pendant
longtemps fait venir des gazettes aristocratiques, notamment celle
intitulée "l'Ami du Roy" qu'ils distribuaient dans les campagnes
pour corrompre l'Esprit Public.
Ces deux individus étaient ci
devant Chevau Légers de la Garde du ci devant Roy et ,depuis, ils vivaient
sans Etat. En 1790, ils étaient officiers de la garde nationale; ils
donnèrent en 1791 leur démission pour se retirer à Autheville faire valoir
un domaine.
Ces deux individus jouissaient
avant la Révolution d'un revenu de 4000 livres et, depuis, de 3500. Ces
deux individus avaient des relations avec tous les habitants de l'Endroit;
ils avaient des liaisons avec tout le monde. Comme ces deux individus ont
été absents de notre commune il ne nous a pas été permis de connaître et de
s'apercevoir si leurs opinions ont été favorables ou non à la
Révolution."
Les deux frères , ces deux
individus, restèrent donc reclus deux mois et vingt jours dans leur maison
d'Autemont et une année dans la prison de Mende, jusqu'à ce que la fin de
la Terreur permit à leurs concitoyens de parler et d'agir suivant leurs
consciences.
Les deux détenus furent remis
en liberté à la fin de décembre 1794.
Antoine Paul
Augustin et sa femme Mlle d'Apchier de Vabres
La femme de
Antoine Paul Augustin mérite un chapitre dans cette généalogie. Par un
sublime élan d'amour filial et de tenace énergie, elle sauvait la tête de
son père voué à l'échafaud. La suite raconte ce récit:
Dans la période
précédant la Révolution, la branche d'Apchier de Vabres, habitait le Velay
et le Vivarais. Le Comte d'Apchier de Vabres, était venu se réfugier à Lyon
pour fuir les persécutions des patriotes du Puy qui en voulait à sa vie.
Il espérait vivre
inaperçu dans une grande ville. Son calcul fut déjoué. Il fut dénoncé et
arrêté comme gentilhomme. Le Tribunal Révolutionnaire de Lyon était connu
pour sa rigueur. Peu de détenus avaient la vie sauve. Le Comte d'Apchier ne
dut son salut qu'au merveilleux courage de sa fille.
Celle-ci possédant
un secret concernant personnellement le juge Brunières put, par une audace
et une énergie inouïe chez une jeune fille de sa condition, arriver
jusqu'au juge. Afin de le voir sans témoin et le plus tôt possible, elle se
présenta plusieurs fois à son logement où elle fut éconduite. Son
insistance lui valut des injures, des coups. Repoussée pour la sixième
fois, elle résolut d'attendre Brunières dans la rue et de s'adresser
directement à lui. Elle attendit plus d'une heure et, à sa vue, s'avança
résolument vers lui et fit si bien qu'elle lui arracha un ordre
d'introduction signé de sa main devant lequel devaient céder toutes les
consignes.
Reçue dès le même
jour par Brunières, Mlle d'Apchier l'intimida si habilement qu'elle obtint
la promesse de la libération de son père à la seule condition d'en apporter
dans un délai de deux jours et demi la demande signée de trente de ses
concitoyens.
Par un temps très
mauvais, la courageuse fille part de Lyon la nuit même, sur le Rhône,
conduite par un batelier. Celui-ci, effrayé par les périls d'une pareille
navigation veut s'arrêter; Mlle d'Apchier tient bon, elle rejette l'eau qui
envahit la barque. Elle arrive à Tournon mouillée jusqu'aux os.
Le lendemain, dès
l'aube, elle part à cheval pour Vernoux (6 lieux). Dans une église se tient
la réunion de la commune. Elle monte dans la chaire, impose le silence à la
foule et explique sa requête. Vaincue par la fatigue et l'émotion elle
s'évanouit.
Le Comte d'Apchier
était très aimé de la population vivaroise. Tous ses concitoyens signèrent
immédiatement la pétition rédigée par le maire. Quoique protestant et gagné
aux idées républicaines, il avait une profonde admiration pour le Comte
d'Apchier.
Il remit lui-même
la pétition à Mlle d'Apchier, recueillie et réchauffée dans une maison
amie. Après s'être reposée deux heures, l'intrépide jeune fille part à
cheval avec un laisser-passer signé du maire, elle voyage toute la soirée
et toute la nuit, change deux fois de cheval.
Pendant ce retour
elle éprouve plusieurs fois d'horribles frayeurs. Craignant d'être
dépouillée de son précieux titre, elle l'a caché dans ses cheveux. Un peu
avant d'arriver à Vienne, elle est arrêtée par une patrouille de cavalerie,
mais après avoir montré sa lettre de passe, elle peut continuer sa route.
Elle est aux
portes de Lyon un peu avant dix heures du matin.
Elle court à
l'hôtel de ville où devait se trouver Brunières.
Le juge reconnaît la
régularité de la pétition signée de 80 patriotes et paraphée par le maire
de Vernoux, prononce immédiatement la mise en liberté du citoyen d'Apchier.
Le 27 février 1797
elle épousait Antoine Paul Augustin. Tous les Longevialle à ce jour connus
en France sont des descendants directs de leur union.
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