ACTU
CLUB
BONUS


 
MAROC
 

     
 
Raid dans l'atlas marocain

Samedi
La tournée de ramassage commence, chacun a emmailloté plus ou moins amoureusement sa fidèle monture en vue du voyage dans les soutes de l'avion et à subir une manipulation peu méticuleuse. Le seuil fatidique des 15kg de bagages est allègrement dépassé par la plupart, mais les hôtesses d'embarquement ne sont pas tatillonnes. Après de longues heures d'attente, nous embarquons vers 20h30. Dans l'avion, les places sont assez exiguës, et il ne fait pas bon avoir de grandes jambes. Le vol est sans histoires, Jean Claude assure l'ambiance ainsi qu'un volume sonore constant pendant les 2h30 de vol…

A Marrakech, c'est le retour des températures estivales, à presque minuit, il fait encore 24°C ! Nous récupérons nos précieux bagages, les housses ne semblent pas avoir trop souffert, espérons qu'il en sera de même pour leur contenu. Un douanier zélé enregistre les 5 spads sur le passeport de Jean Claude, histoire de s'assurer que nous ne les vendrons pas sur place…

Christian et Jenny nous attendent, il est trop tard pour rejoindre le premier bivouac ce soir (200km, six heures de route). Ils ont monté le camp dans un camping en dehors de Marrakech. La nuit se passe dans le caquètement et cocoricos des nombreux poulets noctambules qui peuplent les lieux. Il s'en faudra de peu pour que Jean Paul n'en saigne un pour l'exemple.


Dimanche:
Alors que Jean Claude se prélasse sous la douche (peut être la dernière de la semaine ?), nous plions le camp sans perdre de temps. L'escale petit déj. / courses à Marrakech nous permet d'appréhender les habitudes de conduite locales : Piétons, cyclistes, bourricots, voitures, camions se mêlent dans une rafraîchissante pagaille, sous le regard placide des agents de la force publique qui sont postés à chaque carrefour du centre ville.

Nous prenons ensuite la route à bord du 4x4 : sept passagers avec armes et bagages à l'intérieur, six vélos sur le toit, direction l'Atlas et le dépaysement. Les faubourgs de Marrakech sont très animés, beaucoup de trafic, les étals de réparateurs de mobylettes côtoient les boucheries en plein air (qui pourraient toutes s'appeler "au bonheur des mouches").

Peu à peu, nous quittons la carte postale, étape à Azilal, une petite ville où une préfecture à l'architecture Hi Tec côtoie un centre ville qui fait un peu bidonville. Ici, les bourricots se repaissent des ordures.

Petit à petit, la route devient plus escarpée, les villages semblent plus désolés, chaque filet d'eau qui coule au fond des oueds est exploité au mieux pour les cultures, et le vert de celles-ci contraste avec le paysage caillouteux ambiant. Finalement la route devient une piste. Le paysage se fait plus montagneux, nous arrivons au bivouac vers 15h 30, après avoir parcouru 230km.
Il nous reste 2h30 de clarté pour monter le camp et les vélos. Tout va bien, pas d'avarie à déplorer, et personne n'a oublié son pédalier ou sa potence en France. La température descend rapidement de concert avec la luminosité, le vent n'arrange rien aux chose. Certains font un galop d'essai sur leur vélo, ça piaffe d'impatience dans le paddock !

Pendant que Christian et Jenny s'affairent au repas (c'est cool les raids organisés !), nous descendons faire un tour dans le village qui se trouve sous le bivouac, malheureusement, la nuit tombe vite, et nous ne croisons que des ombres. On peut cependant deviner que les conditions de vie locales sont assez éloignées des normes européennes (pas d'électricité, ou alors par batteries pour la TV satellite (!), pas d'eau courante…)


De retour au camp, le repas est prêt, et nous n'avons qu'à mettre les pieds sous la table. Bonne nouvelle, nos guides sont de fins cordons bleus. Sans doute par vengeance envers les gallinacés trop bruyant de la nuit dernière, Jean Paul reprend trois fois du poulet.

Dodo à 20h30, ce sera la tendance du raid : les soirées seront courtes.
Lundi:
La nuit fut fraîche mais assez peu interrompue, les premiers signes d'activité se manifestent vers 7h, le jour est levé, mais le soleil ne réchauffe pas encore le camp. Jean Claude a déjà bondit de sa tente, s'est mis en cuissard, a plié sa tente, entassés ses sacs avant tout le monde. Après un solide petit déjeuner, nous sautons sur les vélos pour remonter la vallée.

Concernant la météo, si les nuits sont fraîches, la journée, le mercure flirte avec les 22-23°C, voire plus dans les passages exposés, pas besoin de cuissards longs donc, une bonne nouvelle de plus !

La piste est très large et roulante, nous croisons quelques camions exportant le fruit des récoltes locales, dans les villages, les gamins qui se rendent à l'école nous apostrophent avec un récurant "Tu m'donnes un stylo ?", le stylo semble être une denrée rare par ici, un peu plus tard, Christian nous apprend qu'il s'agit là d'une requête "générique". Au passage je sème quelques vis de fixation de petit plateau, sans doute le résultat d'un entretien trop minutieux…

Grâce à la présence d'un oued permanent, cette vallée est prospère, la production locale (pommes et patates principalement) est même exportée. De plus, elle semble s'ouvrir petit à petit au monde extérieur (tentatives d'ouvertures de gîtes, travaux destinés à faciliter l'accès…).


Arrivés au fond de la vallée, nous grimpons une grosse bosse roulante qui mène à notre premier col, la pente est raisonnable, mais la piste est caillouteuse.

Déjeuner au col, entre temps Jean Claude, se sentant pousser des ailes à l'issue d'un break à mi-pente, a oublie son camelback en chemin, il est paraît-il coutumier du fait et nous nous sommes bien gardés de lui dire que son sac à été chargé dans le 4x4, histoire de le faire redescendre un peu…

La vue au col est panoramique, les plus hauts sommets sont enneigés, on voit au loin notre vallée prospère, à part ça, le paysage est très minéral.

La suite du trajet est en faux plat montant pour arriver au point culminant du raid : un col à presque 2800m. Franck et Lionel gouttent assez peu l'ivresse des cimes et se plaignent de maux de tète. Heureusement, la piste est ensuite exclusivement descendante jusqu'au bivouac.

Malgré les recommandations de prudence de Christian et Jenny, Lionel inaugure la première chute et visite un ravin : à la faveur d'une ornière, son vélo et lui-même ont pris des trajectoires divergentes, le premier restant sur la piste, le second partant jardiner, sans trop de mal heureusement, quelques mètres plus bas.

Notre bivouac se trouve à coté d'un village de pierres, presque lunaire, à l'instar de cette nouvelle vallée. La seule végétation est sous forme d'arbres rabougris, paraît-il millénaires. Grosse déception pour ce deuxième bivouac, même loin de tout comme ici, nous avons la possibilité de pendre une douche tiède : Un coin du véhicule à malice se transforme en mini salle de bain. L'organisation marque encore un point. La nuit tombe très vite, à 18h c'est la pénombre et à 18h15 la nuit noire.

Nous n'aurons pas de voiture suiveuse demain, la soixantaine de km de piste est par endroits impraticable, même pour un 4 roues motrices. Les orages de septembre ont emporté des tronçons de piste et même des ponts. Il est donc interdit de se faire mal et de semer son Camelback derrière soit.


Encore une fois, l'excellent repas sous la tente réfectoire a des vertus reconstituantes. Dehors la température chute rapidement et le froid est saisissant, vite aux duvets !
Mardi:

Malgré le froid la nuit a été globalement bonne, sauf pour Jean Claude, qui dit avoir eu un peu froid. Attendant que le soleil vienne réchauffer le camp, seule la perspective de dévorer quelques mètres de quatre quarts arrive à faire sortit Franck de son duvet. Pour cette étape sans assistance, Jenny se charge comme une mule de tout un nécessaire de survie. Nous nous répartissons la nourriture du pique-nique, ainsi que d'eau en quantité : il va faire chaud et pas de ravitaillements possibles. Par rapport à un raid en autonomie, la charge est plus que raisonnable, sans doute moins pour Jenny. Christian lui repart par là ou nous sommes arrivés la veille, et se prépare à faire un long détour pour nous retrouver ce soir au bivouac.

La première partie du trajet est une bonne bosse, heureusement roulante, nous croisons de nombreux équipages hommes / bourricots, se rendant au village ou nous avons dormi pour le souk. Certains sympathiques quadrupèdes, peu habitués à croiser des hurluberlus en vélo, sont assez effrayés en nous croisant, le mieux est alors de mettre pied à terre et d'attendre qu'ils nous aient croisés.



Une femme qui se rend au souk s'est visiblement vautrée de son bourricot, elle est profondément ouverte sous le nez, au dessus de la lèvre, Jenny tente de réparer les dégâts, mais il faudrait la recoudre… La brave dame repart cependant, connaissant le manque d'asepsie qui règne par ici, nous la voyons partir avec inquiétude. Cela aura au moins pour vertu de calmer les aspirants descendeurs émérites pour la suite des événements.

La montée se poursuit, le paysage est toujours aussi immense et lunaire. Photo au premier col de la journée, avant de changer de vallée par une très longue descente. Suite à la chute d'hier et au spectacle sanguinolent de tout à l'heure, nous signons un pacte moral de non arsouille : Jean Claude ouvre la marche et chacun jure de respecter le précepte "sur ton prochain tu ne tenteras pas l'intérieur".

Le pitre de service, déride l'atmosphère en se couchant en travers du chemin au détour d'un virage 'gazeux', non sans avoir accroché son vélo à un arbre dans un simulacre de râteau d'anthologie. De loin la scène est assez réaliste, et tout le monde croit au carnage, avant d'être à la fois plié en deux et atterré par tant de c… de la part du doyen du groupe, jeune papa de surcroît.

Au fur et à mesure que nous descendons, le décor change. Après la lune, on se croirait maintenant en plein western spaghetti avec, soleil, poussière, chaleur. Sur les cimes, les apaches nous guètes c'est sur…

Arrivés sur le premier bled de cette nouvelle vallée, nous rencontrons un groupe de français en 4x4 rutilants, forcés de faire demi-tour face à une absence de piste. L'ambiance au sein de ce groupe de concitoyens est moyenne: Si les hommes semblent bien gérer cet imprévu, leurs épouses paraissent l'apprécier beaucoup moins. Il ne manquerait plus que la climatisation tombe en panne et ce serai un véritable drame pour elles.

Nous poursuivons notre route, par moment obligés de porter, les orages ayant ni plus ni moins fait disparaître pistes et ponts. Pique-nique au bord de l'eau, Lionel le lézard ne résiste pas à l'appel du rocher chauffé par le soleil, et expose ses croûtes de la veille à la morsure de l'astre lumineux. Les guêpes ont l'air contentes de nous voir, la cohabitation est mouvementée mais reste courtoise.



Le redémarrage est difficile comme toujours après un pique-nique au soleil, nous quittons la vallée avec trois cols au programme de l'après midi. Nous grimpons sous une douce chaleur, dans des paysages de pins qui rappellent les Alpes de haute Provence. Nous dépassons de rares masures en pierre avec enfants et chiens à chaque fois au programme. Dans l'ascension du deuxième col, je perds l'usage de mes trois plus gros pignons, étant déjà privé de petit plateau c'est fâcheux. En bricolant un peu, je récupère les pignons les plus utiles dans ces reliefs.

Nous arrivons finalement au sommet de la descente qui commande l'arrivée sur le troisième bivouac qui se trouve au bord d'un gros oued permanent. Fidèle à lui même, Lionel ouvre la marche, c'est ma fête aujourd'hui car je saccage un pneu tout neuf alors qu'il me semblait être extrêmement prudent, après avoir rafistolé le malade je continue sur des œufs. Arrivés au lieu du bivouac, un léger flottement s'installe car Christian ne semble pas être arrivé. Ouf ! Nous le retrouvons au détour d'un petit bois au bord de l'oued, il vient tout juste d'arriver lui aussi.

Nous sommes à 1700m et la température est beaucoup plus clémente qu'hier. Repas dans un silence religieux. Pour tenter de nous occuper, plutôt que de se coucher avec les poules, Christian allume un feu grâce aux nombreux bois morts laissés par la crue de l'oued. Il est intéressant de noter que le feu marocain, comme son cousin français à cette faculté de vous griller la face, tout en vous laissant le dos parfaitement glacé. Nous veillons royalement jusqu'à 9h !