TROIS MATS                                           

 

  Maquette d'un trois-mâts

Au début du 20ème siècle, la majorité de la flotte française de Fécamp à Terre Neuve est composée de ces trois-mâts, d'environ 135 pieds de long (45 mètres) sur 30 pieds de large, gréés en goélette. Une trentaine d'hommes y vivent, y travaillent, pendant de très longs mois, dans des conditions de confort très sommaire. Ils y meurent parfois. La plus grande place disponible est destinée à stocker le poisson, le seul vrai poisson : la morue.

 

Les hommes logent dans les postes d'équipage, à l'avant et l'arrière du navire, réduits mal aérés, mal chauffés, où sur des couchettes sur 3 étages à la forme de la coque (les cabanes) ils prennent quelques repos. Pas d'eau pour se laver, pas de toilettes, pas de table, on mange dans l'assiette de fer posée sur les genoux et majoritairement du poisson , une fois par semaine du lard. Le tout dans une odeur pestilentielle. Les cabanes, les postes ne sont jamais lavés, les hommes ne se lavent que très sommairement, l'eau douce est trop rare. Les bulots, capelans ou encornets stockés, l'huile de foie de morue et les restes de morue qui traînent, ajoutent à l'odeur. Les médecins et l'aumônier qui visitent les navires ont rédigé des rapports épouvantables. Leur visite annuelle est très attendue car ils apportent le courrier qui a transité par Saint Pierre et Miquelon, c'est hélas la seule occasion de nettoyer le navire pour faire bonne impression.

   cabanes

Le commandement de ces voiliers est généralement bicéphale : un capitaine porteur diplômé au long cours est chargé de la marche du navire en route (sur les bancs il travaille comme les autres matelots) et un patron de pêche, subrécargue, (au salaire parfois supérieur au capitaine) chargé de la pêche sur les bancs. C'est lui qui par son expérience doit trouver la morue. Généralement il a commencé au bas de l'échelle comme mousse et ses années de campagne remplacent tous les diplômes. Les autres "gradés" du bord n'ont généralement que le titre, ils travaillent tous dans les doris et sur le pont comme les autres, à l'exception du saleur et de son aide qui travaillent en cale.

Ces trois-mâts emportent une douzaine de doris d'environ 5 mètres sur 1,80 de large et 0,80 de profondeur. (On trouve beaucoup d'environ dans les mesures des navires de cette époque construits bien souvent sans plan et tous différents les uns des autres). Chaque doris sur lequel embarquent 2 hommes mouillent à quelques distances du trois-mâts des lignes munies d'hameçons (les haims) pour pêcher la morue. Chaque matin, la douzaine de doris quitte le voilier pour rejoindre à la rame les bouées qui indiquent l'emplacement des lignes. Les conditions climatiques n'entrent pas en compte. Qu'il neige, pleuve ou vente, les doris partent, seules la brume ou une très forte tempête peuvent arrêter le travail (et encore). Seul moment de repos le 15 août pour la fête de la Vierge et pas toute la journée. La remontée des lignes, à main d'homme, dure plusieurs heures (3 kilomètres de ligne pour un doris). Seules les morues (le poisson) et quelques flétans sont embarqués, les autres poissons (le faux poisson) rejetés. Les morues sont débarquées sur le voilier où elles sont comptées par le patron, la rémunération de l'équipage du doris est dépendante de la pêche des 2 hommes.

Le travail des matelots (patron compris) continue avec le traitement du poisson : l'habillage de la morue. Les morues sont étêtées, éviscérées, lavées (par les mousses et novices), mises en cale, salées. Les hommes ont un poste bien précis dans la chaîne, ils n'en changent pas de la campagne. Les têtes sont mises de coté, pour récupérer les joues et la langue. Le foie est conservé par le gogotier pour extraire l'huile de foie de morue. Le travail ne s'arrête que lorsque le pont est vide de poisson et nettoyé sommairement. Les hommes disposent éventuellement de quelques minutes pour manger. Ensuite les lignes sont boëttées (environ 1 600 hameçons par doris) avec des capelans achetés à St Pierre, des encornets pêchés par l 'équipage ou avec des bulots pêchés tous les 2 ou 3 jours, avec de la viande pourrie. Les équipages de doris repartent en fin de journée pour remettre les lignes à l'eau. Ce n'est qu'ensuite et si tout le poisson a été traité que les hommes peuvent manger et dormir. Les seuls moments de repos sont pris lors des marées de cabanes ou marées de paradis lorsque le temps est si mauvais que le patron garde ses hommes à bord. Des escales interviennent quelquefois pour renouveler le stock de vivres, débarquer un malade ou débarquer une partie de la pêche. Ses escales sont réduites au minimum, mais quelle bordée si les matelots peuvent descendre à terre.

Lire sur le sujet le livre : Galériens des brumes et le livre : Le Grand Métier.

Ces trois-mâts ont été remplacés progressivement par des vapeurs pratiquant la pêche au chalut. Les conditions de confort s'améliorent mais pas obligatoirement celles de travail.

 

 

 

 

 Table des annexes

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