PREMIERS EMBARQUEMENTS

Je viens juste d'avoir 12 ans, lorsque j'embarque le 22 novembre 1892, sur un canot d'Yport, le JEUNE HELENE (F1267) avec comme patron Anthime Levasseur. Enfin, je vais pouvoir naviguer comme l'avaient fait avant moi mon père et mon grand père.Travailler à 12 ans est chose ordinaire dans ces années là, un mineur de fond, un ouvrier agricole commence aussi à 12 ans. Je serais plutôt avantagé par rapport à mes camarades d'école dont certains partent directement aux bancs. Je ne vais pas rester longtemps sur le Jeune Hélène (même pas 2 mois).

   Retour de pêche

Après j'embarque sur l'AGREABLE (F1226) pendant plus de 6 mois, puis enfin une caïque LES DEUX AMIS (F1332) pendant 3 mois, LA PLAGE (F1261) pour 21 mois, c'est sur ce canot que je deviens novice le 30 octobre 1896 pour mes 16 ans. Mon frère pendant cette période est parti faire son service, il embarque sur un grand croiseur-cuirassé, le Dupuy de Lome. Tant qu'à faire, quand va venir mon tour autant que ce soit sur un grand navire. En fait, il embarque 5 mois après sur le Descartes.

Enfin c'est le grand départ, comme novice, j'embarque le 16 mars 1897 sur le SADI CARNOT (F1519), Trois-mâts Terre Neuvier de Fécamp. Avec ma mère, j'ai préparé depuis plusieurs jours mon sac qui va contenir tous mes biens pour ces 7, 8 ou 9 mois de mer, on ne sait pas. Chaque année ce seront les mêmes préparatifs. J'ai bien touché une avance pour pouvoir acheter un paquetage mais je n'ai pas grand chose de neuf, des vieux effets de mon père et remis à ma taille vont faire l'affaire.On verra après ma première paie. J'ai désigné comme ayant-droit ma mère, c'est elle qui pourra toucher à ma place des avances et sera prévenue au cas où. (Mon grand père échappe, en partie, au sort funeste des mousses de Terre Neuve maltraités par les autres matelots. Les mauvais traitements qui nous font réagir violemment aujourd'hui étaient monnaie courante en cette période, dans toutes les professions et personne ne s'en étonnait venant d'hommes qui les avaient subis dans leurs jeunes années).Un dernier regard et une dernière prière en direction de la chapelle Notre Dame du Salut qui surplombe l'entrée du port de Fécamp et nous voilà parti. Généralement les voiliers mettent de 24 à 30 jours pour aller à Terre-Neuve mais certains ont mis 12 jours et d'autres 45 jours, voir la carte.

De retour après 8 mois et 9 jours de campagne, j'embarque sur le SAINT JEAN BAPTISTE (F1433) puis le SAINTE MARIE MARTHE (F1534) d'Yport pour les marées d'hiver. Le printemps 1898 me verra embarquer sur le LOUISE (F1235), un autre trois-mâts de Fécamp pour une nouvelle campagne à Terre Neuve qui nous emmènera jusqu'au 15 novembre 1898 où nous reverrons Fécamp après 7 mois et 15 jours de campagne. C'est à son bord que je deviens un matelot à part entière. Ca ne m'empêche pas de finir la campagne en lavant la morue comme les autres novices.

  Louise sortant de Fécamp sous voiles

source Max Lemaitre
 

J 'embarque pour la saison d'hiver de nouveau sur le SAINTE MARIE MARTHE d'Yport, le SAINT ELME (F1260) d'Yport, le PERSEVERANT caïque d'Yport (F1429).

Le 13 mars 1900, j'embarque sur le trois-mâts MESANGE (F1196) de Fécamp comme matelot. J'y retrouve mon frère Pierre, je suis son avant de doris. Partis plus tard de Fécamp nous y reviennont aussi plus tard, Nous livrons notre morue à Pauillac (Gironde) où mon frère débarque, il prend le train pour Fécamp. Je reste à bord et nous reverrons les falaises normandes que le 22 décembre 1900. Il était temps pour un peu nous aurions fêté Noël en mer. Je n'ai pas le temps de trouver un embarquement pour l'hiver, d'autant que j'attends mon départ pour le service.

 

  Sur les bancs, la remontée des lignes

collection personnelle

Cette année là, on dit que nous étions 2 000 sur 62 voiliers à partir de Fécamp pour Terre Neuve. Les patrons de pêche ont ratissé la campagne pour compléter les équipages. Des hommes venus de tous les villages environnants, Yport, Froberville, Senneville, Saint Pierre en Port, de Saint Valéry à Etretat, ont embarqués. Des cultivateurs ont abandonnés leur ferme qu'ils retrouveront après 8 mois de campagne.

C'est à Yport que me parvient l'avis de partir au service. Comme tout inscrit maritime de Normandie, je ferai ce service dans la Marine Nationale à Cherbourg , que je rejoins le 1er Janvier 1901.

 

 

 

   Yport

  Marine Nationale

    Accueil