Déjà dans L'Œuvre (chap. 12) on pouvait lire cette dernière touche d'éclairement brûlant en l'honneur du peintre, lequel appartient désormais au contexte macabre de son enterrement :

Les croque-morts descendaient le cercueil. Maussade sous la bise, le prêtre attendait; et des fossoyeurs étaient là, avec des pelles. [...] Et, là-haut, sur le talus, la locomotive avait repris ses manœuvres, reculait en hurlant, à chaque tour de roue, le foyer ouvert, incendiant le jour morne d'une pluie de braise.

C'est là la seconde des deux occurrences de ce syntagme. Mais revenons à La Bête humaine. Au mélange /feu/ + /épanchement/ (de la pluie jusqu'aux larmes) s'ajoute l'opposition oxymorique /brûlant/ vs /glacé/ ("neige", lors de la difficile progression hivernale du train du Havre à Paris), soit deux excès associés à la violence et la mort ("linceul, coupures de rasoir… sanglantes", qui unissent la nappe de neige au feu de la machine, se découpant sur le fond nocturne). On lira ainsi (chap. 10) le résultat de la destruction dans un incendie, mais cette fois dénué de dorure céleste :

La Lison, renversée sur les reins, le ventre ouvert [...] Une haleine blanche en sortait, inépuisable, roulant d'épais tourbillons au ras du sol; pendant que, du foyer, les braises tombées, rouges comme le sang même de ses entrailles, ajoutaient leurs fumées noires [...] la voir blessée à mort, en agonie. La pauvre Lison n'en avait plus que pour quelques minutes. Elle se refroidissait, les braises de son foyer tombaient en cendre, le souffle qui s'était échappé si violemment de ses flancs ouverts, s'achevait en une petite plainte d'enfant qui pleure. [...] elle avait la fin tragique d'une bête de luxe qu'un accident foudroie en pleine rue. [on lisait déjà chap. 6 à propos de la Lison : "Tout de suite, Pecqueux se mit à éteindre le foyer. Il tisonnait violemment, et des braises, s'échappant du cendrier, tombaient dessous, dans la fosse."]

Notre extrait précédent (chap. 7) ne se laisse pas en revanche interpréter par rapport au titre du roman : ni animal, ni humain, le feu et les éléments naturels ne présentent un caractère mélioratif qu'au niveau visuel, avec cette dorure qui figure l'espoir, dans ce mélange dysphorique de noir, de blanc et de rouge qui auréole le récit.

C'est sur cette thématique que s'enlève la comparaison réitérée, à quelques lignes de distance, du "foyer" du "chauffeur" - au sens ainsi remotivé - avec le phénomène astral. Comparaison dont l'afférence /mythologie/ est confirmée à peine plus loin par un autre éclairage menaçant : "le fanal blanc, à la base de la cheminée, luisait dans le jour, comme un œil vivant de cyclope", initialement comparé à une source de chaleur intense : "la machine, avec l'éblouissement de son gros oeil rond, la lanterne d'avant, dont l'incendie troua la campagne, allumant au loin les rails d'une double ligne de flamme."

Par le feu et l'or, la rougeur sanglante oscille de l'esthétique des spectacles stellaires à la pulsion meurtrière, qui est l'enjeu contenu dans le titre du roman. Plus exactement la violence de "l'ouragan" est incompatible avec la sérénité des étoiles (cf. chap. 6 : "Alors, chaque nuit de rendez-vous, Jacques et Séverine goûtèrent de grandes félicités. Ils n'eurent pas toujours, autour d'eux, cette protection de la tempête. Des cieux étoilés, des lunes éclatantes, les gênèrent"). Si bien que par rapport aux extraits descriptifs précédents des trois romans La Faute de l'Abbé Mouret, Une Page d'amour, L'Œuvre, le comparant comète(s) ne requiert ici aucun comparé du même taxème //astres//, comme cela était le cas avec le bain de soleil et la pluie d'étoiles (elles-mêmes comparant de la poussière de becs de gaz dont le reflet sur la Seine motive le prolongement en une traîne, la queue-chevelure). A ce titre, le merveilleux de la vision est plus fugace, et la participation au réalisme transcendant moins évidente..")