La Gazette de GREENWOOD
n°29 (Mars 2001)

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BLUES ET AMERINDIENS
Quand les Bluesmen du Delta
Ramassaient des Versets Flottants

"Où est ce que Bo Diddley a bien pu puiser son "Diddley Beat" ? Ca ne ressemble à rien que je connaisse dans le Delta (d'ou il venait). J'ai une vague idée que ça peut effectivement venir des indiens,mais je n'ai aucun élément pour étayer ça. Quelqu'un peut il m'aider?", c'est le genre de question (quasi existentielle) qu'on se pose parfois sur la mailing-list LGDG...
Quand on parle de l'histoire du Blues et de ce qui a pu, outre ses racines africaines, avoir une incidence sur cette musique, les indiens d'Amérique sont parfois évoqués mais rarement étudiés, faute d'éléments tangibles. La Gazette de Greenwood est donc particulièrement fière aujourd'hui de publier un article de Gérard Herzhaft qui nous explique, arguments à l'appui, pourquoi et comment la civilisation et la musique amérindiennes sont aussi des racines du Blues.


Date: 20 Février 2001
De: Gérard Herzhaft

Si on fait généralement (et à juste raison) dériver le blues de la rencontre de traditions musicales africaines - notamment de certaines musiques d'Afrique de l'Ouest - avec les traditions musicales des terres celtiques des Iles Britanniques (Irlande, Ecosse), on a largement sous-estimé jusqu'à une date récente l'influence des traditions orales et musicales amérindiennes sur les musiques sudistes. Alors même que les habitants originaux de ces terres, les Cherokees et les Choctaws ont créé et développé des civilisations originales qui n'ont cessé d'évoluer au contact des "immigrants-envahisseurs" volontaires ou forcés, Blancs et Noirs, de cette partie de l'Amérique.

On écoutera avec intérêt certains artistes indiens contemporains qui mènent un combat pour la reconnaissance de leurs traditions musicales et de leur influence sur le reste des musiques américaines: de remarquables solistes comme Floyd Westerman, Billy Thundercloud, Barney Bush ou John Trudell qui a gravé plusieurs superbes "blues indiens". Le rap indien connaît aussi plusieurs groupes à succès tels les White Boys ou les Wagon Burners.

LES TRADITIONS MUSICALES INDIENNES

Les traditions culturelles - et notamment les musiques - des habitants originaux de l'Amérique du Nord ont été étudiées dès les débuts de la colonisation européenne, en particulier par les missionnaires jésuites et franciscains. Aujourd'hui, les chercheurs disposent d'un très grand nombre d'informations sur les musiques amérindiennes dont plusieurs dizaines de milliers d'enregistrements réalisés sur le terrain entre 1895 et 1939. Depuis 1979 et la création du fameux Federal Cylinder Project, l'American Folklife Center, un Département de la Bibliothèque du Congrès, a restauré et édité plus de 7000 enregistrements effectués par des ethnomusicologues sur des cylindres auprès des Indiens à travers tout le territoire américain. On trouve chansons, pièces musicales, poésies, contes ou interviews. Ces rééditions ont permis à un vaste public, notamment des Amérindiens, d'entendre les plus anciens témoignages preservés des traditions de leurs peuples!

Cela a servi d'aiguillon ainsi que de modèle actif et vivant aux mouvements de Renaissance (ou de Reconnaissance) Indienne qui ont commencé dans les années 70 (Indian Awareness). Aujourd'hui, de nombreux enseignants et chercheurs dont beaucoup d'Amérindiens étudient les musiques originales de l'Amérique du Nord, leurs évolutions au contact des européens et des esclaves africains. Ils mettent aussi avec beaucoup de pertinence l'accent sur les apports, bien plus déterminants qu'on ne le croit généralement, des musiques amérindiennes sur les musiques des États-Unis, du classique au blues et au folk.

L'INFLUENCE DES AMÉRINDIENS SUR LES MUSIQUES AMÉRICAINES

Longtemps négligé, nié ou méprisé, l'apport des Indiens sur les musiques américaines, notamment celles du Sud (blues, country music et peut-être même jazz) est aujourd'hui de plus en plus affirmé, argumenté et étudié (avec les travaux de l'ethnomusicologue Bruno Nettl). Petit à petit, ces travaux remettent en perspective la genèse et l'élaboration des musiques américaines.

Cela n'est en fait surprenant que lorsqu'on ne connaît pas l'histoire des Etats Unis. Comme l'écrit le chercheur américain J. Leitch Wright Jr:
" Pendant longtemps, on a voulu faire croire que les Indiens n'ont que peu affecté la musique sudiste, mais en réalité, toutes les recherches montrent que l'héritage amérindien est absolument considérable et souvent dominant. La culture indienne, sous toutes ses formes, a eu un impact énorme sur les autres populations venues s'installer dans le Sud: autant sur les Européens que sur les Africains ".

En fait, jusqu'au milieu du XIX ème siècle (et la fin du siècle pour la région du Delta dans l'Etat du Mississippi), Indiens, Noirs et Blancs ont coexisté en terre sudiste et n'ont cessé d'échanger les pratiques culturelles, tout autant d'ailleurs que leurs gênes et leur sang! L'influence des Indiens sur les Blancs ne saurait être sous-estimée mais celle des Indiens sur les Noirs est considérable: ils ont vécu associés et interdépendants dans la vallée du Mississippi. En effet, les Indiens ont été pendant longtemps les premiers esclaves forcés à travailler dans les plantations. Afin d'éviter les révoltes, les hommes ont souvent été déportés vers les Antilles britanniques; les esclaves noirs qui devaient les remplacer étaient largement de type masculin et on les mariait aux Indiennes demeurées seules. En fait, les Anglais puis les Américains, ceci contrairement aux Espagnols, n'ont pas fait la différence entre Indiens et Noirs dans leurs plantations. Il n'y avait que des "darkies" devenus "black" et enfin "colored people" qui sont certainement tout autant d'origine africaine qu'amérindienne. Selon tous les spécialistes aujourd'hui, l'apport indien dans la culture sudiste a été énorme autant dans les traditions orales, la toponymie, le langage, la cuisine (la Soul Food notamment!), les coutumes, les modes de vie que dans la danse et la musique. Il y a certainement bien plus d'éléments de musiques indiennes dans la country music et dans le blues ou même dans le jazz que les auteurs trop spécialisés ne l'imaginent!

Enfin, certaines des figures les plus importantes de la musique américaine ont à partir du XVIII ème siècle travaillé sur des thèmes indiens, annotant, recueillant et popularisant: George Herzog, Helen Roberts, David Mc Allester, Gertrude Kurath, Theodore Baker, etc.... Frances Densmore et Alice Fletcher vont encore plus loin. Elles reprennent les thèmes indiens, les traduisent en anglais, arrangent quelque peu l'harmonie et le rythme et les publient sous forme de recueils de "folk songs" qui sont, jusqu'à aujourd'hui, appris dans les écoles américaines, les camps de vacances et font partie intégrante du répertoire folk américain au point de paraître provenir des Iles Britanniques!

CHEROKEES, CHOCTAWS, DELTA ET BLUES

Il ne faut surtout pas confondre la région du Delta avec le "vrai" Delta du Mississippi autour de La Nouvelle Orléans. Il s'agit en fait d'une fertile bande de terre alluviale de dimensions modestes (258 kilomètres dans sa longueur maximale et 80 kilomètres dans sa plus grande largeur) qui s'étend entre Vicksburg et Memphis au centre d'un triangle (qui évoque vaguement la lettre grecque delta) formé par le fleuve Mississippi et son petit affluent, la Yazoo River. Tout le Delta est aujourd'hui administrativement inclus dans l'Etat du Mississippi, s'étalant en totalité ou en partie sur 18 comtés. Mais le Delta ne représente qu'à peine un cinquième de la superficie totale de cet Etat. Et, en matière de blues comme des autres domaines, le reste du Mississippi possède des caractéristiques fort différentes de cette région du Delta.

En fait, le Delta n'a été peuplé par des colons que dans la dernière décennie du XIX é siècle. En effet, plate et fertile, mais constamment inondée par les crues terribles et imprévisibles du fleuve et de son affluent, cette région avait été réservée à des nations amérindiennes christianisées, Cherokees, Creeks et Choctaws. Ces peuples étaient les habitants originaux du Mississippi et de l'Arkansas. Mais, sous la pression de l'économie de plantation et de la spéculation foncière, ils avaient été progressivement refoulés hors de leurs terres, notamment vers l'Ouest (Oklahoma) avec le trise et célèbre épisode de la tragique "trail of tears", déportation massive des Cherokees par l'armée américaine en 1840. Par contre, le Delta, jugé inconstructible par les autorités américaines, leur avait été aussi attribué et n'était pas en 1870 partie de l'Etat du Mississippi mais avait le statut de terre de la "Frontière", c'est-à-dire hors des lois communes de l'Union. Cela signifie sans l'ombre d'un doute que le Delta - berceau supposé du blues - était jusque très tard dans le XIX é siècle une terre presque entièrement amérindienne, non mise en cultures selon les critères américano-européens et n'avait alors jamais connu une économie de plantation!

LE DELTA, CIMETIERE DES ILLUSIONS

A partir de 1880, les progrès technologiques vont permettre la "conquête" du Delta. Le gouvernement américain décide d'y implanter un maillage moderne de digues, solides et efficaces ainsi qu'un réseau ferré qui traverse de long en large le Delta. Mais les Amérindiens sont propriétaires collectifs (communautaires) de ces terres. Cette forme de propriété est alors "illégale" dans tout le territoire de l'Union, ici comme ailleurs, ce qui précipitera la déchéance des Indiens. Privés de leur terre, une partie des Cherokees préfèrent gagner les réserves de l'Oklahoma (ils sont en fait déportés par l'armée américaine) où leurs modes de vie traditionnelles sont en principe garantis. D'autres, encore plus nombreux, demeurent dans le Delta et deviennent officiellement propriétaires d'une parcelle de terrain totalement inadapté à leurs habitudes de vie pas plus qu'à la possibilité de cultures vivrières familiales. Leurs lopins de terre leur sont alors rachetés par des compagnies privées ou par les gouvernements fédéral et local, souvent pour une bouchée de pain, voire quelques bouteilles de whiskey! Officiellement, il n'y a plus d'Indiens dans le Delta. Ceux qui y demeurent ne sont alors plus considérés comme "Indiens" mais comme "gens de couleur" et seront totalement assimilés aux Noirs. En fait, un très grand nombre de "Noirs" du Delta sont d'origine Cherokee comme le prouve leurs caractères physiques (parmi les bluesmen de cette région, Muddy Waters, Big Joe Williams, Jessie Mae Hemphill, R.L. Burnside et quantité d'autres revendiquent en partie leur héritage Indien).

En 1886, la terre du Delta est définitivement parcellisée en petites propriétés et métaieries. Elle attire des Blancs ambitieux qui ont tout perdu après la guerre de Sécession ainsi que des Noirs qui voient là une des meilleures opportunités de tester leur récente liberté. Ils viennent majoritairement des Etats voisins, notamment du Mississippi qui obtient d'ailleurs le rattachement du Delta à son territoire. Tous vont commencer comme métayers et tenter de grimper l'échelle sociale qui, à l'époque, conduit vers la propriété de la terre. Si beaucoup de Blancs (mais certainement pas tous) vont effectivement réussir à s'élever dans le Delta, la plupart des Noirs découvrent très vite les limites de leur "libération". Les promesses qu'on leur a faites se heurtent aux rigidités renforcées d'un système de caste marqué par une ségrégation institutionnelle qui les confine dans un statut semi-servile.

Pour les Noirs, le Delta se révèle le tombeau de leurs illusions. Et bientôt, l'idée s'installe que cette bande de terre n'est en fait qu'une simple escale vers le Nord et surtout Chicago. En effet, à l'aube du XX é siècle, cette grande ville industrielle alors bourgeonnante devient directement accessible depuis le Delta grâce au chemin de fer de l'Illinois Central Railway (ICR) qui sera tant chanté dans le blues.

LES DELTA BLUES

L'histoire, la géographie, la démographie de cette bande de terre réunissent bien sûr tous les ingrédients pour faire du Delta blues un style typé et unitaire. Sans doute encore davantage que pour les styles de blues du Piedmont des Appalaches (East Coast blues) ou pour ceux du Texas, le Delta blues possède-t-il réellement des caractères spécifiques qui le définissent.

En général, le chanteur de Delta blues est totalement impliqué dans sa musique qu'il crée au fur et à mesure que progresse le morceau. Ces bluesmen ont souvent affirmé qu'ils ne composaient pas mais qu'ils "ramassaient des versets flottants" dans l'atmosphère! Une caractéristique de toutes les musiques indiennes, de l'Arctique jusqu'à la Terre de Feu! Le chant est tendu et véhément, les versets pleins de métaphores s'imbriquent les uns dans les autres sans logique apparente mais tissent une trame poétique hautement évocatrice. Le jeu de guitare est avant tout rythmique, semble simple mais se révèle, à l'étude, très imaginatif et parfois d'une réelle complexité, notamment dans l'harmonisation des figures avec le chant.. Le bottleneck ou le slide sont très souvent utilisés, de même qu'une grande variété d'accords ouverts, même si avec le disque, certains (sol et ré ouverts) ont fini par s'imposer comme des normes. Par dessus tout peut-être, le Delta blues se caractérise par des basses puissantes et un rythme lancinant et syncopé qui finissent par décrire une mélopée plus qu'une mélodie. D'ailleurs, nombre de ces blues du Delta ne sont joués que sur un seul accord de la gamme pentatonique mineure (là aussi, celle-ci probablement originaire de Chine est pratiquée par tous les Indiens de toute l'Amérique, des Eskimos aux Incas, au point que Hohner vendra un harmonica "peau-rouge" à la fin du XIXé siècle accordé sur les notes de cette gamme!), notamment dans la partie collineuse du nord de cette région (Hills counties). Il nous semble évident qu'au moins en ce qui concerne cette partie du Delta, la musique, le rythme et le chant amérindiens ont largement contribué à façonner ce style. D'ailleurs, dans cette région, des orchestres de flûtes et de tambours - la marque des musiques traditionnelles Cherokee et Choctaw - comme ceux des frères Young, de Napoleon Strickland ou d'Othar Turner ont jusqu'à une date très récente continué à exister, animant réunions privées, fêtes campagnardes, mariages, pique-niques. On retrouve ces caractéristiques rythmiques transposées à la guitare chez des musiciens encore en activité comme R.L. Burnside, Jessie Mae Hemphill et quelques autres.

     Gérard HERZHAFT

Ce texte reprend en partie deux articles de Gérard Herzhaft parus dans la revue musicale "Ecouter/Voir": "Le Delta Blues" (Ecouter/Voir n° 99/ mars 2000) et "La musique des Indiens d'Amérique du Nord" (Ecouter/Voir n° 111/ mars 2001): Ecouter/Voir: Médiathèque Musicale de Paris 8 Porte Saint-Eustache 75001 PARIS/ Abonnement annuel (10 n°s par an: 450 F).

lire aussi LGDG n°16 Histoire du Blues:naissance, fixation, diffusion (Philippe Sauret)
LGDG n°19 (Robert Johnson sorcier indien (Uncle Lee)

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Claude Bourbon
La Grenouille qui a le Blues

Date: 24 Février 2001
De: Uncle Lee <latailla@club-internet.fr>

"La Grenouille qui a le Blues" n'est pas une fable de Jean de La Fontaine, mais c'est comme ça que nos amis anglais parlent de Claude Bourbon : "The Frog with the Blues" ! Claude Boutbon, live At The Wedgewood

Claude Bourbon est un amoureux du blues et de la guitare acoustique, et il nous le prouve dans deux CD: Bourbon Street (1998) et Live At the Wedgewood (2000). Voix plutôt grave, légèrement voilée, ce français né en 1960 et vivant en Angleterre depuis 3 ans nous offre des reprises de standards du blues et des compositions personnelles.

Pour les standards, le mot "interprétation" prend ici tout son sens, Car Claude ne se contente pas de copier les maîtres : il crée une nouvelle version, parfois étonnante, de chaque titre. Maîtrisant différentes techniques de jeu à la guitare acoustique, il alterne sonorités et rythmes rock ou funk, traditionnels ou folks, Jazz ou Delta Blues, Chicago ou Texas. Cela donne par exemple un Steady Rollin' man des plus enlevés, un Hey Hey Baby très jazz, ou un superbe Good Morning Little School Girl au picking impeccable que ne renierait pas le Reverend Gary Davis … ou même Marcel Dadi. Je ne cite pas tous les titres (il y a plus de vingt reprises entre les deux CD !), mais c'est à chaque fois une surprise et un vrai plaisir à entendre.

A noter la présence, dans le CD Bourbon Street, de quelques passages où Claude nous joue, entre deux blues, de courts extraits de musique classique… L'idée est surprenante, et l'effet est agréable ! Dans Live At The Wedgewood, c'est carrément un titre de JJ Cales qui se retrouve avec une intro classique : quand la musique classique se marie avec les classiques du blues ! Claude Bourbon, Bourbon Street

Au milieu des standards du blues, les compositions de Claude Bourbon s'intègrent parfaitement, avec une telle continuité que c'est tout juste si on s'aperçoit d'un changement pourtant de taille : il chante alors en français ! Il y a trois compositions dans Bourbon Street, dont une est reprise dans Live At The Wedgewood qui en accueille une quatrième en français, plus deux en anglais (co-signées Claude Bourbon/Claire Goodwin). Bien que Claude nous dise texto qu'il "ne chante pas le blues en français, laissant ça à Johnny Halliday" , on peut lui confirmer qu'il reste des places à prendre et qu'il est le bienvenu!

Réussite totale donc, pour ces chansons aux textes intelligents, intimistes ou humoristiques. D'ailleurs, ces paroles ont une qualité indéniable car, à l'instar d'un Roland Malines, Claude Bourbon ne s'adresse pas qu'à des bluesophiles avertis, mais bel et bien à tout public soucieux d'entendre des textes tout en écoutant de la bonne musique, et vice-versa. Il se trouve que c'est du Blues : tant mieux !

Claude Bourbon est allé trouver son public en Angleterre, et si ce n'est pas le premier Bourbon à s'être exilé, espérons qu'il reviendra de plus en plus souvent sur le continent. Ce n'est pas un délire éthylique que d'espérer voir un jour une affiche " Bourbon à Cognac " !

En attendant, n'hésitez pas à aller sur son site (www.claudebourbon.co.uk) pour écouter des extraits et bien sûr commander un de ses disques. Et guettez son passage près de chez vous : à ne pas manquer !

De: Didier Taberlet <didier@didtab.org>

Claude Bourbon, live in Dijon, le 05 Janvier 2001

Le bar-concert Le Crony's à Dijon a accueilli Claude Bourbon en ce début janvier.

C'est presque en voisin que Bourbon s'est rendu à Dijon. En effet le « Frog with the Blues », tel qu'il est surnommé dans son pays d'adoption l' Angleterre, est originaire de la petite ville franc-comtoise de Pontarlier, distante d'une petite centaine de kilomètres de Dijon. Un petit public clairsemé en pleine digestion des fêtes s'est rendu dans ce qui reste de bar vivant de la capitale des ducs de Bourgogne, pour y découvrir Bourbon.

Seul en scène comme à son habitude, notre anglo-franc-comtois a démarré son set armé de sa traditionnelle guitare folk et de sa footbox, sorte de petite caisse en bois retournée sur laquelle son pied bat la mesure. Quelques titres en français ont alterné à des titres dans la langue de Shakespeare, de même que la guitare folk qui a laissé sa place par intermittences à un dobro.

Bourbon est, bien sûr, terriblement à l'aise dans une technique de finger-picking qui trahit une formation guitaristique classique, à laquelle s'ajoute une solide connaissance des plans blues les plus inspirés, qui font de lui un artiste complet au son chaleureux.

On se laisse aisément emporter par ses ballades bluesy-folk, soutenue par une voix qui, sans être exceptionnelle, convient parfaitement à son répertoire.

Blues, country, rag, et même rock « dylannien » n'ont pas eu raison de l' énergie débordante de Claude Bourbon qui, en plus de deux heures trente de concert, a réussit à remplir et à remuer la petite salle au son de sa musique. Il aura fallu la menace d'une visite de la maréchaussée pour que la soirée se termine, laissant le public sous le charme de cet artiste hors normes.

A découvrir sur scène autant que sur galette, Claude Bourbon trace sa route au gré des festivals, croisez donc son chemin sitôt que l'occasion se présente à vous.

contact:
Claude Bourbon, c/o Frog Productions, 11 Herbert Road
Portsmouth ENGLAND PO4 0QA
Tel : 02392 82 94 68
site: www.claudebourbon.co.uk
EMail : claudebourbon@hotmail.com

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E-interview de Claude Bourbon
The Frog with the Blues


La Gazette De Greenwood : Peux-tu nous dire quel a été ton parcours musical, et comment définis-tu ton style?

Claude Bourbon : Tout a démarré au début des années soixante-dix. Mon père était Radio/TV dépanneur et devait aller 5-6 fois par an changer les disques dans les juke-box de la région, mettre les nouveautés du hit parade!! et retirer les disques qui marchaient moins bien. Ce qui fait qu'il ramenait ces 45 tours à la maison et on triait pour garder ce qui nous plaisait le plus et on rachetait ça pour trois fois rien. Des disques de Ray Charles, Creedence Clearwater, Rolling Stones, Beatles. Aussi des trucs en français.

J'ai acheté ma première guitare (électrique) à 15 ans en Italie. A l'époque j'étais un GRAND fan de Ritchie Blackmore et de Deep Purple. J'aime toujours cette période de ce groupe. Claude Bourbon

Après quelques années à gratouiller la guitare dans les balloches et dans ma chambre, je me suis mis à la guitare classique que j'ai étudiée quelques années au conservatoire. Pendant cette période, j'ai fait la rencontre d'un Bluesman chanteur à la recherche de musiciens pour son groupe. C'était début 1985. On est parti s'installer dans le midi de la France, aux Saintes Marie de la Mer. Là, autres influences musicales avec les gitans. De là on a pas mal tourné en France, Belgique, Hollande, Suisse.

Suite à cette collaboration, qui se termine en 1989, je repars vivre dans le midi et jouer dans divers groupe de Blues ou plus folk/country (j'apprécie beaucoup un guitariste comme Albert Lee). Ensuite, LA décision importante: Je me mets à chanter!!! Pour moi le seul moyen d'être libre de tout mouvement et aussi LE conseil que je donne à tout guitariste, se mettre à chanter!

Je m'accompagne à la guitare acoustique et enregistre le premier CD "Des jours gris", lequel ne comprend que des compos en français, en 1994. A peu près à cette période je m'installe à Pontarlier (Doubs). Je monte un groupe aux influences Blues/Rock et retourne pour la durée de vie de ce groupe (9 mois) à la guitare électrique. Après la dissolution dudit groupe je repars en solo pour de nouvelles aventures et commence à jouer régulièrement en Angleterre.

En 1998, j'enregistre le CD "BOURBON Street" à Portsmouth et Londres. La scène Blues étant assez animée de ce côté-ci du Chanel et les engagements de plus en plus nombreux, je décide de m'y installer avec femme et bagages fin 1999. Depuis j'ai enregistré un album en public "Live at The Wedgewood Rooms" et participe à de nombreux festival dont le fameux "Burnley National Blues Festival". Au mois de décembre passé j'ai fait une tournée au Benelux qui s'est plutôt bien passée et de nombreux contacts ont été faits pour une prochaine tournée cet été 2001.

Pour ce qui est de mon style, je dirais que mes influences vont de Django Reinhardt, Robert Johnson, Jimmy Page en passant par Eric Clapton, Jimmy Hendrix, Rory Gallagher et aussi tout ce que notre subconscient emmagasine sans pour autant clairement nous le dire et tous ces guitaristes connus ou pas à qui l'on pique des plans et qui nous piquent les nôtres. Les musiciens ne sont rien d'autre que des voleurs d'idées!!

Pour être bref, je pense que mon style se rapproche du country Blues avec un zeste de jazz.

LGDG : Parfois un gros zeste, comme dans ton interprétation de Hey Hey Baby (de Big Bill Broonzy) ou certaines de tes compositions ! Tu joues tout sur une guitare acoustique, mais ton jeu est très varié, du plus roots au presque funk ou rock , en passant par le Delta le Piedmont ou le Texas… Est-ce une volonté de diversité pour le show ? ou autre chose?

CB : Je crois que tout ça sont les influences qui font surface de temps en temps. J'aime beaucoup les sonorités de musiques comme le ragtime, le gospel, le classique, le blues, le rock, le funk, le cajun, etc, mais ne suis absolument pas une encyclopédie en la matière. En fait j'aime un peu tout mais pas tout le temps!! J'essaie juste de mettre un peu de tout ça dans mon répertoire en utilisant les moyens dont je dispose. A savoir un peu de jeu au plectre, un peu de finger picking, un peu de bottleneck et quelques open-tuning. Il est très difficile d'expliquer le pourquoi du comment en musique. Tout d'un coup tu te mets à jouer un truc, tu te plantes et à partir de là ça t'emmène sur une route que tu ne connaissais pas 2 minutes plus tôt. Je crois vraiment que ce qui est important est d'exprimer sa personnalité au travers de ce que tu fais.

LGDG : Tu nous dis que tu t'es mis au chant bien après avoir commencé la guitare, est-ce que ça a été facile ? Est-ce que tu as des " modèles "?

CB:Je me suis à chanter je crois plus par nécessité que par réelle envie. C'était un peu ça ou retourner à l'usine!! Aussi monter un répertoire en solo et faire quelque chose de très dépouillé me plaisait bien. Juste guitare et chant. Tu sais avec les groupes dans les bars, souvent c'est trop fort, le son est naze, y'a pas de place. Je n'ai pas le souvenir que c'était plus difficile quand j'ai commencé qu' à présent. J'ai toujours autant les chocottes avant de jouer!! Pour me rassurer quand je me suis mis à chanter, je me disais : "Quand tu entends ce qui se joue à la radio, t'as pas de raisons de te faire des complexes." Des modèles? J'aime un tas de trucs différents mais plutôt pas trop haut perchés. Tu sais en ce qui me concerne la voix est là pour accompagner la guitare et non l'inverse.

LGDG : Dans ton disque Bourbon Street, tu as mis quelques courtes " ritournelles " entre certains morceaux… ça sonne plus " Malicorne " (groupe folk français des années 70) que Robert Johnson ! Peux-tu nous en expliquer la raison ??

C.B. : Ces petites ritournelles comme tu les appelles sont de petites pièces classiques que j'avais envie de placer ici et là comme des sortes d'intermèdes. La guitare classique est quand même une de mes grandes influences.

LGDG : Tu nous dis être allé en Angleterre car tu y trouvais plus d'opportunités de jouer, plus de succès. Comment y est perçu un français qui chante le blues ? Et que pense le public anglais de tes compositions en français ?

C.B. : Je suis venu m'installer ici pour un temps car il est vrais que la scène musicale anglaise est très riche et très ouverte. C'est un peu un sport national de gratter la guitare par ici, et du coup ça te pousse vraiment à aller de l'avant. Le fait d' être ni anglais ni américain n'est de loin pas un désavantage. Au contraire il faut jouer avec (une sorte de Jane Birkin français). Mais pour être franc, je me fous de ça, je pense surtout qu'un musicien n'est pas un porte drapeau et devrait être libre de toutes nationalités. Pour ce qui est des compos en français, il faut bien dire que l'anglais n'est pas particulièrement doué pour les langues étrangères. Ceci dit, le titre "j'ai repris la route" qui se trouve sur "BOURBON Street" remporte un bon succès.

LGDG : Y a-t-il une scène blues anglaise plus importante qu'en France ? Notamment pour le blues acoustique ?

C.B. : La scène musicale est sans aucun doute plus importante ici que n'importe où d'autre, je dirais, en Europe. Il y a beaucoup de Blues Clubs qui donnent l'opportunité à tous, tous niveaux confondus, de jouer en public. Les Jam nights sont très populaires. La plupart des pubs ont des concerts de Blues. Et puisque l'on est sur internet tu remarqueras que à part quelques exceptions dont La Gazette de Greenwood (non ça n'est pas du fayottage!), il n'y a pas grands choses au niveau organisateurs/promoteurs et même au niveaux des musiciens de Blues en France.

LGDG : Peux-tu nous révéler en avant-première les plans secrets de ta " footboxTM" et son mode d'emploi ?

C.B. : Tout d'abord, qu'est-ce qu'un "footbox", comment ça marche? Et bien c'est pas compliqué! C'est juste une sorte de caisse en bois sur laquelle je tape du pied pour marquer le rythme.Ca fait office de batteur sauf que ça prend moins de place sur scène, c'est toujours content et y'a pas besoin de la payer. Bref, que des avantages. (PS. Je suis en train de travailler sur un modèle pour cul de jatte!!)

LGDG : Quels sont tes projets actuellement ? Tu prévois de tourner en France et Belgique je crois ?

C.B. : Tu sais on dit que les personnes qui ont plein de projets c'est juste parce qu'ils ont rien d'autre à faire!! J'espère vraiment jouer plus souvent en France et les choses s'annoncent pas trop mal. J'ai maintenant une agence basée dans le Nord et les choses semblent bouger dans la bonne direction. Je me produirais dans un festival à St Quentin dans l'Aisne (02) les 26/27/28 avril. Je reviens juste d'une tournée au Benelux qui c'est très bien passée (à voir "Rootstown Magazine" du mois de mars...En flamand!) et nous avons fais de très bon contacts.

LGDG : Prévois-tu d'enregistrer un autre disque ?

C.B. : Plein d'autres disques et aussi des vidéos clips avec plein de super gonzesses accrochées à mes.....! Certainement qu'il y auras d'autres disques. Tu sais pour moi un disque c'est comme une photo, capter un moment de ta vie, pas juste empiler des chansons. Le dernier "Live at The Wedgewood" si je le réecoute dans 10 ans et bien ça va remuer pas mal de trucs en dedans. Tu sais où j'aimerais aller enregistrer le prochain?.....En Caroline du Sud.

contact:
Claude Bourbon, c/o Frog Productions, 11 Herbert Road
Portsmouth ENGLAND PO4 0QA
Tel : 02392 82 94 68
site: www.claudebourbon.co.uk
EMail : claudebourbon@hotmail.com

sur internet: http://claudebourbon.co.uk

Propos recueillis par e-mail par Olivier de Lataillade, du 9 au 15 Février 2001

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Donna Angelle
de la Soul au Zydeco

Donna Angelle est passée au Quai du Blues (ex Maxwell Café) en ce début d'année. Qui connaît? ai-je demandé naïvement sur la liste de diffusion LGDG... Le sang de Zydeco Phil n'a fait qu'un tour et il nous a livré cette petite biographie d'une chanteuse à la voix magnifique.

Date: 18 février 2001
De: Zydeco Phil <PSauret@aol.com>

Donna Angelle fait partie de ces musiciens qui viennent de la soul et qui se sont reconvertis avec talent au zydeco. Multi-instrumentiste, excellente chanteuse, elle a profité de la popularité de cette musique au début des années 90 pour s'imposer au sein du crawfish circuit dans un milieu très largement dominé par les hommes. Donna Angelle

Donna Angelle est née le 10 octobre 1951 à Cypress Island en Louisiane. Durant sa scolarité à la Carver High School de Breaux Bridge elle développe son don pour la musique, écoute à la radio Gladys Knight et Curtis Mayfield, et apprend à jouer du violon de la clarinette et de la flûte.. Après la fin de ses études en 1972 elle entame une carrière de musicienne professionnelle comme claviériste et joue pendant un an avec le chanteur Bobby Price. Elle fait partie de nombreux groupes de soul et de funk ( Super Soul Exchange, Cosmic Sky… ) avant de diriger sa propre formation, Chapter IV, cette fois-ci en tant que bassiste. Elle joue alors constamment dans tout le Sud des Etats-Unis, soit comme leader, soit comme accompagnatrice de noms importants de la musique sudiste, Archie Bell et Barbara Lynn notamment.

Un terrible accident de voiture met soudain fin à ses activités. Ce n'est qu'au début des années 90 qu'elle revient sur scène, aidée par Michelle Citizen, à la fois son manager, son ingénieur du son et la co-auteur de nombre de ses textes. Rapidement remarquée par le producteur Mike Lachney elle enregistre pour son label Bad Weather une première cassette en 1994, Zydeco Soul. Mais c'est son album suivant, Old Man's Sweetheart sur Maison de Soul en 1997, qui lui permet d'avoir un important succès régional, grâce notamment au titre éponyme, un hommage plein d'humour à Boozoo Chavis.

Un nouveau disque, Down The Bayou toujours sur Maison de Soul, est depuis venu confirmer son talent. On l'y entend pour la première fois jouer de l'accordéon. Sa technique sur l'instrument est certes pour l'instant encore sommaire mais elle ne cesse de s'améliorer. De plus Donna possède des qualités qui dans l'avenir pourrait à plus de 40 ans en faire un des meilleurs artistes des années 2000 : un répertoire vaste qui va du répertoire créole traditionel ( valse, two steps ) au blues en passant par le funk et la soul ; des textes travaillés souvent chantés dans un créole parfaitement maitrisé ; une très belle voix enfin qui rappelle Barbara Lynn.

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interview
Alain Giroux
au bout de la démarche

Alain Giroux est considéré comme l'un des meilleurs représentants du blues accoustique en France, un pionnier dans ce domaine. Il a à son actif neuf albums, des vidéos pédagogiques, des méthodes de guitare et anime par ailleurs des stages et des ateliers. Après avoir tourné avec Bill Deraime, puis Jean-Jacques Milteau, il partage la scène, depuis plus de dix ans maintenant, avec Jean-Louis Mahjun.
Le samedi 3 février 2001, Alain Giroux était l'invité de l'émission BLUES'N'Co (93.6 FM, tous les samedis de 12H15 à 14H sur Radio BLV, Drôme-Ardèche, www.bluesactu.com) animée par Cédric Vernet. Un moment exceptionnel agrémenté d'un mini-concert à la guitare accoustique.

Date: 5 février 2001
De: 'Blues FM' Cedric <cedricblv@hotmail.com>

Radio BLV : "Jail Of Love", dernier album du duo Giroux / Mahjun fait partie de ces albums inclassables, surfant entre différents styles. Peux-tu nous résumer l'esprit de cet album ?

Alain Giroux : Sur le premier disque, nous étions uniquement tous les deux, violon et guitare, comme en concert. Sur le deuxième, nous avions invité quelques musiciens notamment Denis Benarrosh aux percussions et Didier Roussin aujourd'hui disparu. Sur ce 3ème album nous avons eu envie d'aller encore un peu plus loin. Comme en concert, notre base c'est le blues. Mais dans tous les pays du monde, il existe des musiques qui correspondent à l'esprit du blues comme la musique tzigane, le flamenco, le fado, la musique irlandaise. A chaque fois que les gens ont des peines ou des joies à exprimer, il y a toujours une musique qui correspond.
Sur l'album "Jail Of Love", il y a uniquement Jean-Louis et moi mais pour se faire plaisir nous avons rajouté des machines, des arrangements sur des morceaux que nous avons l'habitude de jouer que tous les deux. Par exemple, sur l'album il y a un tango car j'adore jouer des tangos à la guitare. On s'est amusé à mettre des percussions et des sonorités un peu plus disco. C'est un gag qui nous a bien fait rigoler.
Le prochain album, prévu pour cette année sera un Live. On aura alors fini notre boucle de recherche de sonorités et on reviendra au duo.

Radio BLV : Quand on connaît un peu votre prestation scénique, c'est un album qui est assez déroutant. Est-ce que surprendre est un objectif afin de prouver que le blues n'est pas une musique figée et qu'il est capable d'évoluer ?

Alain Giroux : Tout à fait. Je n'ai jamais été un intégriste du blues. Certains pensent que le blues c'est uniquement une forme d'expression et que ça ne peut être joué que par certains types de musiciens ce qui, à mon sens, est complètement dépassé. De grands guitaristes noirs américains de blues sont entièrement d'accord avec ça. Dans notre musique, il n'y a pas que le blues mais on essaye de faire passer une émotion qui est proche de celle que l'on peut exprimer en jouant le blues.

Radio BLV : Tu as découvert le blues dans les années 50 à une époque où il n'était pas forcément très évident de trouver une bonne discothèque blues en France. Comment s'est fait ton apprentissage à cette musique ? Alain Giroux (photo Pierre Mercier)

Alain Giroux : J'ai commencé à toucher une guitare quand j'avais 15 ans. Comme tout le monde, je travaillais sur les accords de guitaristes comme Brassens. Un jour, le père d'un de mes amis m'a fait écouter un disque où un bluesman jouait de la guitare seul. Je connaissais déjà un petit peu le blues car mes parents m'avaient offert un coffret de disques où l'on pouvait entendre un titre de Lonnie Johnson. Ca m'avait bien accroché l'oreille mais je trouvais ça très difficile à faire car il y avait tout un orchestre derrière. Alors que là, le bluesman en question n'était autre que Big Bill Broonzy. Effectivement c'était un blues et il jouait seul. Ca m'a complètement flashé à l'écoute et j'ai su alors que c'était cette musique que je voulais jouer. Le père de mon ami était un grand connaisseur de blues et possédait déjà une bonne centaine de disques de blues. J'ai écouté cette musique afin de déterminer la façon dont ces musiciens jouaient. A partir de ce moment là, je suis monté à Paris, j'ai rencontré des gens, comme Ralph Mc Tell avec qui j'ai fait la manche pendant plusieurs mois. J'ai continué à écouter la musique en essayant de refaire ce que ces musiciens faisaient mais pas forcément note à note, sauf pour quelques uns comme Lonnie Johnson. Mais habituellement, pour chacun des guitaristes qui m'intéressaient, je n'essayais pas de reprendre le phrasé exact mais de capter l'esprit, le style du musicien.

Radio BLV : Quels sont les guitaristes de blues qui t'ont le plus influencé ?

Alain Giroux : Je pense à des guitaristes comme Lonnie Johnson, Blind Willie Mc Tell, Tampa Red et ceux qui m'ont le plus marqué au début à savoir Big Bill Broonzy et Blind Blake mais je pourrais en citer un tas d'autres. En fait, tous les guitaristes, même les moins connus, ont un truc particulier très intéressant à écouter.

Radio BLV : Comment se fait l'écriture des compositions, comme Jail Of Love par exemple ?

Alain Giroux : Pour Jail Of Love, je suis parti d'un riff de guitare de 4 à 5 notes en pensant à J.B. Lenoir puis j'ai développé ensuite cette phrase musicale. Avec Jean-Louis nous travaillons presque toujours de la même façon. J'arrive avec les arrangements de guitare. J'enregistre alors la guitare avec Jean-Louis qui assure un violon témoin. Une fois que cette base est faite, la chanson est habillée avec paroles, violon, arrangements percussions, et chorus. Sur ce disque, il y a aussi des reprises de morceaux qui nous plaisent.

Radio BLV : L'année 1990 est une année importante pour toi car tu fais une "Rencontre du 2ème type" avec Jean-Louis Mahjun. Comment s'est faite votre rencontre ?

Alain Giroux : Je le connaissais déjà depuis longtemps de réputation. Nous avions, en plus, un ami commun qui a joué autant avec lui qu'avec moi et qui s'appelle Cyril Lefèvre, un merveilleux joueur de guitare hawaïenne. Un jour, je jouais à l'Utopia, un club parisien qui attire de nombreux bluesmen. J'ai rencontré Jean-Louis l'après-midi avec son violon et lui ai proposé de faire le boeuf le soir même. Il a accepté et cela a fonctionné superbement dès notre première rencontre. C'est pourquoi nous avons décidé de continuer à jouer ensemble. On s'est alors donné rendez-vous pour faire un concert à Utopia mais nous n'avons pas eu le temps de répéter. Une demi-heure avant je me rappelle lui avoir dit : "On joue, tu me suis". Et c'est comme ça que depuis 12 ans qu'on se connaît, on n'a jamais eu a répéter ensemble. Ce qu'il y a de bien avec un duo, c'est que ca laisse une grande place à l'improvisation et aux surprises. Comme on se connaît bien, on peut se permettre de partir dans des délires sur scène. C'est surtout le cas pour Jean-Louis en fait car on fonctionne un peu comme un duo de clowns ! Je suis le clown blanc et lui l'Auguste. C'est lui qui doit délirer avec ses instruments alors que derrière j'assure les chants, les contre-chants, les chorus, ..., et j'ai beaucoup de boulot avec lui !

Radio BLV : On sent une vraie complicité entre vous deux qui est exceptionnelle. As-tu ressenti cela également lors de tes premiers concerts avec Jean-Louis ?

Alain Giroux : Oui tout à fait. Ce qu'il y a de bien, c'est que nous avons des styles complètement différents. Je suis issu du blues et du folk alors que la culture musicale de Jean-Louis était plutôt le rock. Ce sont deux horizons et deux mentalités différentes mais cette différence crée une complémentarité sur scène. De plus, on s'est toujours marré à jouer et les gens le sentent.

Radio BLV : Avant ta rencontre avec Jean-Louis, tu as partagé la scène avec Bill Deraîme ou encore Jean-Jacques Milteau. Peux-tu nous rappeler ton parcours musical ?

Alain Giroux : Vers la fin des années 60, j'habitais à Paris pour mes études. En parallèle, je continuais à jouer de la guitare. A cette époque, de nombreux Folk Clubs se sont ouvert à Paris. Bill Deraime a été à l'origine de l'ouverture d'un Folk Club qui s'appelait TMS (Traditional Mountain Sound) où nous nous retrouvions avec de nombreux autres musiciens comme Bill Deraîme bien sûr mais aussi Jean-Jacques Milteau, Gabriel Yacoub, Chris Lancry et d'autres. On a fondé alors un des premiers Jug-Band avec Milteau, Laurent Gérôme, Bill Deraîme et sa femme Florentine. On se produisait plutôt dans des clubs de jazz traditionnel où ca marchait d'enfer car les gens n'étaient plus habitués à entendre ce son. Un disque est sorti en 1971. Nous avons tourné pendant un an ou deux avant que le groupe ne se sépare car chacun souhaitait faire indivduellement autre chose. Pendant quelques années, j'ai alors fait des concerts tout seul. On s'est ensuite retrouvé avec Jean-Jacques pour un duo Guitare / Harmonica qui a tourné pendant dix bonnes années en France, en Espagne, en Hollande. Comme Jean-Jacques avait un plan de carrière qui ne correspondait pas vraiment au mien, on s'est séparé. Mais ce fût un divorce par consentement mutuel puisque on est resté très amis. J'ai ensuite joué avec Cyril Lefèvre (Guitare Hawaïenne) avant de rencontrer Jean-Louis en 1990 avec qui je fais 90% de mes concerts.

Radio BLV : Peut-on aujourd'hui vivre de sa musique ? (Question posée par téléphone par Patrick de Portes-Lès-Valence)

Alain Giroux : Oui mais ce n'est pas facile. Soit on arrive à percer après pas mal de galères qui peuvent s'étaler sur au moins dix ans, soit on est un génie monstrueux et on perce tout de suite. C'est toujours un cercle vicieux pour un jeune musicien. Pour être connu, il faut jouer mais pour jouer, il faut être connu ! Il y a bien des endroits, notamment en province, dans des bars, où on peux commencer à jouer et se faire connaître mais ça prend du temps. Après, on peux toujours tomber sur des petits phénomènes comme Nawfel, bien soutenu par sa famille, qui, à 14 ans, a une technique instrumentale assez monstrueuse. Mais il faut voir ce qu'il va devenir quand il aura passé 20 ans et qu'il n'aura plus l'âge d'enfant prodige.
D'une manière générale, vivre avec le blues ce n'est pas facile. Des gens comme Jean-Jacques Milteau ont réussi car il est extrêmement doué et il a eu l'occasion de se faire connaître en jouant auprès d'artistes comme Eddy Mitchell. C'est vraiment la porte ouverte car ça permet de fréquenter des studios, des musiciens, etc. Mais pour qu'un musicien puisse bien vivre de sa musique, il faut qu'il fasse un petit peu de tout : du studio, de la scène, monter un groupe et essayer de se faire connaître auprès des maisons de disques. Il faut vraiment être bon, ce n'est pas facile et c'est assez long. En ce qui me concerne, j'ai eu la chance d'avoir un boulot intéressant et de faire de la musique à côté. Ca m'a permis, en musique, de ne faire que ce que j'avais vraiment envie de faire, sans forcément chercher à tout prix les séances de studio, ou d'accompagner des musiciens. C'est vraiment ce que je conseillerais à quelqu'un qui veux être musicien, c'est d'avoir une activité à côté pour l'alimentaire.

Radio BLV : Est-ce que ce n'est pas d'autant plus difficile de vivre de sa musique quand on est guitariste vu le nombre de prétendants ?

Alain Giroux : Oui, je suis complètement d'accord avec toi. Il y a beaucoup plus de guitaristes que d'harmonicistes par exemple. Pour un guitariste, il faut vraiment beaucoup d'années de métier et avoir un style personnel très reconnaissable pour faire la différence et ce n'est pas évident.

Radio BLV : Est-ce que tu constates un regain d'intérêt pour le blues accoustique ou la mode Unplugged te semble-t-elle passée ? (Question posée par Internet par Olivier de http://www.gazettegreenwood.net/)

Alain Giroux : Si le mouvement Folk a subi un creux dans les années 90, ce n'est pas le cas pour le blues. Le blues a toujours fonctionné car c'est une musique conviviale qui peut se jouer dans les bars par exemple. Sur scène, les gens ont envie de retrouver des musiciens qui jouent vraiment. J'espère que c'est une mode qui va durer même si, dans notre cas, nous ne jouons pas unplugged sur scène. Jean-Louis travaille avec des violons et mandolines électriques et moi une guitare Jazz. C'est en fait assez rare de trouver des musiciens qui continuent à jouer en accoustique intégral. Des gens comme Hans Olson ou John Hammond continuent car il y a eu un regain de l'accoustique à travers des artistes américains qui jouaient sur National. Il y a un public pour ça. Ca marche très bien en club et en concert donc ça ne peut que perdurer.

Radio BLV : Pour John Hammond, "Jouer en solo, c'est l'Art du blues". Es-tu d'accord avec ce point de vue ?

Alain Giroux : Je suis assez d'accord avec ça. Quand tu joues seul avec ton instrument, il faut vraiment avoir les tripes et la technique pour faire passer quelque chose. Je n'ai jamais été un fan de technique mais il en faut pour faire passer des expressions, un sentiment ou une émotion. J'avoue que j'adore jouer tout seul. C'est un vrai défi de tenir le public en haleine rien qu'avec ta voix et ta guitare. A l'origine, les premiers guitaristes de blues jouaient seul.

Radio BLV : Que penses-tu du retour des musiques traditionnelles ? (Question posée par téléphone par Marie de Bourg-Lès-Valence)

Alain Giroux : C'est une excellente chose. A l'époque, j'ai bien vécu tout le mouvement folk avec le retour des musiques traditionnelles régionales. Ca permet aux gens de retrouver une identité et ça c'est très important. Je suis favorable au retour des musiques traditionnelles et de tous les pays du monde car il y a des choses fantastiques à découvrir.

Radio BLV : "Jail Of Love" est un album qui reflète une étonnante modernité dans les sonorités. Es-tu attentif aux mouvances musicales actuelles ?

Alain Giroux : J'entend la variété à la radio. J'avoue qu'il n'y a rien qui m'intéresse vraiment. J'aime bien Arno car il a un petit côté Tom Waits, qui est un artiste que j'adore. J'apprécie également certains groupes qui arrivent à mélanger plusieurs styles comme Debout Sur Le Zinc, dans lequel on retrouve des influences irlandaises, country, festif breton. A part ça, j'écoute pas mal de Jazz, de la musique classique, du rock. En fait, j'écoute de tout car c'est comme ça qu'on trouve des idées. Il ne faut pas rester uniquement dans un style autrement on tourne en rond.

Radio BLV : Avec le duo Giroux / Mahjun, votre démarche musicale est assez expérimentale. As-tu le sentiment d'être allé au bout avec "Jail Of Love" ?

Alain Giroux : On est allé au bout d'une démarche qui consistait à habiller notre duo. C'est un disque qui n'est pas le reflet exact ce qu'on peux faire sur scène. En concert nous resterons en duo guitare / violon car c'est original. A la limite, ça me plairait de jouer avec un percussioniste mais pas un batteur. On se laisse guider par nos envies et les occasions qui se présentent.

Radio BLV : Nous allons terminer cette émission en parlant de tes projets. Quels sont-ils ?

Alain Giroux : Nous avons toute une série de concerts prévus (dont une tournée en Espagne) que nous allons enregistrer. A la rentrée on gardera le meilleur pour sortir un album Live chez Last Call Records. Nous revenons à une formule en duo pur.

Propos recueillis par Cédric Vernet le 03/02/01

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Une histoire de Blues,
Gerry Lockran

Date: 28 février 2001
De: Docteur Blues <docteur.blues@free.fr>

Quand Jason Loughran m'envoie un e-mail le 7 décembre dernier, je ne m'attends pas à découvrir une "vraie" histoire de blues mais le temps m'a un peu manqué ces dernières semaines pour vous la raconter... Jason est le fils aîné de Gerry Lockran et si ce nom est inconnu pour vous il l'était pour moi à l'époque...

L'e-mail commençait ainsi (traduction) :
Cher Docteur Blues,
Nous serions enchantés, si vous pouviez faire entrer Gerry Lockran dans l'histoire du blues anglais(*) (...) malheureusement son oeuvre n'a toujours pas était rééditée en CD. C'est le but ultime de notre site web. Il y a beaucoup de musiciens dont le travail vit au-delà de leur propre existance et leurs enregistrements auraient été oubliés depuis longtemps si ils n'avaient pas été redécouverts. On espère que c'est ce qui arrivera au travail de Gerry (...)
Regards, Jason


(*) NDLR: Jason parle ici de "l'histoire du blues anglais" publiée sur le site de Docteur Blues: www.multimania.com/docblues/london/Bluesboom.html

Jason mène donc une croisade pour la reconnaissance de son père au Panthéon du blues britannique.

A la lecture du site de Jason, il est évident que Gerry Lockran est le grand oublié de l'histoire du blues anglais, mais à qui la faute, aucune compilation ne fixe un de ses titres et pourtant Gerry a enregistré 13 albums !!! rien que ça ! et il s'est produit un peu partout en Europe pendant plusieurs années et a participé à une grande tournée aux USA au côté de Joe Cocker. Gerry Lockran

Emigré d'une famille métisse anglo-indien Gerry arrive en Angleterre en 1953. En 1955, il a treize ans, c'est la pleine période du Skiffle et il y prend part en jouant dans plusieurs groupes. Mais il découvre bientôt la musique des grands bluesmen que sont Josh White, Ramblin' Jack Elliot, Leadbelly, Sonny Terry et Brownie Mc Ghee et la plus grande influence de Gerry : Big Bill Broonzy. C'est à cette époque que Gerry rencontre Royd Rivers qui joue de l'harmonica et de la douze cordes, Gerry et Royd jouent ensemble du Country-Blues au "Half Moon Pub" à Putney (Sud-Ouest de Londres). Ils font partie de la scène du Folk et du Blues anglais aux côtés de Martin Carthy, Bert Jansch, Ann Briggs, Jo Ann Kelly, Davy Graham, John Renbourn, Wizz Jones et Jon Mark. Gerry participe en 1965 à une tournée appellée "Les Rois du Blues". Cette tournée réunit Long John Baldry, Alexis Korner et Duffy Power.

En 1966, Gerry signe son premier contrat, il en résulte la sortie de son Premier LP "Hold On - I'm coming !" avec Danny Thompson à la contre-basse puis il enchaîne en 67 avec "Blues Vendetta" qui confirme que Gerry est un solide guitariste de Finger picking. Il signe également ses premières compositions originales.

Gerry continue à écrire, à enregistrer et à se produire sur scène jusqu'à la fin de sa carrière en 1981 ! Cette année là, durant une tournée en Belgique, Gerry est victime d'une attaque cardiaque qui le prive de l'usage de sa main gauche. Après deux années difficiles, Gerry se tourne vers la photographie...

Il meurt d'une attaque fatale le 17 novembre 1987.

Je vous encourage donc tous à aller visiter le site de Jason (www.gerrylockran.com ) et de lui envoyer un message de sympathie... Et si la Gazette de Greenwood pouvait aider à la réédition d'un des disques de Gerry Lockran ne serait ce pas là une de nos plus belles réussites ?

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Mississippi Mud
Un bain de jouvence

Date: 27 février 2001
De: Uncle Lee <latailla@club-internet.fr>

Mississippi Mud

Mississippi Mud est un groupe nantais, membre de la célèbre association Blues Qui Roule (voir LGDG n°18), qui nous propose ici un CD démo constitué de 10 titres enregistrés à l'occasion du festival Blues En Retz de Juillet 2000 (voir LGDG n°22). Il s'agit d'un groupe de blues acoustique composé de Morgan Le Bec (guitare et chant), Kévin Doublé (harmonica et chant), Yann Renoul (basse) et Jérôme Boisneau (batterie-balai), et je vous avais fait part de mon enthousiasme pour leur prestation à Pornic. Ce CD me permet de confirmer que cette impression n'était pas due à l'excès de gros plant des Pays de Loire qu'Alain Leclerc (Président de BQR) m'avait forcé à ingurgiter.

Les quatres compères mettent toute leur fougue, leur savoir-faire et leur bonne humeur pour nous démontrer que le blues acoustique "roots" peut aussi donner des fourmis dans les pieds et une irrésistible envie de taper dans les mains.
Des titres comme Hot Tamales, High Fever ou Careless Love revisités par les Mississippi Mud prennent un sacré coup de jeune et donnent l'occasion aux deux instruments lead, guitare et harmonica, de s'exprimer dans le plus pur esprit jug band festif, grâce à une section rythmique infaillible.
Alternant au chant avec la voix grave et puissante de Kévin, les intonations particulières du chant de Morgan ajoutent un charme supplémentaire à l'ensemble, et ce qui est sans doute un défaut de prononciation devient ici une qualité indéniable ! Bumble Bee

Autre surprise et originalité de ce groupe, quand la guitare et la batterie se taisent cela devient un nouveau groupe : Bumble Bee, duo harmonica et basse. Ça c'est pas banal! et ça permet à deux virtuoses de leurs instruments respectifs de nous montrer leur talent et leur feeling, sans filet…
Kévin nous époustoufle avec son harmonica, et coup de chapeau particulier à Yann Renoul qui nous achève en mettant ici en évidence le travail phénoménal que peut réaliser cet instrument qui passe souvent (à tort) inaperçu: la basse.

Ce qui est très dommage pour vous, c'est que Mississippi Mud n'a pas encore de CD commercialisé… Mais si je vous en parle, ce n'est pas par pur sadisme (niark niark), mais pour que vous connaissiez ce groupe que vous aurez sûrement l'occasion de voir en concert un jour ou l'autre. Et vous vous souviendrez alors : "ah oui, La Gazette de Greenwood nous avait prévenu : un bain de Mississippi Mud, c'est le pied !".

En attendant, magie de l'internet, vous pouvez allez écouter quelques uns de leurs titres sur le site www.bluesquiroule.com .

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3 CD exceptionnels (d'un coup!)
Tommy Bankhead
King Alex
Johnny Turner

Date: 26 février 2001
De: Jocelyn Richez <jrichez@noos.fr>

Je suis heureux car j'ai découvert cette semaine 3 CD (d'un coup !) absolument exceptionnels (le superlatif n'est pas galvaudé), un véritable plaisir pour mes oreilles.
Il s'agit de:

Le point commun entre ces CD est qu'il s'agit dans les 3 cas de pur bluesmen qui ont essentiellement joué dans les juke-joints des getthos noirs, qui ont peu enregistré et généralement sur des petits labels locaux mal distribués. Tommy Bankhead

Tommy Bankhead est un remarquable guitariste est un chanteur à la voix de velour qui me rappelle fortement Fenton Robinson. Il est originaire de Lake Cormorant le bled où vivaient Son House et Willie Brown dans la partie nord du Delta. Il fut dans les années 40 guitariste du groupe d'Howling Wolf à West Memphis. Il accompagna ensuite longtemps Sonny Boy Williamson. C'est lui qui tient la guitare sur les enregistrements originaux de "Don't start me talking" et "Nine degrees below zero" sur le label trumpet. Bankhead est ensuite parti pour East St Louis où il a terminé sa vie enregistrant notamment avec Henry Townsend mais aussi 2 disques à son actif: "Please Mr Morgan" en 1983 et le superbe "message to St Louis" en 2000 qui est un peu la consécration de sa carrière. Malheureusement, il n'a pas pu profiter des retombées du CD qui est un succès mérité. La maladie l'a doublé et il est décédé en décembre 2000. Il nous reste heureusement ce magnifique témoignage sonore de ce musicien malheureusement trop méconnu.
Il y est accompagné de musiciens de St Louis comme le saxophoniste Erskine Oglesby et le pianiste Bob Lohr vu plusieurs fois en Europe avec Arthur Williams et Boo Boo Davis. 9 des 11 titres du CD sont signés Tommy Bankhead.

King Alex Littlejohn King Alex Littlejohn est un bassiste originaire de l'Arkansas, qui a passé son enfance en Louisiane avant de partir à l'âge de 14 ans à Kansas city. C'est là qu'il a découvert Louis Jordan, Charles Brown, T Bone Walker et plus tard BB King. C'est là aussi qu'il commence à se produire dans les nombreux petits clubs de la ville dès les années 50. Son groupe actuel a été formé en 1970 et c'est une machine bien rodée !
Le tournant de la carrière de King Alex fut son pasage au festival d'Utrecht en 1996, où sa prestation remarquée lui permit d'enregistrer ce CD sur le label Black Magic en 1997.
King Alex y est accompagné d'un remarquable guitariste Doug Hemphill qui me fait personnellement penser à Guitar Curtis.

Johnny Turner Enfin, Johnny Turner est un chanteur guitariste originaire de Altheimer dans l'Arkansas, exactement le même petit village où est né 6 ans plus tard un de mes chanteurs préférés: Tail Dragger. C'est André Cochepin Mingaro membre de Travel in blues qui m'a fait découvrir ce CD en me disant: tu verras, petits musiciens, petit label, mais un maximum de plaisir à l'écoute !
Encore une fois, je dois avouer qu'il ne s'est pas trompé.
Johnny Turner a commencé véritablement sa carrière en 1950 en temps que bassiste de Fenton Robinson, qui habitait à l'époque à Little Rock dans l'Arkansas. Le tournant de sa carrière fut son départ pour la californie en 1965 où il intégra le groupe de Joe Houston en tant que guitariste et où il se détacha progressivement du style de Fenton Robinson et BB King pour jouer un blues plus personnel. Iml est accompagné sur le CD par le remarquable harmoniciste Zaven Jambazian.

Voilà, vous en savez un peu plus sur ces formidables musiciens. Pour ceux qui ne possèdent pas encore ces CD, je ne peux vous donner qu'un seul conseil: précipitez vous votre disquaire favori et n'hésitez pas à les acheter, vous ne le regreterez sans doute pas !

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Trois Rivières Blues
Bo Weavil Blues Band
et Keith B. Brown

Trois Rivières Blues est une association de la région de Mont-de-Marsan ayant à son actif l'organisation de soirées blues ainsi qu'un magazine et une émission de radio. Récit d'une de ces soirées blues avec, excusez du peu... Bo Weavil Blues Band et Keith B. Brown!!

Date: 11 février 2001
De: Laure (MDM Radio)
Photos : Copyright JP Savouyaud/Trois Rivieres Blues

Keith B Brown (Copyright JP Savouyaud/Trois Rivieres Blues)

Samedi soir 3 février, le théâtre municipal de Mont de Marsan résonnait Blues. A l'invitation de Trois Rivières Blues, plus de 200 personnes s'étaient donnés rendez-vous pour vibrer au son du Bo Weavil Blues Band et du jeune américain de Memphis Keith B. Brown.

Première partie retour aux sources, le long du Mississipi dans les années 40-50. Un retour assuré par le trio français Bo Weavil fidèle à lui-même. Le trio composé de Boogie Matt " Arrow " (ex complice de Bill Deraime) guitariste chanteur et harmoniciste, " Lazy " Stacker Lou au piano et " Sleepy " Vince Talpaert, tout aussi à l'aise avec une batterie, une contrebasse ou un washboard , a su transporter et envoûter un public montois qui à chaque occasion n'a pas hésité a manifester sa satisfaction. Keith B Brown (Copyright JP Savouyaud/Trois Rivieres Blues)

Après une heure trente avec Bo Weavil, place à un homme seul sur scène avec trois guitares acoustiques. Keith B. Brown jeune guitariste de Memphis à la voix profonde et à la guitare limpide, plonge alors le théâtre dans l'intimité du blues des anciens du delta du Mississipi. Les spécialistes vous diront que Keith B.Brown sait faire revivre les grandes figures du Delta tel que Son House ou Skip James, mais pour les spectateurs de ce soir là, c'est de l'émotion pure, une musique qui touche tout simplement.

Keith B. Brown a su poser une ambiance intimiste et une complicité avec le public expliquant par quelques mots la signification et l'origine de chaque morceau. Enfin pour terminer place au bœuf avec Boogie Matt " Arrow " des Bo Weavil, puis notre harmoniciste landais Jean-Marie Lalanne.

C'était beau, C'était fort et bien sûr, rendez vous est pris pour d'autres soirées à venir.

en savoir plus sur Keith B. Brown:
voir La Gazette de Greenwood n°10: Keith Brown : fidèle au country blues !
son site officiel: www.bluesonstage.com/keithbrown/home.html

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Franck Ash à L'Arbuci

Date: 12 février 2001
De: Chris "Ridin' On" Godel <christophe.godel@freesbee.fr>

L'Arbuci est un peu ce qu'était le Petit Journal Montparnasse à Luther, un endroit où on est sûr de voir Franck Ash régulièrement ! Il y a quasiment une date par mois, et souvent plus. Donc en ce Samedi 10 Février, profitant du passage de mon vieux pote Stéphane, nous sommes allés le voir. Je n'avais jamais mis les pieds à l'Arbuci, et je n'avais jamais vu Franck en trio.

Commençons par la salle ! C'est en fait un club de Jazz, et donc on y trouve le standing qui va avec ! Entrée gratuite, on peut y manger pendant le show, prix des boissons parfois exhorbitants (mais l'entrée est gratuite... mais 70 francs la pression de Kro, on est loin du Blues :)) )... Du coup, champagne... Tant qu'à faire... :) La scène est assez étroite. Le batteur (dont j'ai encore oublié le nom) est coincé dans un coin, Franck Ash, assis sur un tabouret de bar, au milieu et sur sa droite se trouve le clavier, j'ai nommé le fameux Lionnel Gaget.

Nous sommes arrivés pour le second set, vers 23h45... Et c'est parti pour du Franck Ash pur et dur et en pleine forme. Ce fut un véritable plaisir de retrouver la voix et la guitare de Franck sur un concert. Pour moi, Franck est toujours aussi convaincant, précis, propre, enjoué, rarement démonstratif et très efficace.

Lionnel Gaget m'a encore une fois impressionné. Sur son clavier, il accompagnait Franck avec la main droite et faisait en plus les basses avec sa main gauche. Et il dirigeait l'ensemble du groupe, enfin, surtout le batteur, qui semblait tout fraichement arrivé dans le combo. Certainement un bon batteur, mais il ne connaissait pas tout, puisque Lionel ou Franck lui donnait deux trois indications, il ne partait pas toujours en même temps, il devait prendre un solo de batterie qu'il n'a jamais véritablement pris, etc. Il s'en est bien sorti tout de même, ce qui ne devait pas être évident du tout.

Franck et Lionnel, toujours aussi complices, ont pris un plaisir évident. C'était parfois à se demander jusqu'à quel point tout ceci n'était pas qu'improvisation judicieuse. Ceci dit, il faut bien trouver des moments frais et spontanés quand on joue régulièrement la même chose tout le temps. Cela semblait être le cas en ce samedi soir.

Lionnel n'a donc pas pu s'exprimer entièrement devant gérer la partie basse et le batteur. Mais sur le dernier morceau, limite funky free jazz, il s'est lâché, et j'ai retrouvé tout le talent d'improvisation du Monsieur. Franck a même dit : "que voulez-vous que je fasse après ça" !! Ne vous inquiétez pas, il a sû quoi faire !

On a eu droit à pas mal de ses chansons, mais aucune en français (c'était peut-être pendant le premier set), quelques reprises fort intéressantes, notamment celle de Rock Me Baby et surtout Stand By Me, véritablement innovante et ingénieuse. Nous avons aussi eu droit au désormais tradionel cassement de corde, une seule cette fois, ce qui n'a bien sûr, en aucun cas dérangé notre beau brun ténébreux dans son solo.

Le public a apprécié, du moins ceux qui s'arrêtaient de manger ou de discuter (c'est toujours le problème de ces cafés concerts). Sur le dernier set, qui s'est terminé à 2h30, nous n'étions plus très nombreux, et c'était pourtant la meilleure partie.

C'était un très bon show. J'y ai pris beaucoup de plaisir. Je dirai que la salle ne se prête pas forcément à ces concerts. Je préfère un public qui vient entièrement pour un artiste plutôt que des gens qui viennent manger et qui, par chance, tombe sur trois gars qui font de la bonne musique. Mais bon, ça nous permet aussi de voir Franck Ash souvent si on le souhaite ! Je pense que c'est encore meilleur avec une formation complète, où Lionnel Gaget, débarrassé de la rythmique, peut apporter vraiment une touche toute particulière à leur musique, comme à Cognac !

Mes amis musiciens présents ont bien apprécié. Mais ils avaient d'autres arguments à apporter. J'espère que Stéphane le fera, car sa vision était un peu différente, proche de celle de Patrice Champarou : C'est beau et propre, mais pas si inventif ou si neuf que cela au fil des morceaux.

Tout ce que je sais, c'est que l'on tout de même passé un sacré bon moment, ce qui est le principal !

Date: 12 février 2001
De: Steph Assadourian <steph.assadourian@appeal.be>

Bonsoir les bois verts...:-)

Donc samedi soir, nous voilà partis Tof et moi, avec Fifi et Ners en direction de l'Arbuci pour découvrir Franck, le phoenix qui renait de ses cendres à chaque concert... Héhéhé... Bon déjà l'arrivée dans la salle ca fait bizarre, des bruits de couteaux et de fourchette, des gens qui parlent, personne sur la scène et le trio juste à l'entrée de l'Arcbuci, en train de picoler si je me souviens bien, mais rien n'est sur...:-)

Après s'être assis face à la scène, après avoir halluciné sur le prix des boissons, nous décidâmes de prendre du champagne, comme dit Tof, tant qu'à faire... Et bien nous en a pris il était très bon et nous est revenu moins cher que la Kro (rapport à la quantité bue par personne...) :-) Bref, ne digressons pas...

Après cela les trois musiciens se sont amenés ils ont joué, j'avais envie de l'entendre car j'étais déjà convaincu que c'était un grand guitariste, j'avais un peu peur de la voix, je ne savais pas à qui/quoi m'attendre... Et bien je n'ai pas été déçu... Le bougre chante juste et bien, il se permet même quelques libertés "ressenties" et du coup ca rend très bien, enfin le courant passe... Bon sur cette scène, j'ai plus eu l'impression d'une récitation que d'un langage tenu sauf rares exceptions... Alors comme je le disais en direct live, c'est beau, c'est propre, mais ca fait pas nouveau, et même si je suis content de constater que Franck Ash joue vite, bien, et de façon précise, avec deux bonnes mains et un toucher unique, il faut attendre avant d'entendre une phrase qui surprend vraiment nos pauvres oreilles d'amateurs... De plus j'ai été surpris de constater qu'il jouait toujours avec les mêmes settings, allant d'un micro à l'autre de sa guitare certes, mais bon quand même... Enfin ca ne m'a pas déplu hein, juste surpris... En fait ce qu'il y a de bien avec Franck, c'est qu'on reste en haleine parce qu'on sent qu'il peut nous surprendre à n'importe quel moment aussi bien dans un chorus ou dans une rythmique, surtout quand c'est freestyle, jazz, etc... Donc même si la surprise n'arrive pas , finalement on vibre parce qu'on est à l'écoute... Et quand la surprise arrive, elle nous arrache un sourire, un hochement de tête, bref il nous a conquis et il fait ce qu'il veut de nous... quand il nous a ferré, on ne peut que le suivre, et il nous emmène dans de biens beaux endroits teintés de bleu... Il fait des choses tout à fait remarquables et je ne regrette pas d'avoir quitté ma Belgique non natale et de l'avoir vu, loin de là...

La soirée fut donc somme toute fort agréable, un grand, un énorme, un gigantesque coup de chapeau à Lionel Gaget qui n'a pas laissé mourir la réputation qu'il s'est taillé ici même dans la liste enfin de tout ce que j'ai lu, je dis : PAREIL. Il n'a pas abusé par contre (et c'est bien dommage), mais nous a laissé sous entendre vers la fin du set, que fallait pas le faire chier, et que si on le laissait parler il pouvait parler, haut fort, vite, bien et de façon "précise", le verbe non seulement facile, mais de plus son langage met en relief des choses surprenante, dans les sens les plus mélioratifs du termes...

Je m'arrête là, mon temps imparti c'est écoulé...

Du coup, bah j'aimerai bien les revoir dans un autre endroit...:-)

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Plaidoyer pour le Blues Acoustique

La parution récente de l'album souvenir du Tremplin Blues sur Seine 2000 nous amène à revenir aujourd'hui sur un débat qui avait passablement animé La Gazette, à l'époque du Festival, très exactement entre les deux dimanches du Tremplin.

Il est clair pour beaucoup que le Blues acoustique a des caractéristiques propres qui justifieraient, selon nous, qu'il soit reconnu en tant que discipline distincte et fasse l'objet, sinon d'un classement séparé, au moins d'une distinction lors des prochaines tremplins, à Mantes ou ailleurs.

Le Blues acoustique est certes le précurseur du Blues que nous connaissons aujourd'hui mais il ne prétend pas pour autant être le seul représentant légitimine de la famille. Nous vous proposons d'ailleurs, après le débat qui suit, de découvrir les débuts de l'harmonica amplifié et les premiers enregistrements de blues à la guitare électrique, successeurs ou héritiers du blues rural originel.

débat
historique du blues acoustique
L'Harmonica : de l'acoustique à l'électrique
le premier guitariste électrique


Extraits du débat sur la Mailing-list LGDG

<<<<- Original Message ->

Le Doc <docteur.blues@free.fr> :

Après la première partie du Tremplin de Mantes, on peut crier haut et fort que le blues en France (français) se porte bien !

L'organisation et l'enchaînement des groupes se sont déroulés sans problème ... Dommage que le blues acoustique n'ait pas pu tirer son épingle du jeu (aux deux dernières places). Mais il est vrai que les trois prestations de She K Blues, Flyin' Saucers et Thierry Hau ont écrasé cette première sélection.

Olivier <latailla@club-internet.fr> :

...Quant à la notation, dur dur pour les duos acoustiques blues roots: la note "prestation scénique" est difficile à assurer à côté d'un big band zydeco ou funky ! Mais bon, ça fait sans doute partie du jeu...

René <renemalin@aol.com> :

Le son de la salle, s'il n'était pas aussi mauvais que dans certains clubs parisiens, n'était pas parfait. Du coup, les country bluesmen y gagnaient, parce que moins d'instruments, et moins bruyants. (Quoique je me demande parfois si le fait de faire moins de bruit ne défavorise pas un groupe devant un public de plus en plus sourd... pardon, habitué aux décibels).

Il y avait aussi la note "originalité", et les gars en question n'ont pas du récolter grand chose dans cette colonne. C'est vrai que si tu fais du pur country blues, difficile d'être original, à moins de s'appeler Big Brazos ou Magic Buck.

Benoît <ben@planetharmonica.com>  :

A mon avis il n'y a pas lieu de faire de ces résultats une constatation politique sur le fait que les juges ont préféré l'électrique à l'acoustique : les juges ont préféré un meilleur groupe à des moins meilleurs groupes. Je ne dis pas seulement pour ma propre opinion puisqu'au bout du compte cette opinion s'est reflétée dans les résultats du jury...

La question est d'ailleurs : "qu'est-ce que le blues acoustique"?

Question d'autant meilleure que tout le monde n'était pas d'accord pour savoir si Little Victor et Sophie K étaient acoustiques ou amplifiés.

Lorsque l'on dit acoustique, on entend parfois "sans amplification électrique", ce qui sous-entend que tous les instruments sont amplifiés au micro direct. C'est sans doute la définition la plus stricte du blues acoustique.

Cela dit, j'ai un goût prononcé pour RL Burnside tout seul sur sa slide, bottleneck en tuyau de plomb au doigt, amplifiée. Ca sonne acoustique, mais ce n'en est pas. Alors on pourrait aussi sire que acoustique c'est sans section rythmique. Mais alors, Muddy Waters Folk Singer c'est amplifié ? Ben non... Raaaaah, c'est dûr...

D'ailleurs, je signale que Dimanche dernier, un des deux duos avait un harmoniciste qui jouait on ne peut plus amplifié... [ndlr : Philippe Brière de Catfish]

Bref, je serais tenté de dire que, si l'argument du bon Docteur est la difficulté pour un duo à faire une prestation scénique comparable à celle d'un groupe amplifié, la catégorie "acoustique" doit prendre en compte les formations qui se présentent sans section rythmique.

Qu'en pensent les pontes ?

Pierrot <mississippi@wanadoo.fr> : S'il faut reprendre le débat sur la poule et l'oeuf... !-o

René : ...qu'il faudrait suggérer tout ça à l'organisation du festival... pour l'année prochaine !

Pierrot : Dans mon esprit, Backdoor et Catfish ne sont pas dans la même catégorie que les autres. Vous n'allez pas prétendre non plus que Roland Malines et She K font la même musique ?
(Hein, René , hein ?-)

René : Euh... Elle est surtout vachement plus sexy ! Enfin, de mon point de vue, hein...

Toute plaisanterie mise à part, ils peuvent très bien jouer les mêmes titres, mais pas de la même façon. Tout ça, c'est du blues, mais c'est peut-être pas le même ton de bleu.

Heureusement d'ailleurs, si tout le monde jouait pareil, ça deviendrait d'un ennui....

Johnny <psguitar@club-internet.fr> :

bah pour moi acoustique ça veut dire : utilisation d'instruments qui peuvent sonner par eux mêmes sans adjonction d'ampli ... non ?

Par contre t'as déjà essayé de jouer de la guitire électraque non branchée à côté d'un harmonica ?
he ben essayes et tu vas comprendre ce que le mot acoustique veut dire .

Ceci n'empêche nullement d'amplifier ces instruments et dieu merci, on n'en est plus à 50 ans en arrière ou il fallait se tenir bien droit derrière son micro pour être sur que la guitare (par exemple) allait être bien reprise. Merci messieurs Ovation, Takamine et consorts qui nous on inventé des capteurs, piezos et autres bricoles que l'on peut brancher dans des bons amplis pour acoustiques .

Olivier : 'tain, j'arrive en retard dans le débat ! Mais ça m'intéresse !

Acoustique ou pas acoustique ?

Dans un 1er temps, j'aurais dit acoustique ça veut dire "sans électrique".

Donc, en général une guitare, un harmo, avec de simples micros pour reprendre le son quand même! (et donc, une guitare électro-acoustique, ça passe!) Plus tous les instruments non électrifiés: castagnettes, etc

Dans ce cas là, seul Backdoor était acoustique.
Et seul le Loup Blanc [Roland Malines] le sera dimanche prochain.
Mais alors... quid de Big Brazos et sa basse? Ouah la basse! pas de problème, ok pour un groupe acoustique.
Mais alors, quid de The Honeymen? C'est pas une guitare "folk" ni un dobro, c'est une demi-caisse avec des micros... Ah mais ils n'ont pas de batterie, et Elmore joue de l'harmo sans "micro d'harmo", donc va pour l'acoustique.
Mais alors Catfish?? avec son harmo amplifié? c'est pourtant bien du blues "acoustique" non??
Mais alors, quid de Mississippi Mud?? ils ont une basse et une batterie (une caisse claire), pourtant... si c'est pas de l'acoustique ça!
Et Little Victor et Sophie K?? instinctivement, j'aurai mis ça en acoustique (pas de section rythmique, des demi-caisses etc.)
Et Corey Harris dans Greens for the garden?
Et Clapton dans Unplugged??
Et Giroux-Mahjun??
Et... et...???

Mais revenons au tremplin : une fois la définition du "blues acoustique" établie (et forcément trop large pour certains et trop étriquée pour d'autres), pourquoi ne pas proposer aux organisateurs de créer un "prix acoustique" (qui pourrait être la même chose que pour l'autre prix : un concert l'année prochaine), en parallèle de la formule actuelle du tremplin ?

Bruno <bdroux@wanadoo.fr> :

Dans la définition de quelque chose d'indéfinissable, y a toujours "la lettre" et "l'esprit".

Au vu du débat, tout le monde semble d'accord pour faire deux catégories;

Blues acoustique et Blues électrique.

Soit. (personnellement, je suis pour également).

Mais au vu du débat également chacun a une définition un peu différente pour les deux catégories, avec chacun de bons exemples et de bons contre-exemples, d'où la difficulté à "ranger" l'un ou l'autre groupe dans l'une ou l'autre des catégories.

La difficulté (tout le monde s'en est rendu compte) est de faire la même définition pour tout le monde, de manière à ce que les organisateurs aient une règle sûre, juste et facile à appliquer.

Mais faire la même *bonne* définition pour tout le monde est *impossible*. Y a qu'a lire LGDG deux minutes pour s'en convaincre.

Une solution consisterait de la part des organisateurs à refuser de mettre une définition sur les étiquettes Blues acoustique ou Blues électrique, juste dire qu'il y a deux catégories, point. Et de demander *aux groupes* de se définir eux mêmes. Ça engagerait la responsabilité des groupes, qui auraient intérêt à choisir la bonne catégorie vis-à-vis de leur public et du jury en fonction de leur "esprit", et ça dégagerait la responsabilité des organisateurs, vis-à-vis des groupes qui auraient pu être classés dans la catégorie-d'en-face par une définition nécessairement stricte, alors que leur "esprit" est ailleurs.

Quant au "Prix acoustique", indépendament des catégories, c'est une bonne idée.


Conclusion (provisoire ?)

Cette tentative de synthèse d'un débat très animé représente le travail collectif de La Gazette de Greenwood, et, à ce titre, sera remis aux organisateurs de Blues Sur Seine.

Nous espérons qu'il aidera le Blues acoustique à (re) sortir de l'ombre.


Historique du Blues Acoustique

Par Patrice Champarou
<
pmchamp@wanadoo.fr>

Je crois que c'est Alain Giroux qui a utilisé pour la première fois l'expression "blues acoustique", et cela correspond à une réalité.

Quand je parlais de "vraie main droite" à propos de Robert Johnson [ndlr : dans le numéro 25 de La Gazette], je ne pensais pas une seconde à la "force de frappe" des mecs obligés de jouer sur des câbles, mais à l'utilisation POLYPHONIQUE de l'instrument.

Les guitaristes d'avant-guerre développent tous un jeu qui leur permet d'assurer seuls, comme les pianistes ; l'instrument doit remplir à la fois un rôle rythmique et mélodique, d'où les basses alternées, basses monocordes et autres jeux en "picking", éventuellement facilités par l'utilisation des open tunings... aucun d'eux ne s'avisait d'ailleurs de jouer au bottleneck en utilisant l'accord standard, et Muddy Waters n'a commencé à le faire qu'au début des années cinquante.

Ces styles traditionnels se prêtent à une flexibilité qui fait parfois sourire, un nombre de mesures souvent flottant (flagrant chez Hooker et Hopkins, qui utilisaient pourtant des instruments amplifiés) et très peu de considérations harmoniques - voire pas de séquence harmonique du tout, comme dans certains morceaux de Lipscomb ou de Robert Pete Williams.

Quelle que soit la qualité de l'instrumentiste, c'est le chant qui domine. Cela n'empêche pas que certains thèmes s'appuient sur des structures "tordues" mais parfaitement régulières (il y a des morceaux de 11 mesures 1/2 chez Patton), des accentuations complexes et des changements de rythme (de 4/4 en 12/8 par exemple) en particulier dans le Delta.

Les accords ne sont le plus souvent que suggérés, même la sensation de "swing" se traduit, à la différence des procédés utilisés en jazz, par une accélération effective du tempo. Il y a d'ailleurs, dans le colossal répertoire des guitaristes d'avant-guerre, très peu de blues lents, le minimum étant le plus souvent un tempo de marche.

A partir du moment où la guitare électrique s'est affranchie d'un rôle désormais confié à la section rythmique, le jeu en notes simples est certainement devenu plus "brillant" et plus libre, mais l'approche n'est à mon avis, plus la même. Les accords peuvent s'enrichir, les préoccupations harmoniques prennent le pas sur le caractère hybride des interprétations du début du siècle, la tenue des notes rend possible un ralentissement du tempo, et le chorus instrumental devient au moins aussi important que la voix.

Bref, à mon sens, un certain nombre de caractéristiques propres au blues s'estompent au profit d'une musique quelquefois lénifiante qui était déjà en germe dans les productions quasi-industrielles des pianistes des années trente.

Question de goût personnel, tant que l'instrument continue de se prendre pour une deuxième voix, je me sens encore dans le domaine du blues, mais lorsque la guitare s'affirme comme telle, lorsque la virtuosité s'étale, je suis... ailleurs !

Et je donnerais tout Hendrix pour 2 minutes 30 de Papa Freddie Spruell !;)

Une discographie de base

Blind Willie McTell - The Early Years ( YAZOO 1005 )
Bo Carter - Greatest Hits ( YAZOO 1012 )
Clifford Gibson - Beat You Doin' It ( YAZOO 1027 )
Scrapper Blackwell ( YAZOO 1019 )
Blind Blake - Ragtime Foremost Guitar Picker ( YAZOO 1068 )
Skip James - The complete early recordings ( YAZOO 2009 )
Blind Lemon Jefferson - King of the country blues ( YAZOO 1069 )
Robert Wilkins - The original rolling stone ( YAZOO 1077 )
Blind Boy Fuller - Truckin' My Blues Away ( YAZOO 1060 )
Mississippi John Hurt - 1928 sessions ( YAZOO 1065 )
Lonnie Johnson - Blues In My Fingers ( INDIGO 2009 )

Anthologies :

Masters Of The Delta Blues ( YAZOO 2002, mais ça crache )
Frank Stoke's Dream - The Memphis blues ( YAZOO 1008 )
Bullfrog Blues - Sam Butler, Buddy Boy Hawkins ( MAMLISH S-3809 )
East Coast Blues ( YAZOO 1013 )
St Louis Bues - The Depression ( YAZOO 1030 )

Presque toujours au bottleneck :

Tampa Red - 1928-37 ( YAZOO 1039 )
Kokomo Arnold - Old Original Kokomo Blues ( WOLF BC 001 )

Pas acoustique, mais c'est tout comme :

Lightnin' Hopkins - The complete Aladdin recordings ( EMI 96843 )

Avec un son plus propre, et indispensables :

Son House - Father of the Delta Blues (Columbia CS 9217 en LP,BLUES'N'ROOTS 47166-2 en CD )
Mance Lipscomb - Texas Songster ( ARHOOLIE 306 )
J. B. Lenoir Alabama Blues ( L&R 42001 ou autre référence en CD )

Moins évident à trouver :

Carolina Slim - Blue Go Away From Me ( SAVOY SJL 1153 )
The Guitar & Banjo Of Reverend Gary Davis ( PRESTIGE 7725 )
Fred Mc Dowell ( HERITAGE 302 )

Egalement susceptible de vous intéresser :

Dave Van Ronk - The Folkways Years ( SMITHSONIAN 40041 )

Voilà, c'est un peu "vite fait" mais je crois qu'il y a de quoi s'occuper... je suis assez ennuyé pour suggérer un disque en ce qui concerne de nombreux autres, en particulier Big Bill Broonzy et Leadbelly, vu que mes vieilles galettes n'ont pas été rééditées, ou alors sous des formes bâtardes. C'est donc très incomplet, je n'ai pas mis les plus crachouilleux ( par exemple Charley Patton ) que je considère malgré tout comme incontournables.

P.S. - non, j'ai pas d'actions chez Yazoo, mais j'ai volontairement éliminé les intégrales Matchbox, Roots, Wolf ou Documents dont le son est souvent très terne.


L'Harmonica : de l'acoustique à l'électrique

Jean-Michel Borello et Benoît Felten

Pour faire un peu de sémantique, on peut dire qu'il y a :

Les sons sont bien sur très différents et aisément reconnaissables.

La distinction n'est pas mauvaise,
même si la différence entre amplifié et électrique n'est pas toujours aussi évidente,
en tous cas plus aujourd'hui.

A l'époque, évidemment, les sons étaient très typés,
comme la musique d'ailleurs.

On dit que c'est Snooky Prior qui le premier a joué avec un harmo électrique (28 avril 1952) avec en particulier l'étonnant "Boogie Twist" (Flyright 565) qui montre qu'il maitrisait déjà très bien l'instrument. On le voit sur la photo de pochette avec un astatic (à confirmer) à la main gauche.

En fait, Snooky lui-même dit avoir été le premier
(pendant la guerre à travers un PA servant à réveiller les soldats)
mais c'est un peu une querelle de vieux blacks ;-)

Après avoir bien réécouté les Muddy/Little Walter de cette année là, (croyez moi,c'est pas une corvée !) il me semble bien que la première fois que Little Walter a eu un son électrique était surson fameux Juke (mai 1952) soit quelques jours après Snooky. Après ça, il ne l'a plus guère quitté. Mais tous les morceaux enregistrés avant cette date étaient accoustiques. Je suis formel. Enfin à peu près...

Et d'ailleurs c'est fou de voir à quel point "l'électrification"a forgé son son :
avant ça on aurait dit SBW1 !

Quant à Big Walter Horton, c'est sur Flood (avec Muddy) en janvier 53 qu'il adopte l'instrument. Tout ce qu'il avait fait sur Sun avant ça était accoustique.

Junior Wells apparait pour la première fois en septembre 52, d'emblée électrifié.

Sonny Boy "Rice Miller" n'a pratiquement jamais joué de l'harmonica électrique, il jouait par contre très près du micro de la sono, donc en amplifiant l'instrument.

Pas vraiment, ça reste un son acoustique,
même s'il avait effectivement appris à jouer de sa puissance pour avoir un énorme son.

Bref, à ma connaissance, c'est bien Snooky qui a la primeur de l'invention (sur disque) mais je ne demande qu'à être contredit.

Jean Michel

Sans doute.
Et comme il le dit lui-même, il leur a tous survécu !

Benoit


Qui était le premier guitariste électrique de blues a avoir enregistré ?

From: Jean-Michel Borello <jeanmichel63@wanadoo.fr>

Chers elegedegiens,

Cette question m'a fait encore une fois plonger dans ma discothèque et dans le si précieux Dixon/Goodrich Blues/Gospel Records 1902/1943...

Mes conclusions :

je confirme George Barnes qui a gravé 34 faces pour differents artistes de l'écurie BlueBird entre le 1° mars 1938 et le 19 mai 1938. La première fois, c'était pour Big Bill Broonzy : Sweetheart land et It's a low down and dirty shame donc le 1° mars 1938. Il a ensuite travaillé pour Jazz Gillum, encore Big Bill, Merline Johnson, Louis Powell et Washboard Sam (10 faces) terminant apparemment son contrat avec BlueBird le 19 mai 1938 avec deux faces pour le pianiste Blind John Davis.

Lorsqu'on écoute ces faces, on est frappé par l'assurance de George Barnes qui n'avait alors que 16 ans et demi...

Il est en effet né le 17 juillet 1921 à Chicago - fils d'un guitariste-professeur de musique, il est vrai. Il est rentré au syndicat des musiciens de Chicago à l'âge de 12 ans ! Il disait que son grand frère lui avait bricolé un pick-up sur sa guitare et qu'il lui avait aussi construit un ampli dès 1931... Il aimait surtout les souffleurs : Louis Armstrong, bien sur, et le clarinettiste Jimmie Noone, avec qui il avait un peu joué à l'âge de 14 ans. Il préférait de loin faire des solos plutôt que l'accompagnement en accords auquel se cantonnaient les guitaristes de l'époque. Ce qui explique qu'il soit vite passé à l'électrique...

Je n'aime pas trop préciser en général le fait qu'il était blanc, mais, dans ce cas là, ça ajoute encore à l'étonnement... Qu'est ce qu'il foutait avec tous ces blacks, surtout à l'époque ??? Ses solos sont très bien construits, créatifs et clairs. J'aimerais bien un jour arriver à jouer comme ça...

On a l'impression qu'il avait déjà écouté Charlie Christian, mais ça n'était bien sur pas possible, celui ci n'a commencé à être connu qu'au début 1939. C'est probablement le son similaire de la ES 150 (sortie en 1936) qu'il devait sûrement utiliser qui donne cette impression.

Georges a appris à jouer le blues avec Lonnie Johnson en 1936/1937. Bon professeur qui avait du aussi l'introduire dans le milieu des musiciens blacks... Et puis il a aussi pas mal de licks de Big Bill qu'il avait du capter en jouant avec lui. C'est quand même surprenant d'entendre un jeune blanc bec jouer aussi bien le blues... il avait quand même du traîner pas mal dans les bars du south side avant de rentrer en studio, ce fameux mois de mars 1938..

Après ces séances, il a quitté Chicago pour entreprendre une interminable tournée des USA pendant plusieurs années avec un petit orchestre de danse qu'il avait formé. Il a enregistré dans les années 40 avec Budd Feeman et le guitariste Karl Kress. Il a ensuite fait des duos avec Bucky Pizzarelli et Joe Venuti. Il est venu au festival de Nice avec le trompettiste Rubby Braff en 1975.

Auteur de plusieurs méthodes de guitare assez connues aux USA, il est décédé le 5 septembre 1977.

Je n'ai lu aucun interview de George Barnes dans lesquels il pourrait parler de ces deux mois sûrement exaltants qu'il a passé avec la crème des bluesmen de Chicago à l'époque... Si certains connaissent, je suis preneur !

Pour élargir le sujet, le premier à avoir enregistré avec une guitare amplifiée (en fourrant simplement un micro à l'intérieur de la caisse) fut Eddie Durham avec Jimmie Lunceford le 30 septembre 1935 (Avalon et Hittin the Bottle) mais c'était quand même pas une vraie guitare électrique ! Il a par contre acheté une Gibson ES 150 dès sa sortie en 1936 et a abondamment enregistré avec Count Basie dès 1937.

Ensuite, il y 'a eu Floyd Smith avec Andy Kirk (Floyd Guitar Blues en 1939) et Charlie Christian bien sur qui a du commencer à jouer de l'électrique en 1937 suite à une rencontre avec Eddie Durham mais qui n'a enregistré qu'à partir de la fin 1939 (avec Benny Goodman).

T Bone Walker ne commence à enregistrer qu'en 1942 pour Capitol (son T Bone Blues avec Les Hite de 1940 ne présente hélas pas de guitare)

Illustration tirée du site ClassicalJazzGuitar logoCJG

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La Gueule de Blues du mois:

J.B. Lenoir
Alabama Blues



JB Lenoir

peinture de Denis Gérablie

"Comme un musicien sur un thème, j'ai composé cette série de portraits, de personnages charismatiques du blues, en improvisant au hasard de mon inspiration. Comme un voyage, les toiles nous transportent tantôt avec Big Bill Broonzy, la nuit dans un quartier louche de Chicago, dans un bar avec Roosevelt Sykes, ou avec Son House chantant seul sur une route de campagne."


Retrouvez les Gueules de Blues sur http://www.argyro.net/amap/gueules.html

contacter Denis Gérablie: 01 42 77 80 51

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