29 août 2001

Après neuf jours et 4000 km de route, me voici de retour d'un voyage dans les Outer Banks de la Caroline du nord, plus particulièrement la région de Cape Hatteras.

Laissez-moi d'abord commencer en disant que je ne sais pas quand je pourrai mettre cette entrée (et les suivantes) en ligne, ayant été assez naïf pour croire que les problèmes que connaît Chez.com en ce moment seraient réglés à mon retour. Si cet hébergeur, dont j'ai pourtant été très satisfait du service à date, se met à me faire les mêmes conneries que Multimania ce printemps, je me verrai dans l'obligation de lui retirer l'immense privilège d'héberger mon site... ;-)

Bon ! Le récit de mon voyage maintenant. D'abord, nous nous sommes fait deux nouveaux amis: "Dirty Dick" et "Honest Bill". Vous comprendrez si vous visitez un jour la région des Outer Banks. Ensuite, nous avons appris à prononcer correctement les mots "Hatteras" et "Chicamacomico".

Comme j'ai beaucoup de choses à raconter, que je ne sais pas trop comment organiser tout ça et que je n'ai pas envie d'écrire un roman en vingt-six chapitres comme pour mon voyage à Cuba, j'adopterai donc la formule "ordre chronologique en mode télégraphique".

Lundi le 20: Copine, Lolita et moi prenons la route. Notre enthousiasme alimente des conversations animées. Arrivés à la frontière, nous devons évidemment faire un arrêt à la boutique hors-taxes. Je m'en serais bien passé, mais bon. Je voyage avec deux femmes alors il y a un prix à payer pour ça. Une fois dans l'état de New York, nous sourions en passant à l'intersection qui nous conduirait vers Keene Valley, endroit où nous nous sommes rendus l'an passé peu après mon accident pour faire quelques randonnées en montagne dans les Adirondacks. Lolita est particulièrement taquine avec moi, elle me complimente sur ma nouvelle coupe de cheveux et sur ma belle peau bronzée...

À la tombée de la nuit, après avoir contourné la banlieue de New York par la route 287, nous rencontrons notre première difficulté, et nous apprenons une leçon importante: les autoroutes aux États-Unis ne portent pas tous des numéros, comme au Canada. Certains portent des noms exotiques comme "parkway", "truway", "turnpike", etc. Nous aurions su cela si nous avions consulté le triptik, mais, confiants de nos talents de navigateurs, nous avons négligé de le faire. Résultat: nous prenons une sortie au hasard à la fin de la route 287 (because pas le choix) et nous nous retrouvons dans les rues de Perth Amboy, en banlieue de New York, dans un quartier plutôt mal famé, à arpenter des ruelles sombres sans trop savoir où nous sommes ni où nous allons. Lolita choisit d'ailleurs ce moment pour m'affirmer qu'elle est fatiguée et qu'elle veut changer de conducteur. Merci beaucoup Lolita... C'est donc moi qui me retrouve au volant, à essayer de retrouver mon chemin. Copine verrouille les portes de la voiture alors que Lolita insiste pour que nous demandions notre chemin. Nous nous rangeons près d'un piéton à l'allure louche pour lui demander la direction de la plus proche station de police. Le pauvre type, un latino parlant à peine anglais et visiblement décontenancé par notre étrange requête, réussit tant bien que mal à nous donner des indications que nous suivons à la lettre sans pour autant trouver la dite station. Finalement, nous arrêtons dans un restaurant Burger King où un très gentil monsieur nous donnent des informations très précises pour nous engager sur la "parkway" direction sud qui nous conduira à Cape May via Atlantic city. Donc, après une heure de "viraillage", nous revoilà sur le droit chemin. Il commence à se faire tard et vers 23h nous quittons la "parkway" pour trouver un petit motel très confortable et y passer la nuit.

Mardi le 21: Nous reprenons très tôt la route après avoir taquiné une belle mante religieuse accrochée à la barrière de la piscine du motel. Nous prenons le traversier à Cape May et débarquons au Delaware, où Lolita réussit à nous convaincre de dépenser chacun un dollar pour un billet de la loterie d'état dont le gros lot est de 200 millions. Sur la route, nous partageons nos projets et nos rêves si nous mettions la main sur une telle somme d'argent. Plus la journée avance, plus la végétation change. Nous traversons la Virginie et arrivons en Caroline du nord sur l'heure du souper. Alors que nous franchissons le pont qui nous amène sur les Outer Banks, il commence déjà à faire sombre et nous arrivons à notre camping, dans la ville de Rodanthe, à la noirceur. Fatigués par ces deux jours de routes, nous montons la tente en vitesse, une grande tente prêtée gracieusement par la soeur de Lolita, dans laquelle nous pouvons nous tenir debout. Nous n'avons qu'une envie: dormir. Lolita et Copine semblent sombrer dans le sommeil assez facilement, mais il n'en est pas de même pour moi. Habitué à la tranquillité et au silence de mon quartier de campagne, j'ai beaucoup de difficulté à faire abstraction de tous les bruits et les dérangements du gros camping familial qui sera notre domicile pour les prochains jours.

Mercredi le 22: Lever tôt le matin sous un ciel nuageux. Un peu déçus, nous choisissons quand même de garder espoir et de profiter de ce temps maussade pour faire quelques commissions. Nous voyons pour la première fois à la lumière du jour les magnifiques maisons de bois à plusieurs étages, recouvertes de bardeau de cèdre et montées sur pilotis, qui constituent l'essentiel de ce décor d'opulence. Les nuages se dissipent sur l'heure du midi pour laisser place à un magnifique ciel bleu et à un soleil radieux. S'en suit un merveilleux après-midi, à nous faire dorer nus sur le sable chaud d'une immense plage de sable blond s'étendant à perte de vue et à jouer dans les vagues de l'océan atlantique. Nous nous amusons à regarder les crabes sortir de leur trou et se livrer à de petites batailles de territoire. Je suis le premier à apercevoir une raie sauter hors de l'eau, vision qui se répétera plusieurs fois durant la journée. Quelques dauphins viennent également nous tenir compagnie à l'occasion.

J'essaie d'être discret, mais plus souvent qu'autrement je ne peux m'empêcher de poser mon regard sur le magnifique corps nu de Lolita. Cette femme est absolument splendide. En fin de journée, elle et moi nous amusons dans les dunes, à couvrir nos corps de sable chaud. Plus tard, nous prenons tous les deux une longue marche nus sur la plage, Copine ayant décidé de ne pas se joindre à nous. Nous ne pouvons évidemment nous empêcher de nous remémorer cette promenade sur le sable blanc de Cayo Largo. Je lui rappelle encore une fois à quel point je suis heureux d'avoir enfin trouvé une personne avec qui partager cette passion. Elle me sourit.

Nous nous couchons tôt ce soir là. La fatigue aidant, je trouve le sommeil plus rapidement que la veille.

Jeudi le 23: Lever du corps sous un ciel bleu splendide. La tente dégoûte de condensation, mais elle est si grande qu'aucun d'entre nous n'est mouillé. Nous nous retrouvons très vite sur la plage, pressés que nous sommes de nous débarrasser de ces vêtements qui nous collent au corps par ce temps si chaud. Du moins c'est le cas pour Lolita et moi, car Copine semble moins que nous jouir de cette passion pour la nudité. Longue journée au soleil, où Lolita s'offre souvent pour me mettre de la crème solaire. Après mon dos, elle me demande timidement si j'en désire ailleurs. Un peu gêné moi aussi, je lui propose de m'en mettre sur les fesses et les jambes. Elle acquiesce et je sens pour la première fois ses douces mains glisser tout le long de mes cuisses et de mes fesses. Plus tard dans la journée je lui rendrai la politesse. Sa peau est ferme, douce, bronzée, magnifique. Cette femme est vraiment très désirable.

La fin de l'après-midi est une copie conforme de la veille: jeux dans le sable, promenade sur la plage. Je suis triste de voir que Copine semble se sentir de plus en plus exclue de nos jeux, même si nous faisons des efforts pour l'intégrer. J'essais de rester à l'écart en fin de journée, pour les laisser papoter entre femmes. Notre emplacement de camping se trouve juste en face des douches, et alors que j'en sors, vêtu seulement d'une culotte, je vois mes copines s'esclaffer en me regardant. À force de les interroger, je finis par apprendre que Lolita, ne m'ayant pas immédiatement reconnu, avait glissé à l'oreille de Copine qu'un homme séduisant avec un beau torse venait juste de sortir des douches...

Nuit difficile. Le vent se lève, un vent très fort qui secoue la tente toute la nuit. Nous n'avons presque pas dormi.

Vendredi le 24: Nous nous levons sous un ciel ensoleillé, mais dès notre arrivée sur la plage le temps se couvre. Quand une faible pluie commence à tomber en début d'après-midi nous décidons de retourner au camping pour y terminer la journée à une table couverte, à grignoter, à lire et à nous chercher un bon resto pour la soirée. Nos voisins immédiats nous regardent, amusés et visiblement intrigués par notre parler. La demoiselle est particulièrement séduisante. Alors que Lolita et Copine semblent voir des hommes qui leur plaisent depuis leur arrivée, c'est la première fois que je vois une femme avec un beau genre, un certain charme, et qui n'a pas l'air d'une poupoune américaine. Elle me fait penser à Cousine. Sans leur en voir glisser mot, mes deux compagnes font la même remarque.

Souper (rien ne bat les pétoncles frais pêchés la journée même) puis longue marche de nuit sur la plage en face de notre camping. Plusieurs font des feux sur la plage, d'autres lancent des feux d'artifices. De retour à notre tente, Copine décide de monter la sienne et de nous laisser dormir seuls dans la grande, car le temps est encore très venteux et elle veut être sûre de pouvoir dormir. À la blague, elle nous demande si nous voulons les condoms qu'elle a apportés. Lolita est mal à l'aise.

Cette nuit là, les vents soufflent à leur plus fort. Deux fois durant la nuit, je dois me lever pour repiquer des piquets de tentes arrachés par les bourrasques, en lançant tout bas quelques jurons.

Samedi le 25: Je demande à Lolita comment elle a pu continuer à dormir alors que la tente a failli être emportée par les vents à deux reprises durant la nuit. Elle me répond avec un sourire en coin qu'elle s'est bel et bien réveillée, mais faisant semblant de dormir pour ne pas avoir à sortir pour m'aider à repiquer la tente. Merci beaucoup Lolita... Il vente toujours à écorner les boeufs, et cela parait à notre arrivée sur la plage. Les vagues sont énormes, même carrément dangereuses, et dès que nous nous étendons sur le sol nous nous faisons "sand-blaster" à qui mieux mieux. L'attitude de Lolita a changé à mon endroit. Elle est plus distante, plus froide. Elle ne vient plus jouer dans les dunes avec moi. Mon regard sur son corps semble plutôt la déranger, et je me fais donc plus discret. Le vent se calme en soirée. Copine m'offre de prendre une marche sur la plage avec elle. Son invitation sonne presque comme un test. J'accepte. Alors que nous marchons ensemble, en nous amusant des jeux des oiseaux de mer sur la plage, je vois une silhouette familière couchée sur une dune.

C'est un huard.

Il est faible, il est malade. Les gens marchent à côté de lui, lui lançant un regard furtif. Je m'en approche, m'accroupit à ses côtés. Ma présence l'effraie et il lance une longue complainte. Il n'a pas la force de fuir. Je lui parle doucement. Il me regarde, mais ses beaux yeux rouge sang commencent à ternir, son âme est déjà un peu ailleurs. Il est beau même dans sa faiblesse, mais quelque chose en moi me dit qu'il ne passera pas la nuit. Il mourra seul sur cette plage, loin des siens, loin de sa compagne de vie qui l'attendra en vain sur leur lac préféré l'an prochain. Il est à la fin de sa migration, et à la fin du long voyage de sa vie. J'aimerais passer toute la nuit près de lui, l'accompagner dans ses derniers instants. Mais moi aussi je suis lâche. Sa mort, sa souffrance me font peur. Ou est-ce ma propre impuissance face à son destin ? Je me relève, il lance encore un long cri. Je lui tourne le dos et vais rejoindre Copine, le laissant seul face au crépuscule de sa vie.

Ce huard n'était pas là par hasard. C'est un signe. Je n'en comprend pas encore la signification, mais je suis sûr que l'avenir se chargera de me l'indiquer.

Assez pour ce soir.


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