2 février 2001

Jour de la marmotte. Moitié de l'hiver. Vais-je survivre jusqu'au printemps ?

J'ai parlé à Copine hier. La pauvre se retrouve entre l'arbre et l'écorce. Ce problème entre moi et Lolita est nôtre, et ne devrait pas éclabousser personne d'autre. Je ne suis même pas sûr qu'il y ait un problème entre nous. Lolita ne soupçonne peut-être même pas ma frustration.

Et moi je vais passer une fin de semaine plate. Parce que si je reste ici, je n'aurai pas d'excuse pour reporter toutes ces tâches qui me puent au nez: pelleter l'entrée, déplacer mon aquarium dans mon salon, faire le ménage de mon boudoir, de ma chambre et de ma cuisine (il y a une cuillère sur mon comptoir qui est là depuis Noël).

J'aimerais bien partir. Partir ailleurs. Fuir mes responsabilités. La fuite ne me dérangerait pas cette fois. Ce ne serait pas comme avant, quand je fuyais ma vie toute entière. Si on ne peut plus se permettre de fuir à l'idée de passer une fin de semaine à faire du ménage...

Je pense souvent à cette lectrice dont j'ai parlé avant le nouvel an. J'avais décidé d'affronter ma peur de la rencontrer. Mes peurs étaient un si grand obstacle à mon existence que j'avais oublié que derrière ce mur que j'avais moi-même construit, il y en avait d'autres. Je peux affronter mes peurs, mais pas celles des autres. C'est à eux de le faire.

Je ne sais vraiment pas comment parler d'elle, comment aborder le sujet. Je marche sur des oeufs en écrivant ces lignes. Parce que je sais qu'elle les lira, bien sûr. C'est si facile de parler ici à de parfaits étrangers de personnes qu'ils ne connaissent pas, et ne rencontreront probablement jamais.

Pourquoi est-ce si difficile de vivre sans masque ?

Mais difficile ou pas, c'est mon choix. Et j'en assume les conséquences.

Je n'ai pas peur de la faire fuir par mes écrits, parce ce qu'elle pourrait lire ici. Nous sommes au dessus de cela je crois, puisque nous nous sommes connus sans masques. Rien de ce qu'elle pourra lire ici ne lui apprendra quelque chose qu'elle ne saurait pas déjà.

Beaucoup de choses se passent dans sa vie ces temps-ci, et elle juge que me rencontrer en ce moment ne serait pas approprié. Je ne suis même pas en mesure de dire si elle a raison ou non. J'en sais très peu sur elle en fait. On fait souvent l'erreur de croire qu'on en sait beaucoup sur quelqu'un, alors que c'est faux. J'ai assez d'expérience en matière de relations virtuelles pour avoir appris cela. On se fait une image de l'autre, on fantasme sur cette image. C'est ce qu'elle fait avec moi. C'est ce que je refuse de faire avec elle. J'aimerais pouvoir me le permettre. Ce serait si simple, et si merveilleux. Mais toute ma vie, j'ai sauté d'une illusion à l'autre, et je fuyais dès que ces illusions risquaient de devenir réalité.

Cette époque est révolue. Cette lectrice, elle sera réelle. Elle sera une femme, elle est une femme. Je verrai son visage, je caresserai sa peau, je sentirai son parfum, je me laisserai bercer par le son de sa voix. Quelle genre de relation auront nous ? Amis ? Amants ? Amoureux ? Rien du tout ? Je n'en ai aucun idée. Ça non plus, je n'essayerai pas de l'imaginer. Je le vivrai, ou je ne le vivrai pas.

J'ai peur que ma froideur des dernières semaines envers elle soit perçue de sa part comme un rejet. Je ne la rejette pas, au contraire. Je tourne le dos à un fantôme, pour mieux lui faire face à elle.

Lectrice, je te tend la main. Prends-la, et tout devient possible. Ne la prends pas, et elle restera tendue pour toi. J'ai fait ce choix, et cette offre ne comporte aucune date d'expiration. Parce que c'est ainsi que je suis.


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