31 mars 2001

Vraiment pas facile de faire abstraction de l'inquiétude, de se répéter continuellement que tout va bien, qu'on se fait du souci pour rien, qu'on se fait des scénarios qui sont probablement bien loin de la réalité, et d'essayer de passer à travers sa journée comme ça, sans savoir quand on recevra finalement une information, un signe, quelque chose...

Je ne voulais pas me sentir comme ça avec Lectrice. Je sais que ça ne fait que quatre jours qu'elle ne me donne pas de nouvelles. Quatre misérables petits jours. Une farce, me direz-vous. Mais malgré tout ce qu'elle a pu me dire, malgré tous les mots doux, toutes les marques d'affection et d'attachement qu'elle m'a prodigué il y a quelques jours à peine, je ne peux pas réprimer cette peur grandissante qu'elle ait peut-être changé d'idée, qu'elle ait peut-être décidé qu'elle était mieux dans les bras de l'autre et qu'il était préférable que nous ne nous rencontrions jamais, comme elle l'avait déjà décidé il y a quelques semaines.

J'ai été capable une fois de me faire à l'idée de l'avoir perdu, j'y survivrai une deuxième fois.

Vous savez ce qui me fait rire (jaune) dans tout ça ? Ce sont les commentaires que j'ai reçu de certaines de mes lectrices, et aussi des femmes de mon entourage, comme Copine. Et ces commentaires se résument à ceci: Il est préférable que ça se termine tout de suite, avant de l'avoir rencontré, avant de m'être attaché à elle, plutôt que de subir la douleur encore plus vive d'une éventuelle rupture.

Je dis "rire jaune" parce qu'une fois de plus je constate avec dépit que ni mes amies, ni vous qui me lisez, ni même un éventuel thérapeute à qui je me confierais, ni personne que je connaisse de près ou de loin en fait, ne comprend vraiment ma situation, mon vécu. Autrement dit, bien que vous soyez tous remplis jusqu'aux oreilles de bonnes intentions (et je vous en suis infiniment reconnaissant), la réalité est que vous êtes tous dans les patates. Dans un champs de patates en fait.

J'essaierai donc de m'expliquer, encore une fois. C'est sans doute vain, mais ne vit-on pas d'espoir ?

La douleur d'une rupture, je ne connais pas.

Je vais le redire autrement, juste au cas où le message ne passerait pas bien.

Je n'ai jamais une seule fois de toute ma vie connu la douleur d'une rupture.

Je vous entend déjà dire "Il ne sais pas la chance qu'il a celui-là". Et encore une fois, cela prouve que vous ne comprenez rien.

Mais je ne vous en veux pas. Vous ne pouvez pas comprendre. Il vous est totalement, viscéralement impossible de comprendre. Toute la bonne volonté de l'Univers ne vous aiderait pas à comprendre. Et Lectrice encore moins que vous.

- Bon sang Laqk, tu vas arrêter de tourner autour du pot et t'expliquer une fois pour toute ! (et puis arrêtes de nous prendre pour des tartes en plus, c'est insultant à la fin !)

Voilà, je m'explique.

C'est très simple en fait.

Je n'ai jamais connu la douleur d'une rupture, tout simplement parce que, jamais une seule et unique fois de toute ma vie, je n'ai connu un amour réciproque.

Ni un amour, ni une illusion d'amour, ni un "fling" réciproque, ni même une baise d'un soir avec attirance réciproque.

La réciprocité, moi, connais pas.

La seule et unique douleur que je connaisse, c'est celle que je ressens chaque fois que cette coupe me passe si près sous le nez que je peux en humer l'arôme, puis s'évanouit dès l'instant où j'ose me permettre de croire que cette fois, oui cette fois, je pourrais peut-être finalement y poser mes lèvres, ne serait-ce qu'un furtif instant.

Je ne parle pas de la simple frustration de ne pas obtenir ce que l'on désire. Celle-là, nous l'avons tous vécu.

Non, je parle de la douleur, de la souffrance, de l'agonie de n'avoir jamais, jamais, jamais, jamais,

JAMAIS

obtenu ce que l'on désire. Et de l'incommensurable sentiment de nullité totale et absolue qui envahit les recoins les plus reculés de notre être chaque fois que cela nous arrive, et auquel il est tout simplement impossible de s'habituer.

Et cette douleur là, je l'échangerais n'importe quand avec vos petits bobos de ruptures amoureuses.

Je sais, je vous traite injustement. Après tout, je suis un peu dans la même situation que vous finalement. Moi non-plus, n'ayant jamais connu la souffrance associée à l'échec d'une relation ou d'un mariage, je ne sais pas de quoi je parle. Peut-être que si je pouvais comparer les deux je serais de votre avis.

Mais, aussi ironique que cela puisse paraître, cela me ferait un bien immense de juste changer de souffrance.


Je reviens du cinéma. J'y suis allé avec Copine, Lolita et Salma. Nous sommes allés voir "Castaway" avec Tom Hanks. En ce moment, toutes sortes d'émotions se bousculent en moi. Pas nécessairement bonnes ou mauvaises. Juste intenses. J'ai un noeud dans la gorge. Merde, ce film est vraiment venu me chercher. Probablement à cause de ce que je vis ces temps-ci. Sur le chemin du retour je ne voyais plus rien de la même façon. Mes copines, la route, les maisons... tout semblait différent, irréel.

Je vais aller me coucher. Chercher dans le sommeil de quoi me réancrer dans la réalité.


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