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Octobre - novembre 99
 
 
 
 
			
 
 
 
Patience
 
 j'attends le temps
 un oiseau de pierre parfois
 je pèse comme le noir sur la neige
 paupières abaissées en long désert
 où nul baiser se trempe d'aube
 même si mes jounées elles
 du soufre harassé de son jaune acide
 s'attendent au pire
 j'attends le temps
 chutes de pas à pas sans les tiens
 désir de dresser un contre-jour
 pour fouiller mieux le crépuscule
 j'attends le temps
 patience de tous les versants des plages
 crissent et murmurent les villages colorés
 ils miroitent mais marchent à pieds
 j'attends le temps
 de chasser les fantômes de papiers
 qui croient occuper tout le temps
		 Marie Mélisou oct 1999
 
 
	
  
 
             "(...) de la nudité où rien ne survit
             hormis la solitude sans raisons
             et le sel agressé et gorgé de rancune.
             (...) "
             Pablo Neruda
             Bad-lands
		éclisses en peaux à la place d'yeux
		leurs corps coulent lentement
		se nouent de jalousies
		se méprisent en faiblesses
		croient encore aux gestes attachés
		sont-ils en carton-pâte
		ces morts pas très vivants 
             
		géographes en attente de partition céleste
		toute l'ombre sur la splendeur
		des mauvaises terres
             
		loin de vapeurs translucides 
		leurs bras en flammes perdent l'absolu
		celle des choses très simples
		perçues à l'oreille
 		ils voudraient voir pour croire
		se tremper dans de l'encre noire
		l'envergure du noir
		sur la lente saturation du soir
		les mauvaises terres
		leurs drames en bordure du vide
		sont solubles dans l'eau salée
		science de leurs obscurités
		où les armes volent la clarté
		aussi le ventail du jour
		ils regardent
		l'enclos où l'on conserve la lumière
		serrée
		d'anciens avaient craint la dispersion
		tessons épars de concert rejetés
		éclisses en peaux
		ils ne voient pas demain
             		Marie Mélisou oct 1999
 
 
 
			
 
  		

Aisthêsis tu déchires de très vieux papiers quand la splendeur traversait ta chair poudre de corps pilée sur les eaux retirées infusion de poison mots divisés en noir de sang et le fil paisible du rasoir un peu de beauté éteinte clarté qui frissonne d'un aile l'écaillé d'une mouettes en faïence simple échanges - si simples - rafales regards de ton esprit tu déchires quelques bruits et des silences Marie Mélisou sept 1999
					

 

             Dents d'entraves
		pas de paradis
		tes cils me battent
		le vertige n'est pas plus fort que celui
		que tu m'as appris pour m'anéantir
		mes pensées brûlent leurs entrailles
		souterrains à tes coups de dents
		toussotements ma tempe élastique
		de mes forces disjointes
		prouve les jours désagrafés
		d'emblée sembler
		une Polonaise de Chopin
		je m'incline du côté des entraves
		pour ensuite mieux redresser l'inépuisable
             			Marie Mélisou sept 1999
 
			
             Médian temps 
		les bulles d'air crevées qui 
		mangent les cris
		sont les seules à manger
		glacé et fée de bombarde
		un temps de famine a épié
		son reflet enfiévré
		aux peureux des forêts
		un coteau étoilé
		le même déjà
		sur des peurs mortelles
		musique de peines
		océan plat des heures fermées
		tendresses insolubles
		les hommes marchaient courbés
		déjà
		vers les même jardins profonds
 
 				Marie Mélisou sept 1999
 
			
 
             "Je suis un écrivain, pas une femme qui écrit."
             George Sand.
           
             Grange à nuits
 		les mots nécessaires qu'imposaient 
		le temps   à la marche de son monde
		il se vengeait   l'amour
 		y roulait une gouttte de pluie 
		ou de suie noirceur a ne pas inventer 
		une salle vide aux fleurs fanées
		en province ou à Venise
		alléger de tout   baisser   les yeux
		dérision d'un tas de petits secrets
		plaisir et trahison brûlaient de s'élancer
		grange à   nuits 
		bris de vent elle avalait la pluie 
		et les guerres finis   c'était après
		la terre s'égorgeait
 					Marie Mélisou oct 1999
 
			
"Quand donc cesseras-tu de jouer comme un enfant
qui fait des châteaux de sable sur la page ? "
 
J. Santenoy
	La porte qui chantait
 
 
 
		essayer d'autres habits
		que ceux couleur jaune froissé
		l'hiver part en vacances
		avec un violon    air de romance
 		la porte chante
		et la terre en petit grain vert
		s'aime d'imaginations   obéissances amusées
		sur l'ébriété des désirs
		éclat univers
		un jour l'avenir commencé devient le passé 
		évidences inattendues des larmes
		hors de soi    sans aspect
		la porte qui chantait
		bêtise des nuages pamés
 
             			Marie Mélisou oct 1999
 
			
	Les rubans de roche
 
 
 
	
	La terre, en tremblements d'expéditions, a appris les mots accordéons. 
	Sans le faire exprès. Sans savoir bien ses leçons. Par hasard, et 
	par survie.
 
	Ils sont aussi mots nageoires, ils palpitent d'hommes à d'autres. Ou 
	des mots rubans de roche, de souples liquides rigides et de solides              
	soyeux tendus.
	Quel que soit le moment, quels qu'en soient les matières, ils
	accoutument 
	la vie des hommes. Donnent des jambes aux journées, des pensées au 
	vide, 
	un enchevêtrement de saisons, des naufrages dans la quête. En quelque
	sorte, 
	une idée du goût de la permanence d'éternité.
	La terre, oublieuse d'épisodes essentiels, rarement distraite, perd 
	parfois son temps. Se nimbe d'absurdes et d'inutiles chemins détournés.              
	Futile jeu pas si frivole du n'être ou pas, quand après avoir marché si 
	longtemps, gravi des pentes insignifiantes, franchi des océans aux 
	gouffres étranges, frôlé son existence en limites de frontières, elle 
	hésite encore entre fuite et poursuite.
	Rubans de roche négligés, pour mieux se débarrasser des chemins de 
	terre, prendre ceux du ciel serait un excès.
             Marie Mélisou Mai-Juin 1999
 
 



 
                    
             Insolite
		la nacre et la ficelle
		insomniaques 
		se tournent se retournent
		entrailles du vêtement
		hauts fonds de la nuit
		creux chaud dans ma poche
             			Marie Mélisou sept 1999
 
			
<< Pour que tu m'entendes
   mes mots
   s'amenuisent parfois
   comme les empreintes des mouettes sur les plages. >>
 Pablo Neruda
 Péninsule pays de l'entre
		perdue de raisons égales
		marche de si loin
		j'écris des lettres du pays de l'entre
		l'instance du réveil n'est pas
		heurte déchire dessoude l'instinctuelle
             
		entiers dans un feu des lingots
             	- immense interdit parce qu'un jour d'il 
             	y a longtemps je fus un miracle -
		pleurent des larmes dorées et se battent 
		en flammes lumière les vigilances débusquées
		deux mares en obscures yeux
		de quoi sceller ma bouche 
            			d'anciens habits de baisers
		chahutent sur leurs vagues lorsque
		descend la marée 	la vase empeste
		péninsule colère
		je marche de si loin en écrivant des lettres
             			du pays de l'entre
 
		péninsule gangrenée
		j'attends toutes les heures
		sans m'abriter - que de décombres ! -
		environnées de pages qui volent de vrais distances
		au propre aux nues
             
		j'écarte mes pas du ciel crépuscule
		ils étendent des voiles improbables et révélées
		l'eau chante de remonter la terre
		entre colline et falaise
		à vol d'oiseau une crête à corneilles
		par raccroc percer leurs clameurs
		jamais ne se délie l'acceptable mi aigre mi doux
		dédoublement anguleux et étouffant
		des mots nés au pays de l'entre
		en marche de si loin 
             		sur la péninsule colère
		être prise doucement avant de sursauter
             		à l'entre nœuds
		une escapade à cœur à la gorge 
		voltige le sang féroce d'un galop tuant
		se dissipent des images les combats ma colère
		je regarde droit le moment de plonger nue
		à veines battantes
		et les courants en racines torturées polissent 
		chacune des gouttes égarées
 						Marie Mélisou oct 1999
 
			
<< (...) des yeux de très vieille âme emplis de silence, 
    de souffrance, de sagesse, des yeux fixés sur l'essentiel 
    et qui ne regrettaient rien. >>
 
             Eve de Castro. Le soir et le matin suivant.
 	Vacance interrompue
		front buté
		joues pâles elle faisait face
		justifiait l'effrayante sanction de son ventre
		à briser un pull
		couleur bleu du ciel couleur anniversaire
		elle donnait une alchimie au fleuve
		qui n'avait aucune morale
		en traversée vers le signifiant
		même en vacance de soi 
		la palinodie de son être
		n'était pas planifiée
 
             		Marie Mélisou oct 1999
 
			
<< (...) de ses êtres à qui le vouloir tient lieu de destin. >>
 	Le loup qui souriait
 
 
		la pluie en ricochant bruissait comme des frelons
		d'une fenêtre à la vie des ombres 
		à rabattre leurs capuches sur toutes les révérences
		ils promenaient des figures en flambeaux noircis
		voûté pavé vaste froid comme une crypte
		le néant se fixait d'une impassibilité de sphinx
		un loup me pria d'écouter par des mots 
		ou des gestes le toucher de l'exacte émotion
 		lune fruit mûr souriait troublante tendit
		un miroir au loup qui fardait ses babines
		je lavais les histoires habillées d'eaux sombres
		il noya sa mémoire de quand seul il avait eu froid
		sournois il souriait vertigineusement 
		sarcasmes du je joue on joue 
		un cauchemar cette nuit un loup qui souriait
 
 
             				Marie Mélisou oct 1999
 
			
<< Je tente toujours de communiquer quelque chose 
   qui n'est pas communicable, et d'expliquer quelque 
   chose qui n'est pas explicable. >>
 
    	Kafka
             Fleur mourante
 
 
		il n'y a plus de moments calmes
		je n'ai pas encore écrit
		car des cœurs battent le vent
		goutte à goutte sur la neige
		et ma tête s'ouvre en fleur mourante
		sans cesse je galope dans une robe voyage
		les lieux enchaînent chancellent
		je m'étourdis de ricochets
		l'été a sombré dans l'automne amour d'encre 
		et de chairs l'apesanteur envoûte les rêves
		je n'ai pas croisé d'yeux sur ma tête
		depuis longtemps
		seul un chemin des écoliers paradis perdu
		sans frénésie sans violence des feuillets 
		d'arches austères jours de fleur mourante
 		éclats de bougies embrassées
		clarté d'encens lumière du matin
		les plumes gémissent en papillon de nuit
		frivole athée tendre
		en fleur mourante docile je porte 
		le lendemain obligé
		promis à vivre
             			Marie Mélisou oct 1999
 
			
<< L'important n'est pas le fait (...) mais l'intention. 
   Cela vaut pour l'amour que l'on vous donne ou dont on 
   vous prive comme pour la foi, et cela devrait valoir, 
   me semble-t-il, pour tous les actes de la vie. >>
 Mansarde bleue
 
		jamais je ne m'assoie parmi eux
		le poids de la tête sur mes habitudes
		les observe pourtant à l'exactitude 
		comme je les aime 	pleins
		sur l'idée de leur mansarde à amours
		corps à cajoler
		de chair de plaisir les douleurs
		un fleuve pulsatile en draps froissés
		intensifie leurs deux cœurs étendus
		amants à la pointe de leurs doigts
		en appui de bon gré remonte l'éternel
		émane la vie venue
		désinvolture enchanteresse
		fous et aveugles ils sont cruels
		puisqu'ils s'adorent
		furtif corset glisse 	le mot nudité
		un cortège d'ombres irréelles en sève 
		milliers de goélands draps blancs
		d'horizons reflets à poser les déguisements
		écorchent leur vivant à lever les mers caresses
		tressaille l'échanger 
		grands cheveux gémissements plaintifs 
		un long miroir canal reflets éphémères 	ouvre              
		leurs jambes au soleil en pièce d'or
		sans déguiser la pacotille
		un masque leurs vrais visages à sauver
		le temps de bras tout allongés 	instants
		d'étreintes en tant de mots 
		plaisirs soubresauts
             
		presque heureux ils nagent doux tissu 
		la vivacité de transports Belle Beauté
		dénouent l'envie de tous leurs charmes
		d'amants de frénésie aux tourbillons
		la mansarde bleue tient à bout de murs
		leurs emportements allégories
		d'un vertige union
             				Marie Mélisou oct 1999
 
			
<< Elle est 'en peine' et 'de passage',
   L'âme qui souffle sans colère,
   Et comme sa morale est claire !...
   Ecoutez la chanson bien sage. >>
   P. Verlaine
             À Lélian et Léo,
           
 	Fuga factice
		escapade fuite sur une errance factice 
		- Et dans les longs plis de son voile -
 		il palpite
		je nomme la solitude celle sans sollicitude 
		une petite mort hors du monde 
 		large lancinant des autres méfiance 
		caractère torrent d'éprouvés moments 
		- au cœur qui s'étonne la vérité - étoile
		se réduire et
		considérer couronné l'épanoui authentique 
		dissimulé tissé d'indissociable et de fortunes 
		tapageuses amarres
		cartographie à la lettre de soi mue de collections 
		- Accueillez la voix qui persiste -
		illusions dissemblables 
		ambitions rupture 
             
		temporelle la conscience se déroule 
		d'apparentes incohérences 
		l'esprit manque d'affection 
		génie pour l'apothéose l'innovation du soustraite              
		au hasard échos sans rigueur
		- Allez, rien n'est meilleur pour l'âme - 
		gommer la stupeur du vide 
		le définitif fuga 
		signification lumière disponible tentation
		- Elle est 'en peine' et 'de passage', -
		recherchée escapade fuite tendre
		puis doucement se dissoudre
		fuite simple a priori heureuse
             			Marie Mélisou oct 1999
 
			
<< On ne vit pas dans l'infini parce qu'on y est 
   pas chez soi. >>
   Bachelard
      Salure de squatteurs
 		de très grands orages maraudeurs
		tous les inquiets détriments
		à laver d'eau mépris 
		éloigner l'illusion d'être chiffonné
		notions d'infini omniprésentes
		préoccupations de la vie ordinaire
		aux flux permanents des choses
		toutes les voies 
		à sens unique mènent à l'impasse
		ambition inversée que s'y fourvoyer
             			Marie Mélisou oct 1999
 
 
			
             Forget-me-not
		pour l'instant 
		le monde a la forme de sa couleur
				forget-me-not
		des soirs jusqu'aux branches 
		bout du jardin son teint au tient pareil
		le mur dompté consomme le temps détruit
		pour l'instant 
		tout va au bout de la lumière
		pour l'instant
		une nouvelle plaie ne pourrait m'empirer
		au bout de mon nez un chaud silence sacré 
				couleur forget-me-not
		si mystérieuse l'âme en secret
		ennemie de ma charge en pluie et diamant
		pour l'instant 
		le bout est de tout si proche
		pour l'instant 
 		s'appliquer à grandir sur sa chaise
				forget-me-not 
		une chanson myosotis de schiste et de lave
		résonne sur quatre murs
		à marcher soleil en bandoulière
		pour demain
             			Marie Mélisou oct 1999
 
 
			
 	L'automne
             Cri crac
             Les feuilles craquent
             C'est l'automne
             Tout friponne
 					Joanie, 7 ans.
 
 
 
			
<< (...) Quand nous cessons de nous gravir, notre passé est 
    cette chose immonde ou cristalline qui n'a jamais eu lieu.
    Les chiens rongent les angles. Nous aussi... >>
     René Char
 	Rien pas un seul indice
		une terre vide en franc-bord
		prairies perdues dans l'eau sombre
		ciselée comme un lourd meuble
		dissoute à travers l'immense
		rien 
		pas un seul indice
		derrière une vitre où ma vie 
		s'est entaillée à verre dénudé
		je grifferai pourtant
		même de main morte
		la moindre lueur qui s'oserait
		rien 
		pas un seul indice 
		s'empoussièrent les affûts
 					Marie Mélisou sept 1999
 
 
			
<< Le mot parlé comme le mot écrit ne me sont pas familiers, 
   même pas pour m'exprimer par rapport à mon travail ou à 
   moi-même. Lorsque je dois écrire ne fut-ce qu'une lettre              
   toute simple, j'éprouve un sentiment de peur qui est 
   comme le mal de mer. >>
             Gustav Klimt
 	Sécession monumentale
 	l'introuvable autre la monumentale
     envahit l'espace d'algues aux allégories
 	certains soucis rongeurs n'ont plus d'intérieur
	ni d'ultérieur
	ses forces agissent pour un seul bonheur
	tourner les tabous du vieux siècle
	se jouer du temps Yo-Yo 
             	creuset d'insouciance par ailleurs
	la décadence déchéance d'une chimère virtuose 
	déchiffre la multitude des formes dans l'élaboration
	comme le mien leur kaléidoscopique instant
             		cet audacieux tendre
 	l'eurythmie monumentale - Sécession - rebaptise les femmes              
             fatales sveltes rutilantes
	 ma nostalgie paradis clé de voûte absente perdue
	seuls les regards sont en présences diffusion
	des poumons qui pleurent
	sur des portraits en perte d'essentiel
 	dans toute sa vérité somptueuse rouge jaune d'or
	se brûlent en un rideau 
             	deux parties latérales
	la monumentale vie
	aux ténèbres sur la lumière déroulent              
	en colonnes de temples où de petits détails
	jouent à l'amer le miroir du penser ou du peindre
	du conter des rondes d'illusions à sublimer la réalité
             alléchante de scandales d'extases
 	modern style un indomptable destin 
	de voluptueux ornements les corps s'enlacent
	vision du monde
 					Marie Mélisou oct 1999
 
 
			
 << Du ciel, l'influence secrète >>
   Boileau
             Ce qui est réduit en poudre
Tu écris avec à la main une doloire à gâcher les traversées de 
régions désertiques. Et tu gâches, et tu gâches. Comme si ta 
vie était assujettie. Le pulvérulent poussiéreux soulevé par le 
vent s'élève dans les airs jusqu'à boucher ta vue. Ou la 
dégager tout à fait. Ce qui est la même chose, bien que l'inverse. 
De toute façon, tu gâches, car l'influence du chœur de la 
hiérarchie des anges est puissante. 
Survie envoûtée suspendue et enduite de liens.
S'enlisent tous les temps solidifiés, parfois. Aussi les bafouillages              
d'étoiles trompées, les promenades contre l'ombre, les tombées à 
genoux qui allongent les racines, les clartés sur coupes froides,              
et les picorées de cahots.
Avant, pendant, toujours, bâti à chaux et à sable, tu écris. L'effet 
produit, dévastateur parfois, mélange le vivace et la  force. 
Légèreté de frappe.
Les peines brûlent et dévorent. Ta vie, tout entière tendue vers 
l'instant opposé.
Moi, avant, je laïussais sans fin, t'usant, c'est ainsi.
Maintenant plus j'écris, moins je parle. Mais je souris davantage.
L'imagination, comme une jolie couleur, danse sur les mots qui 
t'écrivent. Et je gâche, gâche, gâche...
 
 
             		Marie Mélisou oct 1999
 
 
			
<< Quand on est petit, on se cache dans les placards, 
   quand on est grand, on se cache dans ses poèmes, 
   ce qui est aussi une façon de dire "coucou". >>
   Jean Orizet
 Courant d'air
		quelle bouche a embrassé 
		la tienne en dernier ?
		matin à se battre 
		je reprends les phrases interrompues
		un mal trépidant
		le bien encore dans l'ombre
		et songe à tes lèvres en disant
		c'est trois fois rien 
		qu'il est des courants d'air
		qui font vraiment du bien
		oublier de nouveau ta bouche 
		elle me touche pourtant de loin
 
 
 
 					Marie Mélisou oct 1999
 
			
<< (...) mes claviers sont usés
   d'avoir osé
   toujours vouloir tout essayer
   et recommencer là où le monde a commencé >>
 Michel Berger - Le paradis blanc
             Je m'oublie déjà
		je voudrais retourner à la maison
		mais la maison c'est ici
		ab absurbo un toit sur eux
		comme petite maintenant je suis grande
		le temps s'écoule et détravaille 
		pour me contenir 
		différente mais jamais je ne me comprends
		je les sens me toucher du doigt
		la différence les choix
		je m'oublie déjà
		repliée pelotonnée ramassée
		je voudrais rentrer à la maison
		mais la maison c'est moi
             			Marie Mélisou oct 1999
 
			
<< Je voudrais que vous me connussiez mieux, que vous 
   voyez qu'il n'y a dans ma conduite envers vous ni 
   rouerie, ni orgueil affecté, et que vous ne me
   fassiez pas plus grand ni plus petit que je ne 
   suis. >>
             A. de Musset
 Poudre d'écriture
		au pied du moment
		ce matin je reviens de si loin
		une brutale cage sur un appétit d'ogre
		la foudre jusqu'au dénuement
		sans envie
		je me remets à bousculer le grouillant 
             		quoi qu'il en soit il chatoie
		en joie elle va devenir sereine 
		transmuter l'insatiable
		je chasse l'austère pâleur d'un maquillage 
		à temps affecté
		je circule le monde bariolé
		sur des pensées impossibles à étiqueter
 					Marie Mélisou oct 1999
 
 
			
<< La seule passion qu'elle n'eût jamais travaillé à 
   éteindre dans son coeur, c'était l'amour maternel. 
   Cette plaie-là, bien que fermée en apparence, était              
   toujours saignante comme l'amour inassouvi. >> 
    G. Sand
 Sarabande de l'araignée
		jusqu'aux genoux aujourd'hui
		comme une violence feutrée de mille flocons
		la neige
		blancheur étincelante trompeuse
		dans le froid j'avance
		et soupire à l'ahurissant mélange
		des briques brûlantes embleuies de lavande
		une toile à tenir chaud
		sur le bruit de la neige
		le temps court de rire
		vers un vent trop sensible
		qui ne se croise dans aucune glace
             				Marie Mélisou oct 1999
 
 
			
<< (...) Songez qu'on n'arrête jamais de se battre et qu'avoir
    vaincu n'est trois fois rien
   (...) A vous de dire ce que je vois >> 
 Aragon
 	L'inique
		habitée d'un froid inlandsis
             	comme un mastiff à la morgue rogue
		je suis roide tueuse rosse 
		au coeur de la ronceraie
	            		parfois
             			pourquoi parce que
		je vous laisse voir un ronde bosse 
             	surface traboule un fil sans ciel 
		négation de moi-même malgré moi
             			pourquoi parce que
 			du revers
		arrière-main au geste qui rassemblent
		à l'avers les mondes séparés
             		l'iniquité ne me sied pas
		je l'ai endossée par hasard d'innéité
             			pourquoi parce que
		et tout le toutim...
 					Marie Mélisou oct 1999
           
			 
 
<< (...)couturé de mille cicatrices mais infiniment fier d'avoir 
vécu selon ma légende. >>

Erik Orsenna
<< Pas moi. >>
M. Plage blanche une musique logogriphe rature le moment douceur flux et reflux de la mer dans mon crâne grain de ta peau plage en face des images passent l'ailleurs sur cet instant où es-tu ? difficulté d'être au présent aussi brisées plus souvent sur les mémoires à vif nos lignes de vies s'y croisent au miracle de l'indicible tu brandis bimane ce soir l'insignifiance du mal billevesées d'images dégringolent à déceler les parfums légers aux passerelles d'ailes chaos jusqu'à l'épuisement sur tranche violine un ciel vert voyage Marie Mélisou Nov 1999             Ligoter l'ensemble     de tous les points possibles le froid s'enfonce partout sans ligne de perspective de fleur redevenir bouton   la moquerie de moi légère folle de mesures je glisse à peser longe à m'étendre soutiens et m'oblige à dormir momentanément je connais les fuites   s'embrouille dans ma tête pauvres pensées déchiquetées le tanné le tangible le tapage   créature délicate l'Être humain se porte en bandoulière comme une lumière fragile tombée d'un coin de verrière     Marie Mélisou Nov 1999         Eole     un jardin a germé aux fleurs à ne pas oublier érosion éolienne où j'arrange le garder sous des grains qui s'enfuient et glissent depuis mes mains à vivre   du temps il fonce en mots enfonce la vitesse repousse Eole qui me piétine   seule   à réfléchir plus tard la vie dirait-on une histoire qui finit mal     Marie Mélisou Nov 1999         Collection d'âmes et d'ailes     Te parler d'un ailleurs où trouver cette montagne, muscle de tendresse perdu à la crevasse, tes mains à naviguer subliment le vélin des danses.   Ils remontent, théâtraux.   Tu désires leurs pierres grises, ronds à s'accrocher aux fabuleux hymnes d'un monde épris d'épines. Vaisseaux. A l'heure mauve ils évoluent en circonvolutions sur l'absence de nos mémoires.   Noueux, graciles, aux algues.   L'eau préhensile, réinventée, en diadème d'amour sans fards, regarde l'instant de la dernière fête éclatée dans ta tête. Tu rêves à ces troupeaux d'étincelles. A ces anges, à qui tu dis ailes.   Ils volent, hippocampes.     Marie Mélisou Nov 1999             Au fil à plume     amas de sommeil nous perdons un jour le trouble des eaux seule la lumière s'y déchaîne voyelles de chuchotis   pareil à des phares je remue les lèvres laboure les mots sur une steppe c¦ur lentement brume de l'insondable tendresse j'écris les bruits   je me permets d'aimer à la porte interdite le plomb des flèches qui battent chaleur au fil à plume le blanc des pages les yeux à faire mal   caresses par moi-même tissées     Marie Mélisou Nov 1999           << De tous ses yeux la créature voit "l'Ouvert". Nos yeux seuls sont comme inversés et tout à fait placés autour d'elle ainsi que des pièges, disposés en cercle autour de sa libre issue. >> Rainer Maria Rilke - La huitième élégie -       Papier visage     il me souvient des mobiles à toutes vies le souffle étranglé des mouettes voix mortes lorsqu'à la recherche d'un refuge je hurlais par-dessus les toits   la peur la mer m'y perdais en cercles à m'effacer   en pelotes d'épingles innervée piquée dépecée parvenue plus loin que cette confiance j'accomplis une naissance la plus simple   je m'enfuie à l'approche d'homme corne bec crocs autre versant de montagne la lumière y tousse gravement aux poitrines étrangères et uniques   l'eau en grande nuit sur mes traits retrouve les papiers visage à jeter au vent       Marie Mélisou Nov 1999           Rideau de vie       j'attends une vie plutôt la vie toute la poudre des buvards chante fonce de crainte de plaisir   demain dans ton sillage minuscule attentive derrière le rideau la vallée du monde trônera mes jambes ouvertes en fleur je dirai les trésors les gestes tout ce qui est désormais sauvé   demain émotion considérable à boire mon lait tu brûleras enfin dans mes yeux       A Myriam, Marie Mélisou 15 Nov 1999        
  << (...) Je suis un des rouages les plus délicat de l'amour terreste Et l'amour terreste cache les autres amours A la façon des signes qui me cachent l'esprit Un coup de couteau perdu siffle à l'oreille du promeneur J'ai défait le ciel comme un lit merveilleux (...) >>   Clair de terre - André Breton       Bâton de pluie     quelques notes s'effeuillent à regagner nos intérieurs le temps frangé regarde aujourd'hui   tu écris tous les jours sur l'émeraude à laquelle je peux donner naissance moi qui craque le dissoudre comme je brise le pain pensive je ne puis comprendre   je ne trace aucun signe ni cercles mystérieux je prends de grandes lignes ignore les fermoirs ceux à bijou désespoir   simplement ignorante de l'ombre des rosiers je cachette la lumière à tenir dans la main   cela n'empêche rien jeunesse nécessaire en griffe printemps le ventre vertical je souffre petitement d'être criblée de neige   domptée sauvagement à l'armure blanche coup de bâton délicat la pluie lorsque je passe devant chante les quatre murs le désespoir les plumes et les caprices d'un fleuve     Marie Mélisou Nov 1999           A bout doré     je l'ai perdu sur le matin en anciens caducs la permission d'oublier pas à pas du plus léger son nostalgie d'une ancienne peine   fumeux bol se vide de l'ancrage   je l'ai perdu sur l'épine d'un cri en étendard le luire et l'empourprer tous les édifices en furie leurs secrets sans preuves   serres de l'effort de la lumière   je l'ai perdu sur les pécheurs de trésors les expressions à vaciller l'habituel des objets douceur petites rondes d'ondes   pourtant l'implore aux lèvres à le boire je l'ai perdu encore encore promenade mains l'une de l'autre faire reculer ce ciel à bout doré   je l'ai perdu et quelquefois je garde le délicieux je l'ai perdu mais le possède tout entier   le temps       Marie Mélisou Nov 1999             << Le temps est celui que les couleurs ont mis pour "passer". >>   Francis Ponge - La rage de l'expression -     Vu     je te vois me regarder une rose vive fichée sur novembre le froid invente une mise en marche elle brille comme du bronze tu luis un peu de fièvre   laborieusement tu déchiffres les provinces qui observent la rigueur de l'écoute à peines l'absence absurde qui approche le persuader   tu piques du nez sur les rives en déchirants feuillages les yeux brûlés par la lumière tu éprouves l'invisible par force de politesse   Marie Mélisou Nov 1999           << (...) Gagne la plaine et gagne la mer Ecume roule et s'use Sur le sable le sel et le corail J'entrerai dans tes vagues A la suite du fleuve épuisé Gare à tes flottes ! Gare à tes coraux, à ton sable, à ton sel à tes festins Sorti des murailles à mots de passe (...) >>   Robert Desnos - Art poétique -     Mot de passe     s'ouvre un rendu pour un prêté un premier mot rêve étendu sur sa natte l'infusion des brindilles de thé vert   s'ouvrent les hautes collines de ceux qui envient les constances aux nombres de fois les serments sur un bord de souffle   poignées de mains à se frotter les yeux des assiettes martèlent à la porte un peu de pluie des tripes jusqu'à l'acuité mauve gorgée à s'installer tout à fait   le premier pas de la pauvreté fait peur superbe chemin coupé où l'on retourne ce qui retient la ville déguisement rieur atteint au c¦ur   l'impression tenace si mauvaise pour les nerfs que derrière la musique un mot de passe observe l'impérieuse piste d'envols     Marie Mélisou Nov 1999           Reste de poudre       une herbe folle à pas de géant je m'endors sur mon chagrin il est mort le destin ensablé sur le bois des pins grand dessein   sur les dents aiguës cent pas de la sentinelle on se déchausse aux fraîches dates   je respire les revers fleurs de cicatrices bois les cellules en couleurs vous êtes attentifs intenses déployés   un fil de fer à grands cris écharpe les robes sans bornes aux entrées de peines perdues il faut veiller au miroir naufrage fracas charme d'un reste de poudre les échanges mystérieux ont des pousses de reflets à grandir         Marie Mélisou nov 1999             Tendresse     blanche oubliée égarée sans chemin je l'écoute murmurer le désir de se toucher de s'aimer en fêtes à changer le monde commandé déraciné exilé   détours par le mien si petit je pleure d'être là joie du tout de suite   les héros sont hors des pages de l'Histoire ils naviguent dit-il sous deux spots bleus en mirage la vie ils bourdonnent et volent liqueur de bonheur dans le noir au-dessus du simple chanteur   l'innocence renouvelée de l'enclume son corps frissonne en géant feu de tendresse il hurle sa douceur je lui crie les brûlures du ventre   message tendresse aux reins solides comme un croc à côté pour ancrer la vérité   il gémit le vivre le caressant ivresse du sel qui délivre les hommes à jeter du septième étage       Marie Mélisou Nov 1999         Odé       désordre vous vous êtes réveillé j'ai eu l'impression que vous ne saviez pourquoi vous vous attardiez ici -odé   ce n'est qu'une sensation il ne s'est rien passé alors vous m'avez consolé contre une poitrine entièrement détachée   absorption je n'ai jamais su doser les overdoses viennent de nulle part néanmoins elles peuvent entraîner la mort et vous assassiner   odé - officiellement recommandé surdose - funambulesque pesée du temps   un jour entièrement blanc       Marie Mélisou nov 1999           Pas feutrés     ils déambulent éclaircissent l'air   pointent les ronces du temps écervelé la terre brune ton oreille touchent aux folies aux vagues aux raisons   nous décidons la lumière   pied à terre frappés de lever nos yeux à volets rumeurs de leurs lots en délires vastes noircis de flammes décidées quand le froid redouble à fleurs de soupirs rauques bourrasque d'attelages   ils offrent le coulant vers la mer   quittent de départs à partir en vérités les poètes à bercails paissent en haut terroir sur nos têtes quittées de miracles   chaque fois nous vivons   le feu la poitrine enlacés chantons s'en allons en derniers jours   nous plagions leur beauté       Marie Mélisou 21 Nov 1999         Je ne changerais       je ne changerais quand l'homme qui vient de l'ornière en déroute nu de fumier sur le froid viole le chemin au soleil   je ne changerais pas même pas ma capacité de rancune comme à vingt ans on peut hurler sa haine immense si le sang effleure le labeur amertume   je crache des trésors qui ne sont plus pour convaincre le ciel des légendes à savoir entendre pleure dans le silence mon passé suppliant le passé fréquente des braises frappe au heurtoir à faire pitié les quatre mains du diable   l'air que j'engourdis à disparaître frotte le changer d'être diaphane jusqu'à poussière   j'ai mal d'un indéfinissable mal   tout ça la vie la terre les enfants que j'aime se suivent deux par deux   et les silences   je ne changerais pas un mot     Marie Mélisou 21 Nov 1999         Basses cimes     une rue étroite de flocons en bordure d'un monde inconnu des yeux levés qui sourient au ciel offert de plumetis   entre deux poubelles un croche-pied pleure une main bâillonne un tarabiscot creuse une caverne le froid le froid et les brûlures   tombe d'un flanc sale brouillard une odeur qui pige le grossier devine l'abominable à comment rester vivante tais le bruit de la neige la tête dans la boue répugnance   haïs les lèvres pesantes en bonds successifs éloigne le blottir singulière démise animale tu apprends   le fond a une certaine hauteur tapit de cimes négligeantes     Marie Mélisou Nov 1999             " fa fred pels estels pels estels fa fred tu em mires sempre sense saber que jo també et miro amb els meus ulls tan cecs "   " Il fait froid à hauteur des étoiles, à hauteur des étoiles, il fait froid ; tu me regardes toujours sans savoir que moi aussi je te regarde de tous mes yeux aveuglés "   Lluis Llach - Al teatre - Au théâtre -       Animale tendresse     Tout au contraire de rassérénée, déjà, un moiré de temps réduit à une résille de fugues fondues, je tentais de savoir ce qu'il émerveilla dès notre première rencontre.   Sa voix.   Sa voix caressante, néanmoins puissante, au-delà des traductions en mots, était une des voies. Dit ainsi, cela paraît peu. Pourtant... Car en plus de découvrir son existence, et n'est égal que ce l'on méconnaît, j'étais jeune donc peu malléable comme gouverne en nous avec dureté cet âge qui connaît tout déjà.   Notre première rencontre se produisit un après-midi autour d'un verre de thé. Davantage qu'étonnée, je fus renversée. Je le reçus dans mon c¦ur. Je le reçus fort. J'étais assise en tailleur. Lui devait descendre les Remblas. En fait il était traqué, chassé, exilé, je l'appris plus tard. De son c¦ur dépassait un drapeau liberté, je l'ignorais alors.   Devant ces gares entrebâillées sur la vie à grandir avant de vieillir, j'entendis la voix de son ventre avec le mien. Douce, grave, enjôleuse, triste, virile et féminine à la fois. Elle hérissait mon bagage silence. Rendait sensible jusqu'à de grandes espérances les arrachées de lieux. Je crus voir le monde s'interrompre autour du pain rompu. Toutes les orées devaient être atteintes. Le sens des aiguilles trouvées. La faim du Grand Mystère un apaisement pour chaque vallée de corps. Le gel pouvait se mêler à la fièvre. Les identités devenir des réalités immédiates. Et des réponses étendues, quelques hommes allaient enfin trouver les raisons de leurs haines, ils se détestaient eux-mêmes.   Moi, je sus qu'il était arrivé plus loin que Loin. Je ne pourrais jamais y aller. Ne serait-ce qu'une infime parcelle de son trajet m'aurait pourtant apaisée. tendresse du très haut pouvoir d'amour loin aller en cortège d'exilés où déferlent les vagues porter les frémissements à rêver la vie   une femme passe entend celui qui chante et à fleuves parallèles s'engouffrent les vents de grands partages Sa voix. Sa voix était une joie. Une joie animale. Venue du plus loin d'où peut provenir une voix résonnante à goût d'écho. De la nuit des temps. Comprise même si pas apprise. Unique, discernée, élue, sans frontière. De la nuit des hommes, qui chantent tristement car ils ne peuvent oublier les deux bouts du cordon ombilical vie, naître et mourir. De la nuit tendresse, paroles à aimer l'affectueux en attitude affichée. Brandie.   La voix, sa voix, sur la face B d'un vinyle, en hallucinations vérités, flânait en moi avec splendeur. Elle, enfin il, qu'importe que ce fut l'homme ou sa voix - n'était-ce pas le même martèlement ? - congédia un temps nourrisson. M'offrit de devenir femme. Grandit l'envie de mordre. De déchiffrer la fumée des âtres. De décider mes pas sur la saveur des fruits. V¦ux de ni flageoler ni faillir.   Dans ma tête il descendait les Remblas. Encore. Cheminait de guitare à piano, en passant par Bergès. Ici ou là, je buvais du thé, assise en tailleur. La vie.   Puis, encore nous partageâmes. Au c¦ur d'un vieil atelier en bois où je travaillais la laine, nous voyageâmes longtemps. Lui et moi. Lui en moi. Chaleur et vie contre mes oreilles. Sans jamais mourir de mensonges, nous demandâmes ensemble pour qui la roue du temps tourne. Les coudées franches éblouies se ravissaient par ch¦ur de la force du vent des âmes seules. Il me murmurait qu'elle tourne pendant que nous continuons de demander la même réponse à une même étoile.   Sa Canço d'amor a la libertad, en belles majuscules, contait les roulements de cailloux éclatés et éclatants dans son pays de chaleur, les enfants catalans empoussiérés, les routes d'ombres en feuilles de métal repoussé, martelées d'avancées. Chaque fois qu'il vint vers jusqu'où je me trouvais, Venim del Nord venim del Sud, j'allai jusqu'à lui. Nos yeux mutuellement aveuglés pouvaient communier. Il n'en savait rien. il n'en sait rien. Il n'en saura rien. L'important est qu'il a fait froid un jour, puis chaud ensuite.   Vêtu de noir, tout contre son piano, il caressait les touches. Et mon attention. Il m'apprit, en partie je crois, le détail. À m'émerveiller de la disposition des choses, surtout lorsque l'homme flâne en ondulations tachées d'alangui. Il fit aussi renaître certains jours de l'enfance. Les places fermées inondées des giboulées de soleil. Celles entourées de hautes bâtisses qui s'ocrent de jalousies pudiquement baissées. S'y échappe la Méditerranée.   " Je voudrais te laisser une fenêtre avec une persienne à lever... "     **   Lorsqu'il chuchote, je suis heureuse. S'il crie, de douleur, de rage, tout hurle en moi d'identiques révoltes. Rugueux de velours, ses mots sans parcimonie sur les bancs d'événements, de grappes de soirées, défrichent ses concerts. Offrent l'ouverture des chemins.   Sa voix. Sa voix compose la musique à lâcher les heures. À ébranler les issues de ma vie.   Je tends des traductions émotions sur mes jours colorés par son langage deviné. Pour aller mieux, même sans guérir, je sollicite tout ce qu'il a à dire. À me dire. Il reste veilleuse allumée malgré le vent du temps. Automne blanc calfeutré. Porteur d'ombres simples toutefois luxueuses. La tristesse de l'arbre nu, avec son chagrin. Le sourire jaillit sur le grave qui pleure.   Je tente ici de comprendre pourquoi depuis une longue année je ne l'avais pas écouté. Pourtant le nomadisme, dit-on, rend plus sensible. Peut-être, hier encore, n'était pas venu le temps de chavirer. Peut-être, volontairement, je bridais cette joie animale.   J'ai réparé ce manque à l'usage de mon monde. Partage de nos simples palais, petits pays si petits. Comme je le reçus fort alors, j'ai de nouveau épelé sa douceur. L, l, u, i, s. Chatoyante, elle a bien voulu se poser, habiter mes pièces. Et ouvrir les fenêtres sur l'essentiel.     Marie Mélisou juin - août - novembre 1999   __________________________________     À Lluis Llach, que j'aime depuis quatre lustres.   À l'ami qui, hier soir, durant le concert, tenait ma vie debout.                       retour à la liste