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Août-octobre 99
 
 
 
Epi de sable
 
 
Je voudrais, je voudrais tant, de la rive ici vers les rives 
là-bas, rassembler la réalité fragmentée. Les rayons de miel 
versés lorsque rétrécissent ou s'élargissent leurs visages. 
Dégoulinent et s'épandent telle une boue ôtée de sens.
 
Sans même un petit infini.
 
Je voudrais, je voudrais tant, de la mer ici aux pierres à 
bouches là-bas déborder d'une joie oubliée sur le blanc du 
sable d'où dépasse un épi. 
 
Mes limites bleues, accumulées sans trêve, édifiées puis par 
quelques mains brisées, s'opposent au vide imposé. Avide de 
s'auto-effacer. Elles connaissent le monde qui tombe. 
 
Sans même un petit infini. 
 
Je voudrais, je voudrais tant, du bout de mon corps initier 
l'écume quand palissent les jours, témoins d'illusions, 
fenêtres tragiques ou, immense famille de douleurs.
 
Sans même un petit infini.
 
 
 
                       Marie Mélisou   Août 1999
 
 
Porte nocturne un jour mouillé
 
 
 
        la pluie sur la poussière et une maison  
        grande nef d'absence
        
        lorsque la nuit voyage au milieu du jour 
        se distingue l'envol
        fibres d'archipels s'interposent 
 
        de grain en grain
        sauts en oubliant le temps
        un bond dans l'espace
 
        pour clore le silence
        un jour mouillé
        ouvrir des clartés Renaisssance
        l'essentiel est enchanté
        parce que
        le trajet clair est sans murs
 
 
                     Marie Mélisou   Août 1999
 
 
 
  Elle
 
 
        au c¦ur palissade
        elle est un éléphant dans le soir
        à ennemi de soi
 
        serpent en mue puant de gibet
        elle essuie jusqu'au mur 
        les pleurs sans quoi vivre
        ne sait regarder qu'en dedans
 
        loupe de lutteuse sans raison
        éclair de couteau à malheur
        elle n'en n'est pas plus heureuse
        eux non plus
 
        cruelle de pures extases
        lorsqu'elle cerne de questions
        les yeux qui étouffent sans fond
        elle plante des arbres morts
        et saccage l'émotion
 
        elle la jalousie
        n'en n'est pas plus heureuse
        l'autre l'enfermé le dégoutté
        non plus
        il baisse son store davantage
        
        l'irrespirable artificiel perd
        elle finie dépouillée
 
 
                        Marie Mélisou   Août 1999
 
 
 
 
 Crachats
 
 
 
Elle crache. 
Verte de rage, elle crache, bruyante et insolente. Nu-pieds, 
l'¦il mauvais, ses vulves fouillées, répandue en zigzag, ses 
injonctions en habileté suprême jusqu'à l'aveuglette de 
l'horizon, elle s'offre en lit défoncé de cris et de peau 
chahut.
 
Elle crache.
Ses glaires sur les rochers, elle crache, roule, fièvre. Sa 
colère, profonde, intense, violente, en grands arceaux de 
papiers huilés et remués jonglent gonflent. Ils tirent au sort 
parmi les risées qui l'innervent et la parcourent.
 
Elle crache.
Ses têtes en lames, froide, elle crache à la figure de ceux qui la 
contemple, se fichant de leur admiration extrême aux frissons 
loqueux. Ne cessant un seul instant, mue par ses tréfonds en
proie aux vers fourmillements, elle enferme les rayons pétrifiés. 
 
Elle crache. Ses crachats iodés écument rient ricochent.
 
Et devant elle, je ris aussi. Moi, l'un des grains de sa rive. De 
la voir ainsi, à chaque équinoxe m'abreuve, me gorge, me peuple. 
 
Je me remplis d'elle immensément. Je lui vole un peu de son sel 
de vie. 
 
 
                         Marie Mélisou   août 1999
 
 
 
 A pendre
 
 
     Ailleurs ou là-bas.
Flou en pleine lumière, le chemin qui marche se dissipe               
dans l'extérieur. La perte du réel, grave s'il en est, 
devrait être réparée.
     Devrait comme pourrait.
           Pourrait comme sera.
 
C¦ur à pendre à la fenêtre, qu'il brille de mille feux.
     Ailleurs ou là-bas.
Libérée, sans n¦ud, papillon en électrons libres, je 
t'aide à grimper sur un rêve. 
 
Il y a des terres où l'on marche et des terres où l'on
songe.
     Ailleurs ou là-bas.
 
 
                           Marie Mélisou  août 1999
 
 
 
   Chair de lune
 
 
        face et pile d'ombres à la lumière
        je pantelle sous les pierres tes regards
 
        sur des moments alternés
        se content les heures cruelles
        auréoles des pas dans la ville chaude
        
        nimbe passage de dernières portes 
        où quand je tue tu frissonnes
        chair de lune assassinée
 
        d'interlopes moments
        le monde cherche autour de quoi tourner    
        hache aux mots bruyants
        
        saigne un temps crâne 
 
 
                           Marie Mélisou   août 1999      
 
        
  Vitrine diabolique
 
 
 
Le pinceau du retoucheur à colorier la vie pénétrait encore 
chaque interstice. Non, je recommence. Le pinceau du 
retoucheur de la vie coloriait, il tentait de pénétrer chaque 
interstice. 
Oui, je préfère ces mots. Ils sont davantage justes. 
 
Réalité. Ou création littéraire.
 
Je veux parler d'une époque où j'étais indécise. Je crois 
que j'ai tout su la veille de mon départ. TOUT, entends-tu. 
Tout ce que nous allions partager. Tous les échecs. Mais 
j'ai posé sur moi, par conséquent sur toi, une immense voile 
à cacher la vérité, un drapé esthétique tel que je les 
aime. Ou les aimais.
 
Pour tenter de vivre. Comme toi.
 
Une immense voile à souffler des mots autant qu'une mère 
abreuve la vie, lorsque ces même mots se frappent au silence 
des nuits. Le contraire du bruit dans les haubans.
 
           maintenant
         je confronte le silence
            raconte les frappes nuque
         lui déballe quelle vitrine diabolique
          éblouie les jours
 
Tendues tensions, se bombe le dôme, se grisent les pensées. 
Elles commandent de grands choix. 
Quand à la glu, ce jus de houx, elle envahie nos pas, ils 
frappent la terre. 
 
Au fur et à mesure qu'elle remonte le temps, il se perd. Les
jours, leur précision, s'estompent, se rétrécissent. 
 
Ils finiront sur des sinuosités devenues obscures. Comme
tous les mots.
 
 
                          Marie Mélisou   août sept. 1999
 
 
 
  Jardin des anges
 
 
      une aile de papillon
      deux graviers esseulés
      trois petits bouts de bois
 
      et quelque perles d'eau de là
 
      la mort lasse
      posée sur le coteau
      regarde certains mots
      ils n'ont leur place nulle part
 
      errent courent ne s'épuisent 
 
      la félicité la vrai
      n'existe plus même ici
      durant de brefs instants
      sur le soyeux des fleurs 
 
      comme on remonte une crevasse
      centimètre après centimètre 
      avec dans sa poche
      une aile fragile de papillon
      deux graviers à tripoter
      trois petits bouts de bois
 
      et quelque perles d'eau de dedans
 
 
                  Marie Mélisou   sept. 1999
 
              
 
 
  Couleur a passé
 
 
         sur une route de campagne
         où chaque platane possède son mort
         gros immenses
         comme dessinés par Bottero
         des sapins montent la garde autour d'un champ
 
         un champ peuplé de noirs soleils
         amaigris et flétris
         ils saluent penchent ploient sans un pleur
         plus aucun n'est fier
         jusqu'à l'horizon un temps ratatiné
         car le moment est venu
 
         est venu pour la faucheuse
         la coupeuse d'engloutir leurs restes vie
         temps d'andains
         c'en est fini pour la saison
         des tournesols de cette année
 
         seul reste même passé
         le jaune
         la couleur a passer
 
 
                   Marie Mélisou  août sept. 1999
 
 
 
 
"Quand on ne va nul part, on ne peut pas 
 beaucoup se tromper."
 
 
 
               Yeux grands fermés
 
 
      fluide le sable sous leur deux peaux
      ils écoutent battre le c¦ur de l'un et de l'autre
      c'est dire le silence
 
      la gueule du ciel coloré 
      est ouverte sur des nuages à vomir les jours
      en bas la température tripote la terre
      pour l'aider à s'ébrouer
 
      injures des hommes insatisfaits
 
      plaintes au fond de leurs envies
      des sourires et des râles
 
      yeux grands fermés
      pour avancer davantage que reculer
      je m'en vais acheter une couverture
      à accoutumer les pieux dressés
 
 
                     Marie Mélisou  août 1999
 
 
 
 
 
  Frise de vies
 
 
                 les étoffes de chair
                 pulsions à éclater les échos
                 tissus imaginaires
                 prennent les plis de l'habitude
 
                 invitent à leur insu
                 serpentent s'entortillent
                 spirales impétueuses
                 zébrures dardées  voiles tendus
                 entrelacs sensuels  maléfices
 
                 mosaïques à peindre le feuillage
                 de multiples forêts
 
                 se reflètent les âmes de matières infinies
 
 
                           Marie Mélisou   sept. 1999
 
 
 
 
 Rêvé aussi
 
 
            le derme de la réalité
               emporté apportée
        comme un ruban d'existence brève
            en danger d'invention
              déroule l'histoire
          à garder les portes ouvertes
 
       privilège des galops éblouissants
         les imaginaires se promènent
        sans morose sur beaux chahuts
 
         alors qu'assistante du destin
             la peau des choses
       comme de petites pierres blanches
        à marquer le chemin sur la mer
    ouvre un relief d'indescriptibles cohues
 
        traduction à admirer le monde
             un miroir opportun
          en support le plus juste
             ôte toute attache
 
 
                   Marie Mélisou  sept.1999
 
 
   Sans honte
 
 
       le sol mouillé
       se sert à la nuit claire
       brûlée de lune
       d'un vieux chagrin
 
Marie Mélisou   9 septembre 1999
 
 
 
 
Semblants
 
 
           en haut de côté
               exprimer l'intérieur
       maltraitées flammes de vent
       actions forgées de songes
       plantés de boues incolores
 
       porte des sens je dors avec
       semblants des effets que ça faisait
       nattes de tortures au corail vivant
       semblants de tous les paraissait
 
          en bas à travers 
             petits coups intervalles
       entre rien et rien
       une échelle écarlate
       dans l'ombre de tessons de rages
 
       le temps orageux
       n'est pas à bout de ressources
 
 
                     Marie Mélisou  sept. 1999
 
 
 
 
           Danses d'ébauches
 
 
     ils avancent
 
     danses d'ébauches
     grands  s'en quêtent de paravents
     d'ores et déjà beaux
     simple fait d'être ils sont
 
     danses d'ébauches
     ma douleur vive
     lumières en déplacements d'avant
     où l'obscurité des nuits tendues
     voile à âme nocturne effleura leur douceur
 
     danses d'ébauches
     couleurs interminables je souris dedans
     aux jours d'un égal vif froid  
     pourtant à ces images d'enfants en devenir
 
     imaginées danses 
           à peine ébauchées
 
 
 
                  Marie Mélisou  sept. 1999
 
"Et le monde se meurt une rupture se 
produit dans les anneaux d'air"
                        André Breton
 
 
 
                Le temps né d'une chute
 
 
           morceau d'après-midi déjà consommé
           sur le satin innervé des pages
           au rebours des cités
 
           poignée la plus intime
           conscience cachée  mince liseré
           une voyagère obsolète
           en goûte la saveur
 
           s'en émousse d'autant
           le bonheur artilleur
           fugueur à embarquer à converser
           au plus lointain domaine
 
           le temps fasciné
           né d'une chute suspendue
           mène vers le fleuve sur l'eau
           le commencé
           jusqu'au tout fini
 
 
                      Marie Mélisou  sept. 1999
 
 
" Le temps n'est rien d'autre qu'une distension, 
mais une distension de quoi, je ne sais pas au 
juste, probablement de l'âme elle-même "
                                     St-Augustin
 
 
                     Passant
 
            
             je pense à toi 
             passant
             du tout jamais tout le temps
 
             tes yeux en roue à aubes 
             crissent le sel comme 
             si tu allais mordre
 
             cuirasse du mal connaître
             j'entresuis qui tu étais 
             à hauts sentiments
             au vouloir sans pouvoir
 
             racines d'entrailles en avant 
             gerbes de vols noirs
             tu achèves sauvagement
             chaque ligne à chaleur
 
             je pense à toi
             passant
             du tout jamais souvent
 
 
                         Marie Mélisou  sept. 1999
 
  Si tu le lis
 
 
       si tu le lis
         alors que j'écris petit
       mes mots ont encore un c¦ur
 
Si tu le lis, parce que je l'écris, voici : Durant la 
nuit il est arrivé quelque chose au vent. Troublé d'un 
frémissement plus que grand, une ampleur l'a tiré d'où 
il se vautrait à terre.
 
Ce vent, qui semble être toi déguisé, pose des touches 
de couleurs et porte le bonheur d'un jour né. 
 
Il renifle, monte, tâte, caresse. Il oublie ce que je 
dis. N'entend pas ce que je crie. Il laisse des traces 
de son âme partout, ouverte à tous les sentiers. Chante 
que personne n'est vraiment soi. Ni entièrement autre.
 
Si tu le lis, c'est que je le vis. 
Et que je l'ai dit.
 
 
                    Marie Mélisou   sept 1999