Citons les contextes convergents avec les 4 occurrences précédentes de FÉCOND* dans La Faute de l'Abbé Mouret, soit 12 occ. supplémentaires :

- (I, 2) : Pendant que le prêtre lisait, sur le carton de gauche, l'Evangile de saint Jean, annonçant l'éternité du Verbe, le soleil enflammait l'autel, blanchissait les panneaux de faux marbre, mangeait les clartés des deux cierges, dont les courtes mèches ne faisaient plus que deux taches sombres. L'astre triomphant mettait dans sa gloire la croix, les chandeliers, la chasuble, le voile du calice, tout cet or pâlissant sous ses rayons. Et lorsque le prêtre, prenant le calice, faisant une génuflexion, quitta l'autel pour retourner à la sacristie, la tête couverte, précédé du servant qui remportait les burettes et le manuterge, l'astre demeura seul maître de l'église. Il s'était posé à son tour sur la nappe, allumant d'une splendeur la porte du tabernacle, célébrant les fécondités de mai. Une chaleur montait des dalles. Les murailles badigeonnées, la grande Vierge, le grand Christ lui-même, prenaient un frisson de sève, comme si la mort était vaincue par l'éternelle jeunesse de la terre.

- (I, 4) : Le pays s'étendait à deux lieues, fermé par un mur de collines jaunes, que des bois de pins tachaient de noir; pays terrible aux landes séchées, aux arêtes rocheuses déchirant le sol. Les quelques coins de terre labourable étalaient des mares saignantes, des champs rouges, où s'alignaient des files d'amandiers maigres, des têtes grises d'olivier, des traînées de vignes, rayant la campagne de leurs souches brunes. On aurait dit qu'un immense incendie avait passé là, semant sur les hauteurs les cendres des forêts, brûlant les prairies, laissant son éclat et sa chaleur de fournaise dans les creux. A peine, de loin en loin, le vert pâle d'un carré de blé mettait-il une note tendre. L'horizon restait farouche, sans un filet d'eau, mourant de soif, s'envolant par grandes poussières aux moindres haleines. Et, tout au bout, par un coin écroulé des collines de l'horizon, on apercevait un lointain de verdures humides, une échappée de la vallée voisine, que fécondait la Viorne, une rivière descendue des gorges de la Seille. [...] l'enfantement continu au milieu duquel il marchait.

- (I, 6) : Parfois, en recevant à la face un souffle chaud, il levait les yeux de son livre, cherchant d'où lui venait cette caresse; mais son regard restait vague, perdu sans le voir, sur l'horizon enflammé, sur les lignes tordues de cette campagne de passion, séchée, pâmée au soleil, dans un vautrement de femme ardente et stérile. [...] Bonjour, monsieur le curé, lui dit un paysan qui passa. Des bruits de bêche, le long des pièces de terre, le sortaient encore de son recueillement. Il tournait la tête, apercevait au milieu des vignes de grands vieillards noueux, qui le saluaient. Les Artaud, en plein soleil, forniquaient avec la terre, selon le mot de Frère Archangias. C'étaient des fronts suants apparaissant derrière les buissons, des poitrines haletantes se redressant lentement, un effort ardent de fécondation, au milieu duquel il marchait de son pas si calme d'ignorance. Rien de troublant ne venait jusqu'à sa chair du grand labeur d'amour dont la splendide matinée s'emplissait.

- (I, 14) : Toute la lumière, adoucie, comme verdie par les feuillages, dormait sur la grande Vierge dorée, qui semblait descendre d'un air royal, portée par le nuage où se jouaient des têtes d'anges ailées. On eût dit, à voir la lampe ronde luire au milieu des branches, une lune pâle se levant au bord d'un bois, éclairant quelque souveraine apparition, une princesse du ciel, couronnée d'or, vêtue d'or, qui aurait promené la nudité de son divin enfant au fond du mystère des allées. Entre les feuilles, le long des hauts panaches, dans le large berceau ogival, et jusque sur les rameaux jetés à terre, des rayons d'astres coulaient, assoupis, pareils à cette pluie laiteuse qui pénètre les buissons, par les nuits claires. [...] Elle lui semblait vêtue de soleil, elle s'avançait majestueusement, glorieuse, colossale, si toute-puissante, qu'il était tenté, par moments, de se jeter la face contre terre, pour éviter le flamboiement de cette porte ouverte sur le ciel. [...] c'était la Vierge victorieuse de toutes les hérésies, l'ennemie irréconciliable de Satan, l'Eve nouvelle annoncée comme devant écraser la tête du serpent, la Porte auguste de la grâce, par laquelle le Sauveur était entré une première fois, par laquelle il entrerait de nouveau, au dernier jour, prophétie vague, annonce d'un rôle plus large de Marie, qui laissait Serge sous le rêve de quelque épanouissement immense d'amour. [...] Heure de volupté divine. Les livres de dévotion à la Vierge brûlaient entre ses mains. Ils lui parlaient une langue d'amour qui fumait comme un encens. Marie n'était plus l'adolescente voilée de blanc, les bras croisés, debout à quelques pas de son chevet; elle arrivait au milieu d'une splendeur, telle que Jean la vit, vêtue de soleil, couronnée de douze étoiles, ayant la lune sous les pieds; elle l'embaumait de sa bonne odeur, l'enflammait du désir du ciel, le ravissait jusque dans la chaleur des astres flambant à son front. [...] [Mouret] buvant le lait d'amour infini qui tombait goutte à goutte de ce sein virginal. Chaque matin, dès son lever, au séminaire, il saluait Marie de cent révérences, le visage tourné vers le pan de ciel qu'il apercevait par sa fenêtre; le soir, il prenait congé d'elle, en s'inclinant le même nombre de fois, les yeux sur les étoiles. Souvent, en face des nuits sereines, lorsque Vénus luisait toute BLONDE et rêveuse dans l'air tiède, il s'oubliait, il laissait tomber de ses lèvres, ainsi qu'un léger chant, l'Ave maris stella, l'hymne attendrie qui lui déroulait au loin des plages bleues, une mer douce, à peine ridée d'un frisson de caresse, éclairée par une étoile souriante, aussi grande qu'un soleil. [...] Et d'abord il entrait dans la joie, dans les cinq mystères souriants, baignés des sérénités de l'aube : c'étaient la salutation de l'archange, un rayon de fécondité glissé du ciel, apportant la pâmoison adorable de l'union sans tache; la visite à Elisabeth, par une claire matinée d'espérance, à l'heure où le fruit de ses entrailles donnait pour la première fois à Marie cette secousse qui fait pâlir les mères; les couches dans une étable de Bethléem, avec la longue file des bergers venant saluer la maternité divine; le nouveau-né porté au Temple, sur les bras de l'accouchée, qui sourit [...] une trouée soudaine se faisait dans les ténèbres du crucifiement, la gloire resplendissante des cinq derniers mystères éclatait avec une allégresse d'astre libre. Marie, transfigurée, chantait l'alléluia de la résurrection, la victoire sur la mort, l'éternité de la vie; elle assistait, les mains tendues, renversée d'admiration, au triomphe de son fils, qui s'élevait au ciel, parmi des nuées d'or frangées de pourpre ; elle rassemblait autour d'elle les Apôtres, goûtant comme au jour de la conception l'embrasement de l'esprit d'amour, descendu en flammes ardentes; elle était à son tour ravie par un vol d'anges, emportée sur des ailes blanches ainsi qu'une arche immaculée, déposée doucement au milieu de la splendeur des trônes célestes; et là, comme gloire suprême, dans une clarté si éblouissante, qu'elle éteignait le soleil, Dieu la couronnait des étoiles du firmament. [...] Le jour naissait, qu'il chuchotait encore. C'était la lune, disait-il pour se tromper lui-même, qui faisait pâlir les étoiles. Ses supérieurs devaient le gronder de ces veilles dont il sortait alangui, le teint si blanc, qu'il semblait avoir perdu du sang. [...] il ne garda que le cœur couronné et flambant, arraché à demi de cette chair exquise pour s'offrir à lui. Ce fut alors qu'il se sentit aimé. Marie lui donnait son cœur, son cœur vivant, tel qu'il battait dans son sein, avec l'égouttement rose de son sang. [...] Marie l'aimait tendrement, plus que toutes les femmes ensemble, d'un amour bleu, profond, infini comme le ciel. [...] Elle était le seul miracle de notre époque impie, la dame bleue se montrant aux petits bergers, la blancheur nocturne vue entre deux nuages, elle avait une robe de fiancée, avec des fleurs blanches dans les cheveux, les paupières à demi baissées, laissant couler des regards humides d'espérance qui lui éclairaient les joues. [...] D'abord, il la disait Sainte. Ensuite, il l'appelait Mère, très pure, très chaste, aimable, admirable. Et il reprenait son élan, lui criant six fois sa virginité, la bouche comme rafraîchie chaque fois par ce mot de vierge, auquel il joignait des idées de puissance, de bonté, de fidélité. A mesure que son cœur l'emportait plus haut, sur les degrés de lumière, une voix étrange, venue de ses veines, parlait en lui, s'épanouissant en fleurs éclatantes. [...] Depuis sa sortie du séminaire, l'abbé Mouret avait appris à aimer la Vierge davantage encore. Il lui vouait ce culte passionné où Frère Archangias flairait des odeurs d'hérésie. Selon lui, c'était elle qui devait sauver l'Eglise par quelque prodige grandiose dont l'apparition prochaine charmerait la terre. [...] Au mois de mai, s'il restait si tard à prier dans l'église, c'était avec l'idée folle que la grande Vierge dorée finirait par descendre. Et pourtant, il la redoutait, cette Vierge qui ressemblait à une princesse. Il n'aimait pas toutes les Vierges de la même façon. Celle-là le frappait d'un respect souverain. Elle était la Mère de Dieu; elle avait l'ampleur féconde, la face auguste, les bras forts de l'Epouse divine portant Jésus. Il se la figurait ainsi au milieu de la Cour céleste, laissant traîner parmi les étoiles la queue de son manteau royal, trop haute pour lui, si puissante, qu'il tomberait en poudre, si elle daignait abaisser les yeux sur les siens. [...] Les mains jointes, les regards sur la Vierge d'or se levant comme un astre au milieu des verdures, il cherchait l'assoupissement de l'extase, l'apaisement des troubles étranges qu'il avait éprouvés pendant la journée. [...] il dormit éveillé de cet engourdissement extatique, ne sentant plus ses genoux, se croyant suspendu, balancé ainsi qu'un enfant qu'on endort.

- (I, 11) : A seize ans, lorsque la puberté était venue, Désirée n'avait point eu les vertiges ni les nausées des autres filles. Elle prit une carrure de femme faite, se porta mieux, fit éclater ses robes sous l'épanouissement splendide de sa chair. Dès lors, elle eut cette taille ronde qui roulait librement, ces membres largement assis de statue antique, toute cette poussée d'animal vigoureux. On eût dit qu'elle tenait au terreau de sa basse-cour, qu'elle suçait la sève par ses fortes jambes, blanches et solides comme de jeunes arbres. Et, dans cette plénitude, pas un désir charnel ne monta. Elle trouva une satisfaction continue à sentir autour d'elle un pullulement. Des tas de fumier, des bêtes accouplées, se dégageait un flot de génération, au milieu duquel elle goûtait les joies de la fécondité.

- (I, 15) : C'était un sujet fertile en bonnes résolutions, qui le faisait renoncer à tous les biens de la terre, avec le rêve si souvent caressé d'une vie au désert, sous la seule richesse d'un grand ciel bleu. [...] Le chapitre était là, les prêtres de toutes les paroisses se pressaient, au milieu d'un luxe inouï de costumes, d'un flamboiement d'or allumé par le large rayon de soleil qui tombait d'une fenêtre de la nef.

- (I, 16) : C'étaient de larges pans d'ombre, des arêtes bossuées, des mares de terre sanglantes où les étoiles rouges semblaient se regarder, des blancheurs crayeuses pareilles à des vêtements de femme rejetés, découvrant des chairs noyées de ténèbres, assoupies dans les enfoncements des terrains. La nuit, cette campagne ardente prenait un étrange vautrement de passion. Elle dormait, débraillée, déhanchée, tordue, les membres écartés, tandis que de gros soupirs tièdes s'exhalaient d'elle, des arômes puissants de dormeuse en sueur. On eût dit quelque forte Cybèle tombée sur l'échine, la gorge en avant, le ventre sous la lune, soûle des ardeurs du soleil, et rêvant encore de fécondation.

- (I, 17) : - Vierge fidèle, priez pour moi! répétait désespérément le prêtre. Celle-là ne l'avait jamais troublé. Elle n'était pas mère encore; ses bras ne lui tendaient point Jésus, sa taille ne prenait point les lignes rondes de la fécondité. Elle n'était pas la reine du ciel, qui descendait couronnée d'or, vêtue d'or, ainsi qu'une princesse de la terre, portée triomphalement par un vol de chérubins. [...] Oh! vivre, grandir, en dehors de la honte des sens! Oh! multiplier, enfanter, sans la nécessité abominable du sexe, sous la seule approche d'un baiser céleste!

- (II, 6) : Et les rosiers grimpants, les grands rosiers à pluie de fleurs blanches, habillaient tous ces roses, toutes ces chairs, de la dentelle de leurs grappes, de l'innocence de leur mousseline légère; tandis que, çà et là, des roses lie-de-vin, presque noires, saignantes, trouaient cette pureté d'épousée d'une blessure de passion. Noces du bois odorant, menant les virginités de mai aux fécondités de juillet et d'août; premier baiser ignorant, cueilli comme un bouquet, au matin du mariage.

Outre le jaune brillant, on retrouve l'antithèse chromatique corrélée aux deux pôles évaluatifs
(la médiation s'établissant via l'amour stellaire de Vénus) :
blanc et bleu - pureté virginale - cœur - printanier - céleste - innocence et sacrement chrétien (mariage)
rose et sang - impureté charnelle - corps - estival - terrestre - passion, fécondation et union païenne

- (II, 15) : C'était, au centre, un arbre noyé d'une ombre si épaisse, qu'on ne pouvait en distinguer l'essence. Il avait une taille géante, un tronc qui respirait comme une poitrine, des branches qu'il étendait au loin, pareilles à des membres protecteurs. Il semblait bon, robuste, puissant, fécond ; il était le doyen du jardin, le père de la forêt, l'orgueil des herbes, l'ami du soleil qui se levait et se couchait chaque jour sur sa cime. De sa voûte verte, tombait toute la joie de la création: des odeurs de fleurs, des chants d'oiseaux, des gouttes de lumière, des réveils frais d'aurore, des tiédeurs endormies de crépuscule. Sa sève avait une telle force, qu'elle coulait de son écorce; elle le baignait d'une buée de fécondation ; [cf. les "gouttes d'or légères des pistils"].

- (III, 12) : Dans cette clairière, ils s'étaient oubliés un soir, fort tard, à regarder les étoiles, qui pleuvaient sur Serge et Albine comme des gouttes de chaleur. [...] Comme au jour de leurs noces, une langueur d'alcôve, une lueur de nuit d'été mourant sur l'épaule nue d'une amoureuse, un balbutiement d'amour à peine distinct, tombant brusquement à un grand spasme muet, traînaient dans la clairière, baignée d'une limpidité verdâtre. Et, au loin, le Paradou, malgré le premier frisson de l'automne, retrouvait, lui aussi, ses chuchotements ardents. Il redevenait complice. Du par terre, du verger, des prairies, de la forêt, des grandes roches, du vaste ciel, arrivait de nouveau un rire de volupté, un vent qui semait sur son passage une poussière de fécondation.

- (II, 15) : Des coins les plus reculés, des nappes de soleil, des trous d'ombre, une odeur animale montait, chaude du rut universel. Toute cette vie pullulante avait un frisson d'enfantement. Sous chaque feuille, un insecte concevait; dans chaque touffe d'herbe, une famille poussait; des mouches volantes, collées l'une à l'autre, n'attendaient pas de s'être posées pour se féconder. Les parcelles de vie invisibles qui peuplent la matière, les atomes de la matière eux-mêmes, aimaient, s'accouplaient, donnaient au sol un branle voluptueux, faisaient du parc une grande fornication.

On est proche ici des "atomes fécondants" dont parle Maupassant avec nostalgie (Une Vie). Et quel que soit le pessimisme qui entache les deux contextes suivants, les co-occurrences demeurent, symboles de vie :

- L'Œuvre, ch. 11 : Quand la terre claquera dans l'espace comme une noix sèche, nos œuvres n'ajouteront pas un atome à sa poussière! Ça, c'est bien vrai, conclut Sandoz très pâle. A quoi bon vouloir combler le néant ?

- Le Rêve, ch. 13 : Cette eau bénite, ainsi répandue partout, c'était pour chasser d'abord les mauvais esprits, volant par milliards, invisibles. A ce moment, un pâle rayon de soleil d'hiver glissait jusqu'au lit; et tout un vol d'atomes, des poussières agiles, semblaient y vivre, innombrables, descendus d'un angle de la fenêtre comme pour baigner de leur foule tiède les mains froides de la mourante.

Pour en revenir à La Faute de l'Abbé Mouret (roman qui, suivi du Docteur Pascal et d'Une page d'amour, comporte la majorité des occurrences de "étoile*"), on y relève en outre l'extension du comparant astral au comparé floral (après d'autres comparés). Cela n'a rien de surprenant si l'on se reporte à la féminisation du ciel et de la nature, mais aussi à la comparaison inverse qui végétalisait l'Albine céleste, toujours par la blondeur :

- (II, 7) : Ils traversèrent ensuite des champs de véroniques aux grappes violettes, des champs de géraniums et de pélargoniums, sur lesquels semblaient courir des flammèches ardentes, le rouge, le rose, le blanc incandescent d'un brasier, que les moindres souffles du vent ravivaient sans cesse. Ils durent tourner des rideaux de glaïeuls, aussi grands que des roseaux, dressant des hampes de fleurs qui brûlaient dans la clarté, avec des richesses de flamme de torches allumées. Ils s'égarèrent au milieu d'un bois de tournesols, une futaie faite de troncs aussi gros que la taille d'Albine, obscurcie par des feuilles rudes, larges à y coucher un enfant, peuplée de faces géantes, de faces d'astre, resplendissantes comme autant de soleils. Et ils arrivèrent enfin dans un autre bois, un bois de rhododendrons, si touffu de fleurs que les branches et les feuilles ne se voyaient pas, étalant des bouquets monstrueux, des hottées de calices tendres qui moutonnaient jusqu'à l'horizon.



On retrouvera cette thématique (certes dans un paganisme dû à l'absence du religieux chrétien et à la transposition estivale, plus torride) dans La Terre (1887), cet autre roman de la fécondation humaine, animale et végétale, dont le mélange et l'insistance activent l'afférence /transgression/ (il s'agit d'une provocation, y compris pour un lecteur adepte du naturalisme comme en témoigne le scandale des Cinq iconoclastes du Maître Zola) :

Lorsque Jean les eut laissées à leur porte, il continua sa route, à travers la plaine. La neige avait cessé, le ciel était redevenu vif et clair, criblé d'étoiles, un grand ciel de gelée, d'où tombait un jour bleu, d'une limpidité de cristal; et la Beauce, à l'infini, se déroulait, toute blanche, plate et immobile comme une mer de glace. Pas un souffle ne venait de l'horizon lointain, il n'entendait que la cadence de ses gros souliers sur le sol durci. C'était un calme profond, la paix souveraine du froid. Tout ce qu'il avait lu lui tournait dans la tête, il ôta sa casquette pour se rafraîchir, souffrant derrière les oreilles, ayant besoin de ne plus penser à rien. L'idée de cette fille enceinte et de sa sœur le fatiguait aussi. Ses gros souliers sonnaient toujours. Une étoile filante se détacha, sillonna le ciel d'un vol de flamme, silencieuse. [...] La couche était mince, d'une légèreté et d'une pureté d'hermine, dessinant les arêtes des sillons, laissant deviner les membres engourdis de la terre. Comme les semences devaient dormir! quel bon repos dans ces flancs glacés, jusqu'au tiède matin, où le soleil du printemps les réveillerait à la vie!

Toujours à la Borderie, quelques chapitres plus loin (III, 4) :

Le grand soleil d'août montait dès cinq heures à l'horizon, et la Beauce déroulait ses blés mûrs, sous le ciel de flamme. Depuis les dernières averses de l'été, la nappe verte, toujours grandissante, avait peu à peu jauni. C'était maintenant une mer BLONDE, incendiée, qui semblait refléter le flamboiement de l'air, une mer roulant sa houle de feu, au moindre souffle. Rien que du blé, sans qu'on aperçût ni une maison ni un arbre, l'infini du blé! Parfois, dans la chaleur, un calme de plomb endormait les épis, une odeur de fécondité fumait et s'exhalait de la terre. [...] Il se rua sous les jupes, l'empoigna aux cuisses, comme l'autre. - Non, non, balbutia-t-elle, je t'en prie... c'est sale... Mais elle ne se défendit point. Elle n'eut qu'un cri de douleur. [...] Mais le bleu du ciel avait pâli, d'une pâleur de voûte chauffée à blanc; et, du soleil attisé, il tombait des braises. C'était, après le déjeuner, l'heure lourde, accablante de la sieste. [...] elle retrouvait la même rudesse, la même âcreté du mâle, fumant de gros travail au soleil. [...] Il fit un saut brusque, et cette semence humaine, ainsi détournée et perdue, tomba dans le blé mûr, sur la terre, qui, elle, ne se refuse jamais, le flanc ouvert à tous les germes, éternellement féconde. [...] Quelque vaisseau avait dû se rompre, un filet de sang coulait de sa bouche. Mais elle s'en allait plus encore d'épuisement, sous des besognes de bête surmenée, si sèche au milieu du chaume, si réduite à rien qu'elle n'y était qu'une loque, sans chair, sans sexe, exhalant son dernier petit souffle dans la fécondité grasse des moissons. [...] dans le déroulement des labours, Jean retrouvait les semeurs, à l'infini, avec leur geste continu, l'ondée vivante de la semence, qui pleuvait sur les sillons ouverts [...] fécondait la terre [...], la terre, fécondée de son effort, passionnément aimée et désirée pendant cette intimité chaude de chaque heure, comme la femme d'un autre que l'on soigne, que l'on étreint et que l'on ne peut posséder; la terre, après des siècles de ce tourment de concupiscence, obtenue enfin, conquise, devenue sa chose, sa jouissance, l'unique source de la vie. [...] cette première année de possession fut pour Buteau une jouissance. A aucune époque, quand il s'était loué chez les autres, il n'avait fouillé la terre d'un labour si profond: elle était à lui, il voulait la pénétrer, la féconder jusqu'au ventre. [...] Buteau tomba sur sa femme. Qu'est-ce qu'elle foutait encore là, étendue comme une truie, à chauffer son ventre au soleil? Ah! quelque chose de propre, une fameuse courge à faire mûrir! Elle s'égaya de ce mot, ayant gardé sa gaieté de grasse commère : c'était peut-être bien vrai que ça le mûrissait, que ça le poussait, le petiot; et, sous le ciel de flamme, elle arrondissait ce ventre énorme, qui semblait la bosse d'un germe, soulevée de la terre féconde.

Le visuel le cède à l'auditif pour un même décor, dans un effet d'écho à trois chapitres de distance : "La Beauce, à l'infini, s'étendait, écrasée sous un sommeil de plomb. On en sentait la désolation muette, les chaumes brûlés, la terre écorchée et cuite, à une odeur de roussi, à la chanson des grillons qui crépitaient comme des braises dans de la cendre." (IV, 1)

Avec ce jaune de maturation terrienne, l'incendie céleste renoue avec le sang, couleur logique pour symboliser cet élan vital héréditaire de la sève familiale, tel que l'annonçait le premier volume de la saga La Fortune des Rougon (1871), présentant le spécialiste médical de la généalogie, qui deviendra le héros du dernier volume, ce qui confère une importance indéniable à ce passage descriptif :

Pascal fixait un regard pénétrant sur la folle, sur son père, sur son oncle; l'égoïsme du savant l'emportait; il étudiait cette mère et ces fils, avec l'attention d'un naturaliste surprenant les métamorphoses d'un insecte. Et il songeait à ces poussées d'une famille, d'une souche qui jette des branches diverses, et dont la sève âcre charrie les mêmes germes dans les tiges les plus lointaines, différemment tordues, selon les milieux d'ombre et de soleil. Il crut entrevoir un instant, comme au milieu d'un éclair, l'avenir des Rougon-Macquart, une meute d'appétit lâchés et assouvis, dans un flamboiement d'or et de sang.


Les deux seules occ. de ce mot "vautrement" (14 occ. de "vautr*"), ainsi que les 7 occ. de "forni*" sur 11 au total, dans ce roman, en font une spécificité. Pareille douceur irradiante de l'archange (I, 14) incite à la dissimilation avec Frère Archangias, dont la rigidité puritaine le pousse à dévaloriser et rejeter toute forme de fécondation. Le mot "vautrement", dont l'évaluation, positive ou négative, est plus perceptible que le sème /mouvement circulaire/ de l'action de se rouler, demeure pejoratif, y compris dans certains passages de La Faute de l'Abbé Mouret ("Alors venaient les autres tentations : l'or, la puissance, la vie libre, une nécessité irrésistible de jouir, qui ramenait tout à la grande luxure, vautrée sur un lit de richesse et d'orgueil."), en dépit d'autres où il entre dans une série de personnifications mélioratives du soleil.
Ainsi dans le dernier chapitre de La Faute de l'Abbé Mouret (III, 16), "Lise, la vache, était en train d'accoucher" au moment où Albine est morte enterrée. Soit la paire /inchoatif/ + /euphorie/, sur le générique /animal/ personnifié (au contraire de Désirée animalisée et végétalisée, ci-dessus). Cela est emblématique de l'évaluation méliorative qui affecte le thème de la fécondation dans le roman, qui est propagé par corrélation au thème astronomique, à la différence de La Terre, où la pesanteur charnelle induit une dépréciation qui rompt avec le climat spirituel et contemplatif de la dorure céleste.

N.B.: L'importance du sème /fécondité/ couplé à la paire d'antonymes /fértilité/ vs /stérilité/ dans la structuration des "champs lexicaux" - au cours d'une expérimentation en milieu pédagogique, "Lire Zola à l'école élémentaire" - a été mise en lumière par l'approche sémio-linguistique de P. Marillaud (in Actes du 18e colloque d'Albi Langages et signification, 1997). Sa citation des dernières lignes de Germinal (1885) :

[...] Maintenant, en plein ciel, le soleil d'avril rayonnait dans sa gloire, échauffant la terre qui enfantait. Du flanc nourricier jaillissait la vie, les bourgeons crevaient en feuilles vertes, les champs tressaillaient de la poussée des herbes. De toutes parts, des graines se gonflaient, s'allongeaient, gerçaient la plaine, travaillées d'un besoin de chaleur et de lumière. Un débordement de sève coulait avec des voix chuchotantes, le bruit des germes s'épandait en un grand baiser. Encore, encore, de plus en plus distinctement, comme s'ils se fussent rapprochés du sol, les camarades tapaient. Aux rayons enflammés de l'astre, par cette matinée de jeunesse, c'était de cette rumeur que la campagne était grosse. Des hommes poussaient, une armée noire, vengeresse, qui germait lentement dans les sillons, grandissant pour les récoltes du siècle futur, et dont la germination allait faire bientôt éclater la terre.

confirme la polarisation casuelle avec /causatif/ pour les "rayons enflammés de l'astre", associés à "il semblait que tout le noir du Voreux, toute la poussière volante de la houille se fût abattue sur la plaine, poudrant les arbres, sablant les routes, ensemençant la terre" (I, 6), et /résultatif/ pour la germination, littéralement végétale, figurément de la révolution sociale (ce qui induit la réécriture de "récolte" en "révolte" légitimée par cette relation de causalité naturelle). Ce plan historique constitue l'enjeu politique du roman, dans lequel par ailleurs le pic quantitatif du vocable communiste "camarades" crédité de 154 occ. (sur 410) est révélateur.
La molécule sémique étudiée, définitoire de l'acte de fécondation, est bien récurrente, avec ses composants ici plus ou moins mis en saillance (/expansion/, /inchoatif/, /feu/, /éclairement/, /liquidité/, /euphorie/, /sacralité/, /itératif-duratif/ des imparfaits, /continuité/).


Cf. La joie de vivre (1884), où la dépréciation corporelle très "naturaliste" est indexée à l'isotopie /violence/ :

- (chap 8) : elle respirait son odeur de femme, comme un bouquet épanoui dans l'attente de la fécondation. [...] Mais elle se pencha davantage. La coulée rouge d'une goutte de sang, le long de sa cuisse, l'étonnait. Soudain elle comprit : sa chemise, glissée à terre, semblait avoir reçu l'éclaboussement d'un coup de couteau.

- (chap. 10) : C'était un regret immense de son existence manquée, de son sexe de femme qui dormirait stérile. La crise dont elle avait agonisé pendant la nuit des noces recommençait, en face de cette naissance. Justement, le matin, elle s'était éveillée ensanglantée du flux perdu de sa fécondité ; et, à ce moment même, après les émotions de cette terrible nuit, elle le sentait couler sous elle, ainsi qu'une eau inutile. Jamais elle ne serait mère, elle aurait voulu que tout le sang de son corps s'épuisât, s'en allât de la sorte, puisqu'elle n'en pouvait faire de la vie.

Ce roman (où la chaîne ACCOUCH* domine avec 23 occ. sur 87, dont 20 dans ce seul chapitre 10) est d'ailleurs celui où 'comète' est la seule occurrence sur les 8 relevées à se prendre au sens littéral et évaluée négativement ; ne bénéficiant pas du statut de comparant (poétique), elle hérite du pessimisme schopenhauerien du protagoniste.

Dans La Faute de l'Abbé Mouret, le flux rouge affecte la nature féconde :

- (III, 9) : les mares de terre rouge, les rares champs conquis à coups de pioche, se mirent à couler et à gronder, ainsi que des rivières échappées, charriant dans le flot de leur sang des conceptions de semences, des éclosions de racines, des copulations de plantes.

Pour aussitôt subir une dévaluation qui reflète le point de vue doxal :

- (III, 12) : Seules, les grandes roches, à cette heure, étaient encore chaudes de la braise rouge du soleil couchant. Elles avaient toujours leur passion tragique, leurs lits ardents de cailloux, où se roulaient des plantes grasses, monstrueusement accouplées.

Or cet épanchement rouge dont la chaleur enflamme le prêtre dans sa passion est rapporté à une émanation infernale : "Ah! le damné! bégaya le Frère cloué sur place, en arrêt. Le diable lui jette toute la braise de l'enfer sous les pieds." (III, 5)

Dans L'Œuvre, la "maternité saignante" qui est en connexion symbolique avec le difficile accouchement des paysages par le peintre,

- (chap. 11) : quelle souffrance de ne jamais se donner entier, dans le chef-d'œuvre dont il ne pouvait accoucher son génie! [...] ce vieux regain de romantisme qui lui faisait incarner dans cette nudité la chair même de Paris, la ville nue et passionnée, resplendissante d'une beauté de femme. Et il y mettait encore sa propre passion, son amour des beaux ventres, des cuisses et des gorges fécondes, comme il brûlait d'en créer à pleines mains, pour les enfantements continus de son art [...] maintenant, il avait une brusque certitude, il se survivait, son talent était mort, jamais plus il n'enfanterait des œuvres vivantes

est synonyme de fécondité, comme en témoigne le chapitre suivant où l'inspiration vient du tableau de la nature précédente :

Claude, en manches de chemise malgré la rude température, n'ayant mis dans sa hâte qu'un pantalon et des pantoufles, était debout sur sa grande échelle, devant son tableau. Sa palette se trouvait à ses pieds, et d'une main il tenait la bougie, tandis que de l'autre il peignait. Il avait des yeux élargis de somnambule, des gestes précis et raides, se baissant à chaque instant, pour prendre de la couleur, se relevant, projetant contre le mur une grande ombre fantastique, aux mouvements cassés d'automate. Et pas un souffle, rien autre, dans l'immense pièce obscure, qu'un effrayant silence. Frissonnante, Christine devinait. C'était l'obsession, l'heure passée là-bas, sur le pont des Saints-Pères, qui lui rendait le sommeil impossible, et qui l'avait ramené en face de sa toile, dévoré du besoin de la revoir, malgré la nuit.

Comme pour les deux autres occ. du syntagme suivant qui oppose la vie charnelle à la mort picturale :

- (chap. 3) : "Ah! la vie, la vie! la sentir et la rendre dans sa réalité, l'aimer pour elle, y voir la seule beauté vraie, éternelle et changeante, ne pas avoir l'idée bête de l'anoblir en la châtrant, comprendre que les prétendues laideurs ne sont que les saillies des caractères, et faire vivre, et faire des hommes, la seule façon d'être Dieu!" Sa foi revenait, la course à travers Paris l'avait fouetté, il était repris de sa passion de la chair vivante.

- (chap. 9) : La mère semblait hébétée, le père retournait déjà devant sa toile, l'œuvre à créer, dont l'illusion passionnée combattait en lui la réalité douloureuse de son enfant, cette chair vivante de sa chair.

Quant aux trois occurrences restantes du syntagme (sur 9 au total), celle du Rêve demeure méliorative; indexée à l'isotopie /religion chrétienne/, elle renoue avec la métamorphose féconde relevée dans La Faute :

Aussitôt, les saints répondent, les accablent : des hosties sont changées en chair vivante, des images du Christ laissent échapper du sang, des bâtons plantés en terre fleurissent, des sources jaillissent, des pains chauds se multiplient aux pieds des indigents [...]

En revanche les deux dernières sont péjoratives par l'isotopie /boucherie/ de La Débâcle :

vautré sur le corps de la bête, un bras passé à son cou, il enfonça cette lame, fouilla dans cette chair vivante, tailla des morceaux jusqu'à ce qu'il eût trouvé et tranché l'artère.

De façon moins évidente, par l'isotopie /relation maternelle/ indexant la mère timorée face à sa fille nue, dans Pot-Bouille :

outre la peur de la casser, il entrait dans sa maladresse une vague répugnance de cette chair vivante.


Outre fécond*, on relève dans La Faute de l'Abbé Mouret la dominance de 22 occ. de épanoui* dans le même contexte; cf. par exemple (III, 7) : "cette vie toute charnelle dans la chaleur fécondante d'un troupeau de bêtes, cet épanouissement purement animal".


A partir de la déclaration de Mouret à la Vierge, on relève la reprise de syntagmes indexés à l'isotopie /fécondité/ :

- (I, 17) : Vous n'auriez autour de vous que des têtes BLONDES, un peuple d'enfants qui vous aimeraient, les mains pures, les lèvres saines, les membres tendres, sans une souillure, comme au sortir d'un bain de lait.

- (II, 5) : Albine l'adossa contre le mûrier, dans la pluie de soleil tombant des branches. Puis, elle le laissa, elle s'en alla d'un bond, en lui criant de ne pas bouger. Serge, les mains pendantes, tournait lentement la tête, en face du parc. C'était une enfance. Les verdures pâles se noyaient d'un lait de jeunesse, baignaient dans une clarté BLONDE.

Celle-ci demeure euphorique dans Le Rêve (ch. 9), même si le stellaire est nié : "Au ciel, la lune peu à peu montante, cachée derrière le voile de vapeurs chaudes, les blanchissait d'une transparence laiteuse. Toute la voûte, sans une étoile, en était emplie d'une poussière de clarté, qui pleuvait muette dans la sérénité de la nuit."

N.B.: Chez Hugo c'était logiquement la Voie Lactée qui proclamait : "Mon immensité vit, radieuse et féconde \ J'ignore par moments si le reste du monde, \ Errant dans quelque coin du morne firmament, \ Ne s'évanouit pas dans mon rayonnement" (La Légende des siècles, 1877), méprisante à l'égard des comètes et autres "grains de lumière".
Quant aux 10 occ. du syntagme "la Blonde Vénus", ils servent à caractériser l'actrice charnelle éponyme de Nana (1880).


SUR LE MELANGE DES SAISONS. Si les extraits de La Faute de l'Abbé Mouret décrivent avec abondance la floraison printanière (sème aspectuel /inchoatif/ contrebalancé par /cessatif/ des couchants, comme l'incendie : "le feu se mourait en braise" lit-on dans Nana, chap. 6) et estivale, par contraste avec la neige hivernale de La Bête humaine et le ciel nocturne automnal du Docteur Pascal, en revanche les volumes intermédiaires sont plus contradictoires concernant le choix des saisons pour le ciel des comètes. En effet dans Une Page d'amour Hélène se complaît certes dans la durée imperfective de "ces heures passées au fond du jardin, dans la sérénité du printemps naissant" (II, 5), lesquelles se poursuivent en "regardant le ciel d'été", mais quelques lignes plus bas l'incendie du Paris nocturne donne lieu à la comparaison avec "des nuits d'hiver" (III, 5). Quant à l'extrait cité de L'Œuvre (chap. 11), il incite le lecteur, par un rapprochement intra-textuel, à opérer une connexion métaphorique entre "la nuit d'août" et le "Paris allumé d'une nuit d'hiver". De même l'orage initial (chap. 1) a certes lieu lors d'une "nuit brûlante de juillet", et "des pluies continues avaient attristé le milieu d'août", mais son brasier de sang nocturne se retrouve tel quel cette fois dans la période allant des "grands froids de décembre" à "février" (chap. 4). Pouquoi pareille ambivalence, si ce n'est pour harmoniser les saisons opposées, par des constantes de teintes et de paysages, du type de celles des tableaux impressionnistes ?


Cf. déjà (I, 2) : "la Mère de Dieu, dans une gloire, dans l'éblouissement de sa couronne et de son manteau d'or, sourit tendrement à l'enfant Jésus".
Cooccurrence lexicale présente dans les romans cités, avec Hélène face au lingot d'or de la Seine (
Une page d'amour), dans son "éblouissement d'astre" (I, 2), de même que Christine et Claude devant le "Paris triomphal" au coucher (L'Œuvre); mais surtout les spectateurs du passage de la Lison surpris par son phénomène astral (La Bête humaine).
Dans ces trois romans, la sacralité que confère le mot, ainsi que prodige par exemple, est d'ordre esthétique-pictural (non plus religieuse comme dans La Faute de l'Abbé Mouret, dans Le Rêve, ou même dans Au Bonheur des dames, voire Germinal de façon manichéenne : "tout le malheur disparaissait, comme balayé par un grand coup de soleil; et, sous un éblouissement de féerie, la justice descendait du ciel").
On citera encore cet extrait de La Curée où l'effet visuel du terrestre-artificiel remonte au céleste-naturel : "c'était un éblouissement; le soleil oblique faisait de la rondeur de l'eau un grand miroir d'argent poli, reflétant la face éclatante de l'astre." Comme dans L'Assommoir. L'Argent lui-même en étant comparé à un phénomène atmosphérique, perd sa basse matérialité.


Citons à ce propos M. Ballabriga, qui évoque ce topos, depuis l’hymne latine de Rosette Mociornitza (vers le Xème siècle) « Ave, maris stella », largement répandu en musique et poésie : cf. G. Nouveau, Ch. Péguy, et surtout le poème de Heredia intitulé Maris Stella (Les Trophées) qui évoque la prière des femmes en faveur des marins, prière à Marie en direction de « l’étoile sainte », Vénus (in L'étoile a pleuré rose, site TEXTO!, 2005).