Comité Cambodgien de Vigilance
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LES ELECTIONS GENERALESEn vertu de larticle 6 de lAccord de Paris et conformément à la résolution 745 du Conseil de Sécurité en date du 28 février 1992, lAPRONUC est mandatée pour préparer et organiser les élections générales, libres et équitables au Cambodge. Toutes les dispositions doivent être prises par ses soins aux fins dinstaurer un environnement neutre, délaborer une loi électorale respectant les aspirations profondes du peuple cambodgien, de superviser et dassurer le bon déroulement de ces élections.
I - LABSENCE DUN RECENSEMENTPour assurer le bon déroulement délections générales, il convient sans aucun doute, dans le contexte du pays, de procéder à un recensement de la population cambodgienne. Cette opération est jugée fondamentale par tous. De plus, les résultats dun tel recensement auraient pu servir de base aux projets socio-économiques dans les étapes ultérieures de réhabilitation et de reconstruction du Cambodge. Rappelons que le dernier recensement remonte à lannée 1962 ; la guerre ayant ravagé le pays durant plus de vingt ans et sétant accompagnée dénormes flux migratoires et que le Cambodge a grand besoin de données démographiques fiables. Le Japon a été sollicité par la communauté internationale pour diriger cette opération. Cela a été accueilli avec beaucoup denthousiasme par les Cambodgiens, au départ très confiants en la sagesse et le bon sens de lAPRONUC. Le CNS a donné son accord à lunanimité et sest tenu prêt à coopérer avec lAPRONUC pour mettre fin aux batailles des chiffres sur la population cambodgienne. Tout laisse donc croire que le Japon va remplir la mission qui lui a été confiée avec son sérieux habituel. Un projet de recensement informatisé a été établi et tous les paramètres doivent être pris en compte. Il reste à fixer le choix de méthode de recensement : faut-il procéder par la méthode statistique comme en Allemagne et en Suisse, ou organiser un comptage direct comme en France où en 1990 chaque foyer a rempli un formulaire ? La méthode statistique, quoique très pratique et efficace, exige des données statistiques de base très précises. Celles-ci sont à tout moment disponibles dans un pays comme lAllemagne, ce nest pas le cas au Cambodge. Le procédé couramment pratiqué dans le monde, à savoir un recensement par comptage direct, a donc été retenu par le Japon. Mais le projet en est resté au stade de la conception, sans un moindre signe dévolution. Lopinion publique sest demandée quelles ont été les raisons qui ont motivé la décision de lAPRONUC de suspendre purement et simplement le projet. Cette décision est hautement regrettable. Dautant quen déclarant dune façon arbitraire que plus de 4,7 millions de cambodgiens se sont inscrits pour voter, lAPRONUC a semé un doute sérieux sur lexactitude dun chiffre considéré comme infondé par les démographes et exorbitant par les organismes internationaux. En effet, en fonction des estimations de la population cambodgienne, régulièrement effectuées et publiées, et même en tenant compte de légères disparités des chiffres, on peut établir formellement que la population cambodgienne ne peut en aucun cas excéder 9 millions. Dautre part, il sagit dune population très jeune. 48 à 50 % des individus ont moins de 15 ans (voir tableau des estimations ci-dessous). Et conformément à lArticle 14 de la Loi Electorale, ces derniers nont pas atteint lâge de sinscrire sur les listes électorales. Voici quelques estimations de la population cambodgienne : 7,6 millions (par le démographe EA MENG TRY en 1987) 7.8 à 8 millions (par lONG AEDES en 1989) 8 millions (par ESPRIT KHMER en 1990) 7,15 millions (par US bureau of the census en 1991) 8.8 millions (Estimation UNDP 1992 rapportée par Staits Times du 10 avril 1993) Il faut dautre part, tenir compte de la population vivant dans les zones contrôlées par les Khmers rouges, qui selon certaines estimations, représente à peu près 5 % de la population totale. En principe, cette population ne sest pas inscrite sur les listes électorales. On en déduit que le nombre des cambodgiens en âge de voter ne peut dépasser 4,5 millions. Le chiffre avancé par lAPRONUC nest donc pas justifié. Soit il est totalement erroné, soit il inclut une population étrangère. Dans les deux cas, il y a atteinte à la loi électorale dans son fondement même. Lannulation de lopération de recensement initialement prévue dénote déjà le manque de rigueur et de sérieux dans la préparation de ces élections. II - CAMPAGNE ELECTORALEII. 1 - ENVIRONNEMENT MEDIATIQUEDans un souci dimpartialité dans la conduite de ces élections, la loi prévoit des dispositions concrètes, notamment concernant laccès aux médias durant la période de campagne électorale. Cest ainsi que lArticle 36 stipule : De façon que tous les partis politiques disputant lélection aient équitablement accès aux médias (presse, télévision et radio notamment), tous les journaux et les chaînes de télévision contrôlées par les autorités publiques au Cambodge sont mis gratuitement à la disposition du Représentant Spécial à des fins de publicité et déducation électorales liées aux élections. Et larticle 38 sur la radio et la télévision précise : Tous les services de radio et TV doivent donner du temps dantenne à tous les partis enregistrés et à leurs candidats, selon une répartition déterminée par le Représentant Spécial pour quils fassent connaître leur politique. Lapplication de ces mesures a beaucoup tardé à venir et a anéanti leffet attendu. En effet, durant toute cette période préélectorale, lEDC-PPC a détenu seul le contrôle de la radio et la télévision, diffusant la propagande du parti et lAPRONUC a renoncé, jusquà la veille du scrutin, à ramener sous son contrôle tous ces instruments médiatiques. Aucun temps donde ni dantenne na longtemps été attribué aux autres partis comme il a été prévu. Le FUNCINPEC a dû créer sa propre petite radio et les autres petits partis ont tout simplement été privés de moyens dexpression. LAPRONUC est entièrement responsable de cette situation. En prévision dun climat très tendu se traduisant parfois par des actes de violence, elle a tenu à expliciter le code de conduite des uns et des autres. LArticle 39 précise : Tous les partis et candidats inscrits exerçant leur droit daccès aux médias sabstiennent de promouvoir la violence, le mensonge ou la confusion, de chercher à enceindre le caractère confidentiel du scrutin ou de faire appel à linvective. Le Représentant Spécial peut suspendre le droit daccès aux médias de tout parti ou candidat ne respectant pas la présente règle. LArticle précité est loin davoir été respecté dans la pratique. Il est largement demeuré au stade de la clause de bonne intention. En fait, la radio et la télévision contrôlées et supervisées par les hommes de lEDC-PPC ont diffusé à grands flots les dénigrements et les accusations à lencontre des dirigeants des partis politiques adverses. Ces agissements ont soulevé de vives protestations de certains responsables de lAPRONUC qui ont demandé à M. Akashi, des mesures urgentes pour remédier la situation. Face à la montée de la contestation dans ses propres rangs, à la pression des associations khmères et surtout aux réserves émises par le FUNCINPEC et le PDLB, à leur menace de se retirer de la compétition électorale si le climat continue à se dégrader, lAPRONUC et les grandes puissances se sont, à la dernière minute, ressaisies. Ce nest que vers la fin davril, cest-à-dire à un mois de la date des élections, que le PPC sest vu contraindre par lAPRONUC, de laisser le FUNCINPEC diffuser des programmes de télévision à partir de Phnom Penh. Cette reprise en main tardive sest vraiment concrétisée par une sévère mise en garde adressée le 16 mai par le responsable du département information/éducation, M. Timothy Carney, à la chaîne de TV IBC lui reprochant son parti pris en faveur du PPC. La première chaîne de TV privée de lhistoire du Cambodge a émis de 17 heures à 21 heures, depuis le 13 mai, à la faveur dune concession de 99 ans accordée par lEDC et dénoncée par le FUNCINPEC comme une atteinte à la propriété de lEtat. II. 2 - CLIMAT DE VIOLENCELAPRONUC a reconnu que la violence est une pratique constamment utilisée par certains partis politiques engagés dans le processus électoral contre leurs opposants. Dans la plupart des cas, la responsabilité en a été attribuée au PPC. Le rapport final de la composante Droits de lHomme, établi en septembre 1993, est très révélateur. Durant la seule période de novembre 1992 à janvier 1993, le FUNCINPEC et le PDLB ont déploré 96 morts et blessés dans leurs rangs, tous victimes des attaques à motivation politique. Certaines enquêtes des agents de lAPRONUC ont permis de déceler les vrais coupables et des rapports circonstanciés ont été dressés. Citant un cas type de crime, un des observateurs de lAPRONUC en poste à Prey Veng a rapporté en substance les faits suivants : Le 2 novembre 1992, M. Att Sidorn, membre du PDLB, et sa mère ont été tués par balle à Veal, district de Ba Phnom, province de Prey Veng, par 5 hommes armés. Deux dentre eux sont entrés dans la maison de M. Sidorn, attachaient ses mains derrière son dos et battaient sa femme avec les crosses de leurs fusils. Ils tiraient 4 balles sur M. Sidorn quand sa femme tentait darrêter le massacre. En entendant le bruit des coups de feu, sa mère accourrait en hurlant : elle fut abattue par des hommes postés à lextérieur de la maison. Mme Sodorn a identifié deux des assaillants qui sont des agents locaux du PPC. En dépit de cela aucune action nest prise à lencontre de ces hommes. Les enquêteurs de la composante " droit de lhomme " ont conclu que le meurtre avait une motivation politique du fait que M. Sidorn a des activités politiques soutenant le PDLB. Le climat sest dégradé à un point tel que le prince Norodom Sihanouk na pu rester indifférent. Il a lancé un appel de Pékin à tous les partis politiques et leur a demandé de ne pas recourir à la violence et de respecter les Accords de Paris. Ce nest que vers fin décembre 1992 que le représentant Spécial de lONU, sur proposition de la composante Droits de lHomme a annoncé létablissement dun parquet et nommé un procureur chargé de poursuivre tout coupable dacte de violence. Il a ordonné également des déploiements des forces militaires de lAPRONUC et des patrouilles de la Police Civile pour garder et protéger les sièges des partis politiques opposants du PPC-SOC. Le nombre de crimes à motivation politique perpétrés par lEDC-PPC a sensiblement diminué dans les deux mois qui ont suivi la prise de ces nouvelles dispositions, mais des harcèlements et attaques des sièges des partis opposants continuaient, bien que moins fréquemment. Profitant de lapparente accalmie qui règne, les partis opposants au PPC ont alors entrepris de mener plus ou moins ouvertement campagne à léchelon des provinces. La réplique a été immédiate : les déplacements de leurs membres sont suivis de très près par la police locale de lEDC, des mesures de pression et dintimidation ont été prises et même des actes de violence ont été commis à leur encontre. Latmosphère est revenue à la terreur et les responsables du FUNCINPEC et du PDLB ont présenté de nombreuses requêtes au nom du CNS au Représentant Spécial, assorties dun état mentionnant le nombre et les noms de leurs membres, victimes des crimes perpétrés par lEDC-PPC. Leurs doléances ont été très mal reçues par le Représentant Spécial qui sest contenté de réponses et de condamnations évasives de ces actes. En dépit des démarches fréquentes auprès des autorités de lEDC-PPC, une nette recrudescence des incidents a été observée à partir du mois de mars 1993 jusquà la date de louverture du scrutin. LAPRONUC a enregistré durant cette période 114 cas de crimes prémédités engendrant morts et blessés et perpétrés en majorité à lencontre des partisans du FUNCINPEC et du PDLB (cf. Rapport circonstancié de lAPRONUC sur les incidents durant la période du 1er mars au 14 mai 1993 et transmis à Samdech Norodom Sihanouk par M. Akashi le 25 mai 1993). Les enquêtes menées par les agents de la composante Droits de lHomme ont permis de trouver les coupables qui appartiennent tous à lEDC-PPC et de conclure que dans la plupart des cas, la motivation politique est le seul mobile. Dans son rapport final du mois de septembre 1993, cette composante a relaté un autre cas dassassinat qui dénonce limpuissance de lAPRONUC, notamment dans le domaine du maintien de lordre et de la sécurité quelle est pourtant sensée dassurer. Un rapport dun de ces agents décrit : Le 1er avril 1993 à Romeas Hek, dans la province de Svay Rieng, M. Soun Sour, membre du FUNCINPEC, était dans sa maison avec sa femme et ses enfants. Vers 23h30, Ngin Chanarith, agent de la police locale, Kau Chhong et Sor Vor, agents de la milice, sont entrés dans la maison, armés de fusils dassaut AK-47, et 7 autres hommes armés les attendaient à lextérieur. Ngin Chanarith réclamait de lor à Suon Sour et commençait à le battre devant sa femme. Il attachait ensuite ses mains derrière le dos et lui tirait des balles dans les jambes. La maison était dans le noir et les insurgés lont éclairée à laide de torches ce qui permettait aux témoins de reconnaître des hommes de la milice locale du village. Ny trouvant pas dor, ils se contentaient darracher les boucles doreilles de Mme Suon Sour et ses vêtements. Avant de quitter la maison, Ngin Chanarith logeait une balle dans la tête de M. Suon Sour, le tuant sur place. Les enquêtes ont conclu que le mobile du crime est à motivation politique et recommandaient que des mandats darrêt soient émis contre Ngin Chanarith, Sor Vor et Kau Chhong. Ces mandats nont jamais été émis. Beaucoup de crimes de cette nature ont été commis et les coupables, bien quils soient dénoncés par des témoignages accablants, sont presque toujours restés impunis. Une décision concrète a été prise par lAPRONUC pour la première fois, le 11 mai 1993 : elle a retiré le droit de vote à deux personnalités du PPC coupables dactes dintimidations flagrants et répétés à lencontre des membres des autres partis. Les deux personnalités visées sont M. Pet Bo, officier de larmée du régime de lEDC et M. Kroch Pan, responsable du PPC dans un district de Phnom Penh. Le 17 mai, à la suite de lassassinat dun dirigeant du FUNCINPEC à Siem Reap et de celui dun cadre du PDLB dans la province de Kandal, M. Akashi a fait diffuser une déclaration écrite dans laquelle il a adressé un avertissement solennel à ceux qui sopposent à la tenue délections libres et équitables par la violence, lintimidation, le harcèlement et la manipulation. "LAPRONUC retirera les droits électoraux à tout membre dun parti politique quelconque, même haut placé, si elle considère quil a gravement violé la loi électorale" a-t-il déclaré. Il est regrettable que cette mise en garde ne se soit jamais concrétisée par une application de la sentence prévue en dépit de la persistance des actes condamnables. Les réunions électorales et les manifestations de chaque parti sont prévues par les articles 40 et 41 de la loi électorale et son annexe relatif au Code de Conduite qui imposent une autorisation au préalable de la part du Contrôleur des opérations électorales afin déviter quils ne coïncident dans le temps et dans lespace avec ceux des autres partis. En réalité, fort de son armée et de sa police, lEDC-PPC a utilisé tous les moyens pour dissuader les autres partis à en tenir. Là encore, lAPRONUC a réagi très mollement et a émis une autre sanction seulement le 22 mai, la veille des élections, contre le prince Norodom Chakrapong et M. Kim Bo, respectivement candidats du PPC à la députation dans les provinces de Kompong Cham et de Sihanoukville, condamnant chacun deux à une amende de 5000 dollars pour avoir enfreint à la loi électorale. Ces deux candidats ont en effet, sciemment désobéi à une instruction de lAPRONUC leur interdisant de tenir un meeting électoral à Sihanoukville au même moment que le FUNCINPEC. Le Représentant Spécial, en dépit du caractère de flagrant délit de ces actes, na pas cette fois encore, usé de son pouvoir pour priver les coupables de leur droit civique. LAPRONUC est parfaitement informée de la situation. Lignorance du terrain et de la situation politique ne peut être avancée comme des circonstances atténuantes expliquant ses manquements. En dehors des critiques et des avertissements formulés par les milieux politiques ou associatifs cambodgiens, elle dispose des moyens propres pour évaluer au jour le jour la situation sur le terrain. Les milliers de ses policiers, dagents électoraux et les experts de la composante Information/Education constituent un réseau de collectes dinformations, ayant des capacités danalyse et de synthèse, jusque là jamais réunies sur le terrain cambodgien. Le rapport analytique dressé le 9 décembre 1992 sur lenvironnement politique dans la province de Battambang conclut que tout prouve que lenvironnement politique à Battambang est caractérisé par la violence et la répression. LEDC poursuit un effort systématique pour terroriser à grande échelle les partis dopposition et la population. Lenquêteur affirme dans ce rapport que les gens sont terrifiés par lEDC. Ils sont complètement convaincus que les incidents contre les partis politiques sont luvre de lEDC. Les gens pensent que sils sont vus en train de parler avec des personnes appartenant à des nouveaux partis, ils seront convoqués par la police et menacés ; plusieurs incidents de ce type ont été rapportés. Les conclusions du rapport sont toujours aussi accablantes : A cause de nombreux incidents, intimidations et violences dans la province de Battambang, le processus électoral court de graves dangers dêtre totalement compromis. A ce sujet, lincident le plus troublant de la semaine a été la disparition dun permanent du FUNCINPEC de retour dun bureau denregistrement en chemin vers son domicile. Ce permanent politique avait fait antérieurement état de menaces. Des agents électoraux ont aussi fait lobjet de menaces. Grâce à cette tactique, dans la plupart des lieux denregistrement des électeurs, les seuls observateurs de parti présents ont été ceux du PPC. Le PDL a déclaré avoir trop peur pour engager des permanents. Ainsi ils nont pas de personnel à envoyer comme observateurs dans les sites denregistrement. Bien quil ne soit pas toujours évident de dire qui est responsable de certains incidents, tel quun jet nocturne de grenade, il a été rapporté que de nombreux cas de harcèlement sont le fait dhomme des FAPC en uniforme. Dans certains cas, ces incidents ont eu lieu au grand jour devant des témoins qui se sont déclarés capables didentifier les coupables. Pendant que lagent dinformation se trouvait à Battambang, les officiels de lEDC au niveau du district nont pas hésité à maintenir aux représentants des autres partis quils ne peuvent pas ouvrir de bureaux au niveau du district parce que les fonctionnaires de lEDC du district nont pas reçu dordre du gouverneur leur autorisant den créer. Bien quune telle permission au niveau du district ne soit pas requise, les autorités de lEDC affirment le contraire à la population et expliquent ainsi quouvrir des permanences de partis est illégal. Cette justification est utilisée pour tenir les gens à lécart de ces locaux. Un autre rapport denquête de la composante Information-Education consacré à la province de Kompong Cham daté du 28 janvier 1993, révèle au sujet du processus électoral que : Certaines personnes disent ouvertement quelles ne croient pas que les élections puissent avoir lieu. Les représentants des partis politiques se déclarent convaincus que les autorités de lEDC ont obtenu toutes les listes denregistrement et les numéros des cartes des votants enregistrés. Dans certains cas, ils ajoutent quils les ont obtenus directement des agents électoraux (de lAPRONUC) sur les lieux denregistrement (voir aussi les rapports danalyse dinspection dans la province de Prey Veng 1/93). Dans dautre cas, ils ont été obtenus en ramassant les cartes délecteurs pour en relever les numéros. Les officiels des partis dopposition sont inquiets du fait que grâce à ces informations, en forçant les fonctionnaires et les étudiants à adhérer au PPC et en les intimidant, lEDC va convaincre les gens quils nont dautre choix que de voter pour le PPC. Quand lagent dinformation a évoqué le programme dinformation et déducation et sur le secret des urnes, certaines personnes répondent que cest bien mais insuffisant. Dautres disent que les gens commencent à se demander si le vote pourrait être vraiment secret. Chose encore plus frappante : les cambodgiens ne sont pas les seuls à se plaindre des conditions dans lesquelles lAPRONUC a préparé les élections. La direction elle-même a eu à faire face à une véritable crise de confiance de ses agents électoraux opérant sur le terrain, un mois seulement avant louverture du scrutin. Après une rencontre houleuse avec M. Akashi, le 21 avril 1993, plusieurs fonctionnaires internationaux ont laissé éclater leur mécontentement. " Akashi lui-même ne parle plus délections libres et honnêtes " a déclaré au Nation et au Phnom Penh Post, un agent électoral. Pour lagent américain David Constenza la question est de savoir si les élections sont bonnes pour les cambodgiens et si le climat est bon pour tenir des élections. II. 3 - DES MESURES INADAPTEESLe laxisme de lAPRONUC est systématiquement interprété comme une faiblesse par les autorités locales de lEDC qui nhésitent pas à sen prendre directement aux agents électoraux et observateurs mandatés pour le contrôle et la surveillance de la situation pendant la période de la campagne électorale. A Kompong Thom, certains ont affirmé avoir été menacés par les soldats de lEDC. " Il ny a sans aucun doute aucun agent électoral na été épargné de menace proférée par un colonel ivre des FAPC " a encore déclaré David Constenza. La décision prise par lAPRONUC de recruter des policiers du régime de lEDC ou de collaborer avec eux pour assurer la sécurité des lieux de vote a été sévèrement critiquée par les agents électoraux. " Avoir des policiers de lEDC dans les bureaux de vote compromet complètement le caractère libre et honnête des élections " a expliqué M. Marcus Jense, un agent électoral hollandais. " Quand les gens voient des policiers de lEDC dans les voitures de lAPRONUC, ils ne peuvent pas avoir confiance en nous " a reconnu un agent électoral de Siem Reap. " Les problèmes de sécurité affectent beaucoup plus de provinces que nous ne lavions prévu et les conditions se dégradent. Au lieu davoir un environnement libre et honnête, nous avons une situation de plus en plus violente et chaotique. A Kompong Thom cest comme si on voulait organiser des élections au milieu dopérations militaires. Quelquun devrait avoir le courage de reculer ou dannuler ces élections " a conclu M. Constenza. Un de ses collègues estime que lAPRONUC a créé une situation explosive. Même si des mesures sont prises pour assurer la sécurité du personnel électoral et des lieux de vote, David Constenza juge quil est trop tard pour redresser la situation et des mesures envisagées telles le déploiement de troupes, la distribution de gilet pare-balles et darmes aux scrutateurs... sont contraires au message des élections libres. " Je ne crois pas que nous puissions parler aux villageois délections libres en portant nous-mêmes des gilets pare-balles " a-t-il ajouté. En effet, suite aux protestations de certains de ses agents électoraux, lAPRONUC a pris des mesures de protection pour les assurer. Elles consistent à envoyer en renfort des forces de sa composante militaire dans les centres denregistrement à risque, à armer les scrutateurs et à les équiper de gilets pare-balles. Ces dispositions ont fait lobjet de vives critiques tant par son propre personnel que par les partis politiques, les trouvant inadaptées à la situation et aberrantes dans le concept délections réputées libres et équitables. Au total, soixante-dix policiers civils et agents électoraux ont démissionné ou refusé de renouveler leur contrat. Les premières démissions ont suivi le meurtre dun agent électoral japonais le 8 avril 1993, lassassinat a été perpétré par un cambodgien furieux de ne pas avoir été recruté par lAPRONUC. De nombreuses autres défections ont suivi, en réaction à lentêtement de lAPRONUC à organiser des élections dans un climat politique pareil. " La plupart des incidents sont le fait des forces armées de Phnom Penh et non le fait des Khmers rouges et lAPRONUC semble laisser faire " a déclaré Melle Lajoie sur radio Canada, agent électoral québécois, quelques jours avant le scrutin. De son coté, le FUNCINPEC dénonce à la une de son magazine Réalités Cambodgiennes. (N° 2 deuxième quinzaine de mars 1993) que les élections sont soumises à un triple chantage : Ces trois chantages sont exercés par la partie de lEtat du Cambodge que contrôle le Parti du Peuple. Ils visent dabord lUNTAC en tant quorganisateur des élections en question, ensuite les électeurs eux-mêmes de qui va dépendre le résultat du scrutin, enfin le FUNCINPEC en tant que principal parti dopposition qui a toutes les chances de constituer la majorité parlementaire. Le premier chantage exercé par les autorités de Phnom Penh, chantage à lencontre de lUNTAC, se pose en ces termes : " Nous contrôlons 80 % du territoire et de la population du Cambodge. Lessence de votre mission à vous, UNTAC, est dorganiser des élections sans notre coopération, dautant que les Khmers rouges ne participent pas au processus électoral que vous pilotez. Pour être assurés de notre indispensable coopération, vous devez être conciliants envers nous, ne pas être trop scrupuleux sur certains principes politiques, juridiques, démocratiques, etc..., importés de létranger et contraires à nos méthodes et habitudes de travail. Fermez vos yeux et votre bouche sur ce que vous pourriez considérer comme des anomalies, des contrevérités ou des violations de droit de lhomme. Rappelez-vous que toute vérité nest pas bonne à dire. En échange de votre "compréhension" (appelez cela compromission si vous voulez), vous aurez vos élections et nous, grâce à nos "arrangements" explicites ou tacites avec vous, nous pourrons maximiser nos chances de gagner ces élections. " Le deuxième chantage exercé par les mêmes autorités de Phnom Penh, mais à lencontre cette fois de la population cambodgienne et plus spécifiquement du corps électoral, prend la forme dune intimidation politique dont les régimes communistes ont le secret. Grâce aux recettes marxistes-léninistes reprises par les chefs vietnamiens et leurs marmitons khmers, le parti au pouvoir dont les rouages se confondent avec lappareil de lEtat, est en mesure dintimider la population pour lamener à voter pour lui, ou du moins la dissuader de soutenir des partis dopposition. Cette intimidation revêt des formes multiples, brutales ou plus subtile, allant des assassinats contre les électeurs "" récalcitrants", en passant par des mesures de harcèlement politique, le recours à une propagande "musclée" et une campagne de désinformation sur le caractère secret du scrutin. Le troisième chantage exercé toujours par la partie le lEtat du Cambodge, sadresse aux partis dopposition et plus particulièrement au FUNCINPEC qui représente pour le PPC son seul et véritable "challenger" dans la compétition électorale à venir. On fait comprendre au FUNCINPEC clairement et ouvertement, ou discrètement et indirectement (par lintermédiaire de certains diplomates intéressés à la survie du régime actuel de Phnom Penh car déjà trop engagé avec ce régime) quen cas de victoire même triomphale du parti Sihanoukiste présidé par SAR le prince Norodom Ranariddh, celui-ci devra composer avec léquipe des dirigeants actuels qui, bien quayant perdu les élections, auront gardé encore une puissante police et une puissante armée. En dautres termes, le FUNCINPEC, après sa victoire électorale devra de gré ou de force, partager la direction du pays avec les anciens tenants du pouvoir, même devenus faibles politiquement, nen demeurent pas moins puissants militairement. Belle conception de la démocratie ! Au nom sans doute dune "realpolitik" qui voudrait que les représentants légitimes du peuple souverain sagenouillent devant les anciens potentats dun régime communiste honni et agonisant ! II. 4 - FINANCEMENT DE LA CAMPAGNESoucieuse de la transparence du financement de chaque parti, la loi électorale dans son article 43 impose : Tous les partis et candidats tiennent état de toutes les contributions reçues pour leurs campagnes et de leur origine et le communiquent, sur demande, au Représentant Spécial. Tous ces paiements sont déposés dans un compte bancaire unique sur lequel seront versés tous les revenus du parti politique, y compris les contributions doù quelles viennent, et sur lequel seront prélevées les sommes nécessaires au paiement de toutes les dépenses afférentes aux élections. Le Représentant Spécial peut rendre public un état qui lui a été communiqué. Tous les partis engagés dans ce processus électoral semblent avoir échappé à ces règles. Des fonds occultes ont financé de façon flagrante les partis, surtout les plus grands. Ils proviendraient pour la plupart, dentreprises étrangères ayant en échange bénéficié de concessions dexploitation des ressources naturelles ou autres, cédées par les partis bénéficiaires. LEDC-PPC dispose datouts majeurs puisquil contrôle 80 % du territoire et toutes les structures administratives existantes. Citons les cas de concessions de 99 ans accordées à la chaîne de télévision privée IBC, lexploration et lexploitation dune partie du plateau continental à une société pétrolière britannique, des lots de pêche attribués à des compagnies privées étrangères, des centaines dhectares de forêt cédés à une compagnie japonaise pour la coupe du bois, des recettes provenant des taxes prélevées sur les importations et exportations, des patentes payées par les commerçants et la vente incontrôlée des terrains et immeubles de lEtat, etc... LAPRONUC est-elle en mesure de comptabiliser tous ces fonds et chaque parti a-t-il déclaré son mode de financement à lAPRONUC comme la loi électorale lexige ? III - LA TENUE DES ELECTIONSIl était prévu que les élections se déroulent sur trois jours, du 23 au 25 mai 1993. Pour des raisons dordre organisationnel, lAPRONUC a jugé nécessaire de les prolonger jusquau 28 mai comme la loi ly autorise. III. 1 - LA MARQUE DIDENTIFICATIONToutefois, la prolongation de la période des élections a probablement mis à mal le système didentification des électeurs ayant voté, système consigné dans lalinéa 13 de lArticle 64 de la loi électorale. Le procédé consiste à repérer toute personne ayant voté par une marque didentification reconnue au moyen de lencre de tampon apposée sur la main. Or cette encre, daprès lavis des observateurs sur place est effaçable au-delà de trois jours. Le système de repérage est-il donc fiable et nest-il pas à craindre que de nombreux inscrits aient pu voter plusieurs fois ? III. 2 - REDUCTION DRASTIQUE DU NOMBRE DE BUREAUX DE VOTEEn raison du climat dinsécurité, lAPRONUC a annoncé le 28 avril 1993 que le nombre de bureaux de vote était réduit à 1 401 au lieu des 1 843 initialement prévus, soit une réduction de près de 24 %. Pour mémoire, M. Akashi a toujours prétendu que personne ne peut empêcher que les élections aient lieu sur 95 % du territoire. Mais une réduction aussi drastique du nombre de bureaux de vote à moins dun mois de la date douverture du scrutin, laisse planer un doute sur lefficacité des moyens mis en uvre pour compenser les bureaux de votes supprimés. Il est aussi difficile de croire que la suppression de 442 bureaux de vote na touché que 5 % de la population et quelle a pu être suffisamment compensée par la création de centres mobiles de vote. III. 3 - DES CRAYONS A PAPIER POUR COCHER LA CASEAu bureau de vote du siège de lUnesco à Paris, les gens se sont étonnés que des crayons à papier soient mis à la disposition des votants pour cocher la case voulue. En réponse à leur étonnement, les agents électoraux leur ont expliqué que " cest plus pratique pour nous de corriger rapidement au cas où les électeurs se tromperaient de case ou changent davis ". En a-t-il été ainsi dans les autres bureaux de vote au Cambodge ? Drôle de procédé ! III. 4 - IRREGULARITES DANS LES BUREAUX DE VOTELa mission dobservation conjointe de lInstitut Khmer de la Démocratie, de lAssociation des Etudiants et du PAWT (Private Agencies Working Together) a formulé au cours de ces élections toute une série dobservations à ladresse de lAPRONUC. En voici quelques-unes, adressées par M. Julio Jeldres à M. Reginald Austin le 24 mai 1993 : " Nous sommes encouragés par lenthousiasme de la population khmère à exercer son droit dautodétermination. Cependant, notre mission est préoccupée par un certain nombre dirrégularités constatées lors de nos visites dans certains bureaux de vote et sur lesquelles nous voudrions attirer votre attention : 1/ Province de Kandal, bureau de vote Sereypheap 01. Lors de notre visite, nous avons trouvé plusieurs représentants dun parti politique assis près des agents électoraux officiels, et non derrière comme il se devait, ils contrôlaient les cartes délecteurs et prenaient note des noms et numéros des votants. Quand nous avons signalé cela à lagent électoral officiel, elle a pris la liste établie par les représentants du parti. Nous avons demandé à ce que les représentants du parti se placent derrière les agents électoraux officiels, mais ils ont refusé et les agents électoraux officiels, visiblement intimidés, nont pas réagi. Dans le même bureau un représentant dun parti se tenait près de lurne et donnait des instructions aux votants, ce fait a été signalé à lagent électoral officiel. Nous pensons que si ces agissements se poursuivent dans ce bureau de vote, la crédibilité du processus électoral en sera affectée. Nous espérons que vous prendrez les mesures nécessaires pour que les règles appropriées que vos services ont établies soient respectées. 2/ Phnom Penh, Wat Kong Middle School (DP 04 A/B) Comme il est relaté dans notre communiqué de presse dhier, lagent électoral officiel na pas autorisé nos observateurs nationaux (NDLR : cambodgiens) à entrer dans le bureau de vote pour observer le processus. Lagent électoral officiel, M. Indiana Gonzales, a aujourdhui encore refusé, jai lintention de me rendre moi-même pour savoir pourquoi nous ne pouvons entrer. 3/ Phnom Penh, Chabar Ampoeu Primary School (MC 01A/B) Notre mission reste préoccupée par la présence de soldats de lEDC, lourdement armés tout près du mur de lécole Chabar Ampoeu. Nous jugeons quune telle force, si elle est présente, doit être éloignée de 200 mètres. " Ces trois remarques parmi tant dautres, révèlent les irrégularités constatées lors de ces élections portant notamment sur le viol de secret, la négligence des responsables et les mesures dintimidation sous toutes leurs formes. Concernant le viol de secret, lArticle 83, alinéa 2 est précis : ( ... ) nul ne doit intervenir ni tenter dintervenir auprès dun électeur au moment où celui-ci exprime son suffrage, ni tenter dobtenir par aucun moyen dans lenceinte du bureau de vote des informations quant au parti politique enregistré pour lequel un électeur sapprête à voter ou a voté, ni communiquer à aucun moment à quiconque dautre des informations recueillies dans le bureau de vote quant au parti enregistré pour lequel un électeur sapprête à voter ou a voté. La négligence des responsables enfreint à larticle 84 de la loi électorale qui ordonne quun responsable ne doive volontairement omettre dexécuter aucune des tâches qui lui sont assignées. Limplantation des forces armées dans lespace avoisinant les bureaux de vote menace directement les électeurs et constitue une entrave à larticle de la même loi sur la sécurité des électeurs. IV - LE DEPOUILLEMENT DU SCRUTINPas moins de douze articles (de larticle 70 à larticle 81) définissent le procédé de dépouillement et les moyens de contrôles à divers niveaux : notification du lieu et de lheure du dépouillement de chaque centre, vérification des comptes-rendus des bulletins par les présidents des bureaux de vote, envoi des bulletins au chef des opérations électorales, consignation des bulletins provisoires dans des sacs à part pour les envoyer au chef des opérations électorales, possibilité dun nouveau décompte si le chef des opérations électorales lexige, formule de calcul du nombre de candidats élus dun parti politique, proclamation et publication des résultats de lélection. On se félicite de tant darticles précis, concis, népargnant aucun détail quand il le faut. Mais dans les faits, on ne peut que déplorer un laxisme concernant la surveillance et le contrôle des urnes, et le dépouillement du scrutin est loin dêtre conforme aux dispositions consignées dans les articles afférents. Bulletins nulsSelon lAPRONUC, les bulletins nuls sont dans lordre de 100.000, soit à peu près 2,5 % des suffrages exprimés. Le chiffre est étonnamment bas compte tenu de labsence de tradition électorale, de lillettrisme, du manque de lunettes et, en comparaison des 20 % de bulletins nuls dénombrés dans une situation similaire en Angola lors des récentes élections également organisées par lONU. Le taux de lillettrisme est certainement élevé pour que certains partis aient recours à une campagne dexplication pour repérer les logos de leur partis respectifs. Le PPC a obtenu de figurer en première position sur le bulletin de vote comprenant le nom et le logo des vingt partis en lice et il sest employé à expliquer que pour voter, il convient de cocher le premier sigle figurant sur le bulletin de vote. De son coté le FUNCINPEC explique quil faut plier par deux fois le bulletin, lintersection des plis correspond à la case du FUNCINPEC. Plus simple, la consigne du PPC a cependant abouti à des résultats inattendus : plusieurs milliers de bulletins ont du être déclarés nuls parce que le sigle de lONU - figurant en haut et à gauche sur les bulletins - a été coché par erreur par les électeurs. Dans la province reculée de Rattanakiri, le Parti du Congrès National Khmer a fait son meilleur score, arrivant troisième juste derrière le PPC et le FUNCINPEC bien quil ne dispose dans la province daucun bureau et quil ny a tenu aucun meeting. Lexplication de ce score surprenant semble être identique : ce parti figurant en dernier sur le bulletin de vote, il se retrouve en première position si le bulletin est pris à lenvers. Le régime de Phnom Penh rejetéLes 45,57 % de suffrages officiellement obtenus par le FUNCINPEC sont lexpression de la volonté de la population khmère den finir avec un régime totalitaire installé par une armée étrangère. Mais le compte ny est pas. De toute évidence, le FUNCINPEC sest fait voler quelques centaines de millions de voix, sinon plus. Dans les 1 533 471 voix obtenues par le PPC, soit 38,22 % des suffrages, il y a les voix de nombreux colons vietnamiens, il y a le poids de la fraude électorale et celui de la coercition exercée par la police et l'armée du régime pro-vietnamien, notamment dans les campagnes. Il nen reste pas moins que le FUNCINPEC a gagné. Avec ses alliés du PDLB (3,81 % des suffrages) et du MOULINAKA (1,38 % des suffrages), il dispose à lassemblée dune confortable majorité absolue de 69 députés contre 51 seulement au PPC. Dans de telles conditions, le principe démocratique commande quils détiennent la réalité du pouvoir. Cest précisément ce qua fait valoir le Prince Norodom Ranariddh au lendemain de la proclamation officielle des résultats (propos recueillis le 12 juin par François Danchaud pour le quotidien Ouest-France) : Ces élections ont exprimé le vu du peuple Cambodgien souverain qui, très clairement rejette ladministration en place et le parti de type communiste imposé à notre peuple depuis 14 ans. ( ... ) Je demande donc que la communauté internationale, qui a organisé et supervisé ces élections, reconnues comme remarquables, libres et équitables (je suis réservé sur ce dernier point) fasse en sorte que le vu populaire soit respecté (...). Je demande que tous les signataires de lAccord de Paris et le Conseil de Sécurité endossent les résultats proclamés par M. Akashi et dénoncent les manuvres actuelles du PPC qui cherche à provoquer une crise. Il ne faut plus que lon samuse à refaire les élections Cambodgiennes dans les chancelleries des ambassades. Le peuple Cambodgien a rejeté et condamné un régime de dictature, ce nest pas à lOccident de refaire les élections. Dans le même entretien, le Prince Ranariddh révèle que la PKD, après avoir boycotté les élections, en reconnaît les résultats et demande le respect de la volonté populaire : Khieu Samphân ma dit quil ne souhaitait pas participer à un éventuel gouvernement. Il demande le respect de la volonté du peuple et que mon père et moi-même jouions un rôle important. Les Khmers rouges, et cest très important, après avoir refusé le principe des élections organisées par lOnu, reconnaissent le résultat de ces élections. Cest un élément très positif pour la réconciliation nationale. Le PPC refuse de céder le pouvoirCependant, le PPC nadmet pas sa défaite et refuse de céder le pouvoir. Dès lannonce des premiers résultats partiels qui lui sont défavorables, le 31 Mai, le PPC conteste les résultats et accuse lAPRONUC davoir favorisé le FUNCINPEC durant la campagne électorale et durant la semaine de vote, puis davoir falsifié les résultats au cours des opérations de dépouillement. Le 6 Juin, le chef du PPC, M. Chea Sim écrit à M. Akashi : A cause des irrégularités nombreuses et variées, et à cause des questions que soulèvent les agissements de lAPRONUC durant le processus électoral, le PPC demande que les résultats des élections soient suspendus jusquà ce quune commission impartiale puisse entendre les plaintes et juger de ces plaintes et des irrégularités. LAPRONUC rejette catégoriquement les accusations et les protestations du PPC et maintient que les élections ont été libres et honnêtes. Face à cette fermeté, le PPC se fait chaque jour plus menaçant. Le 11 Juin radio Phnom Penh retransmet un long discours de M. Hun Sèn dans lequel celui-ci dénonce une conspiration de lAPRONUC et avertit que sans le PPC, il ny aura pas de majorité des deux tiers pour adopter une constitution.. Plus grave, depuis le 31 Mai, la police et larmée pro vietnamienne ont engagé une campagne violente dintimidation contre les partisans du FUNCINPEC. De leur côté, M. Chea Sim et M. Hun Sèn font littéralement le siège du Prince Sihanouk, au Palais royal. Ils lui promettent un bain de sang si le PPC est chassé du pouvoir. Le 3 Juin, avant même la fin du dépouillement et la proclamation officielle des résultats, sur la demande insistante et répétée du PPC-SOC représenté par S.E. le Président Chea Sim et S.E. le Premier ministre Hun Sèn, le Prince Sihanouk se propose donc de prendre la tête dun gouvernement national du Cambodge bipartite. Il nomme le Prince Ranariddh et M. Hun Sèn vice-premiers ministres et annonce que chaque ministère sera dirigé par deux co-ministres venant, lun du FUNCINPEC, lautre du PPC. Le Prince Sihanouk prend soin dannoncer simultanément la dissolution de lEtat du Cambodge et de réaffirmer que la PKD conserve sa place au sein de la communauté nationale comme au sein du CNS. Le jour même, le Prince Sihanouk explique à son fils, le Prince Ranariddh, les raisons qui lui ont été imposées, de prendre une décision contraire à ses prises de position antérieures : " Même dans mon plus récent fax, je vous ai dit que je naccepterai pas de former et présider un gouvernement bipartite FUNCINPEC-PPC, car cela ne donnerait que des avantages à ce dernier (PPC) sans améliorer pour autant la situation de notre pauvre Cambodge et son infortuné peuple. Or daprès les derniers renseignements venus de sources sûres, les extrémistes du PPC (SOC) ont déjà "mis en place" un peu partout dans les villes et zones SOC des "équipes militaro-policières" spécialisées dans "lart" de sattaquer aux Funcinpecistes connus et au petit peuple funcinpeciste en les plongeant dans un bain de sang, sachant que lANKI est trop petite pour défendre les futures et innocentes victimes. Lors de laudience de 11h30 aujourdhui, S.E. Hun Sèn ma dit que des "confrontations violentes" avaient déjà commencé dans Kampot (hier) et aujourdhui dans dautres provinces, y compris Kompong Cham (...) Papa se voit [donc] obligé, après avoir reçu de S.E. Chea Sim et S.E. Hun Sèn une nouvelle requête verbale (ce matin à 11h30), de former et présider le GNC (Gouvernement National du Cambodge) - appellation donnée par Papa à notre nouveau gouvernement. " Linitiative du Prince Sihanouk suscite immédiatement de vives critiques de la part de ses habituels détracteurs, à commencer par celles de lambassade américaine à Phnom Penh et celles de certains hauts responsables de lAPRONUC. Avertie des discussions menées au Palais entre le PPC et le Prince Sihanouk, lambassade américaine à Phnom Penh fait diffuser quelques heures avant que le prince ne rende publique son initiative un non-paper qui affirme que les récentes discussions entre les parties cambodgiennes concernant la formation dun gouvernement de coalition intérimaire pourraient conduire à une violation des Accords de Paris qui reviendrait à disqualifier la totalité du processus électoral et la transition vers la démocratie. " Nous nous opposons donc à létablissement de tout gouvernement intérimaire " conclut le document. Quant au Prince Ranariddh, il refuse que le FUNCINPEC vainqueur reçoive le même traitement que le PPC. Dans une lettre adressée à son père il soulève des questions de principe et de pratique quil explique dans un communiqué rendu public le 5 juin : Le principe cest que le peuple souverain sest clairement prononcé sur le rejet dun régime de dictature de type communiste "installé par le Vietnam", ainsi que ses trois "leaders historiques". Au plan pratique, il me serait difficile de travailler efficacement dans le gouvernement avec des dirigeants, notamment LLEE Hun Sèn, le Prince Chakrapong qui, durant toute la campagne électorale, ont basé le thème de cette campagne sur des attaques les plus mensongères, virulentes, insultantes à lencontre du FUNCINPEC et de son Président. SE M. Hun Sèn, en sa qualité de Premier ministre de lex "Etat du Cambodge" est personnellement responsable des actions de violence, dassassinat à lencontre de membres du FUNCINPEC. Face à ces critiques, dès le 4 Juin, le Prince Sihanouk a déclaré renoncer à former un cabinet bipartite en renvoyant le FUNCINPEC et le PPC à leurs responsabilités. Le PPC reprend alors son chantage et sa campagne de violence et dintimidation. Le 9 Juin, larmée pro vietnamienne organise une démonstration de force autour du Palais royal. Un convoi de trente-six véhicules, dont trois blindés, se déploient autour du Palais, mené par les généraux Tea Banh et Sin Song et une quarantaine des plus hauts dirigeants des forces armées et de police du régime pro vietnamien. Reçus en audience par le Prince Sihanouk, les généraux pressent à nouveau le chef de lEtat de constituer un gouvernement bipartite. Le Prince, habilement, les remercie de leur soutien et leur demande de conserver leur calme. Le lendemain, 10 Juin, débute un mouvement de sécession des provinces khmères limitrophes du Vietnam : Rattanakiri, Mundolkiri, Kratié, Stung Treng, Kompong Cham, Svay Rieng et Prey Veng. Officiellement, le mouvement est dirigé par lun des fils du Prince Sihanouk, le Prince Chakrapong et par des durs du PPC : les généraux Sin Song, Bou Thang et M. Hun Nheng. Ce dernier est le frère de M. Hun Sèn, gouverneur de Kompong Cham, et vient dêtre battu aux élections dans sa circonscription. Le mouvement est extrêmement violent. De nombreux locaux du FUNCINPEC, du PDLB, mais aussi de lAPRONUC sont mis à sac et incendiés. Larmée et la police de lEDC nhésitent pas à ouvertement ouvrir le feu contre des personnels et des véhicules de lONU. Au moins 29 militants du FUNCINPEC et du PDLB sont tués. Des milliers dautres sont contraints à la fuite, soit vers Phnom Penh, soit vers les zones Khmers Rouges. Le Prince Ranariddh reconnaît lui-même que deux cents de ses partisans avaient dû trouver refuge chez les Khmers rouges, dans la seule province de Kompong Cham. A Phnom Penh, le 11 Juin, M. Hun Sèn parle de conspiration de lAPRONUC et avertit que sans le PPC, il ny aura pas de majorité des deux tiers pour adopter une constitution. Il ajoute : " Nous avons déjà prévenu lAPRONUC : si vous ne vous comportez pas correctement, si vous ne nous donnez pas satisfaction, noubliez pas que nous ne voterons pas la constitution. Et si nous ne votons pas la constitution, vous serez coincés. " En théorie, MM. Chea Sim et Hun Sèn et les autres éléments modérés du PPC désapprouvent la sécession. Cela permet au régime de poursuivre son marchandage à Phnom Penh pendant que ses hommes font le coup de force en provinces. LAPRONUC nest pas dupe et déclare le 13 Juin quelle tiendra lEtat du Cambodge responsable de toute menace ou action contre le personnel de lONU (...) ou contre les membres du FUNCINPEC, du PDLB ou de tout autre parti. Le FUNCINPEC finit par céder au chantageLe 12 Juin, tout en affirmant quil nest pas question de céder à un chantage, le Prince Ranariddh cède aux principales exigences du PPC. " Aujourdhui, je pense quil faut assurer une transition harmonieuse dans lattente de la formation dun gouvernement. Dans cet esprit, je suis prêt à accepter le PPC dans le cadre dune administration conjointe intérimaire reflétant le verdict populaire (...). Cette structure pourrait durer au maximum trois mois, le temps de rédiger la constitution " déclare-t-il. Le Prince navance plus quune seule condition : que le PPC reconnaisse le résultat des élections. Le 14 Juin, lassemblée constituante se réunit pour la première fois, en présence des élus du PPC. Elle décide de rendre justice à notre Samdech Euv vénéré, en cette occasion solennelle, en déclarant nul et non avenu le coup détat du 18 Mars 1970. Lassemblée nouvellement élue décide à lunanimité de remettre à notre Samdech Euv vénéré les pleins pouvoirs et les pouvoirs spéciaux inhérents à sa qualité et à ses fonctions de Chef de lEtat. Ce jour là, il nest plus question de se limiter à une administration intérimaire. Le principe dun gouvernement bicéphale co-dirigé par le Prince Ranariddh et M. Hun Sèn est acquis. M. Hun Sèn peut se rendre à Kompong Cham pour rencontrer son frère et mettre fin à la sécession. Les unes après les autres, les provinces sécessionnistes annoncent leur ralliement à lautorité centrale. Le Prince Chakrapong et le général Sin Song senfuient au Vietnam le 15 juin. Exil de courte durée puisque le 17 ils sont de retour à Phnom Penh et reçus en audience par le Prince Sihanouk. Le 16 Juin, un communiqué du Palais royal annonce officiellement la nomination du Prince Ranariddh et de M. Hun Sèn conjointement à la tête dun gouvernement national provisoire. Bien quil rappelle que lAssemblée a doté le Prince Sihanouk des pleins pouvoirs, le communiqué précise que le Chef de lEtat préside les réunions hebdomadaires du Conseil des ministres mais que cest le gouvernement et non le Chef de lEtat qui assume toutes les responsabilités du pouvoir exécutif. Le choix des ministres pose de nouveaux problèmes. Le PPC entend conserver le contrôle de larmée et de la police. Le 17 Juin, M. Hun Sèn se rend au Palais pour annoncer au Prince Sihanouk que le PPC exige contre lavis du prince, quune majorité des deux tiers soit requise pour lapprobation de la composition du gouvernement, comme pour toute décision importante. Ainsi, le PPC sassure le moyen de bloquer toute décision qui lui serait défavorable. Le 18 Juin, la composition du gouvernement est pour lessentiel arrêtée mais elle est tenue secrète dans lattente de lapprobation par lassemblée et de la signature du décret de nomination par le Prince Sihanouk. Le Prince Ranariddh et M. Hun Sèn cumulent les fonctions de co-premiers ministres, de co-ministres de la défense et de co-ministres de lintérieur. Le FUNCINPEC obtient les portefeuilles des affaires étrangères et des finances. Le PPC conserve linformation. Le partage du pouvoir est tout relatif puisque ladministration reste aux mains du PPC. En concédant au FUNCINPEC les postes de ministres des affaires étrangères et des finances, les apparatchiks de PPC sassurent les services des personnalités les plus qualifiées pour attirer à Phnom-Penh les aides financières étrangères nécessaires à la survie de ladministration en place. Tout ceci ne suffit pas au PPC. Le 21 Juin, le parti demande au Prince Sihanouk de nommer deux chefs détats adjoints afin de pouvoir sapproprier la fonction en cas dabsence ou de décès du Prince. Le Chef de lEtat, se fondant sur la tradition constitutionnelle du pays, refuse. Le cabinet se réunit une première fois de façon informelle le 29 Juin. Le lendemain, lassemblée approuve sa composition. Le PPC consolide ses positionsEn un mois le FUNCINPEC a dû céder sur presque tout. Au lieu de défendre le principe démocratique et le droit, une nouvelle fois lAPRONUC a donné satisfaction au PPC, laissant ainsi peu de latitude au FUNCINPEC. Déstabilisé et affaibli au lendemain de sa défaite électorale, le PPC a réussi à relever la tête et à conserver lessentiel du pouvoir. Plus grave, il a réalisé quil pouvait, quoique minoritaire, imposer ses quatre volontés au FUNCINPEC. Il va donc semployer à conforter son avantage et ses positions. La rédaction de la nouvelle constitution, menée à huis clos, est loccasion pour le PPC, dinscrire durablement son avantage dans la loi fondamentale. Alors que dans une note datée du 18 Juin le Prince Sihanouk sest clairement prononcé pour que le Cambodge ne soit ni un royaume, ni une république, le PPC se fait curieusement lardent défenseur dune restauration monarchique. Il na aucun mal à convaincre le FUNCINPEC. Et après quelques jours de résistance, le Prince Sihanouk cède finalement devant ce qui lui est présenté comme la volonté unanime du peuple. La tardive conversion des communistes du PPC à la monarchie trouve son explication dans larticle 7 de la constitution : Le Roi règne mais ne détient pas le pouvoir. Un invraisemblable article affirme même que cette règle ne sera jamais modifiable. Sous couvert de restauration monarchique, le PPC a voulu neutraliser linlassable défenseur de lindépendance nationale que le Prince Sihanouk a toujours été. Que le Prince savise de prendre une initiative quelconque et il trouvera désormais toujours un politicien khmer ou un observateur étranger pour le rappeler sèchement à la Constitution. La constitution adoptée le 21 septembre 1993 donne au PPC les moyens de contrôler ou de bloquer ladoption de toute loi à travers deux dispositions essentielles. Dabord, en son article 87, la loi fondamentale stipule que pour quune session puisse valablement délibérer, un quorum de sept dixièmes des membres de lassemblée est requis. Un tel quorum ne pourra au cours de cette législature être atteint avec les seuls députés non communistes puisque le FUNCINPEC, le PDLB et le MOULINAKA totalisent soixante neuf députés sur cent vingt. La présence dau moins quinze députés du PPC est nécessaire pour atteindre ce quorum. Le parti pro vietnamien dispose ainsi du moyen de bloquer à tout moment les travaux de lassemblée. En plus, le PPC a exigé et obtenu quune majorité des deux tiers soit requise pour ladoption des décisions les plus importantes et pour accorder la confiance au gouvernement. Dans une dépêche datée du 19 Septembre, lAFP explique : Une majorité simple aurait permis au FUNCINPEC et au PDLB de faire adopter des lois sans lapprobation du PPC. Le PPC était opposé à la majorité simple qui laurait mis politiquement sur la touche, et il a réussi à faire pression afin que le système des deux tiers soit inscrit dans la constitution. Le FUNCINPEC a tenté un dernier coup pour inclure cette disposition dans une clause transitoire valable seulement durant cinq ans. " Nous avons suggéré que pour être conforme à ce qui se fait partout dans le monde, nous devions inscrire la majorité des deux tiers dans des dispositions de transition. Mais finalement nous avons décidé de conserver la majorité des deux tiers dans la constitution " a déclaré le ministre (FUNCINPEC) des affaires étrangères, le Prince Norodom Sirivuth (...) Dans ses articles, premier et 52, la constitution affirme solennellement des principes vitaux pour la nation : Le Cambodge est un royaume dans lequel le Roi est soumis à la Constitution et au système démocratique libéral et pluraliste. Le Royaume du Cambodge est un état indépendant, souverain, pacifique, neutre et définitivement non-aligné (Article premier). Le Gouvernement Royal du Cambodge a la charge de protéger lindépendance, la souveraineté et lintégrité territoriale du Royaume du Cambodge, dadopter une politique de réconciliation nationale pour lunité nationale, et de préserver les bonnes traditions nationales. Le Gouvernement Royal protège létat de droit, lordre public et la sécurité. LEtat usera de tous les moyens pour améliorer les conditions de vie et le bien-être des citoyens (Article 52). Malheureusement, il est peu probable que ces principes puissent être traduits dans les faits compte tenu des dispositions que nous avons décrites précédemment. Dautant que M. Chea Sim, souvent décrit comme lhomme fort du PPC est parvenu le 25 Octobre à obtenir la démission de M. Son Sann de son poste de Président de lAssemblée nationale afin de se faire élire à sa place. Lélection de M. Chea Sim a été acquise par 99 voix contre 14 et 1 abstention. Autrement dit, en dépit de lopposition quils avaient publiquement manifesté, les députés du FUNCINPEC et du PDLB ont dû avaler une nouvelle couleuvre et se soumettre aux pressions. Bien quil y ait eu quelque opposition, la nomination de Chea Sim au poste de Président nest pas une surprise. Les officiels du gouvernement déclarent quelle est le résultat dun accord passé entre lancien parti communiste, le Parti du Peuple Cambodgien (PPC) et le FUNCINPEC. (Bangkok Post, 26 Octobre 1993) La nouvelle constitution accorde un pouvoir extrêmement important au Président de lAssemblée nationale. De surcroît, elle lui confère une autorité morale et politique extrêmement importante en faisant le second personnage du Royaume, appelé, si nécessaire, à remplacer temporairement le Roi en qualité de Chef de lEtat, et gratifié dans ce cas du titre de Délégué Royal (Article 11 et 12). Le mensuel La Lettre du Mékong a résumé le nouveau statut du chef communiste en titrant dans son édition de novembre 1993 : Chea Sim (Ex-PC) vice-Roi ! De plus, larticle 138 réserve une place aux deux co-premier ministres pré-constitutionnels dans le Conseil du Trône chargé de désigner le Roi en cas de décès du souverain. Ce Conseil comprend le Président et les deux vice-Présidents de lAssemblée, le Premier ministre, les patriarches suprêmes des deux ordres bouddhiques, soit en principe, six membres. Toutefois larticle 138 accorde une voix au PPC supplémentaire au sein de ce Conseil en plus de celle du Président de lAssemblée et de celle de lun des patriarches suprêmes mis initialement à la tête de lune des branches du bouddhisme khmer par le PPC. Lavant dernier article de la Constitution reconduit le système de direction bicéphale du gouvernement que le Prince Ranariddh avait pourtant accepté en juin à titre provisoire pour trois mois au maximum, le temps de rédiger la constitution. Le seul changement à la tête du gouvernement est purement formel : il ny a plus deux co-premier ministres mais un premier ministre et un second premier ministre. Le gouvernement cambodgien demeure un cas unique au monde ! Le Prince Ranariddh sen est expliqué sur Radio Phnom Penh le 28 Septembre : " Cest une pratique générale dans la démocratie que le leader du parti qui a gagné les élections prenne en charge le poste de premier ministre puis constitue et dirige le gouvernement (...) Pourquoi notre auguste Roi nous conseille-t-il dagir dune manière différente ? Cela ne signifie pas quil nest pas respectueux de la démocratie libérale. Il nous faut considérer la situation. Il ne serait pas correct de sacrifier la stabilité nationale juste pour des raisons de principe (...) Bien sûr nous suivons les principes démocratiques, mais nous devons les adapter aux circonstances qui prévalent dans le pays ( ... ) Cest une formule provisoire et non pas permanente. Noubliez pas que notre constitution stipule clairement quil ne doit y avoir quun seul premier ministre au Cambodge. " Le Premier Ministre justifie donc une nouvelle fois la situation par les risques de violence qui résulteraient dune opposition aux volontés du PPC. Du provisoire qui devait durer trois mois, on est passé à un nouveau provisoire prévu cette fois ci pour durer le temps dune législature, soit cinq années. Le nouveau gouvernement applique le programme des vaincusLa politique conciliante du FUNCINPEC à légard des vaincus aux élections se définit elle-même comme une politique réaliste vis-à-vis du rapport de force. Elle se conçoit également comme inscrite dans une logique de paix et de réconciliation devant permettre au FUNCINPEC daccéder progressivement à la plénitude du pouvoir sans heurt ni troubles en permettant aux hommes du PPC une sortie ou une reconversion honorable. Malheureusement ces principes généreux sont démentis par les faits. Loin dimposer progressivement sa politique au parti vaincu et rejeté par le peuple, le FUNCINPEC semble avoir accédé aux plus hautes fonctions de létat pour appliquer sur le fond la politique du PPC. En Août, le nouveau gouvernement envoie son armée à lassaut des zones sous contrôle de la PKD dans lOuest du pays. Cest précisément ce que le PPC avait promis de le faire en cas de victoire. Par contre le FUNCINPEC avait promis daboutir pacifiquement à la réintégration des Khmers rouges dans la communauté nationale. A la fin du mois, le premier et le second premier ministre se rendent à Hanoi. Que nentend-on le Prince Ranariddh déclarer sur les ondes de Radio Hanoi le 23 Août : " Nous vous exprimons notre plus profonde gratitude au gouvernement vietnamien et au peuple pour leur contribution au processus de paix au Cambodge depuis le début des négociations jusquà la signature des Accords de Paris le 23 oct. 1991. " Et le Prince Ranariddh dajouter : " En tant que signataire des Accords, le Vietnam les a respectés et appliqués dans un esprit de compréhension, contribuant ainsi à créer les conditions favorables permettant au peuple Cambodgien de mener à bien les élections de mai dernier dune façon démocratique et libre. " En toute logique, le 25 Septembre le Prince Ranariddh signe avec M. Chea Sim un nouveau mémorandum revivifiant lalliance PPC-FUNCINPEC conclue une première fois le 20 Novembre 1991 et oubliée quelques temps après. Par ce mémorandum, le FUNCINPEC et le PPC sengagent notamment à : Continuer à mettre en uvre activement laccord passé entre les deux parties le 20 novembre 1991 en élargissant et en consolidant leur coopération dans lassemblée et dans le gouvernement à tous les niveaux. Allié au PPC, le FUNCINPEC renonce de fait à son programme et à ses promesses. Aligné sur les positions du PPC, le gouvernement ne peut traiter des problèmes vitaux qui menacent pourtant lavenir du pays. Au moment où on le chasse de la présidence de lAssemblée nationale, M. Son Sann en dresse une nouvelle fois linventaire dans un mémorandum lu à la tribune en guise de discours dadieu :
En visite à Hanoi, le Prince Ranariddh se voit opposer une fin de non-recevoir lorsquil cherche à évoquer le problème des colons vietnamiens installés au Cambodge et le rétablissement des frontières déplacées par larmée doccupation vietnamienne. Plusieurs de ces ministres reconnaîtront ouvertement que de ce point de vue, la visite effectuée à Hanoi sest soldée par un échec lamentable. Tout au plus le Vietnam a concédé quun comité technique bilatéral pourrait être ultérieurement mis en place pour examiner ces questions. Par contre Hanoi sest montré ferme et menaçant concernant la sécurité de ses ressortissants au Cambodge... Le 19 Juillet, dans une déclaration écrite, le Prince Sihanouk lui-même se déclare désarmé face aux pressions des Etats-Unis qui sopposent vigoureusement à sa constante politique de réconciliation nationale : " Les USA continuent à menacer (officieusement) le Cambodge de diverses mesures hostiles au cas où des Khmers rouges seraient acceptés par moi ou le gouvernement cambodgien comme membres de ce gouvernement ou conseillers ou membres de larmée nationale du Cambodge. Jai toujours lutté contre toute ingérence étrangère dans les affaires intérieures de mon pays. Mais, dans les circonstances actuelles au Cambodge qui est ruiné et qui a besoin de recevoir des aides et soutien de puissances étrangères riches, je ne suis pas en mesure de lutter contre les USA comme je lavais fait dans les années 1955 à 1975. " Après tant despoirs suscités par la signature des Accords de Paris, puis par la victoire du FUNCINPEC aux élections, la population se montre extrêmement déçue. La colère gronde contre les colons vietnamiensLa question des colons vietnamiens et lun des sujets majeurs de préoccupation. La presse cambodgienne reçoit tellement de lettres de lecteurs à ce sujet quelle y consacre de nombreux articles et reportages. Plusieurs quotidiens publient quelques échantillons représentatifs du courrier reçu. Le phénomène prend une telle ampleur que lagence Reuter y consacre lune de ses dépêches, reprise notamment par le Bangkok Post le 9 Août : Les sentiments anti-vietnamiens sont à nouveau en ébullition et la presse locale sen fait lécho avec un air de vengeance. Le quotidien Reaksmey Kampuchéa a publié dans son édition du week-end des lettres de lecteurs scandalisés par le retour de Vietnamiens qui avaient fui le Cambodge en Mai (...) " Le gouvernement devrait se préoccuper du problème des immigrants clandestins avant tout autre problème " écrit Has Sopheap, résidente de la province de Banteay Meanchey, dans le Nord-Ouest, et de passage dans la capitale. " Nous voyons uniquement ces gens détruire nos ressources naturelles, pêcher illégalement, voler, provoquer des incendies, et amener la prostitution. Ils apportent peu à la société khmère. Il vaut mieux les renvoyer dans leur pays " ( ) Le professeur Em Sarun, de Takmau, dans la banlieue, demande [aussi] au gouvernement de se préoccuper de limmigration clandestine en provenance du Vietnam. " Notre pays est frontalier du Vietnam. Faites attention à ne pas devenir comme le Kampuchéa Krom " prévient-il dans une lettre adressée au journal. En Octobre, au cours dun colloque organisé par lInstitut Khmer pour la Démocratie et réunissant de nombreuses associations khmères, plusieurs dentre elles soulèvent à nouveau la question de limmigration étrangère. Dans son édition des 5-18 Novembre, le Phnom Penh Post rapporte les propos de plusieurs membres dassociations détudiants : " Je demande au gouvernement dadopter rapidement une politique de limitation du travail des étrangers dans le pays " a déclaré Sar Sophea, lun des participants. " Nous apprécions les investisseurs étrangers, mais nous ne voulons pas quils amènent de la main duvre étrangère pour des tâches peu qualifiées dans le bâtiment, la charpente ou dautres petits métiers. Je voudrais attirer lattention sur le fait que beaucoup de khmers sont au chômage " a-t-il déclaré (...) Sar déclare quil y a beaucoup dimmigrants clandestins non comptabilisés tels que des Vietnamiens, des Thaïlandais et des personnes venant dautres pays voisins. Pour les étudiants présents, le gouvernement ne devrait pas donner plus de privilèges aux étrangers travaillant au Cambodge. " Comme vous le voyez, il y a beaucoup de Vietnamiens dans le pays, je ne dis pas quils doivent tous partir mais ils doivent respecter le territoire et le peuple cambodgien, et le gouvernement doit considérer le problème ". Au cours du même colloque, les représentants des associations khmères ont réclamé louverture de discussions entre le gouvernement et les Khmers rouges. Selon le Phnom Penh Post, le leader de lAssociation des Etudiants et Intellectuels Khmers, Sar Cheang a déclaré : " Nous serions heureux de voir le nouveau gouvernement et les Khmers rouges se parler au lieu de se battre. Nous ne voulons plus que le peuple khmer souffre ". " Les deux parties doivent engager des discussions sans conditions préalables " a déclaré un autre leader étudiant, dont les propos sont rapportés dans le Cambodia Times des 8-14 Novembre. Rien na changé : lanarchie règne partoutMalgré linstallation dun nouveau gouvernement bipartite, lessentiel de lappareil administratif et répressif issu du régime mis en place par larmée vietnamienne en 1979 est resté en place à léchelon provincial et local. Il sagit dune administration, partisane et corrompue dont les responsables sont souvent impliqués dans le banditisme et le racket, qui crée un climat dinsécurité et danarchie dans tout le pays. Les reportages de la presse locale et internationale donnent une idée de létat de pourriture et de décomposition avancée de lappareil détat : Un fonctionnaire des Nations Unies a révélé hier que la police des Nations Unies a retrouvé lun des cent quarante véhicules qui lui ont été volés, un 4 x 4, au domicile dun général des anciennes Forces Armées Populaires du Cambodge. Cette découverte fournit une preuve supplémentaire de limplication de militaires de haut rang de lancien gouvernement communiste dans ces vols. (Bangkok Post 13 Août 1993) Battambang : ( ... ) Faire sauter les ponts semble être ici un passe-temps. Lorsque le pont principal de la ville a été détruit par du TNT, les habitants ont contemplé les ruines avec un mauvais pressentiment en se demandant qui avait bien pu faire cela et pourquoi. ( ... ) On évoque plusieurs hypothèses concernant lidentité de ceux qui ont fait sauter les ponts, notamment ceux situés entre Poipet et Battambang. Le gouvernement accuse les Khmers rouges, expliquant que cela fait partie de leur politique de déstabilisation du pays. Une autre explication repose sur la pratique des "péages". Ces derniers jours des hommes armés se chargeaient de guider les véhicules pour les aider à passer sur les ponts partiellement détruits. " Cest une autre manière de collecter des taxes " a expliqué un membre de lAPRONUC. " Celui qui a placé les charges de TNT savait ce quil faisait. " (Phnom Penh Post, 5-18 sept 1993) Poipet - Les négociants du marché traditionnel de Poipet emménagent dans un nouveau bâtiment construit cette année après les bombardements du 31 août et du 1er septembre qui ont fait un mort et quinze blessés sérieux. La police et larmée du district ont attribué ces bombardements, venant du Sud de Poipet, aux Khmers rouges, mais plusieurs commerçants qui souhaitent conserver lanonymat, ont déclaré au Post quils ont le sentiment que des éléments des Forces Armées Cambodgiennes issus des rangs des Forces Armées Populaires Cambodgiennes ont eux-mêmes détruit le marché afin de libérer le site pour senrichir (...). " Le commandant du district nous a dit de partir le 31 août " a déclaré un jeune marchand en tee-shirt bleu tout en abattant le treillage du fond de son magasin. " Nous avions dit que nous ne voulions pas partir ". " La veille de la date limite fixée, des soldats sont venus et ont pointé leurs armes sur nous " poursuit le jeune homme. " Le lendemain, comme nous nétions pas partis, les bombardements ont commencé. Maintenant que nous partons les bombardements cessent (...). Certains veulent aller vendre en Thaïlande, au lieu daller au nouveau marché, mais le commandant a ordonné aux gardes frontière de ne pas les laisser passer " commente un autre marchand. Un garde frontière a cependant démenti ces affirmations. A un demi-kilomètre de la frontière le vieux marché de Poipet consistait en un hall en bois, dune surface de 2 500 kilomètres carrés, couvert par de fines tôles. Le nouveau marché est à un km plus loin de la frontière. Construit en acier, pavé à certains endroits, le nouveau marché est entouré sur trois côtés par des boutiques fermées. Réputé pour être le plus grand marché du Cambodge, la location dune place y est 50 % plus chère que dans lancien marché. " Dans le vieux marché la location à lannée était de 1 000 bahts. Sur le nouveau marché elle sera de 1400 à 1600 bahts " a déclaré au Post un ouvrier. Les marchands pensent que lorsquils seront partis, les tôles du toit [de lancien marché] seront vendues, le site sera rasé et de nouveaux magasins à deux étages seront construits. Ils seront mis en vente 30 000 bahts chacun. Pendant que le Post interviewait des marchands, deux soldats sont venus et se sont mis au milieu de la foule. Quand les gens se sont dispersés, un soldat a empoigné Sombol, le traducteur du Post, et lui a dit " Toi le traducteur, dis-leur que cest le KD qui a bombardé ". Dès que le soldat est parti le marchand en tee-shirt bleu est retourné voir Sombol et, derrière une boutique à demi détruite, où personne ne pouvait entendre, il lui a dit " Toi le traducteur, ne crois pas cela. Cest larmée qui a bombardé le marché ". (Phnom Penh Post, 10-23 Septembre 1993) Les factions du nouveau gouvernement recrutent des soldats et achètent leur soutien avec une partie des 20 millions de dollars que les Nations Unies ont fourni pour les fonctionnaires cambodgiens, rapportent des sources des Nations Unies. Lagent était sensé servir à payer les arriérés de salaire des fonctionnaires qui nont pas été payés depuis des mois à cause du manque de fonds du gouvernement. Mais chaque faction du gouvernement tente dacheter des nouvelles recrues et leur donne subrepticement largent des Nations Unies, affirment des sources des Nations Unies qui désirent rester anonymes. (Bangkok Post, 9 Août 1993) Même la conservation des trésors des temples dAngkor est lobjet de trafics sans scrupule et dintrigues : Un ministre du gouvernement cambodgien a chassé lUNESCO de ses locaux du conservatoire central dAngkor, au Nord-Ouest du Cambodge et la obligé à les fermer, a déclaré hier un représentant de lUNESCO. Depuis, plusieurs statues ont été emportées à 300 km de là, à Phnom Penh, sans que le représentant de lUNESCO, M. Richard Engelhardt, nait été informé et puisse superviser le transfert. Un officiel du gouvernement a confirmé que des statues de grande valeur avaient été enlevées. Lordre a été donné par Van Molyvann, un architecte de formation française, ministre détat, qui a amené la police dans le centre " pour sassurer de notre départ " a déclaré Engelhardt. (Bangkok Post, 11 Septembre 1993) Les Droits de lHomme en questionQuant aux Droits de lHomme, la situation demeure très préoccupante. A la veille de son départ, lAPRONUC a découvert lhorreur des prisons du PPC et sest enfin décidée à agir. Deux hauts fonctionnaires de ladministration pénitentiaire ont été arrêtés par la police de lONU et inculpés de meurtre, lun à Prey Veng le 1er Juillet, lautre à Battambang le 20 Juillet. Pan Ny, le sous-directeur de la prison de Prey Veng, est accusé du meurtre de sept prisonniers qui demandaient grâce à ses pieds. A Battambang, cest également le sous-directeur de la prison, le capitaine Tem Seng, qui a été arrêté pour avoir infligé des tortures par brûlures et sêtre rendu coupable de voies de fait sur de nombreux prisonniers. Dès décembre 1992, lAPRONUC avait été informée des méthodes de Tem Seng que des témoins accusent davoir versé du fuel sur des prisonniers avant dy mettre le feu. A lépoque, le PPC sétait vigoureusement opposé toute action de lONU contre son fonctionnaire et lAPRONUC sétait inclinée. LONU affirme cette fois avoir bénéficié de la coopération des autorités locales. Des Casques Bleus malais ont participé à larrestation et au transfert de Tem Seng à Phnom Penh, où il a été incarcéré dans la prison de lAPRONUC. Les autres prisons du pays, y compris la prison T3 de Phnom Penh ne diffèrent guère de celles de Prey Veng et de Battambang. Selon, la composante Droits de lHomme de lAPRONUC, de nombreux détenus y croupissent les fers aux pieds, parfois sans connaître les motifs de leur arrestation et subissent fréquemment sévices et humiliations. Le Prince Sihanouk a dû intervenir publiquement. Relevant que des gens sont arrêtés de façon arbitraire, sans preuve de leur culpabilité, le Prince a demandé aux autorités de relâcher immédiatement les prisonniers et détenus qui ne sont pas dangereux et qui méritent dêtre libérés. Le Prince Sihanouk en a profité pour demander une réforme pénale et le rétablissement dune justice et dune police indépendantes et respectueuses des droits de lhomme. Sil est un domaine dans lequel la situation a évolué positivement depuis les élections, cest celui de la liberté dexpression. Un certain nombre dorganes de propagande du PPC ont disparu tandis que plusieurs journaux indépendants ont fait leur apparition ou adopté une liberté de ton plus grande vis-à-vis de toute autorité. Cependant, la situation pourrait évoluer. Après la restauration de la monarchie, la presse a été mise en garde par le gouvernement contre les crimes de lèse-majesté. Le Roi sest empressé de préciser quil sopposerait à toute sanction contre quiconque le critiquerait, sen tenant à des mises au point en cas daccusations injustes ou calomnieuses. Plus récemment, le Phnom Post rapporte que des articles sur la corruption et lincompétence du gouvernement ont irrité des ministres importants. Le journal révèle que, du coup, le gouvernement envisage de remettre en vigueur la loi sur la presse promulguée par le régime pro vietnamien en Avril 1992 et un mois plus tard abrogée par le CNS, sur l'initiative du Prince Sihanouk, car contraire à lesprit des Accords de Paris. Ce texte prévoit de très lourdes sanctions contre les auteurs darticles mal intentionnés ou contenant des critiques destructives. Il oblige les journaux à publier en première page tout démenti ou correctif que pourraient leur adresser les autorités civiles ou militaires. La voie choisie ne mène nulle partAprès les cent premiers jours dun nouveau gouvernement, il est de tradition de dresser un premier bilan. Tout cela ne mène nulle part, conclut pour sa part Robin Davies après plusieurs années passées à Phnom Penh comme consultant et professeur déconomie à luniversité. Amer, cet expert étranger décide, au seuil de cette nouvelle année, de quitter le Cambodge. Collaborateur du Phnom Penh Post, il sexplique dans un dernier article : Dans un discours le Premier ministre affirme quil est nécessaire de rétablir la sécurité et de détourner les gens de leurs " attitudes négatives " . Ceux qui souhaitent de bons vux au Cambodge ne peuvent quapplaudir, surtout si cela permet de répondre à quelques questions brûlantes. Par exemple : deux ou trois hommes impliqués dans le meurtre sans pitié dune infirmière allemande ont été arrêtés. Que leur est-il arrivé ? Dans le même genre, quest-il arrivé aux trois hommes lourdement armés, de surcroît en uniforme, qui ont été arrêtés et photographiés après une passionnante course poursuite au volant dun land cruiser, récemment volé au Haut Commissariat aux Réfugiés des Nations Unies, et dotée dune nouvelle plaque dimmatriculation militaire ? Mis à part ce qui est arrivé aux coupables, pourrait-on savoir pourquoi la police a refusé de restituer le véhicule tant que lUNHCR ne lui a pas versé 3000 dollars et pourquoi le gouverneur provincial se lave-t-il les mains de cette affaire ? ( ... ) La corruption, en dépit des efforts admirables du ministre des finances Sam Rainsy, est pire que durant le dernier trimestre de lAPRONUC (...) Alors quavec la fin du mandat de lAPRONUC et des fonctions du CNS, lorgane gouvernemental devait se retrouver réinvesti de la fonction de gouverner, il préside plus la nation quil ne gouverne vraiment. Durant ses cent premiers jours, dont on attendait tant, on la vu préoccupé plus de symbolisme que de discussions gouvernementales sur les problèmes importants (le gouvernement ne sest réuni quune fois). Quelles que soient les déclarations publiques, il ny a ni esprit de corps, ni sens du leadership au sein de ce gouvernement. Cest lattentisme qui prévaut tandis que la plupart des ministres, notamment ceux qui ont retrouvé leurs ministères, sont surtout préoccupés à conforter leur situation personnelle. (Phnom Penh Post, 31 Décembre - 13 Janvier 1993) Dans un tel contexte, les efforts méritoires, mais isolés, de certains ministres compétents ont peu de chance daboutir à un résultat densemble probant. Ainsi, le ministre des finances, M. Sam Rainsy déploie-t-il les plus grands efforts pour rétablir les bases dune gestion centralisée et saine des finances publiques. Ses difficultés sont immenses. En Août, il se rend à Kompong Cham pour enquêter sur un trafic de tabac avec le Vietnam. Pourtant embarqué à bord dun bateau des Nations Unies, le ministre se fait tirer dessus par des soldats en uniforme ! Plus récemment, il tente de remettre en cause une concession de 99 ans accordée avant les élections à une chaîne de télévision thaïlandaise par le PPC en échange de pots-de-vin et démissions de propagande électorale. A peine M. Sam Rainsy a-t-il dénoncé le contrat quon lui fait savoir quun autre ministre, membre du PPC, la déjà renégocié et entériné au nom du nouveau gouvernement. Le 28 Décembre 1993, le ministre des finances a fait adopter le budget 1994 de létat à lunanimité des députés. Pour la première fois la collecte des ressources, leur allocation et leur gestion devraient être centralisées. Si la loi est effectivement appliquée, les gouverneurs de provinces et lensemble des chefs locaux seront privés dun moyen important de coercition et de contrôle des populations. Le ministre lui-même ne semble pas se faire grande illusion : 1994 sera une année transitoire. Jusquici les structures horizontales de contrôle des finances sont extrêmement puissantes. Certaines provinces sont autonomes. Elles collectent largent mais ne le font pas remonter. 1994 sera un mélange dhorizontalité et de verticalité. 1995 devra voir le renforcement du contrôle vertical des ressources. (Phnom Penh Post, 31 Décembre - 13 Janvier 1994) Le budget sélève à 890 milliards de riels soit un peu plus de deux milliards de francs. " Ce nest pas un budget de reconstruction. Cest un budget de survie. Et, nous dépendons entièrement de lassistance internationale pour la reconstruction et le développement. Nous comptons sur laide étrangère pour combler notre déficit " confesse M. Sam Rainsy dans la même interview. Pourquoi dans ce cas consacrer 18,4 % du budget à la défense et 9,7 % à la police contre respectivement 5,6 % et 3,3 % à la santé et à laction sociale ? Selon les critères internationaux, il y a deux points anormaux : le social est trop faible et la défense trop élevée, reconnaît le ministre interrogé par le Bangkok Post (4 Janvier 1994). A supposer que le gouvernement parvienne à mettre en uvre son budget, la priorité est donc donnée au maintien des structures militaires et policières plutôt quau développement et à laction sociale. La logique de guerre - contre lennemi intérieur - lemporte donc sur une logique de paix au service de tout le pays. Les perspectives offertes au talentueux ministre sont donc peu réjouissantes : soit il échoue et les structures en place continuent de tirer profit de lanarchie, soit il réussit et son talent permet de rationaliser la collecte et lallocation des ressources au profit des mêmes structures en place ! Privé du pouvoir, le Roi demeure aux côtés du peupleSoigneusement dépouillé de tout pouvoir par la nouvelle constitution, mais au plus haut point affecté par les souffrances de son peuple, le Roi nentend pas se laisser réduire à une totale impuissance. En veillant soigneusement à ne pas violer la Constitution, le Roi use de toutes les possibilités qui lui sont laissées dinterpeller le gouvernement. Par ailleurs, le citoyen cambodgien et homme libre dénommé Norodom Sihanouk ne se prive pas de sexprimer, notamment en publiant des Etudes dans son Bulletin Mensuel de Documentation. Avant de retrouver son trône, quoique déjà privé dans les faits du pouvoir, le Prince Sihanouk avait interpellé le gouvernement à plusieurs reprises. Le 2 Juillet, lors de la première réunion du Conseil, il mettait en garde contre les illusions de laide internationale. Le 6 Juillet, il appelait le gouvernement à se préoccuper des droits de lhomme et de la réforme du système judiciaire et pénitentiaire. Le 7 juillet il rappelait que pour assurer la séparation des pouvoirs exécutif et législatif il conviendrait que certains ministres choisissent entre leur portefeuille et leur place à lassemblée nationale. Le 8 juillet il plaidait la cause des sans-abri de la capitale invitant le gouvernement à surseoir à des expulsions tant quil naurait pas fourni de terrains viabilisés aux indigents campant dans la capitale. Le 12 Juillet il rappelait que lagriculture est la base du développement du pays. Dans une Etude écrite sur son lit dhôpital, alors quil lutte courageusement contre un cancer, le citoyen Norodom Sihanouk écrit le 29 Octobre : Il faut sattaquer sans plus tarder, avec foi et passion, au problème de lextrême pauvreté de la majorité de nos compatriotes et, tout à fait lié à ce problème, à celui du sous développement très accentué de notre pays. Mon expérience de plus dun demi-siècle de carrière au service du Kampuchéa et de son peuple menseigne quon ne peut rien réussir pour sa patrie et son peuple sans foi ni passion patriotique... Mais en cette occurrence, il faut faire également son travail dune façon "méthodique", cest-à-dire en ayant des idées claires et en sachant ce à quoi on doit procéder. Le message adressé au gouvernement est on ne peut être plus clair : il est grand temps de commencer à agir de manière méthodique, avec foi et patriotisme, pour le bien de limmense majorité des Cambodgiens qui demeurent dans la misère. Est-ce parce quil a le sentiment de navoir été ni écouté, ni entendu par ses ministres, que le Roi - cette fois - sadresse directement à ses sujets le 17 Novembre : " Noubliez pas que, possédant lune des Constitutions les plus démocratiques du monde, vous êtes les maîtres des destinées du Kampuchéa et les maîtres de vos propres destinées tant dans le présent que dans lavenir. Vos représentants, membres de lassemblée nationale et les membres du gouvernement royal du Cambodge ont, dans la Salle du Trône et devant le Svètchhatr prêté un serment solennel, long, détaillé et complet pour ce qui concerne les devoirs quils doivent accomplir, le travail quils doivent effectuer, les efforts quils doivent déployer au service de la patrie, de la nation, de la religion, du peuple. Par conséquent, il suffit quils agissent toujours conformément à leur serment pour que notre peuple et notre patrie soient assurés que leurs intérêts supérieurs sont servis avec fidélité et efficacité. Mais nos citoyens et citoyennes qui ne détiennent ni pouvoir législatif, ni pouvoir exécutif, ni pouvoir judiciaire, ni pouvoir administratif, ni pouvoir militaire, ni pouvoir policier ne doivent pas oublier que notre constitution leur reconnaît tous les droits et toutes les libertés destinées à leur assurer une protection permanente. Nos citoyens et nos citoyennes peuvent et doivent entretenir des relations étroites avec ceux qui les représentent, qui légifèrent, qui gouvernent, qui administrent. Sils ont des problèmes, nos citoyens et citoyennes ont le pouvoir et le devoir den saisir les personnalités et autorités responsables ou compétentes afin de résoudre dans léquité et au mieux des intérêts de notre peuple ces problèmes. " Le 19 Décembre, le Roi intervient à nouveau. Pour garantir à son peuple la possibilité dexprimer ses doléances, il rétablit les audiences populaires. Il sait quil sera critiqué par ceux qui, comme il lécrit espéraient tant que, en le faisant Roi (constitutionnel : le Roi règne mais ne gouverne pas), Sihanouk laisserait tout le monde tranquille, sans le déranger, même à propos des problèmes du Cambodge et du peuple cambodgien. Alors, le Roi ne fera quécouter, il ne tranchera pas, tout au plus interviendra-t-il auprès du gouvernement pour aider les plaignants à obtenir justice ou une certaine satisfaction, sils le méritent. La télévision sera autorisée à retransmettre les images de ces audiences, mais pas le son. Il nempêche, le peuple disposera dun lieu sûr pour sexprimer, et dune oreille attentive. Le problème khmer rougePlus de six mois après la victoire du FUNCINPEC et son installation au gouvernement, la PKD continue de défier lautorité centrale et de maintenir des zones sous son contrôle exclusif. De plus, elle continue de mener des actions militaires et de sabotage. Pour justifier son attitude, cette faction - signataire des Accords de Paris - met en avant la non-application de ces accords, le maintien de forces étrangères sur le sol cambodgien et au sein de la machine détat et le non-respect du suffrage universel. Cest sans doute regrettable, mais il faut bien admettre que les arguments ou les prétextes, avancés par la PKD pour défier lautorité centrale, ont une certaine réalité. A supposer que la PKD soit dès le départ mal intentionnée, lapplication dévoyée des Accords de Paris lui a fourni les prétextes parfaits pour se soustraire au processus. Selon le général thaïlandais Charan Kulawanit, secrétaire général du Conseil national de sécurité thaï, la PKD nest pas seule responsable des difficultés du processus de paix : " Au départ, les Khmers rouges ont pris part au processus. Mais peu après la formation du CNS et larrivée de lONU, M. Khieu Samphân a été battu. Il était désarmé et il a été battu. Avec ce genre de début, il est difficile de sattendre à ce que ses hommes se laissent facilement désarmer. Mais surtout, les Accords prévoyaient que lAPRONUC administre les cinq ministères importants [défense, intérieur, affaires étrangères, économie et information]. Les Khmers rouges ont demandé à participer à leur administration, ce qui fut rejeté. LAPRONUC elle-même na pas été capable de prendre en charge leur administration et a laissé faire chaque faction. Ce nétait pas conforme aux Accords. En conséquence les Khmers rouges ne peuvent pas se voir reprocher de navoir pas voulu coopérer. Ils ont demandé la vérification de la présence vietnamienne. LAPRONUC a répondu que lobtention dune lettre du Vietnam constituait une vérification suffisante. Comment lAPRONUC a-t-elle pu se permettre une telle réponse ? Jai suggéré à Akashi et Sanderson de conduire des vérifications afin que chacun sache que cela a bien été fait. Cela aurait aussi résolu le problème du rôle des Khmers rouges dans une administration conjointe. Ma suggestion na pas été entendue. " (Phuchatkan, 17 Août 1993) Alors quau lendemain des élections quelle a boycottées, la PKD a solennellement annoncé quelle en reconnaissait les résultats. Mais, en dépit de la cuisante défaite du PPC, elle a assisté comme nous tous à son maintien au pouvoir. Elle a donc constaté que la logique de guerre, le chantage, la violence exercée par le PPC lui ont permis de conserver et de conforter ses positions. Alors que plusieurs puissances étrangères prônaient lexclusion et lélimination de la PKD, celle-ci na pu quêtre encouragée à poursuivre une stratégie de lutte armée et de sécession afin, sinon daccéder au pouvoir, du moins dassurer sa survie. La rétribution du chantage et de la violence ne peuvent quencourager à la violence. Il sagit là dune spirale infernale dont seul le peuple paye le prix puisque de cette façon le sang continue de couler et que le développement et la reconstruction du pays sont bloqués. Inlassablement, le Roi indique quelle est la seule façon de sortir de ce cercle infernal. Il plaide depuis toujours pour le dialogue et la réconciliation nationale. La population, on la vu, réclame elle aussi un dialogue immédiat. Celui-ci doit sétablir sans condition préalable et se poursuivre jusquà la normalisation complète des relations entre les parties khmères au sein dun régime pluraliste et respectueux des principes de la démocratie et du suffrage universel. Le 21 Novembre dernier, en tant que simple citoyen, le Roi a, de nouveau, condamné la sécession et la guerre conduites par la PKD. Pour résoudre le problème, il a suggéré lattribution de portefeuilles ministériels à la PKD en échange dun cessez-le-feu, de la restitution de toutes les zones sous son contrôle, et de lintégration de son armée au sein des forces armées royales. Le Roi a reconnu que les problèmes ne peuvent pas être réglés par la seule PKD sans entrevue et séances de travail préalables avec le gouvernement royal du Cambodge, " Il faut aussi que le gouvernement y mette du sien " a-t-il ajouté. Depuis, le dialogue a repris entre le Prince Ranariddh et M. Khieu Samphân. Un comité technique a été mis en place, réunissant des représentants du gouvernement et de la PKD, afin de chercher les modalités concrètes dun règlement. Cependant, dinutiles combats se poursuivent, de même que les pressions sur le FUNCINPEC et sur le Roi pour que la PKD demeurent en dehors du gouvernement. Lenjeu de la réintégration de la PKD dans la vie politique est double. Il sagit bien sûr de rétablir la paix civile et lunité du territoire. Mais il sagit aussi de rééquilibrer le rapport de force à la tête du pays. Sans rééquilibrage face à la puissance du PPC, le FUNCINPEC a peu de chance dimposer au Vietnam le respect de la souveraineté du Cambodge. Il a peu de chance également de venir à bout de lappareil détat corrompu et répressif solidement installé dans le pays par larmée vietnamienne. LONU véritable responsable de la situation actuelleLimpasse dans laquelle se trouve le Cambodge aujourdhui est la conséquence directe de lapplication partielle et partiale des Accords de Paris. Il était prévu un retrait vérifié des troupes étrangères, un désarmement et la neutralisation de lenvironnement politique et des structures administratives existantes. Si lONU avait mené à bien ces trois éléments essentiels de son mandat, cest elle qui aurait eu à remettre le pouvoir aux vainqueurs des élections. LONU aurait simultanément remis aux nouveaux responsables élus une administration et une police neutres, le nouveau pouvoir aurait hérité dun nombre de soldats raisonnable, correspondant aux 30 % de combattants non désarmés provenant de chacune des différentes factions préexistantes. Avec ses 16 000 casques bleus en armes, des moyens financiers et matériels considérables, lAPRONUC na pas osé sopposer au régime de Phnom Penh lorsque celui-ci a refusé que léconomie, la défense nationale, lintérieur, les affaires étrangères et linformation passent sous le contrôle de lAPRONUC et du CNS conformément aux Accords de Paris. Elle na pas non plus osé conduire effectivement des opérations de vérification du retrait des troupes étrangères. Estimant pourtant que la PKD soustrayait à tort ses effectifs et ses territoires à lapplication de lAccord, elle na pas eu le courage de sy opposer effectivement. En conséquence, le FUNCINPEC, en gagnant les élections, a hérité dune situation dans laquelle et le PPC et la PKD avaient conservé lintégralité de leur pouvoir dans leurs zones respectives. Comment, démuni de tout moyen matériel et financier et largement désarmé, le FUNCINPEC aurait-il pu simposer pour exiger du PPC et de la PKD une restitution du pouvoir que lONU elle-même na même pas essayé dobtenir ? Il était impossible denvisager un transfert pacifique du pouvoir du PPC à un vainqueur des élections autre que le PPC lui-même. Ayant accepté la tenue des élections en dehors dun environnement politique neutre, le FUNCINPEC se doit aujourdhui dassumer les responsabilités quil a sollicitées en toute connaissance de cause et que le peuple lui a confiées. Cependant, la plus lourde responsabilité revient à lONU qui a dévoyé lAccord de Paris. En se prêtant hier au jeu des élections et aujourdhui à celui dune alliance contre nature avec le PPC, le FUNCINPEC réalise enfin le vieux projet dune direction du pays en apparence bipartite, mais destinée dans les faits à mettre en uvre la politique dun PPC, créé et installé au pouvoir par larmée et le régime communiste vietnamien. Jusquici cette stratégie avait été tenue en échec. Deux facteurs qui avaient permis de combattre efficacement cette stratégie ont aujourdhui disparu. Il sagit de la solidarité entre toutes les forces nationales et patriotiques cambodgiennes et de lappui du camp occidental, engagé dans une résistance planétaire aux ambitions de lempire soviétique. LUnion soviétique sétant effondrée, le théâtre cambodgien ne sinscrit plus dans le conflit planétaire entre les deux blocs. Il ne sagit plus pour les grandes puissances que dun conflit local dintensité limitée à réduire au plus tôt pour quil naffecte pas la sécurité de cette région du globe. Les fondements locaux, les raisons propres du conflit, sils nont jamais été pris en considération au cours de la mise en uvre de lAccord, ninterviennent plus dans les choix stratégiques des grandes puissances. Quimporte si le Vietnam prétend assimiler le Cambodge comme sa propre province ! alors que les Cambodgiens tiennent tant à rester Cambodgiens. Ou plutôt, tant mieux ! Puisque dun point de vue géostratégique, et surtout économique, le puissant voisin représente un intérêt supposé supérieur, quon lui cède donc le Cambodge, si cest le prix à payer pour assurer ses faveurs à nos investisseurs. Tel semble être le raisonnement actuel de certains gouvernements occidentaux qui ont abandonné les intérêts du Cambodge au profit de leurs échanges avec le Vietnam. Ce sont précisément ces gouvernements là qui encouragent le FUNCINPEC dans son alliance avec le PPC et qui prônent une solution militaire du problème khmer rouge. La solidarité maintenue durant plus dune décennie, contre vents et marées, entre le FUNCINPEC, le FNLPK et la PKD a fait long feu. Grâce à elle, à Jakarta, à Tokyo, à Paris, et... sur les champs de batailles combien de manuvres et doffensives vietnamiennes ont-elles été tenues en échec ? Combien de fois les vietnamiens ont-ils été défaits, combien de fois ont-ils dû reculer ? Hélas, certains dirigeants khmers se sont laissés persuader que laide financière étrangère avait plus dimportance pour lavenir du pays que la cohésion nationale. Les Etats-Unis ont clairement indiqué les conditions auxquelles est soumise leur aide : lalliance du FUNCINPEC et du PPC et lexclusion des Khmers rouges. A peine les premiers dollars sont-ils arrivés, que la politique préconisée par les bailleurs de fonds a été menée à plein régime : laccord dalliance politique FUNCINPEC - PPC a été exhumé et cette fois appliqué, la troupe a été envoyée contre les Khmers rouges. Mais aujourdhui la manne étrangère se raréfie déjà et le pays senfonce dans lanarchie et la misère. Le Prince Ranariddh réalise soudain que si les Khmers rouges ne sont pas associés au gouvernement comme conseillers ou sous une autre forme, le développement économique et social du Cambodge sera compromis. Il est urgent de réagir et de changer dorientation en revenant à lesprit des Accords de Paris. En ce début dannée, il semble que lon prenne conscience à Phnom Penh de limpasse à laquelle conduit la politique choisie depuis les élections. Il y a donc quelques raisons despérer. Il est urgent de revenir avec une résolution sans faille à lesprit des Accords de Paris. Cest-à-dire soumettre les choix et laction politique en toute priorité aux principes dintégrité et de souveraineté du pays, de résolution pacifique des différends entre Khmers, de réconciliation nationale sans exclusive et de protection absolue des droits de lhomme et des règles démocratiques. Il faut que nos dirigeants refusent les ingérences étrangères dans les problèmes inter cambodgiens et quils privilégient la réconciliation et la cohésion nationale contre toute illusion de salut national provenant dun secours extérieur. Pour mener une politique courageuse et parvenir à rétablir la souveraineté nationale du pays, la paix et lunité nationale, les responsables politiques cambodgiens vont devoir affronter à nouveau les ennemis irréductibles de la nation cambodgienne. Ils nobtiendront aucun succès si la communauté nationale dans son ensemble na pas laudace de se mobiliser et de sexprimer pour défendre à leurs côtés les intérêts supérieurs de la nation. Il nest pas plus grand péril aujourdhui pour les citoyens cambodgiens que la tentation du silence, de la passivité ou de lattentisme. Sen remettre à la seule action des dirigeants politiques khmers, en évitant soigneusement toute prise de position, serait dans la situation actuelle une lâcheté. Pour le CCV et pour chacun de ses membres, cesser laction, serait une désertion. |
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