Comité Cambodgien de Vigilance
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LA MISE EN OEUVRE DE LACCORD DE PARIS
I - LA RESTAURATION DE LINDEPENDANCE ET DE LA SOUVERAINETE DU CAMBODGELa vérification du retrait de toutes les forces vietnamiennes du Cambodge par lONU revêt la plus grande importance pour le peuple cambodgien. Cest une disposition essentielle de laccord de paix. Il est clair que de son application rigoureuse dépendra la mise en uvre efficace des autres dispositions de lAccord. Or, la plus grande confusion na jamais cessé de régner sur cette question. Dun côté, deux des quatre parties cambodgiennes nont jamais cessé, au moins jusquaux élections, daffirmer que des forces vietnamiennes sont demeurées présentes et actives au Cambodge. Une partie a également appelé lattention de lAPRONUC sur lintroduction de forces étrangères supplémentaires et sur lintroduction de matériels et de munitions à partir du territoire vietnamien. De lautre côté, le Vietnam et la partie de Phnom Penh ont toujours réfuté vigoureusement ces allégations, réaffirmant que toutes les forces vietnamiennes sétaient retirées depuis Septembre 1989 et quaucune navait été introduite depuis. Bien que la vérification du retrait des troupes étrangères prévue dans lAccord figure explicitement dans le mandat de lAPRONUC, le CCV a dû constater et regretter que celle-ci nait entrepris aucune action visant à vérifier les allégations des uns et les démentis des autres. Il a demandé avec insistance des mesures énergiques et appropriées. (Cf. communiqué du CCV du 4 octobre 1992) Dans une intervention en date du 5 Juin 1992 devant le CNS, M. AKASHI sest simplement déclaré satisfait des : déclarations faites par le distingué ambassadeur du Vietnam, qui a dit lors de la dernière réunion du CNS que les dernières forces vietnamiennes se sont retirées en Septembre 1989 et ne sont pas revenues. Le gouvernement du Vietnam ma depuis fourni des détails concernant ce retrait, ce dont je lui suis reconnaissant. Certes, M. AKASHI a tenu à rappeler ce jour là quil avait pris les initiatives nécessaires pour entreprendre des investigations sur toute suspicion de violation que nous pourrions avoir. Cest donc sans doute, faute de suspicion, que lAPRONUC na rien entrepris. Le Secrétaire Général de lONU a été obligé de reconnaître le 14 Juillet 1992 que lAPRONUC navait pas encore pu appliquer pleinement les dispositions des articles VI et VII de lAnnexe 2 des Accords (2ème rapport spécial du Secrétaire Général de lONU au Conseil de Sécurité). Il aura fallu attendre le 15 Novembre 1992 pour que, par la voix de son Secrétaire général, lONU affirme formellement (cest à dire à la fois solennellement et pour la forme) quelle navait pas trouvé trace de forces étrangères au Cambodge : LAPRONUC a consacré et continue de consacrer beaucoup
dattention à la question des forces étrangères. Léquipe chargée des
enquêtes stratégiques, établie en vertu de lannexe 2 (Art. X) des Accords,
présentera sous peu à une session spéciale du Conseil National suprême un rapport Cette conclusion officielle de lONU sest trouvée contredite, non seulement par plusieurs parties khmères, mais par plusieurs observateurs étrangers présents au Cambodge : - Selon les agences Associated Press et Reuter, citées notamment par International Herald Tribune et Bangkok Post du 9 Mars 1992, des officiers de lONU ont confirmé que des forces spéciales vietnamiennes et des conseillers opèrent toujours au Cambodge sous luniforme de larmée de la partie de Phnom Penh. - Dans un reportage publié le 9 Août 1992, le Sunday Age rapporte que : Selon un officier chinois des Nations Unies, des troupes vietnamiennes - un obstacle déterminant à la participation des Khmers Rouges aux Accords de Paix de Paris - sont toujours présentes au Cambodge. Un Capitaine chinois basé à Kompong Chhnang, à 100 Km au Nord de
Phnom Penh, ma déclaré que récemment ses hommes ont découvert un village proche
où, sur 6 000 habitants, 1 000 sont Il ny a pas denfants dans le village et, bien que ces hommes déclarent ne pas être des soldats, ils ne sont pas en mesure dexpliquer la présence si peu de femmes et daucun enfant, selon lofficier. Celui-ci est convaincu quil sagit là dune preuve concrète que de nombreux soldats vietnamiens sont toujours au Cambodge. Il nous aurait été plus conforme à la teneur et à lesprit des Accords de Paris que lAPRONUC entreprenne delle-même, et en collaboration avec le CNS les actions nécessaires pour scrupuleusement vérifier les affirmations du Vietnam concernant le retrait de ses forces. En effet, laffirmation de lambassadeur vietnamien saluée par M. Akashi, et selon laquelle le Vietnam a retiré ses dernières forces en septembre 1989 nétait pas nouvelle. Or, comme le CCV la écrit à M. AKASHI le 10 juin 1992 : En mentionnant explicitement la nécessité du retrait des forces étrangères dans les Accords signés en octobre 1991, la communauté internationale a manifesté clairement quelle ne pouvait tenir ce retrait pour acquis. Elle a reconnu ce retrait comme condition sine qua non de la paix et de la réconciliation nationale. Depuis lors, lONU na assisté à aucune opération de retrait. Par ailleurs, aucune force étrangère na déclaré sêtre retirée depuis cette date. La situation, sur ce point, na nullement évolué depuis octobre 1991. Autrement dit, le retrait des troupes étrangères nest toujours pas réalisé. Par ailleurs, nous avons régulièrement réclamé, dans un souci defficacité technique, que des éléments des quatre parties cambodgiennes soient intégrés ou étroitement associés aux moyens de contrôle mis en place par lONU. (Cf. communiqué du 4/10/92) Ainsi, les contrôleurs de lAPRONUC auraient pu bénéficier de leur expérience du terrain et de leur connaissance parfaite de la langue et des us et coutumes cambodgiens. Cela leur aurait été dun grand secours pour distinguer déventuelles forces vietnamiennes dissimulées. Il existe de sérieuses présomptions sur lincorporation de soldats et de conseillers étrangers dans les forces armées et dans les forces de police de la partie de Phnom Penh. Ces présomptions sont fortement étayées par des déclarations officielles vietnamiennes antérieures à lAccord de Paris, selon lesquelles le Vietnam retirerait unilatéralement ses forces du Cambodge avant Septembre 1989, à lexception de 30 000 hommes qui seraient placés sous le commandement cambodgien. Ce point aurait dû faire lobjet dun contrôle spécifique particulièrement rigoureux. Il existe également de fortes présomptions concernant la démobilisation théorique de soldats vietnamiens qui se seraient établis comme civils, en conservant le plus souvent des armes. Ces personnes à nos yeux, auraient dû être considérées comme des forces étrangères encore présentes sur le territoire cambodgien. En effet, aucune convention internationale, ni aucun précédent historique, ne confère à des soldats envoyés dans un territoire étranger le droit de sy établir après avoir été démobilisés. En conséquence, lAPRONUC aurait dû assurer la reconduite de ces personnes au Vietnam, sans précipitation mais le plus rapidement possible, et dans des conditions humainement correctes. Lorsque lAPRONUC sest installée au Cambodge, le pays subissait déjà la présence massive de colons vietnamiens établis dans le pays en vertu daccords et de traités imposés par le Vietnam au régime de Phnom Penh. Non seulement lAPRONUC a refusé de considérer cette atteinte grave portée à la souveraineté nationale, mais durant le mandat de lONU, on a continué dassister à un afflux massif dimmigrants illégaux vietnamiens. A plusieurs reprises, trois des quatre parties cambodgiennes ont demandé en vain à lAPRONUC de se saisir du problème et dassurer le respect de la souveraineté cambodgienne, conformément à son mandat. La population cambodgienne elle-même montre quelle est gravement préoccupée par cette situation. La presse internationale a également constaté cette présence massive : Les évaluations de la communauté vietnamienne au Cambodge varient entre quatre vingt mille personnes (chiffre officiel) et un million. Le second chiffre semble plus proche de la réalité. (J.C. Pomonti, Le Monde, France, 06.04.92) Ils sont des milliers comme cette jeune immigrante en ce mois davril à arriver encore dun Vietnam haletant qui craque de partout et qui narrive plus à nourrir une population de 58 millions dhabitants. (Gilles Toupin, La Presse, Canada). ...les Cambodgiens sont de plus en plus alarmés de lafflux de milliers de vietnamiens venus tirer avantage du boom du commerce et de la construction qui a accompagné laccord de paix et le déploiement massif de lONU ici. (William Branigin, Washington Post/ International Herald Tribune, 18.06.92) Les Khmers Rouges sont peu bavards. Impossible de savoir sils accepteront de rendre les armes. Ils évoquent simplement la présence massive des Vietnamiens. Chez eux, cest un leitmotiv. Et ils nont pas tort. Il y a beaucoup de vietnamiens à Siemreap. (François Luzet, Le Figaro, France, 18.06.92) Beaucoup de cadres cambodgiens pensent sincèrement que Phnom Penh
sappuie sur cette communauté et que lONU sen fait la complice en
défendant le droit de minorités étrangères. Le 4 avril 1992, dans son étude sur le patrimoine, le CCV a attiré lattention sur les conséquences catastrophiques du non contrôle de lafflux croissant des colons vietnamiens. Le 10 juin 1992, le CCV a alerté M. AKASHI sur les graves risques quil y aurait à laisser cette situation durer : Nous risquons alors, dassister à la rupture des Accords de paix par telle ou telle faction. Mais nous risquons surtout dassister, tôt ou tard, à une explosion populaire anti-vietnamienne, aux conséquences incalculables. Une telle situation compromettrait lapplication du plan de paix et jetterait un discrédit grave sur lAPRONUC, et au-delà sur lONU elle-même. Malheureusement, quelques jours plus tard, les faits nous donnaient raison : huit Vietnamiens, dont plusieurs enfants, étaient assassinés le 23 juillet à Touk Meas, dans la province de Kampot. Un nombre important dimmigrants vietnamiens sont entrés au Cambodge durant la guerre. Dans un souci de protection des populations civiles, larticle 49 de la Convention de Genève en date du 12.08.49, interdit lintroduction de populations étrangères civiles dans un territoire durant un conflit. Il stipule explicitement dans son dernier paragraphe : La Puissance occupante ne pourra procéder à la déportation ou au transfert dune partie de sa propre population civile dans le territoire occupé par elle... Cette immigration revêt donc un caractère typiquement illégal, au regard du droit international, délibérément violé par Hanoi dans un but bien précis : modifier la démographie du Cambodge en préparation de son absorption de fait par le Vietnam. Parallèlement aux responsables du FUNCINPEC et du FNLPK, M. Chhean Vam, ancien Président du Conseil des Ministres, na eu de cesse, à Paris, à Montréal, de lancer et réitérer son appel à lONU et aux Puissances pour quelles prennent des mesures appropriées, en application de la garantie de lAccord de Paris sur la souveraineté du Cambodge, pour endiguer cette dangereuse invasion. Intervenant dans une conférence sur le Cambodge le 13 Février 1993 à Montréal, il a mis en garde nos compatriotes et la communauté internationale que de quelques centaines de milliers dans les premiers temps doccupation, leur nombre (les Vietnamiens) a grimpé rapidement pour atteindre et même dépassé le million, quelques années plus tard. Il sest brutalement gonflé avec larrivée de lAPRONUC. Lon sait par ailleurs que le non contrôle de limmigration vietnamienne a fini par donner des arguments à la partie du Kampuchéa Démocratique de refuser, à tort ou à raison, de sassocier au processus de désarmement. Dautres immigrants vietnamiens sont entrés au Cambodge après la cessation officielle des hostilités, cest à dire après la signature de lAccord de paix. Cette immigration est également illégale puisquelle na pas été autorisée par le CNS, détenteur de la souveraineté nationale et organe légitime et source unique de lautorité au Cambodge. LAPRONUC a laissé sans solution le problème des immigrants illégaux. Il sagit là pourtant dune préoccupation légitime de la population cambodgienne. On notera dailleurs que tous les pays du monde réglementent laccès des étrangers à leur territoire, et prennent des mesures concrètes pour prévenir et combattre limmigration clandestine qui constitue un fléau tant pour le pays daccueil, que pour les immigrés clandestins eux-mêmes. Les autorités des Etats-Unis, de la France, de lAngleterre et de lItalie par exemple, nhésitent pas, chaque mois, à expulser un grand nombre dimmigrants illégaux. Qui plus que lONU aurait pu garantir que les mesures à prendre le soient dans le respect strict des droits et de la dignité de lHomme. LONU à cet égard, devra assumer devant lhistoire, une lourde responsabilité non seulement parce quelle a laissé bafouer la souveraineté du Cambodge mais aussi parce que laissant derrière elle un problème de cette nature sans solution, et même aggravé, elle a laissé sur place tous les ingrédients dune confrontation inter ethnique majeure, violente, et dans laquelle les droits de lhomme ont toutes les chances dêtre mis à mal. II - LA RESTAURATION DE LA PAIXLe mécanisme de restauration de la paix prévu par lAccord de Paris repose sur un cessez-le-feu en deux phases. La première phase devait consister en un arrêt de combat dans tout le territoire pour permettre le retrait des troupes étrangères et sa vérification. Durant cette première étape, lAPRONUC devait donc mettre en place les moyens structurels et matériels nécessaires à lefficacité de sa mission. En pratique, lAPRONUC a été très lente à se déployer sur lensemble du territoire. Et même lorsque ses composantes civiles et militaires ont été totalement déployées, les combats nont jamais totalement cessé. Ils se sont poursuivis avec violence dans plusieurs régions, notamment dans les provinces de Kompong Thom, Siemreap, Battambang, Kompong Cham, Kampot... LAPRONUC elle-même a vu ses cantonnements et ses véhicules pris sous les feux de combattants hostiles. A la suite de ces incidents, plusieurs parties se sont trouvées accusées par les autres parties khmères ou par lAPRONUC elle-même. Il sagit notamment de la PKD et du PPC. En Août 1992, une journaliste française décrivait ainsi la situation : Du côté de Kompong Thom, la paix est encore un mythe : les accrochages sont nombreux avec les troupes gouvernementales, les routes sont régulièrement minées, et chaque semaine des centaines de "réfugiés intérieurs" sajoutent aux 100 000 personnes déplacées déjà recensées. Ces paysans, qui dorment dans des pagodes, campent le long de la route principale, ont, pour la plupart, fui combats et bombardements, et sont bien plus démunis que les réfugiés rapatriés à grands frais depuis les camps de Thaïlande. (Colette Braekman, Monde Diplomatique) Dautres témoignages sont très révélateurs de limpuissance de lONU à faire respecter un cessez-le-feu : Chargées de faire appliquer le traité, les forces de lONU, parmi lesquelles se trouvent 1 300 soldats français, font aujourdhui figure de simples spectateurs. (Richard Werly, Témoignage Chrétien, 5 Septembre 1992) Sur ce problème complexe, le Département des Affaires Militaires du CCV a eu loccasion dexprimer à plusieurs reprises un point de vue largement partagé par les Cambodgiens et les observateurs étrangers : lAPRONUC aurait dû sans tarder, constituer des équipes mobiles en nombre suffisant associant aux casques bleus des représentants des quatre composantes armées cambodgiennes. De telles équipes auraient dû être implantées sur l'ensemble du territoire et notamment dans les zones de confrontation. Elles auraient dû être autorisées à agir de leur propre initiative sans attendre que des plaintes ne leur soient adressées. Elles auraient été chargées de mener des investigations approfondies lors de chaque violation du cessez-le-feu, suivies par des sanctions à lencontre de la partie ou des parties reconnues coupables. Cest à ce prix seulement que lon pouvait espérer un cessez-le-feu effectif. Le même dispositif aurait été à même de contrôler efficacement le retrait des forces étrangères du Cambodge. En se donnant des moyens nécessaires lAPRONUC aurait montré sa volonté politique daboutir. Elle se serait mise en situation dhonorer ses engagements vis-à-vis de lAccord de Paris, sans nul doute, et se serait assurée du soutien sans faille de la population cambodgienne. Des équipes de surveillance ont bien été constituées mais leur
mission est demeurée imprécise, elles nont pas cherché à mobiliser le soutien
des quatre parties cambodgiennes et se sont trouvées dépourvues des moyens de mener à
bien des investigations approfondies et dimposer leurs décisions ou conclusions,
que soit à la direction de lAPRONUC ou aux parties en présence. La PKD a affirmé quelle ne participerait à la seconde phase que lorsque lAPRONUC se serait acquittée du mandat qui lui était confié dans le cadre de la première phase. Cette partie a insisté sur la question du retrait des troupes étrangères et sur le contrôle par le CNS et lAPRONUC des cinq secteurs essentiels : défense, police, information, finances et affaires étrangères. Le Conseil de sécurité de lONU a officiellement condamné lattitude de la PKD et pris un certain nombre de mesures de rétorsion à son égard. Cependant, comme lAPRONUC elle-même a dû le constater, les Cambodgiens dans leur majorité ont estimé que le refus de la PKD nétait pas totalement infondé : Les gens semblent accepter la propagande de la PKD sur les questions politiques essentielles en raison de leur sincère désir de trouver une explication à léchec du processus de paix. Ils acceptent plus volontiers les explications de la PKD que la suggestion de lenquêteur [de lAPRONUC] selon laquelle le refus de la PKD de se joindre au processus constitue le problème de base. Jusquà un certain point ce fait est connu, mais il est évacué du raisonnement intellectuel. Les gens attendent toujours de lAPRONUC quelle arrange tout et sont déçus quelle ne le puisse ou ne le veuille pas. Les réponses de la PKD semblent correspondre à certaines réalités constatées sur le terrain. (Rapport de voyage détude dans la province de Kompong Cham, 18-25 Janvier 1993 - Document interne de lAPRONUC) III - LA RECONCILIATION NATIONALE, LUNITE NATIONALE ET LAUTODETERMINATION DU PEUPLE KHMERLAccord de Paris engage les quatre parties cambodgiennes à promouvoir la réconciliation nationale. Létablissement dun environnement politique neutre, inscrit dans le mandat de lAPRONUC, devait contribuer à apaiser la haine et lesprit de vengeance. Concrètement, lAccord exige des quatre parties cambodgiennes quelles collaborent au sein dun Conseil National Suprême. Cette institution devait elle-même collaborer avec lAPRONUC dans la conduite des affaires du pays. LAccord donne au Président du CNS un réel pouvoir de décision et daction. De son côté, lAPRONUC aurait dû être animée dune volonté sincère de promouvoir un climat dentente et de coopération. Malheureusement, elle na pas considéré lensemble des parties de la même manière. La population cambodgienne et de nombreux observateurs ont rapidement été conduits à reprocher à lAPRONUC une partialité caractérisée par une grande complaisance à légard des exigences du PPC et une grande indifférence vis-à-vis des demandes ou des avis des autres parties. La crédibilité de lAPRONUC aux yeux de la population et vis-à-vis des parties signataires sen est trouvée gravement affectée. La conduite des affaires détat qui relevaient de la compétence du CNS, a été dans une très large mesure laissée entre les mains de la partie de M. HUN SEN et de son prétendu gouvernement. Ce gouvernement, ses ministres et ses administrations ont bénéficié dune reconnaissance de fait tant de la part de lAPRONUC que de la part de nombreux états signataires, et par-là même, garants de lAccord. Pour ne citer quun exemple, mentionnons la réception de M. HUN SEN à Paris en qualité de Premier ministre. En adoptant une telle attitude, le gouvernement français sest départi de la neutralité quil se devait de respecter en ses qualités de Co-Président de la Conférence de Paris sur le Cambodge et de membre permanent du Conseil de Sécurité de lONU. A plusieurs reprises le CCV a émis des avis quant aux mesures à prendre pour remédier à cette situation, elle les a portées à la connaissance de lAPRONUC et du CNS sans obtenir quils soient pris en considération (cf. létude du Département Juridique du CCV en date du 23 Mars 1992). IV - ROLE DU CNS ET DE LAPRONUC STRUCTURES ADMINISTRATIVES EXISTANTESLE CNS REDUIT A UN ROLE SYMBOLIQUELensemble du processus de paix prévu par lAccord signé à Paris devait constituer un moyen puissant de réconciliation nationale et permettre lautodétermination du peuple cambodgien. Le rétablissement de la sécurité des personnes et de leur liberté de circulation, dassociation, daccès à linformation et de croyance sur lensemble du territoire était non seulement un préalable indispensable à la tenue délections, mais également le moyen de reconstituer lunité du territoire national en libérant toutes les régions cambodgiennes de linfluence et du contrôle armé exclusif de telle ou telle partie pour assurer à lensemble de la population, la jouissance des mêmes droits et protections. Rassemblant en son sein lensemble des parties cambodgiennes ayant pris part au conflit, le CNS, sil avait fonctionné réellement comme organe légitime unique et source de lautorité au Cambodge, aurait incarné et traduit cette volonté de reconstituer lunité nationale. En association étroite avec lAPRONUC, il devait contribuer à lapplication de lAccord. En exerçant toute lautorité sur les structures administratives jusque là partisanes dans les différentes parties du pays, il devait assurer leur neutralité politique, contribuant ainsi à létablissement de lenvironnement neutre nécessaire à la tenue délections. Malheureusement, le CNS na à aucun moment fonctionné. Il a dabord connu de grandes difficultés pour se réunir en raison des entraves, matérielles ou parfois violentes que la partie de Phnom Penh a opposées à létablissement des délégations des autres parties dans la capitale cambodgienne. Même lorsquil sest réuni régulièrement, il nexerçait effectivement aucune autorité sur lensemble du territoire, lequel est toujours resté divisé en zones de contrôle exclusif des différentes parties. A aucun moment le CNS na été en mesure de jouer le rôle de moteur du processus de paix qui aurait dû être le sien. La dynamique interne est restée paralysée. Toléré par lAPRONUC et par la communauté internationale, cet état de fait nétait rien de moins quun processus de partition du pays. De nombreuses puissances étrangères et lAPRONUC elle-même ont semblé sen satisfaire pleinement car cela leur permettait finalement de traiter la partie de Phnom Penh comme le gouvernement du Cambodge ou dassimiler cette partie au Cambodge lui-même. Soigneusement réduit à un rôle de symbole, le CNS na servi finalement que de couverture légale, à la reconnaissance de facto du régime issu de loccupation étrangère et de ses structures partisanes. TENTATIVE DE LEGALISATION DU REGIME DE PHNOM-PENHLe fait que la partie de Phnom Penh nhésite pas à maintenir son gouvernement et son assemblée législative, que ses dirigeants continuent de porter les titres et dassumer effectivement les fonctions de Premier ministre, ministres, Président de lAssemblée est en contradiction flagrante avec le principe dunicité du CNS comme source de toute lautorité au Cambodge. En violation du même principe et en contradiction complète avec leur propre engagement à reconnaître le Prince Norodom Sihanouk comme Chef de lEtat, les autorités de Phnom Penh se croient même autorisées, le 6 Avril 1992, de nommer M. Chea Sim, Chef de lEtat. En conséquence, comble de paradoxe, le Président du CNS, cest à dire le Chef de lorgane légitime et source unique de lautorité au Cambodge, doté par lAccord de Paris dun droit suprême darbitrage, et reconnu Chef de lEtat par lensemble des parties, a été contraint de rappeler régulièrement à ses compatriotes quil nexerce ni ne détient aucun pouvoir réel. Dans un communiqué en date du 27 Mars 1992, le CCV déplore cette situation en ajoutant que : Le CCV exprime dautre part son inquiétude profonde devant la multiplication des traités, accords et transactions par la faction de Phnom Penh dans des conditions hâtives, inégales, sommaires et totalement illégales. De tels accords hypothèquent lourdement lavenir du Cambodge. Le CCV a le devoir dinformer lopinion internationale quà lexception des accords à caractère humanitaire et urgent, ces traités et transactions conclus dans lillégalité ne lient absolument le Cambodge, ni ses futurs gouvernements à aucune obligation. Il est regrettable que le Secrétaire Général de lONU. lui-même, dans son appel en faveur des besoins immédiats et de la reconstruction au Cambodge soit allé jusquà écrire : Larrêt de lassistance fournie par les pays de lex-COMECON en 1990 et de leur décision en 1991, de pratiquer désormais les échanges commerciaux internationaux en devises convertibles, ont exacerbé les tensions existantes de la balance des paiements au Cambodge (...). En conséquence, il existe un besoin urgent de soutien budgétaire au Cambodge. Sexprimant ainsi, le secrétaire général de lONU inscrit la relation de son Organisation avec le Cambodge dans la continuité de la relation passée entre le bloc soviétique et le régime communiste pro vietnamien. Il demande finalement à la communauté internationale de se substituer simplement au COMECON sans se préoccuper de la neutralisation préalable de lenvironnement politique et de lappareil détat. Rien pourtant nempêche lONU de faire face aux urgences, dans le respect de lesprit de lAccord, en sappuyant sur un CNS fort et en utilisant la neutralisation de ladministration pour renforcer son efficacité sur le terrain. Ce ne sont pas les moyens qui ont manqué à lONU mais la volonté politique. MANQUE DE VOLONTE POLITIQUEEn tout premier lieu, il manque au bon fonctionnement du CNS, la volonté politique claire de lAPRONUC et de certains membres permanents du Conseil de Sécurité de le voir être réellement lorgane légitime unique et source de lautorité. Là se trouve la raison majeure du dévoiement du processus de paix. En conclusion dune importante étude sur le dysfonctionnement du processus de paix, dès le 23 Mars 1992, le Département Juridique du CCV a formulé des propositions précises pour rendre le CNS opérationnel et restaurer son unicité : 1/ Etablir un règlement intérieur qui définit les règles de fonctionnement du CNS, les pouvoirs du Président et des membres ainsi que les sanctions. Nous avons suggéré que le quorum soit de " 5 membres + Président " pour valider les réunions du CNS (...) 2/ Une réunion peut être qualifiée de réunion du CNS, si le quorum est atteint. Toute décision prise par une réunion du CNS peut être qualifiée de décision du CNS. Toute décision du CNS a force juridique et simpose à lensemble du pays (...) 3/ Le CNS doit instituer un Journal Officiel pour officialiser ses actes et les rendre exécutoires (...) 4/ Toutes les questions dintérêt national relèvent de la compétence du CNS. Elles doivent être traitées au sein du CNS ou par les services ou organes créés par lui. Les aides internationales et la défense du patrimoine national et culturel ne peuvent donc être traités ailleurs que par le CNS et ses organes. 5/ Le CNS doit instituer ses propres organes administratifs pour pouvoir assumer ses responsabilités (...). Il y a lieu de revoir tous les organes et comités créés en dehors de lautorité du CNS, et dont lobjet relève de la compétence du CNS. ATTEINTES AU PATRIMOINE NATIONALLun des domaines dans lesquels lautorité du CNS aurait dû sexercer pleinement est celui de la protection du patrimoine national. Dans son rapport en date du 24 Avril 1992, le Département Patrimoine du CCV a dénoncé les atteintes extrêmement graves ont été portées au patrimoine national depuis linvasion du pays en 1979, et que dans certains cas, elles se sont poursuivies après la signature de lAccord de paix et concernent tous les domaines. Le patrimoine territorial a été affecté par lannexion de territoires, le déplacement de frontières maritimes et terrestres et laccaparement de terres par les colons illégaux. Le patrimoine démographique a été durant la guerre particulièrement visé par les forces doccupation qui ont eu largement recours à des armes conventionnelles et non conventionnelles visant expressément la population khmère (armes chimiques, arme de la famine, travaux forcés, etc...). Ce patrimoine démographique a continué, durant le mandat de lAPRONUC, dêtre affecté par larrivée massive dimmigrants illégaux et les naturalisations illégales dont ils sont bénéficiaires. Dans le domaine économique, le Département patrimoine du CCV sest exprimé comme suit : Le CNS et lopinion cambodgienne, doivent obliger le régime de Phnom Penh à suspendre son rappel à ladjudication, ainsi que toutes les opérations de braderie du patrimoine national, en attendant la décision dun gouvernement élu. Le CNS doit déclarer nuls et non avenus tous les traités, et transactions contractées par ce régime illégal. Les carences de lAPRONUC dans les domaines essentiels de la vérification du retrait des forces étrangères, de la neutralisation politique des institutions et administrations existantes, de la reconnaissance effective du CNS dans le rôle qui lui est dévolu par lAccord et dans celui du contrôle de limmigration illégale au Cambodge, ont déjà été évoquées ci-dessus. Ce ne sont malheureusement pas les seuls sujets sur lesquels lAPRONUC a gravement déçu les attentes du peuple cambodgien. Compte tenu de limportance des problèmes du patrimoine national, nous renvoyons nos lecteurs à son étude détaillée et figurée dans la troisième partie de ce livre (p 71). LOIS ELECTORALES INJUSTES ET INCOHERENTESDans le cadre de la préparation du processus électoral, lAPRONUC a préparé un projet de loi électorale. Le représentant personnel du Secrétaire Général de lONU, Chef de lAPRONUC, M. AKASHI, a déclaré le 5 Août que le projet est adopté en dépit de lopposition ou de réserves extrêmement claires de trois des quatre parties cambodgiennes. Deux points ont motivé lopposition de lopinion cambodgienne à ce projet de loi électorale. Dabord, lalinéa 1, article 14 du chapitre V stipule : Linscription des personnes qui, du fait de cette inscription et en application de la présente loi, seront autorisées à participer aux élections se fera au Cambodge. En exigeant que les inscriptions ne puissent se faire quau Cambodge, lAPRONUC a posé un premier obstacle à une diaspora khmère évaluée à plus de 400.000 personnes. En effet, de toute évidence, la plupart ne pourraient assumer les frais de transport et de séjour, très onéreux, pour se rendre dans leur pays pour une banale opération denregistrement. Cette disposition, imposée de manière arbitraire a suscité de véhémentes protestations de la part de la diaspora khmère qui sest sentie fortement lésée. Il faut sans doute rappeler que lAccord de Paris accorde le même droit et la même possibilité à tous les Cambodgiens de participer au scrutin. De nombreuses requêtes ont été formulées pour demander à lAPRONUC de prévoir des centres denregistrement dans des pays daccueil tels que les Etats Unis, la France, lAustralie. Cette demande était dautant plus facile à satisfaire que dans tous ces pays ladministration dispose de fichiers permettant de connaître le nombre exact des réfugiés cambodgiens y résidant. Des lettres et motions ont été adressées aux membres du CNS et particulièrement à Samdech Norodom Sihanouk pour leur demander dintervenir sur la question. Malgré plusieurs interventions de leur part, lAPRONUC a continué de faire la sourde oreille. Elle a accepté que des points de vote soient installés à létranger mais a refusé jusquau bout que lenregistrement des électeurs se fasse ailleurs quau Cambodge. Ainsi, elle a de fait exclu la diaspora khmère du processus électoral, officiellement pour des raisons dordre matériel. LAPRONUC a-t-elle seulement la volonté de faire participer les Cambodgiens de la diaspora aux élections comme le prévoit lAccord ? La question reste posée. Comme cela est prévisible le nombre des votants dans les bureaux de vote ouverts à létranger fut faible, faute dinscrits. En ouvrant finalement ces bureaux, notamment à Paris et New York, lAPRONUC veut afficher sa volonté officielle de faire participer le plus grand nombre aux élections. En réalité, prouvant quil est possible de mettre en place une logistique électorale à létranger, elle na fait que démontrer son iniquité à légard de la diaspora, et le caractère non justifié de son refus de laisser la diaspora se faire enregistrer dans les pays daccueil. Le second point de la loi électorale qui a suscité la colère de lopinion cambodgienne porte sur la définition de la personne cambodgienne qui a conditionné lattribution du droit de voter. Selon larticle 15, chapitre 15 de la loi électorale : Toute personne âgée de 18 ans ou plus qui aura pendant la période dinscription déterminée par lArticle 14 et qui : a/ est né au Cambodge b/ ou est enfant naturel dune personne née au Cambodge sera autorisée, si elle satisfait aux dispositions de la présente loi, à être inscrite sur les listes électorales. Par cette disposition, la loi électorale imposée par lAPRONUC ne reconnaît que le droit du sol, jus soli, et néglige de façon outrancière le droit du sang, jus saguini, en contradiction avec la tradition juridique du pays. Au cours dune réunion de travail consacrée à la préparation des élections et présidée par Samdech Norodom Sihanouk, le CNS a pourtant, pour une fois, donné son accord par consensus pour que le Code Civil de 1954 soit remis en vigueur. Ce texte respecte à la fois le droit du sol et le droit du sang, autorisant seuls les Cambodgiens à prendre part au vote et naccordant pas aux étrangers résidant au Cambodge la possibilité de prendre part au scrutin. Le CNS entend ainsi défendre la souveraineté du Cambodge dans un contexte caractérisé par la présence massive détrangers civils et militaires, notamment vietnamiens. En vertu de lAccord de Paris, lAPRONUC na nullement autorité pour remettre en cause lavis unanime du CNS sur cette question. Selon lAccord de Paris, il incombe à lAPRONUC de préparer la loi électorale mais en aucun cas, elle na compétence pour redéfinir la personne cambodgienne contre lavis du CNS et en contradiction avec la tradition juridique du pays. Si une nouvelle définition était jugée nécessaire, le CNS seul, serait habilité à létablir en vertu de son rôle de garant de la souveraineté du Cambodge. La loi électorale a permis sans ambiguïté à tous les Vietnamiens établis au Cambodge, de fraîche ou de longue date, de réclamer et dobtenir le droit de vote. En effet, si leur naissance au Cambodge ou celle dun de leur parent, était contestée par quelquun, il serait prévu que la charge de la preuve incomberait au plaignant. Et que de plus, ce serait ladministration en place, dépendante de la partie de Phnom Penh, qui aurait la charge de recevoir les plaintes. Une information parue dans Le Monde du 23-24/8/92 laisse imaginer les conséquences perverses de ces dispositions : LAPRONUC va vérifier les listes du personnel des ministères de Phnom Penh pour déterminer sil y a toujours de conseillers vietnamiens et les rapatrier... Enfin, selon des sources gouvernementales à Phnom-Penh, des cartes didentité cambodgienne ont été distribuées à un certain nombre de fonctionnaires dorigine vietnamienne pour leur permettre de rester au Cambodge. Par une note explicative appuyant larticle 15 précité, M. Akashi a de surcroît exclu du droit de voter toute une partie de la population cambodgienne née au Kampuchéa Krom, ancien territoire khmer annexé par le Vietnam, avec la bénédiction de lancien empire colonial français. Beaucoup de Khmers Krom se sont établis depuis des décennies sur le territoire actuel du Cambodge pour y vivre, mais chacun deux reste détenteur de documents détat civil qui mentionnent le Sud Vietnam comme lieu de naissance. La loi prive donc de la citoyenneté cambodgienne, tous nos compatriotes qui sont nés hors du Cambodge. Ce qui est une première dans lhistoire du Droit Civil Cambodgien. Lexemple le plus illustre reflétant cette injustice est le cas de M. Son Sann, président du PDLB. Selon la loi, il naurait pas dû avoir le droit, ni de se présenter comme candidat à la députation, ni de sinscrire sur la liste électorale. Un autre cas non moins frappant est celui de M. Truong Mealy, chef de cabinet de Samdech Norodom Sihanouk, qui pour la même raison, naurait pas dû jouir du droit de vote. Etant donnée la position de lun et de lautre, des dispositions spéciales ont été prises pour quils ne soient pas exclus du scrutin. Par contre, rien na été fait pour tous nos compatriotes se trouvant dans la même situation. Le même droit pour tous les cambodgiens de participer au scrutin na donc pas été respecté. Mais, comble du paradoxe la même loi qui exclut tant de Cambodgiens, accorde dans les faits le droit de vote à tous les étrangers se trouvant au Cambodge. Samdech Norodom Sihanouk lui-même a réagi vivement et a fait remarquer clairement que sous son règne, les étrangers nont pas le droit de vote. Tous les cambodgiens ont applaudi ce rappel, tout comme M. Son Sann qui a adressé une lettre en date du 7 avril 1993 à M. Akashi, dont voici la teneur : " Lexistence au Cambodge dune si nombreuse "force" vietnamienne, plus ou moins armée, ne permet pas davoir une atmosphère sereine, neutre et équitable pour ces élections. Javais démontré dans une réunion plénière à Paris avec des chiffres avancés par une personnalité de Phnom Penh à lappui, que le nombre de vietnamiens au Cambodge en 1989, dépassait déjà largement le million. Depuis, ils arrivent régulièrement, sans passeport ni visa et accueillis et dispersés dans les divers centres par des réseaux bien organisés. Ces Vietnamiens se ruent dans les bureaux denregistrement des électeurs ouvert par lAPRONUC, pour demander les cartes délecteurs. Combien de Vietnamiens ont-ils déjà obtenu ces cartes délecteurs, malgré les protestations des représentants du FUNCINPEC et de notre parti le PDLB ? LAPRONUC a annoncé les inscrits pour les élections au nombre de 4 600 000. La population khmère devrait être alors au moins entre 9 200 000 et 12 000 000 dhabitants. Mais du fait de la guerre, ce taux de croissance est inférieur à 2 %. La population khmère a subi des pertes denviron 2 000 000 de personnes, tuées lors de la guerre de 1970 à 1975, sous le régime des Khmers rouges, et sous loccupation vietnamienne... En outre, plus de 500 000 cambodgiens se sont réfugiés à létranger et au moins 5 % de la population sont dans la zone du Kampuchéa Démocratique. Le chiffre maximum de la population khmère restée au Cambodge est de 8 000 000 et non de 9 000 000 annoncé par lAPRONUC. La différence entre le chiffre minimum de 9 200 00 et le chiffre maximum de 8 000 000, soit 1,200,000 de non cambodgiens, se retrouve en partie dans le nombre des 4 600 000 délecteurs inscrits annoncé par lAPRONUC. Les élections seront-elles libres et équitables dans ces conditions ? " Ayant démontré liniquité de ces règles, le CCV a formulé à plusieurs reprises des propositions concrètes. Mais lAPRONUC a résolument choisi de ne pas tenir compte de lopinion cambodgienne. La crainte de voir accorder le droit de vote à la grande masse des étrangers au Cambodge, notamment vietnamiens, sest trouvée totalement confirmée lorsque lAPRONUC a annoncé, avec brio, avoir enregistré plus de 4 600 000 électeurs. Et pour faire concorder le chiffre avec celui de la population cambodgienne, une nouvelle estimation de celle-ci a abouti au chiffre effarant de 12 millions dhabitants, à la surprise de tous les démographes. Il faut dailleurs souligner que ni le gouvernement vietnamien, ni la partie de Phnom Penh nont pu nier que les Vietnamiens établis au Cambodge auraient le droit de voter. Au contraire, lagence officielle de la partie de Phnom Penh, SPK écrit le 19 Mai 1992 : LAFP rapporte que selon le Vice-Premier Ministre vietnamien, Nguyen Khanh, les colons vietnamiens pourront être autorisés à voter aux prochaines élections cambodgiennes puisquils vivent légalement au Cambodge depuis longtemps. " Je ne pense pas quil y ait de problème " a déclaré M. Khanh à des journalistes, à son arrivée à Kuala Lampur pour une visite de cinq jours. M. Khanh a déclaré avoir eu récemment une réunion avec le "Vice-Premier Ministre" cambodgien, le prince Norodom Chakrapong et que "tout a été discuté et résolu". (SPK N068, 19.05.1992, Phnom Penh) UNE LOI PENALE DISCRIMINATOIREDans le domaine juridique, lAPRONUC a proposé au CNS le 17 Août 1992 un projet de code pénal. Le texte se caractérise par un parti pris favorable aux étrangers se trouvant au Cambodge et une volonté de limiter les droits des Cambodgiens dans leur propre pays. Plus étonnant encore, il permet de faire condamner pour discrimination raciale, toute personne ou tout groupe qui aurait prétendu sélever contre une atteinte étrangère à la souveraineté et au patrimoine national. A titre dexemple, la dénonciation par voie de presse de lafflux massif dimmigrants illégaux au Cambodge, pouvait tomber sous le coup de ce texte réglementaire et son auteur se voir interdire le droit de participer aux élections, quil sagisse dun individu ou dun mouvement politique, sans préjudice des peines damendes et demprisonnement. RAPATRIEMENT DES REFUGIES ET DEMINAGE : DES PROMESSES NON TENUESMême dans un domaine technique comme celui du rapatriement des réfugiés, il faut déplorer la médiocre qualité du travail de lONU. Malgré le retard pris au démarrage du programme, les objectifs quantitatifs et les délais ont été finalement respectés. Mais, sur le plan qualitatif, le processus de rapatriement est loin de sêtre fait dans les conditions prévues. Etabli sur la base des conclusions de la Mission Provisoire des Nations Unies, le premier rapport du Secrétaire Général de lONU, en date du 12 Février 1992 promet aux réfugiés à rapatrier : Sélection et attribution de terres agricoles et de terrains dinstallation, fournitures dune assistance et de vivres, pendant une période dun an en moyenne, à 360 000 rapatriés au maximum. En fonction de lexpérience acquise, cette période pourra être prolongée jusquà dix huit mois, notamment pour lintroduction de projets "vivre contre travail". (ONU/Conseil de Sécurité - S/23613 point 137, b) Compte tenu du fait quune famille compte en moyenne 4,4 personnes, chaque famille doit disposer denviron deux hectares de terre pour être autosuffisante. Il faudrait recenser et allouer 150 000 hectares de terres au Cambodge à des fins de réinstallation (...). Une mission du HCR utilisant des techniques de télédétection identifie actuellement 240 000 hectares de terre non revendiquées et pouvant convenir à cette fin dans les provinces ou les rapatriés souhaitent sinstaller. (ONU/Conseil de Sécurité - S/23613, point 141) Les colis de fournitures distribuées aux familles rapatriées lors de leur réinstallation comprendraient différents outils et matériels de base à utiliser sur le lieu de leur destination finale (bols de sciage, piquets, bambous, bâches de plastique), de même que du matériel servant pour la construction (clous, fils métalliques, scies à mains, limes, truelles, pinces etc...). Les familles rentrant au Cambodge devront se procurer de chaume supplémentaire ou du matériel analogue pour la finition des murs et remplacer les bâches en plastique. (ONU/Conseil de Sécurité - S/23613, point 144) Chaque famille recevra également une pochette darticles ménagers et des outils agricoles, y compris des sceaux à eau, des moustiquaires, des haches, des machettes, des houes, des pelles, des couteaux, des faucilles et des cordes. Chaque ménage recevrait 15 dollars supplémentaires pour compléter les pochettes de réinstallation avec dautres articles achetés sur place. (ONU/Conseil de Sécurité - S/23613, point 145) En réalité, le 13 Mai 1992, le Haut Commissariat aux Réfugiés des Nations Unies a annoncé que ceux qui souhaitent recevoir un lopin de terre à cultiver doivent attendre dans les camps ; et peuvent en bénéficier pour y construire leurs maisons, ainsi que des outils, 20 dollars US et de la nourriture pendant 12 mois. Ceux qui ne le désirent pas peuvent rentrer et bénéficier de 50 dollars par adulte, 25 par enfant, dune aide alimentaire durant douze mois (réduite à six en cas de retour à Phnom-Penh) et doutils permettant au chef de famille de gagner sa vie. Alors quil leur a été promis terre, outils, matériels de base, fournitures diverses et subsistances durant douze mois, les réfugiés ont donc été dès le début de rapatriement, invités à renoncer à la terre et à choisir entre maison et outils de travail. Les conditions budgétaires ne peuvent seules expliquer ce décalage. En effet, le plan initial de rapatriement a été chiffré à 109 millions de dollars. A titre de comparaison, il faut savoir que les camps de réfugiés établis en Thaïlande ont coûté jusquici 60 millions de dollars par an à lONU, cest à dire à la communauté internationale. La compétence des experts de lONU est bien en cause puisque leurs projets initiaux se sont révélés matériellement inapplicables en dépit de moyens dévaluation mis en uvre très importants, puisquun satellite a même été loué par lONU afin didentifier les terres agricoles disponibles, et que 100 000 hectares sur les 150 000 requis leur semblent encore accessibles en février 1992. Le Haut Commissariat aux Réfugiés des Nations Unies na pas tenu ses engagements. Dès le 10 Août 1992, son Représentant à Phnom Penh, M. Sergio Vieira de Mello la reconnu lui-même : Non seulement, il ny a pas suffisamment de terres libres et non minées, mais il ny a pas assez de vivres tout court. (Propos rapporté par Rémi Favret, dans le Figaro) Les opérations de déminage ont pris de surcroît un retard considérable. Bien que les Casques Bleus français aient immédiatement entrepris la formation déquipes de démineurs cambodgiens, celles-ci sont restées les bras croisés pendant des mois. Motif : les services juridiques de lONU refusaient leur embauche, afin de ne pas avoir à payer des dommages en cas daccident. En désespoir de cause, le HCR a dû se résoudre à passer un contrat avec une organisation privée française, Handicap International, qui na pas les mêmes entraves bureaucratiques. Mais la taille du contrat (200 000 dollars) reste dérisoire en regard du problème à résoudre, et plus encore des milliards que lONU dépense au Cambodge. (Rémi Favret, Figaro, 10 Août 1992) Finalement, lorsque lAPRONUC a quitté le Cambodge, la superficie déminée ne représente pas le dixième du programme initialement annoncé. Et, peu après son départ, le pays a appris que laide financière promise pour la poursuite du programme narriverait sans doute jamais... LA PROTECTION DES DROITS DE LHOMMELa signature de lAccord de Paris a suscité un immense espoir en ce qui concerne la restauration et la défense des droits de lhomme au Cambodge. Larticle 15 prévoyait : Toutes les personnes se trouvant au Cambodge et tous les réfugiés et personnes déplacées jouiront des droits et libertés formulés par la Déclaration Universelle des Droits de lHomme. Le processus de paix lui-même, par la fin de loccupation étrangère et la restauration dun environnement neutre sur tout le territoire doit être un instrument puissant de la restauration des droits de lhomme. Tout contrôle partisan et coercitif sur la population exercé dans chaque zone, à travers les appareils administratifs, économiques, policiers ou militaires de chacune des parties doit cesser. En plus de leurs multiples déclarations unilatérales, lensemble des parties cambodgiennes, signataires de lAccord, ont solennellement et formellement renouvelé leur engagement à respecter désormais les droits de lhomme en signant deux conventions internationales, le 20 Avril 1993, à Phnom Penh, en présence de M. Boutros Ghali, Secrétaire Général de lONU. Cependant, en matière de protection des droits de lhomme également, le bilan de lAPRONUC est nettement négatif. Les douze premiers mois de son mandat, correspondant pratiquement à la période précédant louverture de la campagne électorale, ont été jalonnés de manuvres dintimidation, darrestations, dassassinats politiques, de répressions sanglantes, imputables dans leur ensemble au PPC et dirigés contre toute velléité dexpression dopposition, spontanée ou organisée (outre les faits rapportés ci-dessous, cf. le Rapport Final de la composante Droits de lHomme de lAPRONUC, septembre 1993) ; - Le 31 Octobre 1991, une Cambodgienne résidant aux Etats Unis, est interpellée à Phnom Penh et expulsée alors quelle sapprête à tenir une conférence de presse pour annoncer la création dun parti politique. - Le 19 Novembre 1991, une délégation du FNLPK. est inquiétée et menacée par la police du Parti Populaire Cambodgien, en pleine nuit, en sa résidence de Phnom-Penh. - Le 27 Novembre 1991, M. Khieu Samphan et la délégation du PKD échappent de peu à un lynchage organisé par la police de PPC. - Du 17 au 22 Décembre 1991, la population de Phnom Penh manifeste spontanément contre la corruption et la vente de nombreux biens, terrains et immeubles publics, aux profits personnels des dirigeants du Parti Populaire Cambodgien. La police du PPC tire sur la foule désarmée. Dans un rapport circonstancié, Amnesty International déplore onze morts. - Le 1er Mars 1992, trois inconnus tirent sur un militant du FNLPK, M. Tho Chheng, à Veal Sbov, dans la province de Kandal, tuant sa fille âgée de cinq ans. - Le 10 Mars, le rédacteur en chef du tout nouveau bulletin du FNLPK. est sérieusement blessé par balle à Phnom Penh, un passant lest également au cours de cet attentat. - Le 11 Mars, M. Ieng Mouly, dirigeant du FNLPK. et membre du CNS, est menacé par la police au cours dune visite à Phum Setbau, à 45 Km de Phnom Penh. - Le 25 Juillet 1992, à Veal Rinh, sur la route qui les ramène de Sihanoukville à Phnom Penh, M. Ieng Mouly et les cadres du FNLPK. qui laccompagnent sont arrêtés par des soldats de Phnom Penh, qui sapprêtent à les exécuter. M. Ieng Mouly et ses collaborateurs ne doivent leur vie sauve quau passage inopiné de casques bleus français. - Le 19 Août 1992, un responsable provincial du Parti Libéral Démocrate Bouddhiste (issu du FNLPK.) est assassiné à Sihanoukville sous les yeux de sa famille. Dans son édition du 12 Septembre 1992, le Bangkok Post rapporte : Un militant du FUNCINPEC, parti sihanoukiste dirigé par le Prince Ranariddh, a été récemment assassiné dans la province de Kratié. Une enquête conduite par lAPRONUC a conclu quil sagissait dun crime politique dans lequel les autorités sont impliquées, rapporte une source fiable. A Prey Veng, 11 cadres du FUNCINPEC ont été récemment arrêtés par la police locale qui leur a confisqué leurs cartes de membres du FUNCINPEC (...) Une source a même affirmé que lancienne police délite A3 opère actuellement et discrètement dans plusieurs provinces. Beaucoup de ces policiers ont été formés par la STASI allemande ou par les forces de sécurité vietnamiennes (...) Une source proche du parti sihanoukiste a révélé que le FUNCINPEC a été obligé de fermer son bureau à Kompong Thom parce que les cadres sihanoukistes sont constamment inquiétés par la police locale. Nous ne pensons pas quil sagit dun incident isolé car une telle action requiert des instructions du centre a déclaré cette source. Au-delà du caractère inacceptable de ces incidents, le CCV a toujours affirmé quil ne serait possible de considérer les droits de lhomme rétablis que lorsque la liberté de circulation, la liberté de réunion, la liberté dassociation, la liberté de manifestation, la liberté de croyance seraient restaurées partout dans le pays, et que chacun pourrait avoir accès aux moyens élémentaires de subsistance, à ladministration, à la santé, à linformation et à léducation sans condition dallégeance à quelque partie que ce soit. Encore une fois, il est clair que sans retrait vérifié des troupes étrangères, sans désarmement complet et sans létablissement dun environnement politique neutre il nest pas possible datteindre ces objectifs. Dans le contexte concret du Cambodge, le CCV a insisté pour quune attention toute particulière soit portée aux forces de police. Ces forces ont eu, en effet pour vocation, dès leur origine, de contrôler les populations. La force A3 mise en place par le Parti Populaire Cambodgien, en particulier, a été conçue sur le modèle de la police politique de lex-République démocratique allemande tristement connue sous le nom de STASI. Son personnel a été formé et encadré par des spécialistes vietnamiens et est-allemands de la police politique. Dans son premier rapport, le Secrétaire Général de lONU relève : Les forces A3 du PPC auraient été dissoutes et les éléments constituants affectés aux postes de police administrative. Il semblerait cependant quelles puissent être reconstituées à bref délai. Il faudra donc assurer une surveillance continue de la structure des forces de sécurité intérieure. (Point 116 du rapport du Secrétaire Général de lONU au Conseil de Sécurité, S/23613 du 19 Février 1992) Les forces A3 sont directement chargées, avant la signature de lAccord, de surveiller et de réprimer les populations sous le contrôle du Parti Populaire Cambodgien. Elles ont joué un rôle actif dans lenrôlement forcé de milliers de jeunes gens dans les forces armées de Phnom Penh ou dans les travaux forcés pour la construction du mur de bambou Depuis la signature de lAccord, elles ont été mises en cause à plusieurs reprises par différentes parties et leurs activités ont été évoquées par plusieurs articles de presse. Il est donc du devoir de lAPRONUC de vérifier ces allégations et, le cas échéant, de mettre fin aux activités partisanes et coercitives de ces forces de police. La lettre et lesprit de lAccord commandent que la neutralité de police, au même titre que celle de toutes les autres structures administratives et publiques, soit assurée. Seul le contrôle effectif de lAPRONUC sur ces structures, en étroite collaboration avec les quatre parties représentées au sein du CNS, aurait pu - comme prévu par lAccord - assurer réellement leur neutralité. Sans cette neutralité comment assurer que les élections traduisent pleinement la volonté populaire. Il faut attendre la veille des élections, pour quen janvier 1993, un rapport interne de lAPRONUC reconnaisse que les forces de police spéciale continuent dexister. Cela na pas pour autant entraîné laction vigoureuse que lONU se doit dengager. A aucun moment lAPRONUC na cherché à dissoudre ou à prendre le contrôle de cette police politique. Durant tout son mandat, en vertu des pouvoirs judiciaires quelle sest attribuée, lAPRONUC na procédé à larrestation que de quatre personnes ! LES EFFORTS DEPLOYES POUR SORTIR LE PROCESSUS DE LIMPASSE ET DE LA PARTIALITEDès le 26 Mars 1992, dans une lettre adressée au Prince Norodom Sihanouk son père, le Prince Norodom Ranariddh écrit : " La situation à Phnom Penh et en province est très inquiétante et malsaine. Mon immense inquiétude, partagée par limmense majorité des Cambodgiens Funcinpecistes ou non, est que les prochaines élections organisées par les Nations Unies ne seront ni libres, ni équitables. Elles nauraient contribué quà légitimer le régime dont la vraie nature est connue de tout le monde (...) Cest en considération de ce qui précède que je me suis permis, au nom du FUNCINPEC, de venir très respectueusement supplier Papa très vénéré de daigner user de toute votre autorité et prestige, en Votre très haute qualité de Père de la Nation Cambodgienne, pour que toutes les parties concernées, y compris lONU, appliquent intégralement et sincèrement les dispositions de lAccord historique du 23 Octobre 1991. " Quelques jours après le début de la seconde phase du cessez-le-feu, M. Son Sann, pour le FNLPK réaffirme : Cette première question aurait dû être réglée avant la phase II. Il est important de demander au Vietnam de confirmer par écrit quil a retiré du Cambodge toutes ses forces, y compris les assistants, conseillers et munitions, en précisant les dates, les voies, et le nombre de forces et de matériels retirés, avec lassurance écrite de leur non-retour (...) Tout le monde est daccord pour quil ny ait plus de gouvernement autres que le CNS+APRONUC. Dans les pays occidentaux qui pratiquent la démocratie libérale, ladministration (cest à dire les bureaux) reste, mais les gouvernements changent avec tout lappareil politique, suivant le résultat de nouvelles élections. Dans les pays de démocratie populaire, non seulement les gouvernements, mais les responsables de ladministration appartiennent aussi au parti communiste. Au Cambodge, il faut donc comprendre quil ny a pas dautres institutions politiques, ni de représentants de partis communistes dans les divers services administratifs, surtout ceux qui ont une influence plus ou moins directe sur lorganisation des élections libres et équitables de 1993. Les représentants des quatre parties cambodgiennes au sein du CNS nont dautres titres que celui (très honorable et honorifique) de Membre du CNS. Le contrôle permanent de lAPRONUC doit sexercer non seulement sur les cinq domaines (Note : Affaires Etrangères, Défense Nationale, Finances, Sécurité Publique et Information), mais sur toutes les affaires ayant une influence sur les élections libres et équitables de 1993, et à tous les échelons depuis la capitale jusquaux provinces, districts, khums, phums... Toutes les polices plus ou moins spéciales doivent être dissoutes... (Propositions de M. Son Sann en date du 16 Juillet 1992) En dépit de ces mises en garde et de ces demandes, après le début de la seconde phase du cessez-le-feu, plusieurs décisions de M. Akashi, Représentant Spécial du Secrétaire Général de lONU. et Chef de lAPRONUC sont venues renforcer les craintes dun nombre grandissant de Cambodgiens quant à la partialité de lAPRONUC et de son chef. Nous avons déjà évoqué la loi électorale, imposée par M. Akashi le 5 Août 1992 et la publication par lAPRONUC des Principes régissant le système judiciaire cambodgien, le droit pénal et la procédure pénale. Non seulement ce texte assimile la lutte politique contre une atteinte étrangère à la souveraineté nationale à un acte de discrimination mais il prévoit de très lourdes sanctions contre la diffusion de fausses nouvelles tout comme les législations jadis en vigueur dans les anciennes démocraties populaires dEurope orientales pour permettre de museler la presse. Très inquiet mais toujours soucieux de contribuer à la recherche dune solution aux problèmes quil soulève, le 10 Juin 1992, le CCV a écrit à M. Akashi dans les termes suivants : Nous sollicitons de Votre Excellence quelle accorde donc toute son attention à la résolution de lensemble de ces problèmes, et estimons que le calendrier de la deuxième phase du cessez-le-feu ne peut être établi indépendamment du calendrier de retrait et de contrôle du retrait des forces étrangères. Nous devons redire ici, comme lont souligné les membres permanents du Conseil de Sécurité qui lont élaboré, que lAccord de Paris est un tout. Il ne peut être appliqué quintégralement. Renoncer à telle partie pour privilégier telle autre équivaut à un acte de sabotage délibéré et ne peut conduire quà un blocage du processus de paix susceptible dêtre lourd de conséquences. Privilégier le respect du calendrier électoral, en négligeant de soccuper du retrait des troupes étrangères, du rôle et de lunicité du CNS et du rétablissement dun environnement neutre dans tout le pays, a témoigné de la part de lAPRONUC, soit dune incompétence caractérisée à bien gérer le processus de lapplication de lAccord, soit dune volonté délibérée de provoquer un dérapage du même Accord au bénéfice du Vietnam et du PPC. En ne résolvant pas les problèmes pour la résolution desquels elle a été envoyée au Cambodge, lONU a délibérément choisi de laisser aux vainqueurs des élections, une situation explosive à laquelle elle na pas osé elle-même sefforcer de remédier. La campagne électorale sest ouverte et les élections se sont tenues alors que lAccord de paix dans son ensemble avait été dévoyé. En cela les élections sont condamnées à napporter ni la paix, ni aucune solution aux problèmes de souveraineté et de redressement de la nation cambodgienne. |
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