Comité Cambodgien de Vigilance
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LE PATRIMOINE NATIONAL KHMER
INTRODUCTIONComme tout autre peuple attaché à sa nation, le peuple cambodgien, continuellement spolié, sest battu encore ces dernières décennies pour préserver son patrimoine national menacé par lexpansionnisme vietnamien. Son âpre et légitime combat contre lagression et loccupation vietnamienne a été reconnu et soutenu par la communauté internationale et lONU. LAccord de Paris arrêta la lutte de libération nationale pour rétablir la paix, et en échange, garantit solennellement entre autres la pérennité du patrimoine cambodgien. Il donne un rôle central (Chap. II) à lAPRONUC qui agira dans le plein respect de la souveraineté nationale du Cambodge afin de maintenir, préserver et défendre la souveraineté, lindépendance, lintégrité et linviolabilité territoriales, la neutralité et lunité nationale du Cambodge. Il stipule donc de façon claire et indéniable, le devoir et la responsabilité de lONU, de lAPRONUC et des Puissances signataires, dans la garantie du droit du peuple cambodgien à la totalité de son patrimoine, en particulier les patriotes combattants, ont accordé une totale confiance à cette garantie. En quittant le Cambodge en Septembre dernier, lAPRONUC a-t-elle accompli sa mission dans ce domaine ? Souhaitant sincèrement le succès complet de lapplication de lAccord, parce que cétait lultime recours viable pour notre pays, les Cambodgiens réunis au sein du CCV ont apporté leurs contributions constructives et pragmatiques avec toute lénergie de désir de la paix et de la stabilité nationales. Avec également toute la vigilance lucide et positive, parce que instruits par les leçons de tant daccords internationaux dévoyés, surtout des malheureux accords non appliqués intervenus en Indochine Hélas, très tôt, nous avons perçu des signes inquiétants dune mise en uvre non conforme aux impératifs de la situation locale concrète, ni à lesprit de lAccord. Le département Patrimoine du CCV a alors émis une étude, contenant des constats des faits, assortie de propositions à lintention de lAPRONUC et du CNS (Cf. RDT/CCV-2 p 12 à 18). A la lumière des résultats daujourdhui, nos appels et propositions ont-ils été fondés et entendus ? Dans quelle mesure lAPRONUC a-t-elle tenu compte des avis et propositions des nationaux cambodgiens bien au fait des réalités de leur pays ? Souvent menées à lenvers de nos suggestions, ses actions ont-elles été efficaces et bénéfiques ? Ont-elles atteint les objectifs de lAccord ? Il est trop tôt pour pouvoir dresser un bilan complet, pour la simple raison quil ny a pas encore de liberté totale sûre pour une enquête indépendante en profondeur, et que des Puissances maintiennent leur pression sur la politique cambodgienne. Cependant, les informations disponibles et des témoignages de première main sont abondants pour une vision globale correcte. Notre étude du 24/4/92 sur la préservation du patrimoine sest attachée aux quatre volets majeurs : territorial, démographique, économique et culturel. Nous allons les passer en revue dans le même ordre - et succinctement pour ne pas trop alourdir ce dossier - avec laccent mis sur le vital et le stratégique : le patrimoine territorial et démographique. LE PATRIMOINE TERRITORIALNous avons indiqué dans notre contribution technique (RDT/CCV-2 p 12 à 18) les annexions territoriales avec occupation des terres, déplacements des frontières, creusements des canaux, élévation des digues et plantation des barrières de bambou pour servir de nouvelles lignes frontalières..., opérés par le Vietnam. Nous avons fait part des modifications de frontières maritimes aux dépens du Cambodge, ainsi que lincrustation progressive et continue illégale des populations vietnamiennes visant à repousser les Cambodgiens loin de leurs terres dans le but de faire avancer la frontière vietnamienne. Ailleurs, cétait des colonies de peuplement massif en zones spécifiques concentrées en tâches de léopard dencerclement. Nous avons demandé que ce problème dintégrité territoriale soit traité et résolu de façon prioritaire par lAPRONUC et le CNS, et quen toute urgence les traités léonins imposés par la puissance occupante vietnamienne à lillégal Etat du Cambodge soient déclarés nuls et non avenus. Où en est-on aujourdhui ? On peut dire que pratiquement rien na été réalisé par lAPRONUC pour rétablir lintégrité territoriale du Cambodge, ni sa souveraineté. Aucun morceau de frontière violé na été restauré. Pire, le grignotage a continué. Aucun traité illégal na été dénoncé. Aucune attention digne de la gravité du problème na été remarquée. Les plus hautes personnalités actuelles du Cambodge, excepté les dirigeants du PPC, le reconnaissent et sen préoccupent publiquement. Le 19 Juillet 1993, Samdech Preah Norodom Sihanouk écrit à Samdech Krom Luong, la veille de la visite de ce dernier au Vietnam : " A Hanoi, je vous pris de demander au Gouverneur de la R.S du Vietnam de bien vouloir replacer les bornes frontalières du Vietnam avec le Cambodge sur la ligne frontalière Vietnamo-Cambodgienne telle que la R.D du Vietnam et le FNL du Sud Vietnam lavaient officiellement reconnue dans les années 1960 et 1970 : dans certains endroits, ces bornes frontalières, dans les années 1980, ont été déplacées bien à lintérieur du territoire du Cambodge. Ces " portiques " doivent être démolis sil apparaît quils ne se trouvent pas exactement sur la ligne frontalière Vietnam-Cambodge prévalant jusquà la veille du Coup dEtat de Lon Nol-Sirik Matak. Quant à la frontière maritime Vietnamo-Cambodgienne, elle ne doit être différente de celle reconnue formellement par la R.D du Vietnam et le FNL du Sud Vietnam dans les années 1960. " (BMD Juillet-Août-septembre 1993) Dans son mémorandum du 25/10/93, M. Son Sann sest préoccupé de la même question : Tous les traités et accords, secrets ou non, passés sous loccupation vietnamienne, doivent être déclarés nuls et non avenus, en particulier ceux concernant nos frontières, et lentrée libre des Vietnamiens au Cambodge. Lon sait que la bonne volonté pleine dhumilité et de courtoisie de Samdech Krom Luong le Prince Ranariddh a essuyé un refus catégorique sous la forme de lhabituelle commission détudes ou denquête, avec obligation de résoudre dabord le problème des 30 000 illégaux colons de peuplement vietnamiens fuyant à la frontière sous la colère des Cambodgiens spoliés ou des Khmers Rouges. Le premier contact avec le Vietnam dun Premier Ministre Cambodgien de lAprès APRONUC na pas adouci lintraitable volonté hégémonique vietnamienne. Mais cest parmi le peuple et dans le public, à travers de sa presse de tous les jours, que résonne lécho de la colère bouillonnante et de lamertume générale nées dune spoliation flagrante et insolente, inadmissible en cette fin de 20ème siècle, dans le silence tranquille, hypocrite des Grands (*) supposés intervenir pour rétablir le droit et la justice internationale. Dans la masse des cris de frustration et de peur quotidienne de perdre le pays, relevons quelques échantillons. Dans un reportage de San Nara, illustré par une photographie de sa présence à la borne frontière Cambodge-Vietnam à lextrême Est de la province de Kompong Cham, le journal CHAKRAVA du 4/10/93 écrit, sous le titre : La frontière qui met le peuple en colère : Le problème de la frontière est un sujet infini. La population en grand nombre est venue se plaindre à nous, lors de notre visite à la frontière. La population de Trapeang Pring (Srok Ponhea Krek, Kompong Cham) nous racontait : " Cest ici la voie daccès. Les Yuons ont déplacé la frontière de 10 Km, et ont planté des bambous sur une digue de 2,5 m élevée récemment, et qui sert de nouvelle frontière depuis 1988. " __________________________________________________________________ (*)Nous navons jamais entendu les grands ténors des Forums Internationaux (et nous souhaitons être dans lerreur) ni les personnes concernées par le problème cambodgien parler publiquement de lannexion territoriale par le Vietnam. Tous se sont tus pudiquement comme sils ne savaient pas. Ils ont ajouté : " Du temps de Sangkum, temps de Samdech Euv, nos terres étaient là-bas " (ils nous ont pointées de leur doigt les terres qui se trouvaient à perte de vue). " Il y a des endroits ou ils ont avancé leur frontière jusquà 40-50 Km des Phum Prey Khol, Bos Chek,... jusquà Chey Suos, Saam Ampuk. " Pour ce qui est des méthodes daccaparement des terres, le journal poursuit : Les villageois se plaignent : " Là où notre population va cultiver, des soldats et des autorités vietnamiennes viennent confisquer les bufs et les buffles, en nous accusant davoir franchi illégalement la frontière pour travailler illégalement sur le territoire vietnamien. " " Quoi, leur terre ? Alors que je lai cultivée là toute ma vie, depuis mon enfance jusquà mon âge actuel " explosa un paysan qui ajouta : " ils mont menacé en disant que leur terre (vietnamienne) commence à lEst du Mékong, et quici, il ny a pas de terre cambodgienne ". Et la population du lieu de conclure : " Nous en parlerons aux dirigeants de notre pays de prêter une grande attention à notre problème, sinon nous naurons plus de terre (...) Nous implorons Samdech Euv, Samdech Krom Luong et le Co-président de nous aider, autrement nous naurons plus rien, car nous ne vivons que par les terres, héritages de nos ancêtres. " Ce qui se passe dans la province de Kompong Cham doit être quintuplé dans les régions désertes, montagneuses du Nord-Est (Mondolkiri, Rattanakiri, Stung Treng), parmi les anciens repaires Viêt-cong, régions qui mènent à laboutissement de la piste Ho Chi Ming. Lhebdomadaire La VOIX DE LA JEUNESSE KHMERE N° 3 du 19/4/93 sous le titre la route de la souffrance raconte le constat lors dun voyage de lun de ses lecteurs dans le Nord-Est : " Nous avons fait notre voyage en voiture avec des unités provinciales pour nous rendre à Mondulkiri. Nous sommes passés par Saigon, parce que les pistes chez nous étaient difficiles et puis il ny avait pas de sécurité. Après 600 Km de route, nous étions surpris et étonnés des installations de nature stratégique comme si les garnisons étaient en état dalerte constante en direction du Cambodge. Ces garnisons comprenaient beaucoup deffectifs vietnamiens, jusquà environ 600 soldats. Jai questionné la dame vietnamienne qui nous avait demandé à profiter de notre voyage. Elle ma dit que ces postes stratégiques étaient destinés à protéger le régime de Hun Sen. Arrivés à Mondulkiri, nous assistions à des scènes extraordinaires : la coupe infernale des arbres et leur expédition vers le Vietnam avec la complicité de trois groupes de gens (les bandits, les militaires vietnamiens et les soldats du gouvernement de Phnom Penh. La population sélevait contre les taxes et impôts prélevés par les Vietnamiens qui prétendaient que cette "terre était une zone libérée". Nous lécoutions avec émotion et tristesse, et elle ajoutait : " nos dirigeants ne voient pas cela ". Autre surprise amère : alors que nous nous engagions sur une piste, nous étions arrêtés par des soldats vietnamiens, nous avions dû nous mettre à genoux pour supplier davoir la vie sauve. Finalement la grâce nous était accordée. Nous sommes terrifiés de nous apercevoir que sur notre propre terre, nous sommes interdits de circulation. En fait, ces endroits sont des lieux secrets où ceux qui sont entrés, ne reviendront pas (...) Un tel destin nest pas unique à Mondolkiri. Il en est de même des provinces de Kratié, Stung Trèng, Rattanakiri. Il y a des contrôles de ce genre, et ils creusent des tranchées partout. Ceci me fait penser à une phrase Le Duc Anh président du Vietnam qui dit : " Si je narrive pas à prendre le Cambodge, je cesserai dêtre un homme politique ". Cette histoire est véridique, nous lavons nous-mêmes vécue en juillet 1992. Alors, chers compatriotes, faites attention à la route de la "Grande Solidarité" ! " Que se passe-t-il à Takeo, Svay Rieng, Prey Veng, Kandal, Kampot ? La même chose : déplacement des lignes frontalières et des portiques de passage douanier, creusement de nouveaux canaux de démarcation, colonies de peuplement,... Déjà dès le 19 mars 1990, à Beijing, devant 73 ambassadeurs, le Prince Norodom Sihanouk a dénoncé, cartes et photos à lappui, lannexion territoriale de grande envergure par le Vietnam. Mais depuis, Hanoi travaille à consolider son avancée, et surtout à faire diversion avec le mouvement de ses illégaux colons : multiplier les problèmes au Cambodge, le submerger dans un vaste plan dencerclement démographique, pour gagner du temps et imposer un fait accompli. Il ny a quà parcourir les journaux cambodgiens daujourdhui pour voir renouveler lobsession de ce problème lancinant. Des Cambodgiens de ces provinces en parlent avec mille détails. Le sentiment de frustration, dhumiliation, de spoliation, dagression permanente gronde et monte. Rien quen étant un instant de passage à Prey Veng, accompagnant M. Akashi dans son bref tour dinspection, le célèbre auteur de Sideshow, William Schawcross, a pu relever de première main, le témoignage concret de lannexion (Time, 28/12/93) : Dans une petite maison en bois sur une digue entre les champs de riz, un officier du Bengladesh révéla quaprès son invasion de 1979, le Vietnam a déplacé sa frontière ici, à quelques 1300 mètres à lintérieur du Cambodge, coupant les villageois de leur propre pays. Il a aussi montré quil y avait tellement de chemins à travers les bois et les champs que la frontière était impossible de contrôler. Dans la ville de Svay Rieng, il y avait juste le temps pour un briefing rapide mais optimiste de la part de ladministrateur civil de la province. Quand Philippe Ramaya tenta de parler de lintimidation des partis par les fonctionnaires du SOC, il fut écarté. On le voit, M. Akashi ne voulait pas avoir de nouvelles gênantes. Sil sétait intéressé plus au rétablissement des frontières, et pas seulement aux élections, il se douterait bien que, sans la coopération des Cambodgiens, il ne serait pas possible dendiguer les flots des illégaux. Mais le lointain avenir du Cambodge le préoccupait moins que limmédiat succès des élections Pour en arriver ou plutôt en rester à cette situation, qua exactement entrepris lAPRONUC pour les questions des frontières, dintégrité territoriale ? Le rapport final du Border Control Unit (BCU) nous livre des enseignements précieux et révélateurs : Lobjectif du BCU est de fournir un guide au gouvernement cambodgien pour le contrôle des frontières pour la période post-Apronuc. Le BCU fut créé en février 1993 pour coordonner et diriger ces fonctions liées à la partie civile du mécanisme de contrôle de frontières dans son ensemble (immigration, douane, protection des ressources naturelles nationales). Ce mécanisme est construit sur les pratiques existantes des quatre factions. Le mécanisme de contrôle de lAPRONUC se concentre sur une tâche plus large de reconstruire des structures administratives et détablir des normes nationales de sorte que le nouveau gouvernement cambodgien puisse gouverner dans lintérêt du peuple cambodgien. Pour cette mission, 21 border control officers (BCO) ont été déployés, avec peu de support logistique, et soumis aux violences et menaces. Ils ont travaillé de mars à mi-septembre 1993 avec les structures existantes, contrôlé limmigration (1 600 Vietnamiens entrants et 5 000 sortants, dont probablement (!) beaucoup de Vietnamiens), et veillé à la préservation des ressources naturelles selon le moratoire du CNS. Les BCO assistent les préparations des élections, et ont contribué à la stabilité durant la déclaration des zones autonomes de Samdech Euv (Sécession des fidèles à M. Hun Sen). Ils ont aussi assisté les opérations de retour des réfugiés. Les BCO notaient également que leur présence empêchaient les Thaïlandais dabuser du territoire cambodgien. En somme, après maints protestations et appels à des mesures durgence en vue de restaurer lintégrité territoriale et la souveraineté nationale, on a fini par voir lAPRONUC créer, au demeurant à une date très tardive, les BCU dont le rôle était, non de rétablir les frontières ou de contrôler le retrait des forces étrangères, mais de préparer un dossier pour apprendre au futur gouvernement cambodgien comment fonctionnent les postes de douane et de police de frontière. Les Cambodgiens qui attendaient de lAPRONUC quelle se penche sur les problèmes dintégrité territoriale, quelle travaille à lui restituer les terres annexées, volées par le Vietnam, ou éventuellement empiétées par la Thaïlande, doivent en avoir pour leur frais. Maintenir, préserver et défendre lintégrité et linviolabilité territoriale nétait quune simple clause de style diplomatique... si ce nétait pas un mensonge. En clair, pour lAPRONUC, il ny avait rien à faire avec les frontières. Et elle na rien fait. Sur la carte où elle dessinait ses 33 postes frontaliers de contrôle, il était écrit : Les frontières et les noms montrés sur cette carte, nimpliquent pas lofficielle reconnaissance ou acceptation par les Nations Unies. Autrement dit, lAPRONUC ne préjugeait pas de la réalité des frontières où elle était supposée être installée, ou quelle était supposée rétablir. ET DU COTE OUEST ?Quand nous parlons des annexions des terres cambodgiennes par le Vietnam, certains nous objectent que la Thaïlande est également en train de prendre des morceaux de notre terre ; mais cela, comme si on voulait excuser une annexion par une autre, un crime par un autre. En clair : " vous navez rien à dire du Vietnam puisque la Thaïlande vous dépèce de lautre côté également. " Nous entendons réagir fermement à toute violation de nos frontières doù quelle vienne. Nous suivons de très près les rapports sur lempiétement éventuel à lOuest, notamment pour ce qui est des frontières maritimes souvent en rapport avec les zones de recherche ou dexploitation pétrolières aujourdhui très actives. Mais entre la politique proclamée de la Thaïlande qui souhaiterait un Etat tampon pour sa propre sécurité et la politique internationaliste vietnamienne dinvasion et doccupation militaire, en vue dune Fédération Indochinoise fièrement déclarée (" lIndochine est indivisible " clamait Nguyen Co Thach), avec une forte dose simultanée dannexions et dinjections de colonies de peuplement, on est obligé de constater non un simple contraste de nuances, mais une réelle différence de nature. Le Cambodge na alors pas de choix dans ladoption de ses priorités et urgences. Par ailleurs, lincapacité ou le manque de volonté de lAPRONUC pour résoudre nos problèmes de frontières à lEst nétait pas sans incidence sur lémergence des problèmes à lOuest. Reste pertinente, lanalyse de certains spécialistes selon lesquels lagression, la longue occupation, la politique dannexion du Cambodge par le Vietnam pouvaient fournir à la Thaïlande un bel alibi pour ne pas assister sans réagir pareillement, au dépeçage du Cambodge par son rival historique. La volonté hégémonique du Vietnam est un véritable détonateur dexplosif pour ce petit pays coincé entre deux grands voisins. La politique dannexion permanente et la non-paix quelle entretient, favorisent lévolution dangereuse vers la compétition pour le partage du Cambodge. Cest là lurgente équation à résoudre pour les Cambodgiens. Lancien ambassadeur de Thaïlande au Cambodge, Sunai Baniasiriphant, a appelé récemment à établir durgence un comité conjoint pour la démarcation des frontières (CAMBODIA TIMES 6/12/93). " Pour renforcer les bonnes relations bilatérales entre les deux pays, il devrait y avoir un organe pour examiner, négocier et résoudre les disputes des zones frontalières. Cette attitude symbolisera la bonne volonté et la sincérité de la Thaïlande, et prouvera que la Thaïlande na aucune intention de prendre des terres au Cambodge " dit lambassadeur. Une initiative à encourager et un exemple à faire suivre. LA LECON DUNE PROMESSE DE GARANTIEIl était évident quen vue de vérifier, selon les termes de lAccord, le retrait de toutes les catégories de forces étrangères, il fallait dabord savoir où étaient les frontières, surtout quand on avait affaire à un occupant coriace. Dans notre contribution du 24/4/93, nous avons donc demandé avec insistance à lAPRONUC de restituer en priorité lancienne frontière, et de démanteler les occupations illégales. Et pour cela, il était logique que lAPRONUC et le CNS coopèrent pour mettre en place des autorités quadripartites de contrôle. En effet, on ne pouvait un instant, imaginer que quelques personnels et casques bleus disparates de lAPRONUC, connaissant mal le terrain, pourraient seuls contrôler les frontières. Mais nos appels et propositions ont été superbement ignorés, parce que certaines grandes puissances ont une politique autre. A présent, que la question dintégrité territoriale reste entière, il incombera aux Cambodgiens de se débrouiller. LAPRONUC sen est lavée les mains et certaines puissances également. Une leçon sans doute très amère pour les Cambodgiens : les frontières sont à ceux qui les défendent. Il nempêche que, pour leur future démarche pour récupérer leur droit et leur patrimoine, les Cambodgiens doivent y voir clair. Leur confiance en la promesse internationale devrait tenir compte de cette expérience. En tout cas, ils ne doivent pas négliger le développement de leur propre potentiel, y compris la force. Cette transition untaciste qui, disons le, a des côtés positifs, comporte des effets pervers complexes du fait du manque de volonté politique de certains Grands, analysé déjà abondamment dans les chapitres précédents. Une vigilance redoublée reste indispensable. DEVOIR ET RESPONSABILITE DE LONULAPRONUC sest retirée, auto satisfaite de la tenue de ses élections, mais laisse derrière elle de nombreuses déceptions, et le souvenir dun Accord en grande partie, dévoyé. Les conséquences de cet échec continuent de se faire jour et bientôt saggraveront encore, notamment en ce qui concerne ces brûlantes questions dintégrité territoriale et de souveraineté nationale, garanties dans lAccord. De ce fait, lONU et les puissances restent liées à leur mission inachevée, et nont pas été dautant dégagées de leurs responsabilités et devoirs envers le Cambodge. Certes, il appartient aux Cambodgiens de prendre ses responsabilités, mais il faut rappeler que le peuple cambodgien a renoncé à sa juste lutte en échange des engagements précis, moraux et matériels. PATRIMOINE DEMOGRAPHIQUESOUVERAINETEUn pays, cest dabord les hommes ; les hommes maîtres de leur terre et de leur destin. La richesse des Cambodgiens, cest son patrimoine démographique unitaire et équilibré vivant en bonne entente, dans la tolérance bouddhique. LAPRONUC devait garantir cette maîtrise de lespace national et le protéger contre les violations, les entrées illégales. Cétait ce qua compris le commun des Cambodgiens quand on lui parlait de la garantie de la souveraineté nationale. Alors que la situation était déjà compliquée par loccupation militaire et civile durant de longues années, la période transitoire de lAPRONUC a été marquée par lafflux massif incontrôlé des colons illégaux vietnamiens, venus piller sans ménagement et sans contre partie les ressources du Cambodge. Vu létat du Cambodge, sur tous les plans, ce mouvement dune ampleur sans précédente a été vu par tous comme extrêmement dangereux pour le pays. Et cela pour deux raisons importantes : le déséquilibre démographique suivi dune dilution progressive de lidentité culturelle (car en général les Vietnamiens ne sintègrent pas à la société khmère) et surtout le déséquilibre politique provoqué par la stratégie dintégration indochinoise du Vietnam (Ho Chi Minh disait : " un Vietnamien est un combattant [pour la cause du Grand Vietnam] ") Le CCV a alerté (RDT/CCV-2 page 15) lAPRONUC de cette invasion inadmissible, dénoncé latteinte à la souveraineté khmère, démontré les arrière-pensées du Vietnam dans le cadre de sa politique de destruction/submersion démographique en vue de dominer le Cambodge, et les prolongements néfastes à terme de cette situation intolérable. Nous avons même prévenu quil serait inévitable à ce rythme, que naisse chez les Cambodgiens un sentiment de spoliation qui pourrait tourner à la colère ou à la haine mal contenue. Hélas quelques temps après, notre avertissement sest révélé prophétique. Notre proposition était que lAPRONUC et le CNS sappuient sur une administration et une force quadripartite pour prendre collectivement des mesures immédiates contre limmigration sauvage. Une autre mesure indispensable devait être dannuler tous les traités inégaux et illégaux et les décrets de naturalisation, imposés par le Vietnam au nom de la solidarité indochinoise. Cette proposition visait lefficacité à travers un CNS opérationnel et la réconciliation nationale à travers des missions intégrées pour un objectif hautement national. LAPRONUC ET LES COLONS ILLEGAUXComme nous avons vu plus haut, lAPRONUC et certaines puissances avaient une politique qui nétait pas exactement ce que nous attendions de lAccord. Le CNS vidé de sa substance dunique autorité légale, lAPRONUC agissant seule, lédifice du contrôle efficace sest effondré, laissant la porte ouverte aux laxisme, impunité et débordement. Le nombre des colons vietnamiens grimpait alors en flèche (entre un et deux millions selon les sources). Comme les BCU nétaient mis en place que plus tard, en mars 1993 (un an et demi après lentrée en vigueur de lAccord), le Vietnam a eu largement le temps dinjecter ses soldats paysans. De toute façon, les BCU, malgré leur bonne volonté, navaient que des rôles restreints, limités par leurs faibles moyens logistiques et leur peu dexpérience des lieux. (voir article de William Schawcross déjà cité). Ici comme ailleurs, lobsession électorale mobilisait toute lénergie de lAPRONUC ; la souveraineté nationale était pour plus tard. On ne sait toujours pas si cétait une conviction ou un alibi pour cacher lincapacité à gérer et résoudre cet énorme problème. Curieusement, lAPRONUC et une certaine presse nont voulu voir dans ces flots déferlants que de pauvres innocents venus chercher du travail, profitant de la pluie des dollars de lONU. J.C. Pomonti les a comparés aux maghrébins. Du même coup, les Cambodgiens sont devenus des intolérants. Parce quils ont voulu défendre lintérêt de leur pays, leur travail et la sécurité de leur nation ; ils ont été perçus comme racistes, xénophobes. On les a même accusés dépuration ethnique. Oubliées la souveraineté cambodgienne et lillégalité des entrées clandestines. Oublié létat de faiblesse des hommes et de la société cambodgienne se relevant des ruines de la guerre qui risquait dêtre assommée par la compétition massive des gens valides. Oublié le fait que ces immigrants sincrusteront et pèseront de tout leur poids sur une société handicapée qui aura du mal à se redresser. Les défenseurs de linvasion ne manquaient pas darguments. - Ces colons sont des anciens du Cambodge. Mais ils nétaient pas deux ni un million. Et comment les vérifier ? Depuis 20 ans quils ont quitté le Cambodge, ils ont dû sinstaller ailleurs ou mourir pour au moins moitié. Et que dire des jeunes prostituées ? - Ces Vietnamiens font le travail que ne font pas les Cambodgiens. Peut-être que la guerre a empêché les Cambodgiens de pratiquer certains métiers, mais beaucoup seraient aussi capables si les patrons les employaient. Mais souvent, les entreprises étaient aux mains des patrons dailleurs. Du temps du Général Lon Nol, quand les Vietnamiens étaient partis du Cambodge, léconomie cambodgienne marchait bien avec les techniciens cambodgiens. - Ces travailleurs sont venus parce quil y avait beaucoup de dollars de lAPRONUC. lAPRONUC partie, sont-ils repartis ? La preuve flagrante est que les 30 000 qui avaient fui la peur des Khmers Rouges étaient renvoyés par le Vietnam au Cambodge. - Enfin, Droit de lHomme. Soit. Mais le droit du peuple cambodgien existe également. Pour une plus faible proportion dimmigrés, la riche France ou la riche Italie rejette les immigrés. Pourquoi le pays le plus pauvre du monde a-il-été obligé de supporter linvasion des nationaux dun voisin plus riche que lui ? Le Vietnam est 3ème exportateur de riz. - mais le Vietnam a 60 millions dhabitants. Où est alors la souveraineté dun Etat ? LAPRONUC ET LE RACISME AU CAMBODGEUne fois écartée lidée de restaurer à tout prix la souveraineté du Cambodge vis à vis des colons illégaux, et ce dans la perspective de la stabilité future du Cambodge, la façon dont lAPRONUC voit ces colons diverge de celle des Cambodgiens qui, hantés par lhistoire ancienne, récente et vécue présentement, redoutent le renouvellement des expériences amères. En travaillant à protéger les illégaux, sans résoudre les problèmes de fond cambodgiens, lAPRONUC a dépensé beaucoup dénergies sans laisser dempreintes durablement grandioses au Cambodge. M. Akashi connaît certainement lhistoire du Cambodge dans ses relations toujours perdantes avec le Vietnam. Il sait aussi peut-être que lagression et loccupation du Cambodge auxquelles lAccord de Paris tentait de mettre fin, nétaient pas entreprises pour des motifs humanitaires. Et là où lAPRONUC rédige les textes pour punir le racisme en direction des Cambodgiens hostiles à la présence envahissante des illégaux, était la résidence du Haut Commissaire de France au Cambodge. Ce dernier fut assassiné dans cette résidence, en pleine sieste par celui quon croyait être un innocent travailleur, son serviteur prisé, Viêt-cong. La colère du Général de Lattre de Tassigny à ses obsèques nous rappelle, à nous Cambodgiens, témoins sur place, quil peut y avoir plus grave que lapparence. Une leçon qui ne peut être partagée par tous. La prudence et la vigilance des Cambodgiens pour préserver lavenir nont jamais été bien comprises par lAPRONUC et une certaine presse, souvent induites en erreur par la méconnaissance des expériences locales. Trouver dans le mot YUON le critère du racisme est une plaisanterie qui a eu cours à Phnom Penh (surtout chez certains journalistes, acquis à une certaine idée qui se copient les uns les autres ...). Les Laotiens, les Thaïlandais désignent toujours cette population du Vietnam actuel par ce vocable. Ils ne sont pas taxés de racistes. Il ny a pour ce mot aucune connotation particulière, ni péjorative, ni flatteuse. Si le mot YUON est ressenti par certains comme péjoratif, cela ne peut être dû quà une psychologie personnelle, liée peut-être à la culpabilité expansionniste connue. YUONTAC, humour innocent mais apparemment non sans argument, pouvait peut-être susciter quelques ressentiments défavorables aux Cambodgiens. Stimulée par ces batailles de mots, intéressantes intellectuellement, mais surprenantes pour les Cambodgiens, lAPRONUC a fini par leur apprendre à subir lillégalité des colons. En repartant, elle a laissé de nombreux illégaux Vietnamiens sur leurs bras, et un arsenal important de mesures relatives léguées par lancien occupant. Comment vont-ils réagir ? SITUATION ACTUELLELa presse cambodgienne dans son ensemble parle de façon alarmante de la population immigrée, trop nombreuse, trop dangereuse. Elle souhaite son retour à son pays. Elle presse le gouvernement de prendre des mesures, harcèle lAssemblée Nationale de créer des lois. Latmosphère est à la surchauffe, attisée par des informations répétées sur les annexions continues aux frontières. Des colons vietnamiens sont partout : le long du Mékong, là même où auparavant il ny avait pas de villages vietnamiens, autour des berges du Grand Lac, à Kompong Chhnang, Battambang, Takeo, Prey Veng, Kandal, Kompong Cham, Kratié, Mondulkiri, Rattanakiri... Un déploiement à une échelle insoupçonnée qui frappe intensément tous les Cambodgiens de la diaspora de retour dans leur pays. Avec le problème de chômage et de pauvreté, comment les Cambodgiens perçoivent-ils ces personnes et leurs implantations dans les Centres de grandes ressources ? Rien ne prédispose à loptimisme. La situation se rapproche même de lexplosion catastrophique. HERITAGESix mois après le départ de lAPRONUC, le Cambodge doit se débrouiller. Il lui faut résoudre au mieux ce problème, en évitant la violence. Le Vietnam doit montrer sa bonne volonté pour reprendre ses nationaux, à présent que le Vietnam commence à décoller. Le refuser ne pourra que justifier le soupçon sur sa politique expansionniste. Un seuil de tolérance doit être fixé pour permettre aux cambodgiens de se sortir de leur pauvreté. La communauté internationale, lONU en particulier, dont ce problème est en grande partie lhéritage, doit également aider au retour de ces colons, en très grande partie immigrés sous la période de sa gestion. LES PATRIMOINES ECONOMIQUE ET CULTURELPATRIMOINE ECONOMIQUEOnt été rangés dans le chapitre économique, les ressources naturelles et les biens nationaux et communautaires. Cétait un chapitre douloureux et globalement, il le reste. Nous avions constaté et signalé que ce patrimoine était saccagé par loccupant (cf. RDT/CCV-2, page 16), bradé à grande échelle par lex-régime de Phnom Penh en mal de privatisation privée, sauvage et débridée, et la mainmise écrasante et irréversible des affairistes et finances étrangers à la faveur du désordre de cette période de transition. Nous avons dénoncé le découpage douteux du plateau continental ainsi que lexploitation intensive des mines de pierres précieuses et du bois par la partie du Kampuchéa Démocratique. Nos propositions sont restées en général sans grands résultats, auprès des parties comme auprès du CNS, pour la simple raison que ce dernier, malgré ses moratoires et décisions, navait pas le pouvoir ni lautorité nécessaire. Léchec de lapplication de lAccord de Paris dans les domaines clés explique la poursuite de cette situation, sauf que dans beaucoup de cas, il ny avait plus grande chose à brader. La plus de soixantaine de biens publics de taille vendue a bien rempli les poches personnelles et les caisses du parti ; il fallait ensuite se calmer pour consolider le pouvoir, avec comme résultat immédiat actuel un FUNCINPEC vainqueur des élections, pauvre mais pratiquement inopérationnel, et un vaincu riche qui tisse son réseau en achetant ou en corrompant. Cest un peu limage générale de ce qui reste des élections tenues dans les conditions impropres et précipitées que nous avons dénoncées de façon véhémente (cf. RDT/CCV-2, pages 90 à 98). Quant aux exploitations intensives de la forêt, à la frontière Est comme à la frontière Ouest, la frénésie se poursuit, menaçant lécologie de façon irréparable. Lexploitation intensive des pierres précieuses continue de poser les problèmes graves dépuisement de ressources. LAPRONUC dans ce domaine a été active, efficace par sa grande volonté et sa compétence, comme par sa sensibilité particulière pour lenvironnement et le développement. Ses efforts dans le domaine daide internationale à la réhabilitation ont été porteurs. Mais les retombées sont pour linstant limitées à cause des échecs cités qui nont pas permis dinduire un environnement politique sain et stable nécessaire. Souhaitons que la sagesse lemporte et que le Cambodge sen sorte. PATRIMOINE CULTURELOn pense en particulier dans ce chapitre aux biens culturels. Mais ils ne sont pas les seuls, bien quils mobilisent un intérêt général, tant les monuments dAngkor sont prestigieux. Des efforts internes et internationaux dans ce domaine en vue de restaurer les grands ensembles archéologiques khmers sont prometteurs. La communauté internationale, lUNESCO comme des institutions privées et officielles, les pays qui ont des moyens et lexpérience (France, Japon...), sy sont penchés sérieusement, et mettent en place des structures, procédures et moyens nécessaires. Malgré quelques accrocs de départ, il est raisonnable de penser que les efforts aboutiront à des résultats désirés. Evidemment on ne restaure pas ces sites en un an, ni dans les conditions précaires. Ce sont des uvres de grande envergure, nécessitant une stabilité très grande et un bon climat de développement. Cest là notre crainte majeure. |
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