Comité Cambodgien de Vigilance
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INTRODUCTIONDès lannonce de la conclusion de lAccord de Paris sur le Cambodge du 23 octobre 1993 et bien avant la mise en place des dispositifs pour sa concrétisation sur le terrain par les soins de lONU, des groupes de patriotes khmers résidant notamment en France, tout en manifestant leur satisfaction, nont pu sempêcher déprouver de réelles inquiétudes. Ils redoutaient en effet le dévoiement possible de lapplication de lAccord et de ses annexes. Et ce, pour trois raisons au moins qui seront exposées ci-après. Ils ont donc décidé dun commun accord, à lissue des réunions du 28 décembre 1991 et du 12 janvier 1992, la création du Comité cambodgien de Vigilance (CCV) pour lapplication de lAccord de Paris sur le Cambodge du 23 octobre 1991 (pour surveiller lapplication à dire vrai). Première raisonEn règle générale, tout accord du type de celui de Paris sur le Cambodge, est le résultat des compromis consentis et acceptés avec toujours des arrières pensées : celles pour chacun des signataires den tirer le maximum davantages possible lors de son application. Lexpérience a montré que ladversaire le plus avisé, le moins naïf, le plus retors, arrive toujours à se ménager des positions confortables, souvent décisives, pour remporter la partie. Or, en la circonstance, cet adversaire nétait autre que le Vietnam qui, de surcroît, disposait des atouts majeurs sur le terrain (forces doccupation nombreuses et multiformes, solidement implantées ou camouflées ; structures politiques et administratives bien en main...). Deuxième raisonTout le monde sait que le Vietnam est un adversaire redoutable. Les Vietnamiens sont passés maîtres dans lart de toujours tirer le meilleur parti possible dans ce genre de confrontation, tant pendant les négociations proprement dites que dans le processus dapplication des accords conclus. Il est arrivé très souvent, pour ne pas dire toujours que dans cette dernière phase ils ont réussi à rondement flouer leurs adversaires, même parmi les plus coriaces et les plus sûrs deux-mêmes. Sur ce chapitre les Français et les Américains, en savent quelque chose, eux qui avaient cru un peu vite, que les accords laborieusement négociés puis conclus et signés en grande pompe avec les Vietnamiens, allaient être respectés et appliqués ponctuellement par ces derniers ! Erreur ! La plupart du temps, les accords portant les signatures du Vietnam finissaient plutôt leur vie dans les corbeilles à papier ! Troisième raisonLon se souvient quau lendemain de linvasion et de loccupation du Cambodge par les armées de Hanoi, le monde entier sest senti choqué par lévénement. Le scandale soulevé par cette affaire fut à son comble. Personne na eu de mots assez durs pour stigmatiser cet acte inqualifiable, commis de sang froid en plein vingtième siècle, au mépris de lopinion internationale et en flagrante violation de la charte des Nations Unies. Pendant une bonne décade, lONU sest évertuée à voter résolution sur résolution exigeant le retrait des forces vietnamiennes du malheureux pays occupé. Mais le Vietnam, faisant la sourde oreille, continuait à ignorer superbement les résolutions qui le condamnaient. En revanche, sa diplomatie sest montrée dune activité débordante, frappant à toutes les portes, courtisant le monde entier, prodiguant des promesses aussi mirobolantes les unes que les autres ! Auxquelles dailleurs, il a semblé difficile de ne pas succomber, vu dune part la masse séduisante de ses consommateurs virtuels et dautre part et surtout, le potentiel apparemment alléchant de ses ressources énergétiques. Tant et si bien que certaines puissances parmi les plus véhémentes dans leurs condamnations du Vietnam, se sont vues brusquement muées en supporters décidés et actifs de la tentative hégémonique de Hanoi sur le Cambodge. Lexemple le plus éloquent de ce changement a été illustré par laccueil en grande pompe réservé à M. Hun Sèn par le gouvernement français présidé par Mme Edith Cresson en 1990. Voilà donc en bref, les trois raisons qui ont été à lorigine de notre décision de créer le CCV. A vrai dire cependant, nous devons préciser quelles nont pas été les seuls facteurs décisifs qui nous animaient dans notre action. Des faits, bien antérieurs ceux-là à la signature de lAccord de Paris, ont eu également leur part dans notre décision. En effet : 1. Qui ne se souvient pas davoir entendu les déclarations, répétées à satiété par les dirigeants du Vietnam, notamment par Nguyen Co Thach, le ministre des affaires étrangères à lépoque, selon lequel la situation au Cambodge après janvier 1979 était irréversible. Le but de ces déclarations était parfaitement clair. Elles tendaient à avertir lopinion que le Vietnam entendait garder le Cambodge sous sa domination ; que pour atteindre cet objectif il utiliserait toutes ses ressources politiques et diplomatiques, y compris la ruse, même en cas déventuelles difficultés dans le domaine militaire sur le terrain. Et ce, jusquà la désagrégation complète de toute velléité de résistances doù quelle vienne. Du moins lespérait-il ainsi et le croit-il encore maintenant. De fait, nous navons perçu aucun signe, avant comme après lAccord de Paris, que Hanoi était prêt à renoncer à son idée de faire du Cambodge une annexe du territoire vietnamien. 2. Bien au contraire, le Vietnam sétait ingénié à semer la confusion dans les esprits en imaginant une mise en scène ayant pour thème le retrait unilatéral de ses troupes du Kambuja, (comme sil existait sur le terrain des troupes appartenant à dautres pays étrangers !) Ce faisant, il visait un double objectif : dabord faire croire quen retirant ses troupes de notre pays, le Vietnam nétait plus impliqué dans limbroglio cambodgien ; ensuite tenter daccréditer cette idée - fausse naturellement - que le drame khmer était plutôt le fruit amer dune guerre civile entre le gouvernement cambodgien - entendez le groupe dhomme à sa solde - et les rebelles soutenus par la Thaïlande, la Chine et dans une certaine mesure, par les pays membres de lASEAN, et qui composaient la résistance. Certes le tour de passe-passe était cousu de fils blancs. Il nempêche que certaines personnes et non des moindres, sétaient volontairement ou non laissées prendre au jeu. Cest ainsi que, peu à peu, ces personnes ont cessé de considérer les Vietnamiens comme une menace pour lavenir du Cambodge. Tout en sachant quen faisant mine de partir, les Vietnamiens avaient laissé intact dans le pays tous leurs acquis ainsi que tous leurs atouts pour entre tenir et activer la prétendue guerre civile et en profiter pour consolider chaque jour davantage leur emprise sur ce quils considéraient et considèrent toujours comme une partie intégrante de leur espace vital naturel. 3. Enfin, nous avons assisté avec stupeur à léclosion dune dynamique qui prenait au fil des ans, lallure dune redoutable fatalité. De quoi sagissait-il ? Eh bien, il ne sagissait de rien de moins que dune véritable entreprise de déstabilisation visant à briser lunité du Front National de la Résistance anticolonialiste vietnamien présidé par le prince Norodom Sihanouk lui-même. Des personnalités étrangères et certaines puissances favorables au Vietnam impliquées dans la conspiration étaient parties de cette idée, dailleurs simpliste, que si elles arrivaient à détacher du Front le prince et le mouvement sur lequel il sappuyait, il serait possible de les pousser ensemble dans les bras du tandem Hun Sèn/Chea Sim afin de former un gouvernement de coalition bipartite dans le cadre de la République Populaire du Kambujà, devenue par la suite lÉtat Du Cambodge. Pour mettre toutes les chances de leur cotés, les conjurés déployaient des activités soutenues, tantôt dans une localité toute proche de Paris, tantôt à Paris même, tantôt à Tokyo ou à Jakarta en Indonésie, aux fins de concrétiser leur diabolique plan. Lenjeu pour eux était vraiment de taille ! En effet, si leur plan pouvait aboutir selon leur vu le sort du Cambodge serait à jamais réglé : le prétendu gouvernement dirigé par Hun Sèn au service du Vietnam serait automatiquement légitimé par la présence du prince à sa tête. Par la même occasion et pour ainsi dire par répercussion, la mainmise vietnamienne sur le Cambodge se trouverai ipso facto, et à son tour, légalisée par la Communauté Internationale. Heureusement, pour des raisons diverses, labominable machination na pu aboutir au résultat escompté à lépoque. La vigilance et lhabileté du Prince Sihanouk ont puissamment contribué à déjouer le piège. Mais pour les conjurés, ce ne fut que partie remise.. ! La suite des événements qui se sont déroulés jusquà ce jour a justifié avec éclat nos craintes pour le pire. Et pourtant nous avons eu, en maintes occasions, la conviction que la pertinence de nos analyses des situations, la justesse de nos perceptions des faits et tendances, la vigueur de nos dénonciations des manuvres sournoises ou perfides, ne pouvaient laisser personne dans lindifférence parmi les acteurs impliqués dans le processus de lapplication par lONU de laccord de Paris sur le Cambodge du 23 octobre 1991. Mais force nous a été de reconnaître que les aspirations, bien que contradictoires, à la satisfaction des intérêts égoïstes de certaines puissances - aspirations par ailleurs singulièrement encouragées par les appétits et ambitions personnelles dune poignée de Cambodgiens sans scrupules - ont fini par permettre aux fossoyeurs de la nation khmère de marquer quelques points ! Lesquels, heureusement à notre sens, sont loin dêtre décisifs. Après le départ de lAPRONUC, ladoption dune nouvelle constitution, et les cent premiers jours dun nouveau gouvernement, il convenait que le Comité cambodgien de Vigilance dresse un bilan et évalue les perspectives qui soffrent au pays. Dautant plus que laction de lAPRONUC au Cambodge est, depuis la tenue des élections, souvent citée comme un exemple presque unique de succès dune mission de lONU. En Somalie ou en Yougoslavie lONU a été tenue en échec, voire humiliée, mais au Cambodge - au moins - elle a réussi affirme-t-on souvent. Nous avons trop souvent alerté sur les manquements de lAPRONUC à son mandat et sur les libertés prises avec la lettre et lesprit des Accords de Paris pour ne pas vérifier le bien-fondé de ces cris de victoire. Le lecteur ne manquera pas, nous lespérons, après avoir pris soin de parcourir les lignes qui suivent, de tirer une conclusion identique à la nôtre. Il nous sera alors permis de penser que nous pourrons compter sur sa compréhension et sur sa sympathie agissante pour nous soutenir dans la lutte implacable que nous demeurons décidés à mener sans nous laisser impressionner par les contingences événementielles du moment. |
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