Un modèle probabiliste d'interaction entre l'évolution

environnementale et l'évolution biologique

 

Abrégé

 

Version anglaise

 

I Introduction

 

a) Méthodologie

 

Les sciences biologiques sont caractérisées, historiquement, par une tradition téléologique qui imprègne tous leurs concepts de mots et de notions utilitaires (organes, fonctions, avantages) qui sont, en dernière analyse, des jugements de valeur. Le modèle probabiliste bannit tous ces concepts et postule la nécessité de la neutralité des concepts biologiques.

 

b) L'évolution biologique : constat et causalité

 

Le fait de l'évolution biologique recueille aujourd'hui le consensus de la quasi-totalité des chercheurs. Le modèle standard explicatif actuel est la T.S.E. (La Théorie Synthétique de l'Evolution). Ce modèle explique l'évolution par: 1) les mutations génétiques aléatoires 2) la pérennisation des mutations génétiques avantageuses par la sélection naturelle. La T.S.E. est un modèle finaliste que le modèle probabiliste intègre en l'interprétant de façon neutre. Le modèle probabiliste se présente comme un modèle post-darwinien.

 

c) Environnement et composition de la matière vivante

 

On constate que les 9 éléments chimiques les plus répandus, en masse, en %, dans la composition des organismes vivants (O2 80, H2 10, Ca 1, C 1, N2 1, P 10-1, K 10-1, S 10-1, Si 10-1) se retrouvent dans les 9 éléments chimiques les plus répandus soit dans l'atmosphère terrestre (sur 20 Km), soit dans l'écorce terrestre (sur 15 Km), soit dans l'hydrosphère, à l'exception du phosphore.

Cette convergence ou ce parallélisme entre la présence et l'abondance des éléments chimiques à la surface de la terre et la composition actuelle des êtres vivants se retrouve dans bien d'autres facteurs physiques (ondes électromagnétiques/vision, vibrations sonores/ouie, etc...), chimiques (calcium/endosquelettes et exosquelettes, oxygène et systèmes respiratoires, phéromones/odorat, etc...) ou autres.On peut définir l'ensemble de tous ces facteurs par le terme d'environnement, auquel réagissent les organismes.

 

d) Un modèle probabiliste d'interaction environnement/organismes

 

Un modèle probabiliste d'évolution biologique est proposé, fondé sur la théorie des probabilités et la loi des grands nombres de Bernoulli. La théorie des probabilités peut être sommairement résumée ainsi: les évènements dont la probabilité et les chances (mathématiques) sont faibles ne se produisent pas et vice-versa se produisent ceux dont la probabilité et les chances (mathématiques) sont élevées (exemple des singes dactylographes).

Le modèle probabiliste propose que la constitution actuelle des organismes vivants soit le résultat de l'interaction la plus probable, statistiquement, entre les stimuli de l'environnement et les propriétés spécifiques de la matière vivante. L'environnement ayant évolué depuis le Précambrien, l'évolution des organismes vivants serait également le résultat de l'interaction la plus probable.

 

II L'influence probabiliste de la biochimie du calcium

 

 

 

 

La première application du modèle probabiliste concerne l'influence probabiliste de la biochimie du calcium et les extinctions de masse.

Le cycle carbonate-silicate permet la libération d'ions calcium qui interviennent dans certains processus de biominéralisation. Ces processus, situés à la limite de la chimie organique et de la biologie, permettent l'édification d'exosquelettes ou d'endosquelettes et de la chaine alimentaire marine actuelle du calcium à la base de laquelle se trouve la trinité des algues unicellulaires planctoniques: les coccolithophoridés (nannoplancton à exosquelette calcaire), diatomées (à parois de silice) et dinoflagellés (à parois organiques).

Le calcium, situé au 3ème rang, par ordre d'abondance, dans la croûte terrestre, l'est également au troisième dans les composants chimiques de la matière vivante. La constitution, chez beaucoup d'animaux, d'un important appareil de soutien, entraîne une accumulation de calcium dans l'organisme. Chez l'être humain, 99 % du calcium est concentré dans le squelette et les dents. Le calcium joue un rôle essentiel dans l'exosquelette ou l'endosquelette de nombreux phyla d'Invertébrés et de Vertébrés, de Protistes et de Métazoaires. Le calcium peut être considéré comme un stimulus probabiliste auquel réagissent les organismes par l'élaboration de squelettes. Les variations, au cours des périodes géologiques, de l'influence dans l'environnement de ce stimulus, entraînent, selon notre modèle, de façon probabiliste, une évolution soit morphologique (accroissement de l'importance du squelette chez les Dinosaures et les Rudistes), soit des radiations (Ammonoïdés), soit des extinctions (Dinosaures, Crinoïdes, etc...).

 

III Les extinctions de masse

 

 

 

 

 

Les 5 plus importantes extinctions de masse connues sont les extinctions aux limites des périodes Ordovicien/Silurien, Dévonien tardif, Permien/Trias et Crétacé/Tertiaire, la plus importante étant à la limite P/T, la plus connue à la limite K/T.

Le modèle probabiliste propose que les facteurs perturbateurs de la biominéralisation et de la chaine alimentaire du calcium soient les causes probabilistes des extinctions de masse.

Les facteurs probabilistes favorables à la biominéralisation du calcium (liés ou indépendants) : 1) ions calcium ++ sursaturés 2) température (chaude ou tropicale) 3) bas niveau de CO2 4) calme orogénique et volcanique 5) ph neutre ou alcalin 6) niveau favorable d' O2 7) chaine alimentaire intacte.

Les facteurs probabilistes perturbateurs de la biominéralisation du calcium (liés ou indépendants) : 1) ions calcium ++ sous-saturés 2) glaciations, températures fraîches ou froides 3) niveau plus élevé de CO2 4) orogénie et volcanisme actifs 5) ph acide 6) anoxie 7) rupture de la chaine alimentaire.

 

IV L'extinction de masse à la limite KT(-65 M.A.)

 

Dans son ensemble, l'ère secondaire a été une longue période de 180 M.A. de calme relatif orogénique et volcanique. Un environnement et une sédimentation de caractère calcaire prévaut pendant la plus grande partie du Mésozoïque et particulièrement au Crétacé (comme son nom l'indique). Au Crétacé tardif, on assiste à un réveil de l'activité orogénique et du volcanisme (Trapps du Dekkhan aux Indes - Columbia River et Snake River aux U.S.A.).

Au Mésozoïque prospèrent de nombreux phyla et groupes animaux, tant Vertébrés qu'Invertébrés, avec un squelette interne ou externe important ( vertèbres, rostres, tests, coquillages, etc...) constitués de composés divers du calcium, calcite, aragonite, phosphates, carbonates, sulfates, etc...: Reptiles marins ou terrestres, Rudistes, Ammonites, Foraminifères, Coccolithophoridés, Bivalves, Coraux, etc...

L'extinction de masse au Maestrichtien, à la limite K/T, concerne 50 % des genres (38 % des genres marins), soit 65 à 70 % des espèces (90 % des espèces planctoniques, 100 % des espèces de Reptiles marins, d'Ammonites, de Rudistes, etc...). 100 familles sont éteintes.

Une analyse fine des pourcentages des genres existant au fini-Crétacé qui survivent à la limite K/T (d'après une statistique d'Emiliani, Kraus et Shoemaker 1981) permet de corréler la perturbation de la chaine alimentaire et des processus de biominéralisation et la disparition ou l'atteinte des organismes à métabolisme calcique plus ou moins important.

% de survivants après la limite K/T :

Sur 29 groupes recensés:

4 dont le métabolisme calcique est absent ou mineur ne sont pas ou relativement peu affectés : Radiolaires à squelette siliceux - 93; Dinoflagellés à thèque cellulosique - 78; Elasmobranches à squelette cartilagineux - 67; Diatomées à coque siliceuse - 31.

19 dont le métabolisme calcique est important disparaissent complètement ou sont très affectés : 1) Coccolithophoridés - 13; 2) Foraminifères planctoniques - 13; 3) Ammonoïdés - 0; 4) Belemnoïdés - 0; 5) Ostéichthyens - 4; 6) Ichthyosauriens - 0; 7) Plésosauriens - 0; 8) Coraux - 20; 9) Foraminifères Orbitoïdés -0; 10) Hippuritidés - 0; 11) Chéloniens - 23; 12) Sauroptérygiens - 0; 13) Lacertiliens - 27; 14) Serpents - 0; 15) Crocodiliens - 12; 16) Saurischiens - 0; 17) Ornitischiens - 0; 18) Ptérosauriens - 0; 19) Oiseaux - 0.

3 sont plus ou moins affectés : Nautiloïdés - 50; Pélécypodes - 43; Huîtres - 32.

3 sont épargnés : Amphibiens - 100; Mammifères - 52; Foraminifères benthiques - 75/85.

En résumé, sur 29 groupes, 26 (4 + 19 + 3) soit 90 % des groupes témoignent d'une corrélation (par leur persistance, leur disparition ou leur faible pourcentage de survivants) entre la nature et l'importance de leur endosquelette ou de leur exosquelette et la perturbation de la chaine trophique et des processus de biominéralisation du calcium au fini-Crétacé.

L'examen des aires et des époques d'apparition des Dinosaures, Reptiles terrestres, indique qu'il existe une corrélation, dans l'espace et dans le temps, entre l'apparition des fossiles de Dinosaures et une transgression marine préalable ou concomitante qui permet d'instaurer la chaine trophique probabiliste du calcium. Les 70 sites fossilifères mondiaux de Dinosaures ont connu une transgression marine concomitante ou antérieure du Trias, du Jurassique ou du Crétacé. A contrario, aucun site fossilifère de Dinosaures n'est recensé sans transgression marine concomitante ou antérieure.

On constate l'existence, à la limite K/T, de cinq facteurs (sur 7) probabilistes perturbateurs de la biominéralisation du calcium : 1) des glaciations et températures fraîches ou froides; 2) un niveau plus élevé de CO2; 3) une activité orogénique et volcanique intense; 4) une augmentation de l'acidité du ph; 5) une rupture des chaines alimentaires (extinction du nannoplancton - coccolithophoridés - et du microplancton - foraminifères; disparition des Angiospermes).

D'autres arguments confortent le modèle probabiliste de l'extinction de masse à la limite K/T, aux dépens des autres modèles (impact de météorites, régressions marines, épidémies virales, etc...): acmés et radiations antérieures des phyla; sélectivité de l'extinction de masse, acmés puis disparitions simultanées de groupes animaux éloignés, arguments stratigraphiques, durée de l'extinction de masse, etc...

 

V Les quatre autres extinctions de masse

 

1) L'extinction de masse à la limite P/T (vers - 248 M.A.)

 

C'est la plus importante des extinctions de masse. 200 familles sont éteintes, 13 % des classes animales, 17 % des ordres, 49 à 52 % des familles, 72 % des genres, entre 80 et 95 % des espèces (90 % des formes marines à coquilles, 78 % des familles de Reptiles, 67 % des familles d'Amphibiens).

 

Niveau d'extinction en %:

 

1) Crinoïdes - 100; 2) Cystoïdes - 100; 3) Blastoïdes - 100; 4) Echinides - > 50; 5) Ammonoïdés - 100; 6) Trilobites - 100; 7) Ostracodes - > 50; 8) Brachiopodes - > 75; 9) Bryozoaires - 75; 10) Coraux solitaires - 100; 11) Foraminifères fusulinidés - 100; 12) Gastéropodes - gravement atteints; 13) Bivalves - gravement atteints.

Les Spongiaires, à spicules calcaires ou siliceux, sont peu touchés.

Ainsi 13 groupes sur 14 soit 93 %, à métabolisme calcique important s'éteignent ou sont gravement décimés.

Les facteurs probabilistes perturbateurs de la biominéralisation à la limite P/T sont 6 sur 7 :

1) glaciations aux 2 pôles; 2) niveau plus élevé de CO2; 3) érosion terrigène et volcanisme; 4) hypersalinité des océans; 5) anoxie dans les océans; 6) rupture des chaines alimentaires (disparition des Foraminifères, Coraux, Bryozoaires, etc...).

 

2) L'extinction de masse à la limite Ordovicien/Silurien (vers - 438 M.A.)

 

Les organismes les plus touchés sont : les Bryozoaires, Brachiopodes, Coraux, Trilobites, Graptolithes, Echinoïdes, Crinoïdes. 100 familles sont éteintes.

Les facteurs probabilistes perturbateurs de la biominéralisation à la limite Ordovicien/Silurien sont 3 sur 7 :

1) glaciations et refroidissements; 2) niveau plus élevé de CO2; 3) sédimentation terrigène.

 

3) L'extinction de masse au Dévonien tardif (vers - 360 M.A.)

 

Les organismes les plus touchés sont : les Brachiopodes, Coraux, Trilobites, Algues flottantes, Conodontes, Acritarches, Poissons primitifs, Ammonoïdés. 100 familles sont éteintes.

Les facteurs probabilistes perturbateurs de la biominéralisation à la limite du Dévonien tardif sont 3 sur 7 :

1) glaciations et refroidissements; 2) niveau plus élevé de CO2; 3) érosion intense : Vieux Grès Rouges.

 

4) L'extinction de masse au Fini-Trias ( vers - 208 M.A.)

 

Les organismes les plus touchés sont : les Brachiopodes, Ammonoïdés (Cératitidés), Mollusques bivalves (Taxodontes), Gastéropodes, Conodontes. 100 familles sont éteintes.

Les facteurs probabilistes perturbateurs de la biominéralisation à la limite du Fini-Trias sont 2 sur 7 :

1) l'orogénie et le volcanisme; 2) l'hypersalinité des eaux transgressives.

 

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L'histoire des récifs tropicaux (leur acmé et leur disparition) coïncide avec la présence des facteurs favorables ou perturbateurs de la biominéralisation. D'autres arguments a contrario confortent le modèle probabiliste. Ainsi, les organismes à métabolisme calcique faible ou nul sont peu ou pas affectés par les extinctions de masse (Insectes à squelette chitineux, Arachnides, Annélides, Spongiaires siliceux, etc...).

 

VI L'explosion cambrienne

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On peut schématiser l'"explosion cambrienne" en 4 périodes significatives:

1) La période vendienne, antérieure à l'explosion cambrienne et qui l'annonce (565/543 M.A.) caractérisée par l'émergence soudaine des métazoaires à corps mou.

2) L'apparition des S.S.F. (Small Shelly Fossils) caractérisée par de nombreux organismes minuscules à coquilles, des spicules et une faible diversité (543/530 M.A.).

3) Les radiations tommotienne et atdabanienne (530/525 M.A.) avec l'émergence de la plupart des lignées modernes et de nombreuses lignées éteintes (à squelette dur et à corps mou) et leurs innovations biologiques.

4) La faune de Burgess Shale (vers 520 M.A.) qui prolonge les radiations tommotienne et atdabanienne et l'évolution des lignées qui y sont apparues (à squelette dur et à corps mou).

Selon le modèle probabiliste, l' "explosion cambrienne" est déclenchée par deux paramètres de l'environnement :

1) les facteurs probabilistes favorables à la biominéralisation du calcium pour les organismes à squelettes minéralisés.

2) le seuil atteint par l'augmentation du taux d'oxygène dans l'atmosphère (PO2 P.A.L.), vraisemblablement > 0,10 au Cambrien, permet l'édification d'organismes plus ou moins grands et plus évolués que les animaux à respiration strictement épithéliale.

 

VII L'influence probabiliste de l'iode dans l'évolution biologique 

 

Les sources ponctuelles issues de l'intérieur de la croûte terrestre (eaux minérales et sources d'eau chaude, eaux salées des gisements de pétrole, de tourbes et charbons), ont les teneurs en iode les plus grandes. Puis viennent, en moyenne, par ordre décroissant, les mers et océans (2,3 10-4 g %), les roches sédimentaires (10-4 à 10-5 g %), les roches éruptives (10-5 g %), puis les eaux de pluie (10-6 g %). L'air marin (1,5 10-5 g/m3) contient 12 à 13 fois plus d'iode que l'air continental (1,1 10-6 g/m3). De même, chez les êtres organisés, animaux et végétaux, les teneurs en iode sont plus ou moins importantes, selon leur origine marine ou terrestre, algues (10-3 g %), poissons marins (10-3 à 10-4 g %), viandes (10-5 à 10-6 g %), végétaux terrestres, pain, légumes, etc...(2 10-6 g %).

L'iode, 47ème corps par ordre d'importance sur la croûte terrestre (5,83 10-8 %) est concentré dans les éléments liquides (mers et océans, lacs et fleuves) puis les roches sédimentaires. La teneur actuelle en iode dans les océans est à une concentration que le seul lessivage de la croûte terrestre ne saurait expliquer. Il doit provenir d'un dégazage, au cours des périodes géologiques, de l'intérieur du globe terrestre, de l'asthénosphère, analogue à celui qui se produit encore aujourd'hui lors des éruptions volcaniques avec dégagement d'acide iodhydrique (fumerolles du Vésuve), dans les sources d'eau chaude (Boeloe à Java) et dans les failles des Rifts.

L'iode est indispensable au développement de l'encéphale. L'influence de l'iode dans le développement du tissu cérébral chez l'homme a été mise en évidence par de nombreuses recherches. Chez l'homme, l'organisme adulte contient de 15 à 20 mg d'iode dont 70 % à 80 % se trouve dans la thyroïde. L'influence de l'iode sur le développement de l'encéphale est bien connu: myxoedème congénital des hautes vallées montagneuses, qui produit un nain physiquement et un idiot intellectuellement, en raison de la pauvreté de l'eau en iode, carence en iode agissant directement sur le développement du cerveau ou insuffisance thyroïdienne liée à un manque de développement de la thyroide. De nombreuses études ont montré que la déficience en iode dans l'alimentation est néfaste à la croissance du cerveau. La carence en iode entraîne une production insuffisante d'hormones thyroïdiennes indispensables à la croissance et au développement du cerveau. Un article paru dans le Journal de Médecine de Nouvelle-Angleterre (Mars 1996) met en évidence que la thyroxine qui traverse le placenta de la mère vers le foetus est nécessaire au développement du cerveau du foetus. Dans le passé, d'autres études ont également montré que de bas niveaux de thyroxine sont présents chez les enfants mentalement retardés. Les experts de la santé estiment que 100.000 crétins naissent chaque année dans le monde en raison de carence d'iode. Le crétinisme (Iode Deficiency Disorder) résulte d'une sévère déficience en iode pendant le début de la grossesse. La carence en iode est la cause la plus fréquente du retard mental dans le monde. On estime, qu'en 1997, 54 millions d'Indiens souffrent de goitre, 6,6 millions de retards mentaux et 2,2 millions de crétinisme, pour cause de déficience en iode (O.M.S. 1998).

Les scénarii de l'hominisation, c'est-à-dire l'évolution d'une lignée de Primates, en l'espèce Homo sapiens ou la sous-espèce Homo sapiens sapiens, sont très nombreux. Ils se fondent sur un certain nombre de caractères dont les plus fréquemment invoqués sont : les outils, la bipédie et la main libre, le volume du cerveau et les différentes activités culturelles (langage, vie sociale, division du travail, facultés mentales, etc...).

Le modèle probabiliste nous amène à rechercher si une corrélation probabiliste peut être établie entre les sources et la diffusion de l'iode à la surface du globe et cette encéphalisation, simplement caractérisée par l'accroissement du volume du cerveau et de ses circonvolutions, leur complexification, et l'évolution des Hominidés. Notre recherche concerne, d'une part, les périodes géologiques et préhistoriques, d'autre part, à l'heure actuelle, la localisation et l'intensité de peuplement de la sous-espèce Homo sapiens sapiens. Notre modèle de corrélation iode/encéphalisation des Hominidés ne se présente pas comme un modèle réducteur et une explication univoque aux processus d'hominisation mais comme un facteur probabiliste, c'est-à-dire prédominant, parmi la pluralité des facteurs causals possibles.

L'évolution de l'accroissement du volume du cerveau, qui a presque quadruplé depuis environ 4.500 M.A., va de 360 cc (Ardipithecus ramidus) à 1350 cc (Homo sapiens sapiens), en passant par 485 cc (Australopithecus africanus) et environ 650 cc (Homo habilis).

Nous avons recherché si une corrélation statistique peut être établie, dans l'espace et dans le temps, entre les sources de l'iode au cours des époques géologiques (volcaniques et fissurales) et les principaux sites fossilifères connus suivants :

1) Afrique : Afrique du Nord (10), Afrique orientale (24), Tchad (1), Afrique du Sud (13) - 48 sites

2) Moyen-Orient : 8 sites

3) Asie: Iraq (1), Uzbekistan (1), Iran (1), Inde (1), Géorgie (1), Pakistan (2), Java (7), Chine (25) - 39 sites

 

Sur 95 sites, 88 sites soit 92,6 % sont sous influence volcanique ou fissurale et 7 soit 7,4 % ne le sont pas. Une corrélation de 92,6 %, dans l'espace et le temps, entre les sites fossilifères et les zones volcaniques et fissurales proches exclut toute répartition au hasard et conforte notre modèle.

L'analyse du site d'Olduvai révèle que dans les 7 formations fossilifères, tous les 216 sites connus sont sous influence volcanique (cendres, tufs éoliens ou aériens, sédiments et détritus volcaniques, etc...) et lorsque les émissions sont datées, elles coïncident avec les datations fossilifères : Laetoli : Sandiman; couche I : Ngorongo, Olmoti; couches Masek : Kérimasi; couches Ndutu et Naisiusiu : Oldoinyo Lengai.

L'analyse des sites fossilifères néandertaliens européens (la plus grande partie des sites néandertaliens) donne les résultats suivants :

1) Sites sous influence volcanique proche (sources situées de 0 à 100 Km) : 76 sites

2) Sites sous influence volcanique possible (sources situées à plus de 100 Km): 2 sites

3) Sites sans influence volcanique avérée : 6 sites

Sur 84 sites , 90 % (76/84) sont sous influence volcanique proche

2 % (2/84) sont sous influence volcanique possible

8 % ( 6/84) sont sans influence volcanique avérée

Ces pourcentages établissent une corrélation sans équivoque entre la localisation des sites et une influence volcanique proche excluant toute répartition des sites fossilifères dûe à une distribution au hasard. On observe également, a contrario, l'absence presque totale de sites fossilifères d'Hominidés, jusque vers la fin du Paléolithique moyen, dans les régions dépourvues d'activité volcanique au plio-pléistocène.

 

VIII Iode et peuplement actuel d'Homo sapiens sapiens

 

Les sources contemporaines de l'iode sont, par ordre décroissant : 1) les mers et océans avec une teneur moyenne en iode de l'ordre de 2,3 10-4 g % (les poissons marins contiennent de 40 à 100 fois plus d'iode que les aliments d'origine terrestre, légumes, pain, viandes, fruits, etc...), l'air marin contient 12 à 13 fois plus d'iode que l'air continental; 2) les lacs avec des teneurs moyennes inférieures à 7 10-5 g %; 3) les fleuves avec des teneurs de 4 10-6 à 5 10-5 g %; 4) les roches sédimentaires, de 10-5 à 10-4 g % (cela dépend de l'éloignement de la mer et de la profondeur). D'autres sources ponctuelles contiennent plus ou moins d'iode, les produits solides ou gazeux de l'activité volcanique, certaines eaux minérales (6 10-2 g % à Java - Boeloe), la tourbe (1 à 4 10-3 g %), les eaux salées des puits de pétrole (4 10-3 à 10-2 g % ), etc...

Nous avons analysé, en fonction de leur proximité des sources les plus importantes d'iode, par ordre décroissant (mers M, volcans V, lacs L et continents C) l'intensité de peuplement actuel de la terre (statistiques 1993/1994) :

 

1) Les agglomérations à partir d'un million d'habitants

 

M : 68 % )

V : 6 % ) Densité : 158 H/Km2

L : 3 % )

 

C : 23 % Densité : 1,5 H/Km2

 

2) Les densités mondiales de population

 

M : 51 % Densité : 137 H/Km2 - M/MC : 137/91 = 1,5 fois

MC: 18 % Densité : 91 H/Km2 - MC/C : 91/16 = 5,5 fois

C : 31 % Densité : 16 H/Km2 - M/C : 137/16 = 9 fois

 

3) Un cas exemplaire : les Etats-Unis

 

M : 53 % Densité : 92 H/Km2 - M/MC : 92/38 = 2,5 fois

MC-LC: 22 %  Densité : 38 H/Km2 - MC-LC/C : 38/10 = 4 fois

C : 25 % Densité : 10 H/Km2 - M/C : 92/10 = 9 fois

Ces résultats sont tout à fait en phase avec les moyennes mondiales correspondantes (1,5 fois, 5,5 fois et 9 fois).

 

4) Le peuplement insulaire

 

9 % de la population mondiale pour 1,50 % de la superficie - Densité 238 H/Km2

 

5) Les plus faibles densités

 

3,80 % de la population mondiale pour 40 % de la superficie - Densité 4 H/KM2

 

6) Les plus fortes densités

 

32 % de la population mondiale pour 4,50 % de la superficie - Densité 287 H/KM

 

7) Conclusions

 

Si nous résumons les résultats obtenus dans ces différentes recherches, nous constatons qu'ils laissent apparaître une corrélation sans ambiguité entre la proximité des vecteurs actuels de l'iode et l'intensité des densités de peuplement de la terre, avec des densités croissantes allant (H./Km2), de 4 (plus faibles densités super-continentales), à 16 (continentales), 91 (maritimes-continentales), 137 (maritimes), 238 (insulaires) et 287 (plus fortes densités insulaires, maritimes, lacustres et volcaniques) .

 

IX Un modèle probabiliste d'interaction entre l'évolution de la PO2 PAL et l'évolution biologique

 

Après le calcium et l'iode, une troisième application de l'interaction probabiliste entre l'évolution environnementale et l'évolution biologique est proposée. Elle concerne l'évolution du taux d'oxygène moléculaire libre dans l'atmosphère terrestre au cours des âges, qui peut également être considéré comme un stimulus auquel réagissent les organismes, son origine et ses conséquences.

L'enrichissement en PO2 P.A.L. libre du système croûte/océan/atmosphère est intervenu, principalement, à la suite de réactions photochimiques groupées sous le terme générique de photosynthèse et, marginalement, de la photolyse de la vapeur d'eau. Ce processus est, actuellement, essentiellement, le fait des végétaux. On estime le pourcentage actuel d'oxygène moléculaire libre à 5 % du total de l'oxygène présent à la surface de la croûte terrestre.

Les étapes les plus importantes vont de :

Hadéen-Protorézoïque (4.600 à 2.500 M.A.) : PO2 P.A.L. de 0 à 0,005

2.000 M.A. : PO2 P.A.L. = > 0,01

Vendien (565 M.A.) : PO2 P.A.L. = > 0,07

Cambrien (544 M.A.) : PO2 P.A.L. = > 0,10

Dévonien (408 M.A.) : PO2 P.A.L. de 0,65 à 0,74

Cénozoïque (65 M.A.) : PO2 P.A.L. 1

Selon le modèle probabiliste, l'évolution du taux de PO2 P.A.L. dans l'atmosphère, depuis l'Archéen jusqu'à nos jours, est un paramètre prédominant, probabiliste, de l'évolution des organismes vivants, des procaryotes aux Vertébrés "supérieurs". De façon concomitante avec l'accroissement du taux de PO2 P.A.L., on assiste à l'émergence d'organismes aux besoins d'oxygène de plus en plus importants :

3.850 à 2.000 M.A. : PO2 P.A.L. de 0 à 0,01 - cellules procaryotes

1.900 à 1.500 M.A. : PO2 P.A.L. > 0,01 - cellules eucaryotes aérobies

565 à 544 M.A.(Vendien) : PO2 P.A.L. > 0,07 = < 0,10 - métazoaires dipoblastiques et tripoblastiques

544 à 505 M.A. (Cambrien) : PO2 P.A.L. > 0,10 - respiration aquatique cutanée et branchiale

438 à 408 M.A. (Silurien) : PO2 P.A.L. > 0,13 - Première apparition des appareils pulmonaires et trachéens chez les Vertébrés et les Invertébrés. Premiers fossiles d' Invertébrés à respiration aérienne, arachnides (le plus ancien connu, un trigonotarbide daté de 414 M.A. à respiration pulmonaire), scorpions marins (Palaeophonus du Silurien supérieur), myriapodes. Sécrétion d'exosquelettes et d'endosquelettes, acquisition de la vessie natatoire chez les Actinoptérygiens (Silurien supérieur) qui deviendra un poumon chez les Dipneustes au Dévonien .

408 à 360 M.A. (Dévonien) : PO2 P.A.L. de 0,65 à 0,74 - Diversification simultanée des différents modes de respiration aérienne, cutanée, pulmonaire, trachéenne, mixte. "Explosion", à partir du Dévonien, de la respiration aérienne dans la plupart des groupes de Métazoaires et particulièrement chez les Arthropodes et les Vertébrés. La respiration aérienne se développe à la fois sur terre et dans les milieux aquatiques.

360 à Actuel : PO2 P.A.L. 1 - Epanouissement des possibilités respiratoires pulmonaires et trachéennes chez les Vertébrés (Reptiles, Mammifères, Oiseaux) et les Invertébrés (Mollusques : gastéropodes pulmonés terrestres, Insectes, etc...).

Cette évolution probabiliste de l'évolution biologique sous l'influence de l'accroissement du taux de PO2 P.A.L. passe par un certain nombre d'étapes décisives, conditionnées par ce qu'on peut désigner sous le terme de seuils, qui sont les minima à partir desquels les organismes ou les systèmes biologiques respiratoires ont la possibilité d'apparaître.

PO2 P.A.L. = > 0,01 - 2.000 M.A.- Seuil de 0,01 PO2 P.A.L. pour la respiration aérobie des protistes - émergence vers 1.900 des plus anciennes cellules eucaryotes aérobies connues (Gryptania spiralis).

PO2 P.A.L. > 0,07 = < 0,10 - 565 - 544 M.A. (Vendien) : Seuil de production de métazoaires à corps mou qui nécessitent, pour la production de collagène, de muscles et la respiration cutanée (ver marin Dickinsonia ), un minimum de 0,07 PO2 P.A.L.

PO2 P.A.L. = > 0,10 - 544 à 505 M.A. (Cambrien): Seuil de respiration aquatique cutanée et branchiale, de nombreuses innovations biologiques, circulation coelomique, appareil circulatoire hémal ou sanguin, pigments respiratoires, seuil de biominéralisation et de sécrétion d'exosquelette de phosphate et/ou de carbonate de calcium.

PO2 P.A.L. > 0,13 - 438 à 408 M.A. (Silurien) - PO2 P.A.L. 0,65 à 0,74 - 408 à 360 M.A. (Dévonien): Seuil de respiration aérienne (absorption d'oxygène gazeux atmosphérique et non plus seulement dissous dans l'eau) avec l'augmentation de la PO2 P.A.L. au Silurien. Première apparition des appareils pulmonaires et trachéens chez les Vertébrés et les Invertébrés. Au Dévonien, avec un taux de PO2 P.A.L. porté à 0,65/0,74, la diversification simultanée des différents modes de respiration aérienne, cutanée, pulmonaire, trachéenne, mixte, devient possible.

PO2 P.A.L 0,93 - 360 à 295 M.A. (Carbonifère) : Epanouissement des possibilités respiratoires trachéenne et pulmonaire.

PO2 P.A.L. 1 - 295 M.A. - Actuel (Permien, Mésozoïque, Cénozoïque) : Possibilités respiratoires aériennes actuelles complètes.

La chronologie du développement des systèmes respiratoires, aérobies, aquatiques (cutanés et branchiaux) puis aériens (cutanés, trachéens et pulmonaires) chez les protistes (cellules eucaryotes) puis les métazoaires (faune vendienne, Vertébrés et Invertébrés à respiration aérienne) ne peut être considérée comme fortuite. Elle est parallèle et concomitante avec l'évolution de la PO2 P.A.L. Elle concerne, simultanément, la plupart des taxons existants. On peut donc considérer, à juste titre, que le dénominateur commun de l'émergence des différents systèmes respiratoires est le taux de PO2 P.A.L. Soit, vraisemblablement, autour de 0,01 pour la respiration des cellules eucaryotes aérobies, environ 0,07 pour la respiration aquatique cutanée, de 0,10 à 0,16 pour la respiration branchiale et probablement vers 0,67 pour la respiration aérienne.

 

X Conclusions générales

 

Les corrélations que nous avons établies dans les trois applications du modèle probabiliste (influence du calcium, de l'iode et de l'oxygène) entre des paramètres chimiques de l'environnement et une évolution orientée des groupes animaux n'ont rien de commun avec des corrélations accidentelles. L'acmé et la disparition d'organismes à métabolisme calcique important, la concomitance, dans le temps et l'espace, de sites fossilifères d'Hominidés et de sources volcaniques d'iode, l'accroissement du taux de PO2 P.A.L. et l'émergence de nouveaux taxons et de nouveaux systèmes respiratoires valident le modèle probabiliste d'interaction entre l'évolution environnementale et l'évolution biologique. Loin d'être des corrélations dûes au hasard et imprévisibles, ces corrélations entre paramètres de l'environnement et évolution des organismes apparaissent comme des concomitances induites par la loi des probabilités engendrant des évolutions biologiques prévisibles. 

Le Principe d'optimisation globalise, au moyen de la loi des grands nombres de Bernoulli, dans le domaine biologique, les principes d'économie qui régissent les phénomènes physiques généraux (mouvement le plus court, énergie minimale, moindre action). Le Principe d'optimisation apparaît donc, en dernière analyse, comme l'expression synthétique biologique de la théorie des probabilités, appliquée aux processus biologiques.

La T.S.E. (Théorie Synthétique de l'Evolution) constitue, aujourd'hui, le modèle standard pour l'explication de l'évolution. Le modèle probabiliste ne s'oppose pas à la T.S.E. et à ses acquis: mutations génétiques, taux de mutations, génétique des populations, expériences des cages à populations, etc... Il intègre la T.S.E. en interprétant, de façon différente, les relations entre organismes et environnement. Selon la T.S.E., l'interaction permanente entre les variations génétiques aléatoires et la sélection naturelle, qui trie les variations favorables, assure l'adaptation des organismes au milieu. Selon le modèle probabiliste, l'interaction permanente entre les organismes et un environnement fluctuant, oriente les mutations génétiques. Cette interaction, non finaliste, de nature probabiliste et optimale, assure l'adaptation des organismes à leur environnement. La T.S.E. interprète ainsi les résultats des expériences des cages à populations comme la survivance des plus aptes (jugement de valeur). Le modèle probabiliste intègre ces faits, en les interprétant de façon différente, objective, comme la résultante de la théorie des probabilités. Les individus, ou les espèces, dont les chances mathématiques de survie sont les plus grandes, par leur robustesse, ou tout autre facteur, sont ceux qui survivent. Ainsi, la fécondité, comme tout autre avantage, n'est plus interprété, dans le modèle probabiliste, comme un avantage qui pérennise l'individu ou l'espèce, mais comme un accroissement des chances mathématiques de survie. Les individus, ou les espèces, dont les chances mathématiques de survie sont plus faibles (plus fragiles, plus vulnérables, moins féconds, etc...), sont éliminés. C'est l'application simple, dans ces expériences, de la loi des grands nombres. Comme la relativité einsteinienne a absorbé la gravitation newtonienne, le modèle probabiliste intègre les variations génétiques de la T.S.E. et leurs prolongements, taux de mutations, génétique des populations... en les orientant et en substituant à une logique finaliste, la sélection naturelle, une logique neutre, probabiliste et optimisante.

Pour conclure, il est significatif de rappeler que l'utilisation de la théorie des probabilités est une constante dans l'étude et la modèlisation de nombreux phénomènes naturels. Citons, pour mémoire, la mécanique statistique, la thermodynamique (notamment sa seconde loi), la théorie cinétique des gaz, la physique quantique, les lois de Mendel en génétique, etc...

 

Suite : I Introduction

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