John Brunner
Depuis notre première rencontre, en 1964, au cours d'une réception, en Californie, j'ai gardé la nette impression qu'il était de ces gens qui ne cessent de vouloir se détruire. Un jour, comme on m'avait emmené chez lui, à Marin County, je le vis avaler de véritables poignées de pilules multicolores qu'il tirait de ce qu'en Angleterre nous appellerions une bonbonnière.Et je me suis dit: c'est lui, ce type apeuré, tout timide, qui a peint ces incroyables tableaux d'un autre monde que sont Le maître du Haut-Château, Docteur Bloodmoney ou La Vérité avant-dernière?
C'était bien lui, pourtant. Et lorsque j'ai commencé à le connaître un peu mieux, surtout lors d'un des premiers festivals de Metz, je me suis souvent posé cette question: comment se peut-il qu'un esprit d'un tel éclat créatif habite une enveloppe corporelle aussi malheureuse? Car c'est ainsi qu'il a dû vivre.
C'était une des personnes les plus tristes que j'aie jamais connue. Il était incapable d'aider les autres à trouver le bonheur, sauf en leur en donnant l'ordre... ou en écrivant ses livres, qui demeureront son éternel testament.